Fiction: Visions d'un Dieu Endormi

Pour Tenten, une mission banale au Pays du Vent va prendre des proportions épiques qui vont la plonger, elle et l'équipe chargée de la retrouver, au cœur d'une machination qui pourrait bien menacer le monde entier. Car les fidèles du Dieu à la Main Sanglante, Jashin, ont décidé de réveiller le Dieu Endormi…
Classé: -16I | Action/Aventure / Horreur / Spirituel | Mots: 125927 | Comments: 38 | Favs: 34
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Kris'ter (Masculin), le 01/09/2011
C'est le moment de se quitter, mais tout est-il vraiment terminé ? Le Grand Prêtre de Jashin a plus d'un tour dans son sac et il n'est pas du genre à lâcher l'affaire aussi aisément.

La guerre arrive…




Chapitre 19: Mauvais Présages



Les cauchemars continuaient à hanter Yamaguchi. Chaque nuit, les lamentations des morts de l'Oasis des Mille et un Chameaux venaient troubler le sommeil du marchand. "Pourquoi personne ne nous a-t-il sauvés ?" hurlaient-ils, leurs visages couverts de sang déformés pas la douleur. Ils étaient tous morts dans la souffrance et chacune de leurs blessures était une véritable abomination à elle seule. Le marchand et ses hommes étaient arrivés quelques heures à peine après que les Exécuteur de Jashin aient fini de sacrifier les habitants de l'oasis à leur dieu obscène lors de terribles rituels. Yamaguchi n'avait pas pris la peine de rechercher des survivants qui n'existaient pas et avait immédiatement envoyé un messager avertir les autorités compétentes, mais la scène morbide qui les avait accueillis lui et ses hommes resteraient à jamais gravée dans leur mémoire.

Kumiko s'était mis à boire. Il était rarement sobre, à présent. Hoko s'était suicidé plutôt que d'avoir à vivre avec le souvenir de ce dont ils avaient été témoins ce jour-là. À la vue de ce spectacle, Ken était devenu complètement fou, ses cheveux étaient devenus blancs comme neige et il avait été réduit à l'état d'idiot du village.

Aucun de ceux présent à l'Oasis des Mille et un Chameaux ce jour là n'en était ressorti indemne.



Accompagné par Kankurô, les ninjas de Konoha avançaient dans la gorge reliant Suna au désert. Le ninja marionnettiste accompagnait le groupe vers la sortie, plus par courtoisie que par protocole. Il n'avait pas eu besoin de poser de questions lorsqu'il avait croisé le manipulateur d'ombre en T-shirt en allant aux toilettes ce matin dans la maison qu'il occupait avec sa sœur, et s’il avait voulu faire une remarque, il préféra la penser plutôt que la prononcer. Sakura n'allait pas avoir autant de scrupules lorsqu'ils seraient hors du Village Caché du Sable. Elle non plus n'avait pas eu besoin de se demander pourquoi le chef de l'équipe avait découché. Shikamaru n'en avait cure, il était bien plus frustré par le fait qu'en se réveillant ce matin, il n'avait pas trouvé Temari à côté de lui.

Il avait imaginé les pires scénarios. Peut-être avait-elle été raflée par les ANBU de Suna à cause de ce qu'ils venaient de faire, mais en y réfléchissant, ça aurait plutôt été lui que les forces spéciales auraient mis au secret, pas elle. En fait il y avait une explication beaucoup plus simple : la blonde du désert n'avait juste pas eu envie de rester pour lui dire «au revoir». Et ça lui faisait mal. Le manipulateur d'ombre essaya de se convaincre qu'en fin de compte, il aurait dû s'y attendre de la part d’une fille galère comme Temari, et que de toute façon, niveau douleur sentimentale, ça n'allait pas pouvoir être pire.

En cela, il se trompait lourdement.

Le groupe arriva aux portes du désert, Kankurô leur souhaita simplement un bon voyage et resta un moment à regarder les ninjas de Konoha partir vers l'est.

"Tu as fait une belle bêtise hier soir." déclara le ninja marionnettiste.

"Je sais." répondit Temari en sortant de l'ombre, "Et je n'en suis pas très fière, je ne sais pas ce qui m'a pris."

"Attends, c'était visible comme le nez au milieu du visage qu'il t'avait tapé dans l'œil." se moqua gentiment Kankurô, "Ceci dit, ça aurait quand même été vachement mieux que vous ne fassiez pas ça à Suna."

"C'est facile à dire pour toi, ça." marmonna la blonde du désert en grimaçant.

Les deux firent ensuite demi-tour et retournèrent vers le Village Caché du Sable. Temari essaya de se convaincre qu'elle n'allait pas revoir celui avec qui elle avait fauté avant un bon moment, ce qui ne pouvait être que mieux.

En cela, elle aussi se trompait lourdement.



Endormi dans son palanquin, bercé par les mouvements des esclaves qui le transportaient, le Grand Prêtre de Jashin se tournait et se retournait dans ses draps inondés de sueur, en proie à un rêve atroce. Mais de toute évidence, ce rêve là n'était pas le sien…

Le Bastion de Jashin était entouré d'une titanesque muraille, ou plutôt d'une immense falaise ininterrompue, faite de roches rouge sang et de fer noirci, qui barrait entièrement l'horizon. L'Escalier du Bastion était l'unique voie d'accès vers le trône d'airain du Dieu à la Main Sanglante. Il était entouré de pics acérés, de colonnes et d'arches de sang solidifié et d'os sculptés, bâti à la fois comme une forteresse et comme une prison. Les âmes damnées de ceux qui avaient voué leur vie à Jashin étaient enchaînés aux murs et aux marches, retenus par des chaînes de fer hérissées de pointes, impossibles à briser, et elles se débattaient en hurlant contre leurs entraves, agonisant d'injures terribles tous ceux qui avaient le malheur de passer à portée de voix, comme le Grand Prêtre de Jashin était en train de le faire. Les marches énormes n'avaient jamais été conçues pour être foulées par un mortel et leur ascension tenait plus de l'alpinisme que de la marche à pied.

A mesure qu'il montait vers des hauteurs de plus en plus vertigineuses, le Grand Prêtre découvrait de plus en plus d'horreurs. Des bouches produisant des sons inarticulés apparaissaient dans la pierre des marches et des murs, chantant les louanges de Jashin dans une série d'harmonique tantôt gutturales, tantôt sifflantes, dans une langue depuis longtemps oubliée et dont certaines syllabes ne pouvait être prononcées par une bouche humaine. Partout où le Grand Prêtre posait le regard, il voyait des runes blasphématoires et des pierres sacrificielles tachées de sang avec, sur certaines, le corps encore pantelant de victimes toutes récentes, lentement dévorées par les charognards démoniaques qui hantaient ce lieu.

En haut de l'Escalier du Bastion, au sommet d'une montagne de crânes des victimes assassinées au nom de Jashin, dégoulinante du sang de ceux mort à la guerre, le Grand Prêtre arriva devant l'immense trône d'airain sur lequel siégeait le Dieu à la Main Sanglante. Une fosse enflammée, dont les flammes consumaient l'âme des lâches qui avaient fuit la bataille, éclairait l'antre sombre de Jashin. Le Dieu observait le mortel qui se présentait devant lui avec ses immenses yeux brûlants de haine, de mesquinerie et d'une indicible cruauté. Une grimace impitoyable déforma les traits de son visage bestial et le grondement courroucé de sa voix s'échappa de ses lèvres :

"Tu m'as déçu ! Tu devais réveiller mon corps pour que je puisse à nouveau parcourir ton monde et le détruire à loisir, mais tu as échoué !"

Le Grand Prêtre ne pu s'empêcher de trembler de terreur lorsque les paroles de son Dieu pénétrèrent dans son cœur. Alors que Jashin approchait ses gigantesques mains du mortel pour le broyer, celui-ci se mit à supplier de lui laisser une seconde chance, il hurla qu'il avait trouvé un moyen de se racheter et d'accomplir la prophétie malgré tout.

"Alors agis ! Et rappelle-toi : l'échec n'est pas une option !" gronda le Dieu avant de bannir l'esprit du mortel d'un geste de sa main couverte de sang.

Le Grand Prêtre de Jashin se réveilla en sursaut, le cœur battant, le front ruisselant de sueur et le corps agité de tremblements incoercibles. Encore sous le coup de cet horrible cauchemar, il se sentit submergé par une vague de désespoir. Heureusement sa confiance et son assurance lui revinrent peu à peu et il interpréta ce rêve comme un avertissement de ce qui lui arriverait s’il venait à faillir à nouveau, ce qui décupla sa volonté d'accomplir ce que son Dieu lui avait ordonné de faire.



Temari avançait à l'ombre des bâtiments en jetant des coups d'œil à droite et à gauche. Elle se sentait épiée depuis qu'elle s'était réveillée ce matin. Ce n'était surement que le fruit de son imagination, mais elle avait bafoué le code des ninjas en couchant avec Shikamaru, et ça n'était pas rien. Elle ne regrettait pas ce qu'elle avait fait, elle avait vraiment adoré s'offrir à celui qu'elle aimait, mais les sentiments ne pesaient pas lourd face à la sécurité d'un Village Caché, et les lois de Suna étaient strictes : la mort était la seule récompense des traitres. Cette menace l'affectait. Elle s'efforçait de la cantonner dans un recoin de son esprit mais elle revenait toujours comme un bruissement lancinant. Depuis dix minutes cependant, elle ne se contentait plus de bruisser, elle hurlait : Gaara voulait la voir.

Elle évacua ces pensés de son esprit en arrivant devant le bâtiment administratif, se disant qu'après tout, ce qu'elle avait fait n'était pas écrit sur son front. Les couloirs étaient silencieux et Temari remarqua deux ninjas qui se tenaient au garde-à-vous devant la porte du bureau du Kazekage. Elle toqua et attendit la permission d'entrer. La porte s'ouvrit d'elle même et la blonde du désert passa entre les deux Jounins dont les yeux n'avaient même pas cillé.

"Bonjour Gaara. Tu voulais me voir ?" demanda-t-elle d'une voix qui se voulu aussi assurée que possible en refermant la porte derrière elle.

"En effet." répondit le Kazekage, levant les yeux des dossiers étalés sur son bureau. "J'ai une nouvelle mission pour toi."

Temari s'en réjouit doublement. D'une part il ne l'avait pas appelé à cause de la nuit dernière, mais en plus une nouvelle mission aussi vite allait lui permettre de penser à autre chose. Malheureusement, Gaara brisa ses espoirs lorsqu'il saisit un rouleau de parchemin et lui expliqua en quoi allait consister sa mission :

"J'ai ici une lettre à remettre au Hokage, il est extrêmement important qu'elle arrive dans les mains de Tsunade dans les plus bref délais. Il nous est impossible de prendre le risque d'utiliser les oiseaux-messagers, étant donné l'importance de ce que contient ce message, et des risques encourus s’il était intercepté."

Temari avait peur de comprendre.

"Tu… Tu veux que je me charge de faire le coursier, c'est ça ?"

"On ne peut rien te cacher. Je te conseil d'essayer de rattraper les ninjas de Konoha qui viennent de partir ce matin, ça sera plus sûr de voyager en groupe."

Gaara tendit le parchemin à Temari qui resta un instant sans bouger, s'attendant à le voir utiliser son sable pour lui faire parvenir. Mais rien ne se passa et la kunoichi s'avança finalement pour prendre le rouleau des mains de son frère. Elle l'observa un instant. Il était scellé au chakra, ça devait être réellement important. Elle glissa le rouleau dans la poche interne de sa tunique et salua avant de battre en retraite hors du bureau. Une fois dans le couloir, elle poussa un long soupir et lâcha un "Galère…" de la même façon qu'un certain ninja pleurnichard avant de se mettre en route.

Les deux Juunins qui gardaient la porte la regardèrent jusqu'à ce qu'elle disparaisse. À ce moment, ils entrèrent dans le bureau du Kazekage.

"C'est bon, elle est partie." annonça le premier.

L'homme qui s'était fait passer pour Gaara se leva de sa chaise et abandonna son déguisement, reprenant son apparence de ninja de Suna.

"Je ne comprends toujours pas pourquoi on a pas pu la tuer nous même." dit le deuxième ninja qui était à la porte.

"D'une part parce que se sont les ordres donnés par Jisha." répondit celui qui avait pris la place du Kazekage en quittant le bureau, "D'autre part parce que si on l'avait tuée, tous les ANBU de Suna auraient été à nos trousses. Et quand bien même ils ne nous auraient pas retrouvé, l'agitation que ça aurait engendré nous aurait simplement empêché de causer des attentats et des sabotages en prévision de l'arrivée de la Légion."

Le ninja accepta cette explication, mais n'en demeurait pas moins mécontent de ne pas avoir pu offrir la tête de Temari à Jashin. Le chef, lui, était plutôt satisfait de la façon dont tout s'était déroulé. Trouver une excuse valable et convaincante pour faire sortir Gaara de son bureau n'avait pas été facile, mais la soi-disant importance du message que la kunoichi emportait était passée comme une lettre à la poste. En plus, il s'était arrangé pour que des agents du culte soient affectés à la surveillance des entrés et des sorties de Suna, ceux-ci n'allaient donc pas empêcher Temari de quitter Suna pour accomplir une mission bidon.

Les trois hommes sortirent du bâtiment administratif aussi discrètement qu'ils y étaient entrés, avec la satisfaction d'avoir fait leur boulot. Maintenant, c'était à ceux de Konoha de faire le leur.



À environs 80 kilomètres des ruines de Commoragh, près d'une crête rocailleuse qui enjambait la vieille route menant à Port-des-Pillards - la base maritime secrète des pirates de Commoragh, les habitants trop vieux, trop jeune ou trop faible pour être incorporés dans la Légion avançaient en trainant les pieds, brûlés par le soleil et gelés par l’obscurité, poussés par les fouets des Prêtresses et l’implacable volonté du Grand Prêtre de Jashin. Les lieues avaient défilé sous leurs pieds nus, seules quelques rares exceptions avaient la chance d'être chaussées de sandales, avec de courtes pauses pour se reposer et se restaurer. Ils voyageaient léger, sans s’encombrer d’un train de bagages, et lorsqu'ils s’arrêtaient, les habitants exténués s’écroulaient de fatigue comme une armée de cadavres sur le sol de sable, trouvant presque aussitôt le sommeil. Quand il était temps de reprendre la route, ils sortaient de leur torpeur et se relevaient dans un concert de gémissement pour se remettre à suivre le cours sinueux de la piste. Il leur arrivait de manger et de boire en marchant, picorant des poignées de céréales qu’ils faisaient passer avec quelques gorgées d’eau contenue dans les outres de cuir qu’ils portaient à la hanche.

Ceux qui perdirent la vie durant cette marche forcée furent tout simplement abandonnés sur le côté de la route. Ils n’eurent droit à aucun rite et aucun présent ne fut adressé à Shinigami, le Dieu de la Mort, dans le but de l’apaiser. De toute façon, tout ceci était depuis longtemps interdit aux habitants de la cité du meurtre. L’action de la chaleur aurait tôt fait de dessécher les cadavres, et les bêtes du désert s'occuperaient de les faire disparaitre.

Port-des-Pillards était une cité portuaire creusée dans les flancs des falaises des canyons de Bran-Ô-Kor qui bordaient le grand océan. Elle était loin d'être aussi bien défendu que Commoragh, mais elle était bâtie de telle façon que ceux qui ignoraient son existence pouvaient passer mille fois à côté sans la voir. C'était d'ici que les corsaires lançaient leurs raids sur les villages côtiers, capturant nourriture, trésor et surtout esclaves. C'était un grand honneur pour un habitant de Commoragh de devenir un pirate, car il avait la chance de trouver gloire et richesses. Les pillards pouvaient en effet conserver un sixième de leurs prises, deux sixièmes étaient remis au capitaine du navire et le reste revenait au Roi Hakkyou. Ces prédateurs excellaient dans l'abordage d'autres navires et étaient la terreur de tous les marins du monde.

Mais ce n'était pas pour ça que le Grand Prêtre de Jashin se dirigeait vers Port-des-Pillards, de toute façon la cité devaient être pratiquement déserte si les habitants avaient suivis les ordres qui leurs avaient été donnés - et il n'y avait aucune raison pour qu'ils ne le fassent pas. Il espérait juste qu'il resterait suffisamment de navires négriers dans la ville pour transporter tous les esclaves vers leur nouvelle destination. Si ce n'était pas le cas, tous ceux qui ne pourraient embarquer seraient exécutés. Tous les esclaves allaient de toute façon être sacrifiés, mais le Grand Prêtre de Jashin préférait que cela fût fait sur l'autel dédié à son Dieu et non sur les docks d'une cité portuaire.

Il avait cependant une mission divine à accomplir et n'allait certainement pas se laisser retarder par ce genre de détails.



Sakura ouvrit à la volée la petite porte disgracieuse et entra dans l'auberge miteuse, suivis par le reste du groupe. On avait baptisé l'établissement l'Âne Pendu et le cadavre pourrissant dudit âne était effectivement suspendu à un nœud coulant au dessus de son portail. Avant d'entrer, Lee avait demandé quel méfait l'animal avait pu commettre, quel abominable crime avait pu concevoir un esprit aussi pervers pour mériter un tel châtiment ?

"Il s'agit probablement de l'amant de la femme de l'aubergiste." supposa Shikamaru et la remarque fit éclater de rire les autres ninjas.

L'auberge était bondée, sombre et enfumée, et un grand silence tomba dès que les ninjas eurent mis les pieds à l'intérieur. L'hostilité ambiante était tangible, mais aucun des fermiers où des voyageurs présent n'osèrent les regarder dans les yeux. Ils pouvaient comprendre ce genre de réaction : leurs bandeaux rayés les définissaient clairement comme des Nukenins - des traitres.

Personne n'était en sécurité sur les routes du Pays de la Rivière dernièrement, il se disait aussi que de nombreux villages avaient été purement et simplement rayés de la carte. Les Pillards de Commoragh semblaient avoir décidé de faire une sorte de baroud d'honneur ici, jetant des hordes de réfugiés sur les routes. Ceux-ci n'étaient pas toujours animés de bonnes intentions, aussi les étrangers étaient donc considérés avec méfiance, en particulier s’ils arboraient un bandeau au symbole rayé.

Le chuchotement des conversations reprit tandis que les buveurs et les voyageurs fatigués s'en retournaient à leurs pensées et leurs discussions. Se frayant un chemin parmi la foule malodorante des voyageurs, des fermiers et des piliers de bars locaux, le groupe alla s'assoir dans un coin de la salle de sorte à avoir une vu d'ensemble de la taverne, sauf Shikamaru qui se dirigea à grand pas vers le bar.

"Que puis-je pour vous, l'ami." demanda le tenancier, s'efforçant en vain de dissimuler sa nervosité.

L'homme grassouillet aux grands yeux avait l'expression ébahie d'un poisson. Il semblait aussi suer abondamment, bien qu'il ne fasse pas si chaud que ça dans la pièce. Le manipulateur d'ombre le détesta instantanément.

"Deux chambres et cinq repas, s'il vous plait." dit-il, "Mais avant tout, on voudrait bien à boire."

"Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, cher client, j'aimerai voir votre argent d'abord." dit l'aubergiste en agitant nerveusement ses mains moites. "Je ne veux pas vous sembler discourtois, mais nous vivons une rude époque et je suis sûr que vous comprenez ma réticence à servir un étranger sans savoir s’il a de quoi payer. Et c'est le cas, monsieur, n'est-ce pas ? Je veux dire, vous avez de quoi ?"

Shikamaru fixa le petit homme qui ne tenait pas en place devant lui d'un air mauvais. Sans quitter le tenancier des yeux, le manipulateur d'ombre saisit son porte-monnaie visiblement bien garni dans sa sacoche et en sortit une paire de billet qu'il abattit sur le comptoir devant lui.

"Ça fera l'affaire ?" le railla-t-il.

"Certes oui, mon bon monsieur, certes oui." dit l'aubergiste en souriant comme un idiot, le front ruisselant de sueur.

Les billets disparurent en un éclair et il tendit sa main à Shikamaru.

"Je suis Shigefumi Matsuzawa, propriétaire de ce fier établissement, et je suis ravi d'avoir un groupe de jeunes gens honnêtes et probes comme vous sous mon toit."

Le manipulateur d'ombre fixa la main moite et tendue de l'aubergiste et l'ignora.

"Faites apporter nos boissons à notre table, avec les repas." dit-il avant de se retourner pour s'éloigner du bar et de son détestable tenancier. Finalement, c'était probablement avec lui que l'âne à la porte avait fauté, pensa-t-il.

"Mais bien-sûr, monsieur." s'exclama Shigefumi.

Shikamaru rejoint le reste de l'équipe et nota immédiatement comment ils s'étaient installés. Sakura, Lee et Tenten - naturellement l'un à coté de l'autre - étaient assis contre le mur, seul Neji, assis face à la maître d'arme tournait le dos à la salle, mais cela ne devait pas lui poser de soucis outre mesure. Avec son Byakugan, il devait même être capable de voir ce qui se passait dans la rue dehors. Le manipulateur d'ombre attrapa une chaise et s'attabla à côté du ninja aux yeux d'ivoire, ressentant un étrange malaise. Les paroles de son père lui revinrent subitement à l'esprit :

"La vie d'un ninja n'es pas de tout repos, on ne peut s'empêcher de penser en termes stratégiques : «Quelle position est la plus facile à défendre ?» ou «Par où pourrais-je battre en retraite le plus aisément ?» Je ne peux même plus m'asseoir dos à la porte d'une taverne sans me sentir mal à l'aise. Un jour, toi aussi tu réaliseras que nous menons tous une guerre quotidienne, chacun à notre manière. Même le simple paysan aux prises avec sa charrue ou le dernier des ivrognes luttant pour boire encore un verre de saké doit réfléchir, planifier ses actions et se battre pour survivre."

Shikamaru n'y avait prêté grande attention sur le coup, mais maintenant il voyait où son père voulait en venir.

Il ne fallut pas très longtemps avant que la silhouette en sueur de Shigefumi n'arrive vers eux pour déposer sur leur table cinq bols de bouillie grise fumante et autant de gros morceau de pain. Le repas était incroyablement peu appétissant et Neji le tâta du bout de sa cuillère. L'aubergiste resta à coté d'eux avec son sourire idiot, attendant de toute évidence que les ninjas le complimentent sur ces talents de cuisinier.

"Allez-vous en." dit lentement Shikamaru, d'un ton menaçant, "Maintenant."

L'aubergiste bredouilla avant de se replier vers le bar. Sakura lança au Nara un regard noir qu'il ignora et poussa un soupir. Il n'avait rien à gagner à menacer cet homme, excepté un supplément de crachat - où pire - dans son prochain repas. Mais ils ne mangeraient plus ici, ils partiraient dès l'aube et déjeuneraient sur la route. Ils leur restaient beaucoup de chemin à parcourir jusqu'à Konoha, et plus vite ils partiraient d'ici, mieux ça vaudrait. Les ninjas avalèrent leur repas, trempant le pain dans le ragout bouillant qui n'était pas aussi mauvais qu'il en avait l'air, même si l'origine des morceaux de viande qui y flottaient était difficilement identifiable. Mieux valait sans doute qu'ils n'en sachent rien, du reste.

Le manipulateur d'ombre envisagea un moment de proposer de reprendre son argent et de partir sur le champ pour dormir à la belle étoile, mais il doutait que l'idée emballe ces coéquipiers. Car après avoir passé une semaine à dormir à la dure dans le désert, des canyons, des grottes et des ruines, la perspective d'une bonne nuit de sommeil sur un matelas était séduisante, même dans un trou à rat comme l'Âne Pendu.

Les ninjas venaient de finir de manger quand un terrible vacarme éclata dans la salle. La tête d'un client s'écrasa sur une table où il se brisa le nez, laissant une empreinte écarlate sur le bois.

"On n'veut plus d'gens comme toi dans l'coin !" cria un autochtone imposant et ivre qui remit l'homme hébété sur ses pieds.

Les amis de la brute tentèrent de le calmer mais il repoussa leurs mains avec colère, oscillant sur ses talons à cause de l'alcool. Il abattit son poing dans l'estomac de l'homme qui plia sous la force du coup et s'effondra.

"Allez Hikaru, en voilà assez." dit Shigefumi en s'approchant de l'ivrogne et en tendant ses mains moites.

"Ça t'va bien, d'dire ça." bredouilla le soiffard, "Tu t'engraisses sur l'argent des voyageurs. Mais pas moi !" ajouta-t-il en lui tapotant la poitrine, "Y viennent tous ici, mais n'importe lequel pourrait bien être un d'ces foutus pillards, pour c'qu'on en sait. On d'vrait plus les accepter ici, voilà ce que j'dis !"

Une vive acclamation sortie des gorges avinées de plus de la moitié des clients du bar lui répondit. Les voyageurs, dont beaucoup étaient accompagné de leurs femmes et de leurs enfants, fuyant les ravages des pillards, regardèrent nerveusement autour d'eux, sentant toute l'hostilité de la pièce converger vers eux. Encouragé par ses pairs, la brute locale donna un violent coup de pied au visage de l'homme à terre.

"J'dis qu'y faut plus s'laisser faire !" meugla-t-il, suscitant de nouveaux hourras. Il souligna ses arguments par un nouveau coup de pied.

"Allons Hikaru, je crois que tu en as eu assez. Rentre chez toi et vas cuver ton vin, hein ?" dit Shigefumi en avançant prudemment d'un pas vers l'ivrogne qui tanguait sur ces pieds.

Celui-ci fouilla sa ceinture et en sortie un couteau à courte lame qu'il tendit vers la gorge de l'aubergiste.

"T'avance pas ! Ou j'te saigne comme le porc que t'es !" jappa-t-il.

L'ivrogne désigna du menton l'homme qu'il avait jeté à terre.

"Je m'en vais le saigner, ce salaud là. La rumeur s'répandra et y aura plus jamais d'étrangers qui passeront par chez nous ! Ramassez-le !" aboya-t-il à l'attention de ses deux amis.

Ils soulevèrent immédiatement l'homme à demi-inconscient et suivirent Hikaru qui sortait d'un pas lourd. Il y eu des bravos ça et là, suivis du bruit des chaises que les clients repoussaient pour emboiter le pas au trio de brutes dans l'intention manifeste d'être témoins de la mise à mort de l'étranger. Les ninjas s'étaient levés aussi, mais pas pour les même raisons. Ils traversèrent l'auberge surpeuplée, se frayant un chemin parmi les clients en suivant la foule au-dehors. L'homme qui avait été molesté était à genoux au milieu de la rue.

"Par pitié. Je vous en prie, non !" implorait-il, des larmes de sang roulant sur ses joues, "Je vais rejoindre ma femme et mon fils à la capitale, je les ai envoyé là-bas avant moi ! Si vous me tuez, vous les tuez aussi ! Je vous en supplie, vous ne pouvez pas faire ça !"

Ignorant sa supplique, l'ivrogne saisit l'homme par les cheveux et lui tira la tête en arrière pour lui administrer le coup de grâce. La foule rugit, avide de sang. Poussant sans ménagement les gens hors de son chemin, Sakura s'avança au centre du cercle formé par la foule.

"Tue cet homme et tu seras le prochain." dit-elle.

Elle n'avait pas parlé trop fort, mais avec une telle autorité et un ton si menaçant que les villageois s'interrompirent net. Le grondement de la foule s'éteignit et l'homme ensanglanté tourna son regard vers la kunoichi, les yeux plein d'un fol espoir.

"C'est qui, ça ?" demanda la brute en agitant son couteau vers la silhouette vêtue de rose de Sakura, s'efforçant de concentrer son attention sur le visage qui lui faisait face.

"Sakura Haruno." dit-elle d'une voix forte et maîtrisée, de manière à ce que chacun des badauds puisse parfaitement l'entendre, "Kunoichi de Konoha, et je te le répète : tue cet homme et tu seras le prochain à mourir, je t'en fais la promesse."

Elle avait parlé lentement et clairement, afin que nul ne se méprenne sur ses intentions. Un profond silence s'était abattu sur le rassemblement. Clignant de ses paupières lourdes, l'ivrogne scruta la foule autour de lui. Il était facile de deviner ses pensés : il jaugeait des réactions de la foule, s'efforçant de savoir si les badauds s'en prendraient aux ninjas si la situation s'envenimait. Il regarda à nouveau le groupe de ninjas qui s'était réunis derrière Sakura et expectora un gros crachat gras et verdâtre aux pieds de la Rose avant de rengainer son couteau.

"On en restera pas là." grogna-t-il avant de se retourner et de partir d'une démarche lourde et chancelante.

Il fit mine de donner un dernier coup de pied à son souffre-douleur en partant et eut un petit sourire satisfait quand celui-ci tressaillit. La foule se dispersa rapidement et les ninjas se retrouvèrent bientôt seuls avec l'homme que Sakura s'empressa de soigner. Celui-ci la remerciait avec effusion à travers ses larmes.

"Répugnant petit roquet." commenta Neji en continuant de suivre la progression d'Hikaru et de ses deux amis grâce à son Byakugan.

"C'est plutôt rude." répondit Tenten avec légèreté, "Pour les chiens, je veux dire."

"Je suis quand même content qu'il ait retrouvé la raison et que nous n'ayons pas eu besoin de nous battre." s'exclama Lee.

"Bah, ce pochtron avait des yeux de meurtrier." fit remarquer Shikamaru, "Mais je crois bien qu'il a su qu'il n'était pas dans son intérêt de s'entretenir avec Sakura."

La rose s'éclaircit la gorge.

"Venez." dit-elle en aidant le blessé à se relever, "On va vous payer un verre."

Ils virent Shigefumi debout à la porte de l'établissement en train de se tordre nerveusement les mains.

"Il y a… heu…" commença l'aubergiste, le visage livide, "Il y a une dame qui s'est assise à votre table."

Le groupe fronça les sourcils. Qu'est-ce qui allait encore leur arriver ? Ne pouvaient-ils pas espérer passer une soirée tranquille ?

Une fois dans l'auberge, les ninjas portèrent leur attention sur leur table, où se trouvait à présent une kunoichi blonde. Le cœur de manipulateur d'ombre rata un battement.

Temari…



Pour tout vous dire, j'hésitait à clore la fanfic au chapitre précédent. Après tout, la mission des ninjas était terminée et tout le monde était satisfait, néanmoins il y avait encore beaucoup de choses à raconter, alors j'ai décidé de continuer l'histoire :)



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