Fiction: P'tit con ! (terminée)

Chiyo se croyait à l'abri de la sociabilité et des sentiments qu'elle apporte, isolée dans sa maisonnette au fin fond de la Corse. Mais le destin joue parfois des tours, comme cet étrange voyou qui vient écrire sur ses murs...
Version imprimable
Aller au
shikacool (Féminin), le 24/07/2009
Coucou les gens ! Me r'voilà avec un autre one-shot !

Croyez moi ou pas, l'idée d'écrire cette fiction m'est venue tandis quen j'engueulais mon volet, parce qu'à cause du vent, il tapait trop fort sur la vitre et m'avait collée une frousse dingue '__'

Bref, y a aussi cette chanson de Keane, "Somewhere only we know" qui m'a vachement inspirée.

Voilou, maintenant que vous savez tout, eh bien, que dire...
Si ce n'est bonne lecture ! ^^




Chapitre 1: One-shot



Chiyo poussa un soupir exaspéré. Elle redressa les épaules, posa les mains sur ses hanches et contempla une minute durant l’imposante araignée qui avait élue domicile le coin du plafond de sa chambre. Il y avait déjà les souris qui grignotaient les morceaux de fromage que la vieille femme laissait par mégarde posés sur la table, les sangliers qui saccageaient son beau jardin… Et maintenant il y avait des araignées ! Chiyo, résignée, alla chercher son balai et commença à cogner son manche contre la toile d’araignée. La vieille femme batailla un certain temps, jusqu’à ce que l’araignée velue tombe dans le creux de sa main. Mais, loin d’être effrayée ou dégoûtée, Chiyo entreprit de sermonner la petite bête :

- Ecoute moi, je n’ai rien contre les sans abris et je ne suis pas du genre à juger simplement sur l’apparence, mais ça ne se fait pas d’entrer chez les gens et de prendre de la place dans leur chambre, ne serait ce qu’un coin de plafond ! Va donc fonder ton foyer dans une cave ou dans un poulailler, si le coq est d’accord. Que je ne te reprenne plus à faire la clandestine, hein !

Sur ces paroles, la vieille femme ouvrit une fenêtre et déposa l’araignée sur l’herbe. Celle-ci s’empressa de déguerpir, aveuglée par le soleil qui chauffait la terre de Corse. Chiyo resta quelques instants appuyée contre le rebord de la fenêtre, observant l’étendue aride et déserte qui s’offrait à ses yeux blasés, composée simplement de petits buissons et de fleurs de toutes les couleurs, éparpillées de-ci de-là. Son petit coin de paradis. La vieille femme vivait seule sur cette terre du Sud depuis des dizaines d’années, si nombreuses qu’elle n’osait plus les compter. Après avoir passé toute sa jeunesse à soigner les blessés de guerre sur les champs de bataille, Chiyo s’était promis de rester loin des Hommes pour le restant de ses jours, vivant des produits de la terre et du beau temps. Elle avait donc acheté cette maison à la mort de son frère Ebisu, à quelques kilomètres d’un petit village où elle ne se rendait qu’une fois par semaine, pour faire ses courses.
Ici, la vieille retraitée se sentait bien. Elle était en communion avec la nature, loin de la folie de ses congénères, reposant ses yeux qui avaient vu trop d’atrocités pendant ses quatre-vingts années de vie. Chiyo se pencha un peu plus et cueillit un pissenlit. Elle le fit tourner entre ses doigts, bénissant une fois de plus la nature et les cadeaux qu’elle offrait à ceux qui savaient les voir.

Un bruissement la fit sursauter. Elle se pencha encore et tourna la tête, avant de pousser un juron sonore. Deux mètres à sa droite, un gamin faisait on ne sait quel graffiti sur le mur blanc de sa maison. Pris en flagrant délit, le garçon bondit sur ses pieds et déguerpit à toutes jambes. Rouge de colère, Chiyo leva le poing en sa direction et s’égosilla :

- P’tit con !! Que je ne te reprenne plus à faire ça, vaurien !

Mais le p’tit con en question était déjà loin. La vieille femme referma la fenêtre en bougonnant contre la nouvelle génération. Elle avait choisi d’habiter ici pour le silence et la solitude, elle ne laisserait personne les lui enlever !
C’était sûrement un gosse du village. Chiyo avait eu le temps de distinguer des cheveux châtains mal coiffés, de grands yeux bruns et un visage étrangement peinturluré de traces violettes. La nouvelle mode de cette année, peut-être. Pourtant c’était vraiment affreux.

Chiyo s’arma d’un seau d’eau et d’une éponge et sortit de la maisonnette réparer les dégâts. Elle en fit le tour, prenant soin de na pas marcher sur les bourgeons de fleurs. Elle arriva à petits pas sur le lieu du crime.

Chiyo s’attendait à voir un mot grossier barbouillé sur son mur, un geste obscène, ou, au mieux, un dessin à peu près acceptable.
Ce n’était rien de tout cela. Il y avait bien quelque chose d’inscrit sur le mur, oui. Et Chiyo en resta, pour parler poliment, sur ses fesses de quinquagénaire.

« Vent qui chante sur la terre desséchée
Poussière qui danse entre les fleurs colorées
Printemps du renouveau, engendre un nouvel été. »

Fichtre, un poème. Si on lui avait dit… Pendant une seconde, Chiyo scruta le paysage autour d’elle, en se disant que peut être ce garnement n’était pas l’auteur de ces vers. Mais il n’y avait personne. Le vent sembla se moquer de sa bouille incrédule en envoyant des feuilles mortes virevolter autour d’elle. La vieille dame les repoussa d’une main, se grattant la tête avec perplexité de l’autre. Puis son regard passa du seau d’eau posé au sol à son éponge. Il s’arrêta sur le poème. Y revint. Finalement Chiyo soupira, ramassa son matériel et rentra chez elle sans avoir rien nettoyé.

Sa nuit et la matinée du lendemain se passèrent normalement, et Chiyo oublia le poème.

Il devait être autour d’une heure de l’après-midi. Elle relisait pour une énième fois « les fleurs du mal » de Baudelaire, installée confortablement dans son rocking-chair, quand un bruit lui fit relever la tête.

« Shcrat, shcrat. Shcrat, shcrat. »

Des souris ? Non, les souris ne faisaient pas ce bruit là. Un sanglier alors ? Non plus, un sanglier aurait fait plus de boucan.

Chiyo corna la page de son livre, le ferma et le leva comme une arme. Sur la pointe des pieds, elle sortit silencieusement de la maison.

Elle n’en crut pas ses yeux.

- Nan mais c’est pas vrai ! s’écria-t-elle en se précipitant. P’tit con, vire de là !

Le gamin voulut s’enfuir, mais la vieille dame fut plus rapide que lui et l’attrapa par le bras. Elle lui mit un coup de livre sur la tête, puis deux, puis trois, sans cesser de hurler. Le garçon se protégeait tant bien que mal, trop surpris pour songer à se défendre. Quand il réussit enfin à se dégager, il recula d’un pas chancelant et fixa Chiyo avec des yeux ronds en se massant le crâne. Puis il lui tira la langue et clama, avant de prendre ses jambes à son coup :

- Vieille folle !
- P’tit con ! répliqua Chiyo.

Quand elle fut certaine qu’il avait débarrassé le plancher, elle se tourna face au mur blanc. Même si elle s’y attendait un peu, elle ne put s’empêcher d’être surprise en lisant ces mots :

« Pièce sombre et fraîche
Siège de bois et coussin de soie
Tranquillité. »

Qui était donc ce gosse ?
Son visage ridé se fendit soudain d’un sourire. Elle avait une idée.
Elle ramassa le feutre que le garçon avait laissé tomber et écrivit en dessous du deuxième message :

« Compréhension quasi-totale
Aventure loufoque et attitude joviale
Invitation. »

Puis elle reposa le feutre et rentra chez elle, finir sa lecture si bien commencée.
Chiyo passa une nuit agitée. Et puis, la cerise sur le gâteau, elle fut réveillée au petit matin par une musique douce.

I walked across an empty land
I knew the pathway like the back of my hand
I felt the earth beneath my feet
Sat by the river and it made me complete
Oh simple thing where have you gone
I'm getting old and I need something to rely on
So tell me when you're gonna let me in
I'm getting tired and I need somewhere to begin

"Moi qui pensais finir ma vie avec toute ma tête" se dit elle en se levant péniblement. Le pire c’était que la musique ne faiblissait pas. Chiyo l’entendait vraiment, et en plus elle était certaine de ne pas la connaître. Du temps où elle écoutait encore de la musique, seuls des compositeurs tels que Bach ou Beethoven avaient leur place sur son tourne-disque.

Bon, il fallait prendre les choses avec philosophie. Si, effectivement, elle devenait folle, elle devait s’estimer heureuse d’inventer des airs plutôt que d’agresser des gens dans la rue.
Chiyo enfila son peignoir râpé et traîna des pieds jusqu’à la cuisine. Là, elle se dit qu’elle hallucinait vraiment.

Sur la table de bois d’habitude impeccable, jonchaient un bol en porcelaine, une flaque de lait renversée et un paquet de céréales que Chiyo avait acheté pour le cadeau offert avec le paquet. Non non, il n’y a pas d’âge pour faire la collection de jouets en plastique.

Et donc, Chiyo se demanda franchement si elle ne devait pas consulter un psy d’urgence, même si elle ne croyait que très peu à leurs méthodes.
Parce que ce n’était pas tout. S’ajoutait à ce bazar sur la table un radio cassette d’où, elle en était sûre à présent, s’élevait la musique. Et puis, se balançant sur une chaise, il y avait ce garçon.

Le garçon aux poèmes.
Le p’tit con.

En se rendant compte de la présence de la propriétaire, le gosse faillit tomber de sa chaise et son teint vira au rouge tomate. Il balbutia :

- Euh, j’ai lu votre… mot et… pour le lait, j’allai nettoyer !

Chiyo ne savait pas trop quoi faire. Son amour-propre lui dictait de mettre le gamin à la porte à grand renfort de coups de pied au derrière, mais son cœur, ou son intuition, lui commandait de lui accorder l’hospitalité.
En plus elle était plutôt pas mal, la chanson.

En fin de compte la vieille femme choisit de hausser les épaules et de déclarer, moqueuse :

- Bah, t’as pas perdu de temps, p’tit con.
- Eh, quand on invite quelqu’un chez soi, on assume, mamie, répliqua le garçon sur le même ton ironique. J’avais nulle part où passer la nuit, j’allais pas me faire prier.

Chiyo eut un rire éraillé. Puis elle fronça les sourcils :

- Et tes parents ne sont pas inquiets ?

Ce fut au tour du gamin de rire, d’un rire sombre qui jurait avec la candeur de son visage.

- J’ai pas de parents, mamie. Juste ce foutu centre de jeunesse où j’me fais racketter tous les soirs. Entre ça et la maison tranquille d’une vieille, même folle, le choix est vite fait… En plus tes céréales ils sont supers bons, mamie.

Le tutoiement était sorti de la bouche du gamin naturellement, et Chiyo ne s’en formula pas. Ça faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas rencontré un p’tit con aussi intéressant.

- Va pour les céréales, mais dis donc, con comme t’es, petit, tu risques pas de m’apporter tout un tas d’ennuis ?
- Avec le centre de jeunesse ? Panique pas, mamie, ils savent même pas mon nom. Au mieux, ce qu’ils diront en s’apercevant de mon absence, c’est : « tiens, le gosse avec les marques violettes est parti. Bon débarras. » Alors tu vois…
- Donc si j’ai bien compris, t’as l’intention de m’embêter pendant un bout de temps, c’est ça ?
- Eh, on demande pas ça comme ça, mamie. On dit : « tu veux que je te prête un feutre et du papier ? »
- Bon. Tu veux que je te prête un feutre et du papier ?
- Volontiers, mamie.

Un peu déboussolée, Chiyo s’en alla donc chercher un feutre et une feuille de papier. Elle posa le tout devant le gosse, qui s’empara du stylo et se mit à écrire.

« Désir de compagnie
Malgré la fureur sénile de la mamie
Sourire au devant
Cohabitation ? »

Chiyo eut un sourire édenté. Puis elle prit le feutre des mains du garçon et écrivit elle aussi.

« Hésitation, c’est pas commun d’habiter avec un p’tit con
Echange complice, avenir ?
Acceptation. »

Oh simple thing where have you gone
I'm getting old and I need something to rely on
So tell me when you're gonna let me in
I'm getting tired and I need somewhere to begin

La vieille et le jeune se scrutèrent avec attendrissement. Puis, pour cacher son émotion, Chiyo demanda :

- Au fait, j’imagine que même un p’tit con comme toi a un prénom ?
- Ouaip la vieille. C’est Kankuro.
- Hum, pas mal, pas mal. Moi c’est Chiyo. Alors à partir de maintenant tu m’appelles par mon prénom, et pas autrement. Et tu vas m’aider à tout un tas de corvées. Pigé ?
- Pigé mamie.
- Qu’est ce que je viens de dire ? grogna Chiyo.
- C’est bon, pas de manières entre nous, c’est pas mon genre. Moi j’suis ton p’tit con et toi t’es ma mamie, ou ma vieille, je te laisse le choix. Je suis gentil quand même, non ?

Une nouvelle fois, Chiyo sentit l’émotion poindre aux coins de ses yeux humides. Elle trouva une boutade pour la masquer :

- Eh, elle sont jolies les Palladium que t’as aux pieds, p’tit con.

Kankuro soupira d’un air désespéré.

- De nos jours on appelle ça des Converse, mamie. Et tu plaisantes, elles sont toute salies.
- Commence pas à faire la chochotte et viens plutôt m’aider à nettoyer la table, p’tit con !
- D’ac’ la vieille !

So if you have a minute why don't we go
Talk about it somewhere only we know?
This could be the end of everything
So why don't we go
Somewhere only we know?
Somewhere only we know?

Les mois passèrent et Kankuro grandit. Chiyo elle, oubliait qu’elle vieillissait.

Et puis un jour, un jour d’été où la terre de Corse était parsemée de bourgeon, Kankuro débarqua dans la cuisine, les mains derrière le dos. Il s’était musclé à force des corvées que lui donnait la vieille, et le p’tit con était devenu un grand con, plutôt mignon, il fallait l’avouer. Pas plus tard que la semaine précédente, Chiyo l’avait vu en la charmante compagnie d’une fille aux cheveux roses. Elle ne s’était pas offusquée. Elle n’en était plus à surveiller les excentricités de son protégé…

Il est vrai que depuis que Kankuro avait renoncé à son maquillage de clown, il était beaucoup plus séduisant. Chiyo avait bataillé pour le convaincre, et pendant des semaines, les « p’tit con » et les « vieille folle » avaient fusé. Finalement c’était Chiyo qui avait remportée la partie.

Kankuro arriva donc près de la vieille dame et hurla dans ses oreilles :

- Bon anniversaire mamie !!!

Chiyo fit un bond d’au moins cinq centimètres au dessus du sol. Puis elle se retourna et rétorqua :

- Mais qu’il est con ce p’tit con !! Tu veux vraiment que je fasse un arrêt cardiaque ? Tu veux la maison pour toi tout seul c’est ça ? Qu’à cela ne tienne, je te raye de mon testament ! Je… Et puis, c’est quoi ces bêtises ? Ce n’est pas mon anniversaire, aujourd’hui !
- Je sais mamie, fit Kankuro qui avait suivi la tirade sans cesser de sourire, mais c’est l’anniversaire de notre rencontre. Le jour où tu m’as traité de p’tit con pour la première fois, tu te souviens ? Bref, j’ai un cadeau pour toi. Ca fait un bout de temps que je travaille dessus… C’est pas du grand art, mais bon. Tiens.

Il lui tendit une étrange marionnette de bois, avec des cheveux blancs et des rides creusées sur le visage. Il ajouta d’un ton goguenard :

- Elle s’appelle Chiyo. Y a même les fils pour la contrôler. Elle te ressemble, hein ?

Pour une fois Chiyo ne releva pas la provocation. Elle contemplait la marionnette en murmurant : « Il m’avait caché ce talent, le p’tit con… » Puis, sans un mot, elle prit le bras de Kankuro et l’entraîna dans l’arrière cour, devant la porte de ce qui ressemblait à un placard à balai. Kankuro s’inquiéta :

- Euh, mamie, tout va bien ?
- Tais toi et écoute, vaurien. Cet endroit, personne d’autre que moi n’y est jamais entré. Je m’étais promis de rester la seule à connaître cet endroit, mais…

Elle ne finit pas sa phrase et ouvrit la porte, puis poussa sans ménagement son protégé dans la minuscule pièce. Kankuro se préparait à sortir une blague douteuse, comme il en avait l’habitude. Il ne dit rien.
Il était trop émerveillé pour prononcer un mot.

Sur tous les murs de la pièce, étaient accrochées des multitudes de marionnettes en bois, toutes plus belles les unes que les autres. L’une avait d’étranges marques violettes sur la tête. Une autre avait des cheveux roses.

Oh simple thing where have you gone
I'm getting old and I need something to rely on
So tell me when you're gonna let me in
I'm getting tired and I need somewhere to begin

- Je n’ai jamais réussi à te faire lire “les fleurs du mal” ou à t’apprendre à faire des pâtes, mais finalement je crois que nous avons une passion commune toi et moi…

Kankuro eut un sourire. Il sortit un feutre de sa poche et écrivit, sur le mur, comme la première fois :

« Cœur réchauffé à l’ombre d’un autre
Gestes rôdés par l’habitude rendus maladroits d’émotion
Gratitude. »

Chiyo serra les mains de son p’tit con entre les siennes. Puis elle eut un sourire carnassier et demanda en désignant la marionnette aux cheveux roses :

- A l’occasion, tu me diras comment elle s’appelle ?

This could be the end of everything
So why don't we go
Somewhere only we know?
Somewhere only we know?
Somewhere only we know?




Et voilà un autre OS qui se termine. J'avais bien envie de prendre la vieille pour perso principale, pour voir. Eh bien maintenant, c'est chose faite.

J'ai faim, je vais manger '__'

Merci d'avoir lu, et n'oubliez pas le commentaire, hein !

Zibouilles !




Chapitres: [ 1 ] Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: