Fiction: Les condamnés

La Bataille de Sekigahara d'octobre 1600 s'est terminé il y a des mois. Les fuyards attrapés par les forces Tokugawa sont ramenés dans la bourgade de Konoha, où les villageois se tiraillent la peine de ceux qui ont jeté la honte sur leurs noms. Les héritiers claniques sont sauvés, tandis que les deux malheureux, Uzumaki l'infortuné et Uchiha le damnés, attendent leur peine attachés au saule de la place.
Drame / Romance / Spirituel | Mots: 16662 | Comments: 8 | Favs: 4
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Abey (Féminin), le 20/12/2014
Malheureusement aucune bonne idée pour ce chapitre en deux temps.



Chapitre 8: L'état des choses



L'état des choses

Les cloches de bronze provenant du coeur du Shitsudera, retentissaient dans tout le village, jusqu’au coeur de l’Omiyogi, le sanctuaire à son opposé. La pluie s’était abattue drue sur les toits de taule, de paille et de bois pentus.
Relevant la tête, le visage rouge de colère, la jeune servante, désormais libre, cessa ses prières.
Elle se souvenait qu’autrefois, les habitant de son village, et les personnes qu’elle fréquentait s’étonnaient de sa grande piété. Et pourtant elle répugnait à se rendre au temple de bois sombre et au parquet craquelant, et y préférait les shogi de papier clairs et les nattes confortables du sanctuaire.

Aussi, personne n’osait jamais la déranger lorsqu’elle s'assoyait au devant des peintures divines. Personne, sauf Yamanaka Ino l’impétueuse, qui, loin d’être aussi pieuse, se pavanait souvent, parfois indécemment vêtue, derrière Sakura, à disserter sur ses éternels soucis.
Mais ce soir, lorsqu’elle se présenta à elle, honteuse, la jeune Haruno ne lui pardonna pas.
“Agir ainsi”, se répétait Sakura. “Mépriser ainsi des combattants. Quelle malédiction s'est-il abattue sur Konoha?”
Elle les avait soutenus. Elle les avaient tant de fois défendu. Lorsque la mère Inuzuka s’emportait contre sa suivante, à hurler à qui voulait l’entendre que les mauvaises moissons de l’année annonçaient la défaite prochaine de l’Est, Sakura, seule, défendait à en perdre haleine l’honneur de ses jeunes camarade.
Elle le savait, Kiba aurait été fier d’elle.

_Vous devriez y aller, maintenant.
Sortant de ses songes, Sakura se tourna vers la porte entrouverte, et observa, silencieuse. Rabattant le pan de sa robe, elle fit face à l’intruse qui finit par avancer.
_Vous m’avez fait peur, Shuei-san 1!
_Pardon, dit-elle de son ton désinvolte.
La jeune femme s’avança dans la salle de prière, et se mit face à l’autel.
_La rumeur disait ce soir que vous partiez. Je n’en ai pas douté une seule fois! La fin était proche après tout.
_Je penser justement m’en aller…
_J’ai par ailleurs écouté votre conversation avec la fille Yamanaka…

Grimaçant, Sakura se tut tout de même. Elle savait que cette jeune fille au teint pâle et aux cheveux noirs de jais était discrète comme une ombre. Les villageois l’appelait parfois Hokori, la “fine poussière”. Son clan était le garant des traditions, reconnus dans toute la régions. Ses hommes, comptant parmi les plus pieux, formaient une sorte de milice des mœurs. Ils étaient tant craints que certains villageois se voyaient punis à la moindre grivoiserie prononcée.
Personne ne s’amusait donc à chercher querelle aux Hyuuga, dont le pouvoir était assis bien avant la régence des Sarutobi.
Restait que la jeune fille qui faisait face à Sakura, au sourire figé et aux yeux hyalins, semblait bien loin de la réputation rigide des membres de sa famille. Car Hyuuga Hinata, toujours vêtue de son chihaya 2, semblait divines, transcendante de par sa présence. Parfois même en était elle effrayante, tel un fantôme.

_J’ai aperçu de loin trois silhouettes s’échapper vers les berges, dit-elle tranquille.
_Que voulez vous dire?
Face au silence de la gardienne du temple, Sakura se précipita vers la sortie nord, d’où provenait Inoue quelques temps plus tôt, et se mit à observer au loin le saule isolé.
Rien. Pas un badaud de par ce temps pluvieux. Pas un chien errant. Mais ce qui semblait être des branches et feuillages mal dispersés, et des cordes de chanvre découpées et arrachées attira l’attention de la jeune fille.
N'osant se mouiller, elle resta là un moment, à penser au tord qu'elle infligea plus tôt à la jeune Yamanaka, qui contre toute attente, les avait sauvé.

_Ils sont partis, conclut-elle. Partis…
Dans un bruit sourd, elle tomba à genoux sur le parquet de bois, soulagée, sanglotante, et joignit ses mains au dessus du visage.
_Merci, merci, murmura-t-elle. Merci!
Hinata la rejoignit et s’agenouilla à sa hauteur. Elle prit les mains de la pieuse, et psalmodia quelques minutes, avant de reprendre:
_Je n’ai pas sonné les gardes. Et pourtant, leur fuite signe l’arrêt de mort de mon cousin, je le sais bien.
_Pourquoi votre cousin Neji-san risquerait il sa vie pour eux? s’égosilla Sakura. Les villageois l’ont sauvé de la mort, ce matin même!
_On les cherchera. On les traquera jusqu’à leur mort. Les attacher à ce saule ou leur laisser quelques heures de liberté, le résultat sera le même: au final, ils seront morts avant l’hiver.
Se relevant et marchant vers le couloir adjacent, Hinata reprit:
_Tous ces jeunes gens étaient condamnés dès leur départ au front il y a un an. Quant à Uzumaki et Uchiha, c’est leur naissance qui est maudite. C’est injuste pour certains, et leur mort profitera à d’autres. Mais c’est ainsi.
Sakura compris l’allusion. La disparition du fils de Hiyashi Hyuuga, et le rapprochement méthodique des Inuzuka sonnait le temps du grand changement pour Hinata. Elle pouvait espérer régner à la tête de sa famille, ne serait-ce qu’en attendant son mariage.
Commençant à avancer, elle continua:
_Et puis si ces habitants ne mettent pas la main sur les fuyards, ils clameront vengeance, et condamneront les autres. Tous les autres.
_Ils vivront! hurla Sakura.
_Si tu n’es pas apte à écouter la simple vérité, alors il est temps pour toi de partir.
Elle finit ainsi:
_Ma mère me disait petite que la naïveté perdait bien trop souvent les femmes. Ne sois pas sotte. Imeji n’est pas bien loin en évitant le col du Yamase. Que ton voyage soit sans encombres, Sakura.
Disparaissant dans les méandres du sanctuaire, en chantonnant une vieille chanson de la région, la placide Hyuuga laissa Sakura seule, dans la chaleur nocturne de ce mois de juin. Le vent souffla de plus bel, et, toujours sanglotante, la jeune fille s’empara de son ballotin, couvrit ses cheveux, remit ses geta sur le parquet de bois sombre, et posa pied a terre, sur le chemin de gravier .



*




Les cloches sonnaient sans interruption depuis quelques minutes déjà. Au nord du village, aux portes du temple, l’agitation régnait.
Les servantes, les moines et disciples, et tous les petites gens qui faisaient vivre le temple était en alerte: la jeune Yamanaka avait disparu, alors que de l’autre côté du village, on savait que les condamnés du matin s’étaient enfuit.
Lee marchait de long en large dans l’antichambre de la salle de réception des Inuzuka; la régente, Tsume-sama, l’y avait prestement mandé quelques instants plus tôt. Elle avait fait chercher le moine en palanquin, mais les porteurs s’étaient vu refuser le “privilège de se faire porter” par l’homme qui considérait que courir par lui même lui serait plus bénéfique. Car jamais personne n’avait vu le moine Lee dans un tel état.
Il avait déambulé pendant des heures à la recherches de la jeune Yamanaka, après leur chamaillerie du matin.

Bien que Lee trouva la jeune fille bien trop immature pour son âge, Yamanaka était déjà en âge de se marier, et de fonder un foyer. Elle était si jolie et si sagace qu’elle se voyait dans l’obligation de décliner chaque semaine des demandes de jeunes ronin et fermiers des environs. La jeune fit n’y mettant pas les formes, elle se faisait vivement reprendre par son instructeur, à savoir Lee.
Et comme chaque matin, Ino Yamanaka prenait la fuite et se rendait au dojo, rêvant de revêtir le hakama de l’école des clans à nouveau, et de combattre férocement ses anciens camarades, comme elle le faisait petite. Mais son père décédé et son héritage retiré, elle se voyait refuser cette vie d’homme, et se contentait d’observer son amie Sakura combattre au bâton Kiba, le fils Inuzuka.
Lee marchait toujours de long en large. Il cherchait.
“Où a pu-t-elle aller en cette nuit pluvieuse? Personne ne l’a plus vu depuis cet après-midi…”

La porte coulissa avec force. Lee leva un sourcil en voyant Hana, la fille aînée de la famille, venir accueillir elle-même un visiteur.
_Entrez! Ne nous embarrassons pas de longues salutations, ni de servantes. Ils vous attendent.
Lee acquiesça avec soulagement. Il n’avait que faire des codes qui incommodait les relations et échanges de la vie de tous les jours, surtout dans un moment pareil.
Il entra donc, déjà déchaussé. Baissant la tête, il dit:
_Veuillez excusez mon état, mais il semble que les cieux soient agités ce soir.
Les gouttes de pluie ruisselaient encore sur les nattes de jonc et de paille, alors que les cheveux noirs et hirsutes de l’homme lui collaient encore au front.
_Il y a plus urgent que les cieux, ce soir, tonna la voix grave de Tsume.
Lee afficha un sourire goguenard aux lèvres, malgré son angoisse.
_Je vous apporte une serviette, s’empressa Hana.
Elle partit et referma la porte derrière elle. Lee leva la tête et aperçut la petite assemblée devant lui, assise douloureusement en seiza malgré la “décontraction” désirée de ses hôtes. Il remarqua parmi l’assemblée Hyuuga Hinata, la miko de l’Omiyogi qui le dévisageait sans gêne, Sarutobi Asuma, le regard agité, et non sans surprise, Inuzuka Kiba.
_Je suis ravie de voir que le fils prodigue de la famille Inuzuka est de retour chez les siens.
_Cessez vos sottises, aboya Kiba, toujours en habits d'extérieurs. Nous avons dit de ne pas nous ennuyer avec les salutations et autres étiquettes.
_Alors permettez que je me tienne sur mon derrière: après tout, il nous sert pour celà, n’est-ce pas?
Face au sarcasme du moine, Kiba grimaça. Mais l’assemblée l'imita, Asuma le premier massant ses pieds endoloris, à l’exception de Hyuuga Hinata.
_Pourquoi m’avoir convoqué ici, madame?
_Un enfant -un coursier des Sarutobi- parlait avec une de mes servantes, et lui a fait savoir que le village était en pleine agitation. A l’heure du dîner, c’est assez rare!
_Qu’a confié le coursier?
_Que les prisonniers qui devaient se faire exécuter demain se sont enfuit! hurla Kiba, visiblement contrarié.
_Prisonniers? Vous parlez d’Uchiha et d’Uzumaki? Il y a quelques heures encore, n’étaient-ils pas vos camarades? nargua Lee.
Kiba triturait ses mains, contorsionnait ses poignets, et se mordait les lèvres depuis un moment, semblait-il. Mais sous le regard de sa mère, il n’osa répondre et baissa les yeux.
Tsume reprit:
_J’ai demandé confirmation de leur fuite, et ma fille Hana est partie vérifier de ses propres yeux les dires de l’enfant.
_En quoi celà me regarde-t-il? S’ils sont assez bêtes pour repousser leur mort au lendemain, je n’y peux rien, n’est-ce pas?
_Yamanaka Ino disparait au même moment! N’est-ce pas étrange? intervient Asuma, le regard dur.
_C’est en effet très embarassant, conclut Lee, pensif.
La porte coulissa, et tout le monde regarda Hana pénétrer dans un silence plombant. Elle pose une bougie sur les nattes, et tendit une serviette au moine qui se sécha le front et la remercia en lui tendant la serviette humide. Mais la jeune fille resta là, hésitante.
_Qu’y a-t-il, ma fille?
_Allons, parle mon enfant, empressa Lee. Des nouvelles?
Elle prit le soin de refermer la porte derrière elle.
_Les Hyuuga recherchent mademoiselle Hinata. Toutes les miko du sanctuaire sont éveillées et convoquées chez le chef de clan votre père. Aucune n’aurait vu les fuyards partir, mais personne n’y croit. Vous êtes mandée, Hyuuga-sama.
Hinata ne bougea pas et observa Hana.
_Continue, je te prie.
_Le régent de l’ouest qui séjourne au temple a prit les choses en main, en apprenant la nouvelle.
_Soit plus précise! s’enquit Lee.
_Il a ordonné aux villageois d’explorer les montagnes de nuit! Des groupes se forment déjà dans les rues!
_Ce Kizaemon est fout! conclua Hinata. Fouiller la forêt de nuit, par ce temps?
_Il suppose que la fille Yamanaka a été enlevée.
_Enlevée, s’écria Lee. Ino? Mais c’est insensé!
Il n’avait guère pensé à cette option. Pourquoi diable des fuyards prendraient-ils en otage cette jeune fille sans problème?
_Ils sont dangereux, admit Lee. Nous ne savons de quoi ils seraient capables.
_Cette pauvre fille est sûrement avec ces fuyard, conclut Kiba. Volontairement ou non, elle le paiera très cher.

Le silence s’installa de nouveau. Lee observa le visage hirsute de Kiba. Il semblait avoir dix années de plus que lorsqu’il avait quitté son village. Il était alors encore un enfant. Mais aujourd’hui, c’était un homme brisé qui. de ses mains blêmes, ses bras blancs, et son regard agité, aboyait chaque dire comme pour se défendre d’autrui. Lee fut prit de compassion pour cet être qui pouvait, d’un instant à l’autre, retrouver les bancs de la mort.
_Le général a également demandé aux fils de clan de se joindre aux recherches.
_Des recherches, dis-tu? clama Hinata. C’est une inquisition, une chasse à l’Homme! Et rien d’autre!
_Il n’en est rien, dit Kiba qui stoppa l’indignation de Hinata. S’il faut y passer mes nuits, je les retrouverai.
_Vous ne songez pas à y aller? s’étonna Asuma.
_Ce sont eux, ou moi, comprit le jeune homme. Je m’en vais me préparer.
Il se leva, et s’empressa de quitter la salle où tous le regardèrent partir avec ardeur, l’air décidé. Tsume n’avait, elle, pas levé les yeux. Elle serrait les poings.
_Ne vous inquiétez pas! dit Sarutobi. Si le village est réquisitionné, alors moi également, je serai sous la pluie à fouiller la montagne.
_Ne soyez pas si pressé, dit Shikaku. Vous êtes le chef de ce village. Vous resterez ici, à l'abri. C’est plus sage, en attendant de savoir ce qu’il en est.
Son visage était comme soudainement apparu dans l’ombre caressante de la salle. Sonregard dur était accentué par le peu de lumière qui creusait son visage.
_Et puis, reprit-il, Kizaemon ne vous le permettrait pas, de toutes façons. Je prends congé, et mes hommes escorterons Hyuuga-sama jusqu’à l’Omiyogi -si vous le permettez.
Elle acquiesça.
_ Et si quoique ce soit arrive, veuillez immédiatement me mettre au courant je vous prie. Je compte sur votre discrétion.
Hinata, suivie de sa suivante, quitta la salle, suivie de près de Nara Shikaku. Alors que peu à peu, les grands noms du village prirent congé, dans l’ombre, parmi l’assemblée, les yeux de Konohamaru brillaient d’impatience.



*




[1] On pourrait traduire "Shuei-san" par "Madame la gardienne";
[2] Le chihaya, consistant en un hakama rouge écarlate, un haut de kimono blanc à larges manches (souvent orné de rouge), et des tabi, est l'uniforme traditionnel des Miko, "gardienne" des sanctuaires shinto.




Un Kiba déterminé à recouvrer sa liberté totale!
Le prochain chapitre, "La malheureuse" (déjà annonçé la dernière fois par erreur) verra le retour de Konohamaru!




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