Fiction: Paralèlles

Tokyo de nos jours. Neji, riche héritier d'une grande famille industrielle, enfermé dans sa bulle de luxe, se perd un jour dans la banlieue de la grande capitale japonaise. Il y rencontre Tenten son exact opposé : orpheline effrontée et extravertie, elle règne avec sa bande d'amis des rues sur la vaste banlieue Ouest. Confrontation entre deux milieux ou fresque urbaine romantico-réaliste. ^^ = Sujet de BASE !! (De multiples dérives sur d'autres persos et couples se feront dans cette fic... qu
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Saya-chan (Féminin), le 30/05/2014
Dans le Tokyô de nos jours, quelques vies s'entremêlent...
Alors que depuis l'exposition, Temari et Shikamaru multiplient les retrouvailles sous la couette, Sasuke décide lui, sur les conseils de Sakura de demander conseil à un avocat. Celui-ci, un curieux personnage du nom de Kakashi, accepte de les aider à monter un dossier contre la famille Uchiwa. De son côté, à la faveur d'un dîner avec sa cousine Hinata, Neji réalise qu'il manque toujours quelque chose à sa vie.




Chapitre 25: Secousses



Quand Sasuke eut fini, le silence s'installa un moment dans le bureau en vrac de Kakashi. Celui-ci paraissait réfléchir, le menton appuyé sur sa main, le coude dans un emballage de sandwich. Sasuke et Sakura le fixaient, dans l'attente d'un verdict.

- Mmmh-mmmh, finit par émettre l'avocat, les yeux dans le vague. Un personnage intéressant que votre frère.

Sasuke hocha brièvement la tête.

- Donc vous le croyez ? Ma famille n'est pas ce qu'elle prétend être...
- Bien sûr que je vous crois. D'ailleurs je n'ai pas eu besoin de vous pour savoir que les Uchiwa ne sont pas des gens très fréquentables au delà des apparences.
- Alors...
- Mais vous ne comprenez donc pas ? Le croire ne suffit pas, la justice demande des preuves, et des solides, autrement la machine juridique de votre famille ne laissera rien de nous.
- Mais vous allez nous aider ?
- Là est toute la question.

Au regard interrogatif de Sasuke, Kakashi répondit par un sourire malicieux.

- Est-ce que j'accepte de me lancer dans une aventure suicidaire ? Avec deux gamins et un junkie machiavélique en guise de clients ?

Ils se crispèrent.

- Ca a l'air marrant ! On s'y met ?

Sasuke jeta une fois de plus un regard incrédule à Sakura. Cette fois c'était officiel, ce type était dingue.
- Bon, comme je vous disais, un procès maintenant signerait notre perte. Il va falloir être malins, et surtout patients. Nous entrons dans la phase que j'appelle « rassemblement de l'arsenal ». Parce qu'avant de tirer il faut s'assurer que l'on a suffisamment de munitions, nous sommes bien d'accord ?

Cette fois, ils hochèrent tous deux la tête.

- A partir de maintenant, ou plutôt, dès que vous aurez signé les papiers, il va falloir m'écouter attentivement et faire exactement ce que je dis. Pour commencer, vous allez passer un coup de fil à votre frère.
- Pardon ?

Kakashi haussa les sourcils devant une première infraction de ses règles.

- Mon frère refuse de me parler, rappela Sasuke.
- Eh bien, appelez sa copine, trouvez un moyen d'obtenir les infos de manière indirecte.
- Quelles infos ?
- Tout ce qu'elle pourra nous transmettre sur les agissements frauduleux de la famille Uchiwa. Je suis sûr que votre frère a gardé quelques atouts dans sa manche. Quand on ne souhaite pas être retrouvé, il vaut mieux avoir de quoi faire en sorte que l'autre abandonne ses recherches.

Sakura hocha la tête devant la pertinence de l'argument.

- Mais qu'est ce qui vous dit qu'elle acceptera de me dire quoi que ce soit ?
- D'après ce que vous venez de me raconter, elle vous doit quelque chose. Utilisez cet ascendant que vous avez sur elle, vous n'êtes plus à ça près il me semble.


Sasuke haussa les épaules.
- Autant vous prévenir tout de suite, ajouta Kakashi, au procès – si procès il y a, ça dépendra de ce qu'on trouvera – ça ne sera pas joli à voir. Ca demandera de vous, enfin surtout de vous Sasuke, beaucoup de sacrifices. Dès qu'ils s'apercevront de ce que vous êtes en train de trafiquer, ils ne vont pas vous lâcher et que vous soyez de la famille n'aura guère plus d'importance. Si vous voulez abandonner, il est encore temps.

Sakura lui jeta un regard inquiet mais Sasuke serra les dents.

- On continue.
- Bien. Alors appelez cette femme et on se revoit dans une semaine. En partant, passez voir ma secrétaire, elle vous fera signer les papiers de confidentialité et tout le bazar.

Sasuke hésitait encore à se lever.

- C'est tout ?
- Oui. Pour le moment. Une affaire comme celle-ci ne se monte pas en un jour mon ami. Prévoyez quelques mois, voire des années avant de pouvoir affronter un tribunal.

Le jeune homme fit de son mieux pour éviter de montrer sa déception. La devinant malgré tout, Sakura posa la main sur la sienne. Ce contact l'émut comme il ne l'avait plus ému depuis plusieurs semaines.
Une fois sortis du bâtiment, Sasuke s'arrêta pour la prendre dans ses bras.

- Merci, murmura-t-il, merci d'être avec moi malgré tout. Et désolé d'avoir été con.

En réponse, Sakura l'embrassa.

***

Sasuke n'attendit que quelques heures avant d'attraper son Smartphone et de composer le numéro de Kurenai. Il laissa Sakura, endormie dans son lit, et quitta la pièce silencieusement. La jeune femme décrocha dès la troisième sonnerie.

- Allô ?
- Kurenai ? Bonjour, c'est Sasuke.

Il y eut une pause, et le jeune homme eut la sensation qu'elle s'éloignait, avant qu'elle ne reprenne la parole.

- Ah, bonjour. Comment vas-tu ?

Elle parlait à voix basse et un peu nerveuse.

- Vous êtes avec Itachi c'est bien ça ?
- Il n'est pas loin.
- Je peux vous rappeler...
- Non, ce n'est pas la peine, j'ai le droit de parler à qui je veux. Qu'est-ce qui t'amène Sasuke ?
- J'ai besoin de renseignements.
- A quel sujet ?
- Je voudrais savoir si mon frère vous a jamais révélé quoi que ce soit de concret sur notre famille et en particulier s'il vous a fait part de ses activités compromettantes.
- Je ne comprends pas... Tu te retournes contre ta famille toi aussi ?
- J'essaie seulement d'éclaircir certains trucs. Itachi a dit des choses qui m'ont fait réfléchir.

Il l'entendit soupirer.

- Ton frère... Il n'arrive pas à tourner la page. Cette histoire le ronge complètement. S'il te plaît, ne t'y mets pas toi aussi.
- Je dois découvrir la vérité.
- Et qu'est ce que ça changera, hein ? Itachi connaît la vérité lui, et regarde où il en est.
- Je ne peux pas tout vous dire Kurenai, mais j'ai un plan.
- Un plan ?
- S'il vous plaît, est-ce que vous savez quelque chose ?
- Très peu. Il ne veut rien me dire, je crois qu'il a peur que je sois impliquée.
- Il ne vous a pas dit s'il avait gardé... quoi que ce soit qui puisse servir comme preuve ?

A l'autre bout du fil, Kurenai parut s'agiter.

- Attends une seconde Sasuke, il est là, je vais lui poser la question.

Avant qu'il n'ait eu le temps de protester, elle avait raccroché.

***

Kurenai laissa tomber son portable dans son sac et regarda Itachi approcher. Il avait maigri (en fait, elle ne l'avait jamais vu aussi squelettique), ses lèvres étaient pâles et ses yeux rouges à cause du manque. Mais pour elle, il n'avait rien perdu du charme qui l'avait tant séduite il y a quelques mois. Car même si Itachi était beau à l'époque, ce n'était pas sa plastique impeccable qui lui avait fait perdre la raison au point de mettre sa carrière en danger. Non, c'était autre chose, que Kurenai malgré sa passion pour la littérature, avait bien du mal à décrire sans avoir l'impression de l'abîmer. Une lueur dans ses yeux peut-être, ce sourire douloureux... mais non par dessus-tout c'était cette sensibilité, perdue sous des océans de cynisme. Il lui avait fallu du temps, avant d'en apercevoir un éclat fugace un jour qu'ils discutaient en classe du roman de Tolstoï, Anna Karenine. Non seulement Itachi avait dévoré le livre trois fois mais le devoir qu'il lui avait rendu quelques jours plus tard, l'avait profondément remuée. Elle se souvenait s'être dit que ce garçon devait vivre dans un environnement très malsain pour arriver à dissimuler aussi bien une telle délicatesse. Ca avait été le début de la fin.
Et maintenant ils étaient là, dans le parc autour du centre de désintoxication de Kôchi. Elle avait démissionné et lui tentait de vaincre ses démons. Avec son aide, il gagnait du terrain, même si elle le soupçonnait de souffrir bien plus qu'il ne voulait lui avouer. Elle s'était installée dans un hôtel à proximité et venait le voir tous les jours. Ils se promenaient autour du lac, discutant d'Hegel et Rousseau, envisageant timidement leur avenir. Elle l'interrogeait sur son traitement, il restait évasif mais paraissait déterminé à prendre un nouveau départ. Il lui disait avec son air grave habituel que c'était grâce à elle. Elle lui attrapait la main et pour quelques secondes elle était heureuse.
Mais la nuit, les angoisses revenaient. Itachi lui avait dit avoir coupé les ponts avec sa famille, avoir renoncé à son héritage sans avoir consulté personne. Une telle décision l'effrayait. « Comment peux-tu faire une chose pareille ? Lui demandait-elle. Je veux bien admettre qu'ils ne sont pas tous honnêtes, mais ils sont ta famille ! ». « Tu ne comprends pas, rétorquait-il, ce sont eux qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Cette épave. Si je ne t'avais pas rencontrée, il y a longtemps que je me serais foutu en l'air ». « Et tu crois qu'ils vont nous laisser en paix après ça ? ». Son visage s'assombrissait alors. « Non, ce serait trop beau pour être vrai. Mon père ne laissera pas passer un tel affront » Mais il redressait la tête, et un sourire amer tordait ses traits maigres : « Mais il peut toujours venir, j'ai de la puissance de frappe moi aussi » « Qu'est-ce que tu entends par là ? » Il secouait la tête. « Non, n'insiste pas, c'est entre eux et moi ». Au début, elle avait insisté, quel était le plan ? Mais il tenait bon, avec une douceur contre laquelle elle ne pouvait pas lutter.
En bref, Kurenai avait dit la vérité à Sasuke : elle ne savait rien, si ce n'est qu'Itachi avait l'air de savoir ce qu'il faisait.

- A qui parlais-tu ?

La voix était gutturale mais chaleureuse.

- A ton frère.

Elle remarqua un léger tressaillement dans son attitude mais il se reprit très vite.

- Qu'est ce qu'il voulait ?
- Des renseignements sur ta famille. Je crois qu'il commence à prendre tes accusations au sérieux.
- Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Qu'il devrait s'occuper d'autre chose.
- C'est sage de ta part et complètement irréaliste aussi. Une fois que les Uchiwa sont sur une piste, c'est difficile de les faire rebrousser chemin.
- Il a l'air de penser que tu disposes d'une sorte de preuve contre ta famille.

Le visage émacié d'Itachi parut s'éclairer pour quelques secondes.

- Il est plus futé que je ne pensais. Qu'est-ce que tu lui as répondu ?
- Que j'allais te poser la question.

Il hocha lentement la tête.

- J'aimerais que tu le rappelles.
- Itachi, à quoi tu joues avec lui ?
- Tu me fais confiance ?
- Ca dépend.

Il haussa légèrement les sourcils et elle ajouta aussitôt :

- Je ne veux pas que tu blesses ton frère. Je ne sais pas si tu es véritablement en colère contre lui ou si tout ça n'est qu'une de tes nombreuses machinations mais s'il te plaît, épargne-le. Il ne t'a rien fait de mal.

Pendant un instant, passa sur le visage d'Itachi une expression indéfinissable, un mélange de souffrance et d'amour, qui s'effaça presque aussitôt. Il s'approcha d'elle. Elle sentit son cœur accélérer sa cadence. La lenteur d'Itachi était peut-être ce qui l'émouvait le plus. Des fois, elle avait l'impression que le temps ne le touchait pas, que son rythme était unique et indépendant de tout. D'un geste très tendre, il posa les mains de chaque côté de sa mâchoire et pencha la tête vers la sienne.

- Je sais que je ne devrais pas garder tout ça pour moi, lui dit-il doucement, mais il faut que tu comprennes, c'est mieux comme ça. Ca ne change rien au fait que je t'aime, de la même façon que j'aime mon frère. Je te promets, je ne lui veux aucun mal.
- Et je suis censée te croire ? Articula-t-elle, dans une tentative d'esprit critique. Mais c'était vain, elle avait envie de croire tout ce qu'il pouvait lui raconter.
- Je le jure.

Il lui sourit et elle eut tout à coup envie de pleurer. Pour dissimuler son trouble, elle se mit à tâtonner dans son sac, à la recherche de son portable.
- Bon alors je lui dis quoi ?

***

Elle rappela dans les 10 minutes.

- Sasuke ?
- C'est bien moi. Vous avez parlé à Itachi ?
- Oui.
- Alors ? Il détient bien quelque chose contre ma famille ?

Au bout du fil, il sentit une seconde d'hésitation.

- Il est avec moi. Il veut te transmettre un message.
- Lequel ?
- Il... (nouvelle pause) il aimerait te féliciter pour ta nouvelle carrière toute tracée.

Sasuke sentit la rage bouillonner dans ses entrailles.

- Passez-le-moi !
- Il refuse de te parler.
- Alors dites-lui que je fais ce qu'il attend de moi ! J'enquête ! J'ai juste besoin de son aide...
- Il va t'envoyer la preuve.

La surprise coupa un instant la parole au jeune homme.

- Sérieux ?
- Il dit qu'il va le faire.
- Euh... d'accord. Sur quel support ?
- Surveille tes mails, lança une dernière fois Kurenai avant de raccrocher.

Le cœur battant, Sasuke jeta son téléphone au loin et se laissa tomber sur son lit. Kakashi avait donc raison, Itachi disposait de quelque chose contre les Uchiwa. Quel genre de preuve cela pouvait-il bien être ? Et quelles étaient les intentions exactes de son frère ? Voulait-il simplement faire tomber leur famille ou bien poursuivait-il, comme semblait le penser Sakura, un but plus ambigu et plus cruel, celui de regarder les siens s'entre-déchirer ? Sasuke devait bien admettre qu'il n'avait à l'heure actuelle aucun moyen de le savoir. « Me voilà réduit à lui faire confiance, une fois de plus » songeait-il avec amertume. Quand donc allait-il enfin devenir maître de son destin ?
A ce moment là, son i-phone émit un bip sonore pour lui signaler qu'il avait reçu un e-mail. L'adresse était celle de Kurenai et il y avait une pièce jointe.

***

Le samedi suivant, vers 8 heures du matin, Gaara reçut un texto de Tayuya qui lui proposait d'aller courir un peu plus tard. « Rendez-vous 14h au stade, j'ai besoin de me dégourdir les jambes » disait le message, ni plus ni moins. Le texto aurait peut être dû surprendre le garçon : Tayuya n'était pas franchement une adepte du téléphone. Mais après tout, jusque là la fille s'était surtout illustrée par son imprévisibilité totale, c'est pourquoi Gaara ne se méfia pas outre mesure et se rendit au stade pour 14h.
Il fronça les sourcils en s'apercevant que l'endroit était bondé. Qu'est ce que c'était que ce bordel ? Il mit un moment à se rappeler sa rencontre avec le géant de l'autre fois : « y a une compétition ouverte le weekend prochain, ici même ». Et merde. Au temps pour l'entraînement avec Tayuya. Il essaya de la joindre sur son portable. Au bout de la troisième sonnerie, elle décrocha. Son timbre de voix était inhabituellement joyeux.

- Gaara, tu es arrivé ?
- Oui, mais on dirait que y a une course organisée. On ne peut pas s'entraîner.
- Mais qui parle de s’entraîner ?

Il pouvait presque entendre le sourire dans sa voix.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda-t-il soudainement méfiant.
- Écoute, je sais que t'as remballé Killer Bee l'autre jour, ce qui au passage m'a bien fait marrer, mais au fond, il n'a pas tort... pourquoi tu n'essaierais pas ?
- Attends une seconde... Tu connais ce mec ?
- Bien-sûr, c'est mon entraîneur.
- Et c'est lui qui t'a demandé de me faire venir ? Pour que je coure ?
- Je savais que l'idée n'allait pas te plaire de suite, alors j'ai un peu rusé...
- Tu as raison, ça ne me plaît pas du tout. C'est quoi cette histoire de faire des trucs dans mon dos ?
- Oh ça va, calme-toi, c'est qu'une course mec. Qu'est-ce qui te coince honnêtement ?
- J'ai pas envie de me justifier.
- Tant mieux parce que c'est trop tard de toute façon, tu es inscrit.
- Quoi ??
- Allez, fais pas le con, habille-toi et mets-toi sur les rangs. Tu vas leur en mettre plein la vue.
- Nan mais je rêve, tu m'as inscrit sans me demander mon avis ?
- Et alors ?
- Et alors je commençais à croire que t'étais quelqu'un de cool.
- Gaara...
- Laisse tomber ok ?
- Pfff, si tu le prends comme ça...

Et elle raccrocha avant qu'il ait eu le temps de le faire lui-même. Ce fait l'agaça encore davantage. « Nan mais pour qui elle se prend ? » cracha-t-il entre ses dents. Il prit immédiatement le chemin de la sortie du stade, zigzaguant entre les supporters et les participants.

- Monsieur, vous courrez ? L'interpella ce qui semblait être un membre de l'organisation en agitant un maillot dans sa direction. Si oui, il faut que je vous donne votre dossard.
- Non, je ne cours pas ! S'écria Gaara au comble de l'énervement.
- Ah bon, je croyais... dit encore le gars, jetant un regard confus en direction de son short et de ses baskets.

La foule se faisait plus compacte à mesure que le début des premières courses approchait. C'était comme si le stade lui-même voulait l'empêcher de partir songea le garçon. Il dut bientôt jouer des coudes pour se frayer un chemin à contresens de la masse qui affluait en direction des tribunes. Autour de lui les gens commençaient à se bousculer. Les corps se heurtaient, on lui marchait copieusement sur les pieds. Bientôt, et ce avant qu'il ne puisse comprendre ce qui lui arrivait, il se retrouva complètement bloqué. Avec un grognement d'exaspération il se résolut à lever les yeux pour analyser la situation. Mais il n'y avait pas grand chose à comprendre. D'aussi loin que son regard portait il était entouré, compressé par une masse compacte de supporters et de curieux. Plus personne ne pouvait bouger. « Quelle merde » marmonna-t-il, avant qu'un gémissement sur sa gauche interrompe ses pensées. Serrée contre lui, une femme d'une trentaine d'années paraissait dangereusement pâle.

- Vous allez bien ? Demanda-t-il en se tordant le cou pour pouvoir mieux la regarder.
- Je... Je ne crois pas non...
- Vous avez un problème ?

Il essaya de se dégager mais c'était peine perdue.

- Je... Je suis claustrophobe.

Sa voix n'était plus qu'un filet et elle commençait à rouler des yeux paniqués. « Putain merde... jura-t-il, il ne manquait plus que ça ».

- Essayez de vous calmer, il n'y en a que pour quelques minutes...
- Je n'arrive plus à... respirer...

Effectivement, il l'entendait qui commençait à haleter. « Saloperie de bordel ».

- Attendez je vais essayer de vous faire de la place.

En se tortillant, il parvint à passer un bras derrière elle. Mais il la sentait qui fléchissait sur ses jambes. Elle ne tenait plus debout. Lui revinrent en mémoire ces faits divers où les foules paniquées piétinent ceux qui ont le malheur de trébucher. Il referma fermement son bras autour de l'inconnue pour l'empêcher de s'effondrer complètement puis se mit à appeler à l'aide. Le mouvement de la masse surprise et inquiète menaça un moment de lui faire perdre l'équilibre et en sentant l'étau des corps se refermer lui il sentit à son tour la panique le gagner. « Respire » s'ordonna-t-il mentalement, tandis que la femme dans ses bras devenait de plus en plus lourde.
Après un moment qui lui parut une éternité, le bruit d'une sirène retentit et avec une lenteur désespérante, la pression sur sa poitrine se relâcha. Petit à petit les gens s'écartèrent. Il put déposer dans l'herbe, avec toute la délicatesse dont il était capable, l'inconnue qui avait perdu connaissance. De là où il était, il pouvait entendre une voix aiguë mais résolue lancer depuis le milieu de la foule : « Poussez-vous ! Laissez passer le SAMU ! ». Bientôt, une silhouette frêle avec de longs cheveux de jais ébouriffés par les obstacles émergea entre deux épaules. Elle était suivie par deux autres personnes qui portaient un brancard. La fille qui paraissait incroyablement jeune se précipita au chevet de l'inconnue. En quelques gestes experts, elle lui prit le pouls, écouta la respiration et souleva une paupière pour agiter devant des yeux fixes le faisceau d'une petite lampe de poche.

- La victime a perdu connaissance. Le pouls est stable. On l'emmène.

Entre temps, Gaara s'était déjà relevé et comptait mettre à profit l'écartement de la foule pour enfin quitter les lieux.

- Une seconde ! L'intercepta la jeune fille alors qu'il mettait les voiles. Vous avez été témoin de l'accident. Vous devez nous dire ce qui s'est passé.

Le profond soupir qu'il poussa n'échappa pas à l'infirmière.

- Désolée d'abuser ainsi de votre temps, j'imagine que vous participez à la course, mais j'ai vraiment besoin de savoir ce qui s'est passé. C'est important d'avoir tous les éléments en main pour pouvoir s'occuper d'elle au mieux.

Gaara haussa les épaules.

- En fait je ne cours pas. Je peux répondre à vos questions.

Elle lui jeta un regard surpris mais ne fit pas de remarque et l'invita à le suivre. Ils suivirent le brancard jusqu'au camion marqué du sceau reconnaissable du SAMU. Elle sortit une fiche froissée de sa poche.

- Je vous écoute, qu'est ce qui a provoqué l'accident ?
- Elle a dit qu'elle était claustrophobe. La foule était compacte, elle avait du mal à respirer. Elle a paniqué. J'ai essayé de lui faire de la place mais la masse...
- Vous avez fait ce qu'il fallait. Appeler à l'aide en l'empêchant de tomber. Elle vous doit peut être la vie.

Elle avait dit ça avec simplicité, en remplissant les cases de sa fiche avec une écriture ronde enfantine. Tandis qu'elle fronçait les sourcils sur sa feuille, Gaara l'observa un peu plus attentivement. Elle avait les plus beaux cheveux qu'il avait jamais vus. Noirs et brillants qui lui tombaient jusqu'au milieu du dos. Un teint de porcelaine, rehaussé aux joues par le rose soutenu de l'effort. Et quand elle releva les yeux vers lui, son regard d'un violet troublant lui fit passer un étrange frisson le long de l'échine.

- Elle ne vous a pas dit son nom ?
- Non. Le moment était assez mal choisi pour des présentations.

Elle eut un petit rire qu'elle dissimula timidement en baissant la tête. Il remarqua qu'elle rougissait mais n'y prêta pas attention. Une mèche de cheveux avait glissé révélant un lobe d'oreille.

- Je crois que vous avez perdu une boucle d'oreille.

Ouvrant de grands yeux, elle porta une main d'un côté de son cou puis de l'autre. En effet, son oreille droite s'ornait d'une perle délicate qui aux yeux de Gaara avait tout l'air de valoir une fortune mais la gauche était nue.

- Oh non... laissa-t-elle échapper.
- Vous avez dû la perdre quand vous traversiez la foule.

Tout à coup affolée, la fille s'accroupit pour fouiller le sol des yeux.

- Si vous voulez mon avis, vous ne la retrouverez pas. Une perle de cette taille dans la pelouse...
- Il faut pourtant que je la retrouve. C'est un cadeau de ma mère... j'y tiens plus que tout.

En disant cela, elle écartait désespérément les touffes d'herbe. Gaara secoua la tête. Il trouvait décidément que les filles étaient des êtres bien trop émotionnels.

- Ne perdez pas votre temps, demandez plutôt à votre mère de vous en racheter une paire.

Elle leva une fois de plus vers lui son regard troublant, accompagné d'un petit sourire gêné, comme si elle s'excusait par avance de ce qu'elle allait dire :

- Ma mère est morte.
« Abruti ! » se lança-t-il à lui même en se mordant la lèvre.
- Je suis désolé.

Elle balaya ses excuses d'un revers de main.

- C'était il y a longtemps.
- Je vais vous aider à chercher, dit-il avant d'avoir pu s'en empêcher.

De toutes évidences, il n'allait pas quitter le stade avant un moment, songea-t-il en soupirant.

- Je ne voudrais pas vous retenir...
- Je vous ai dit que je ne courais pas... j'ai donc tout mon temps.
- C'est étrange, commenta-t-elle sans le regarder. Pourquoi êtes vous habillé comme si vous alliez participer à la course ? Vous êtes blessé ?
- Non. Je ne veux juste pas participer.
- Et pourtant vous êtes là ?
- Je ne savais pas pour la compétition. Une fille que je connais m'y a inscrit sans me demander mon avis.
- Vous devez être vraiment doué.
- Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?
- Elle ne prendrait sûrement pas la liberté de le faire si elle ne pensait pas que vous pouviez faire une belle performance.
- Peu importe quelle performance je peux faire, je n'apprécie pas qu'on manigance derrière mon dos.
- Et c'est bien compréhensible, approuva la jeune femme sans cesser de fouiller l'herbe sous ses pieds.

A quatre pattes, elle se déplaça d'un demi-mètre dans la direction approximative d'où ils venaient quand ils avaient ramené le brancard.

- Il n'empêche, c'est un peu dommage de ne pas exploiter ses talents, surtout quand c'est par orgueil.

C'était à n'en pas douter un reproche, mais c'était énoncé d'une voix si douce que Gaara fut surpris de ne ressentir aucun agacement.

- Qu'est ce qui vous fait dire que je suis orgueilleux ?

Elle lui jeta un regard éberlué derrière sa frange de cheveux noirs et il comprit qu'elle avait envie de dire : « Allons donc ! Ca se voit comme le nez au milieu de la figure ! » A la place, elle sourit gracieusement et répondit : « Une intuition ».
- Vous avez peut être raison sur ce point, mais ça ne me dit pas pourquoi je devrais courir.
- Je ne dis pas que vous devriez, seulement vous n'avez que de mauvaises raisons de ne pas le faire.

Elle voyait juste. Si Gaara réfléchissait deux minutes, son refus de s'aligner au départ tenait davantage au fait qu'on l'avait mis devant le fait accompli plutôt qu'à un désintérêt pour la compétition en elle-même. Certes, de manière générale, il n'était pas un fan inconditionnel de la rivalité. C'était un sentiment qui confinait à l'agressivité et Gaara redoutait, non pas l'agressivité des autres mais la sienne propre. Cependant, il repensa à tous ces matins passés à courir et se dit que le meilleur moyen de dépasser ses limites (car tel était toujours son but) était encore de se mesurer aux autres.
Il était sur le point de lui annoncer qu'il avait changé d'avis quand un des brancardiers sortit la tête par la porte arrière du véhicule.
- Hinata ! On doit y aller.

La jeune fille sursauta et se releva rapidement.

- J'arrive ! (Elle eut une petite moue contrite). Tant pis pour ma boucle d'oreille, je n'avais qu'à faire davantage attention.

Elle rougit en lui tendant la main.

- J'ai été ravie de faire votre connaissance...
- Gaara.

Elle lui sourit.

- Je vous souhaite le meilleur, Gaara-san.

Il voulut répondre « A vous aussi » mais à ce moment-là, le brancardier s'impatienta et passa la tête par la fenêtre : « Hinata ! ». La jeune femme se précipita à l'intérieur du véhicule. Il regarda l'ambulance s'éloigner sans comprendre pourquoi il ne se cassait pas tout de suite. Mais non, il avait pris une décision. Il se détourna pour se rediriger vers le stade et ce faisant, son regard capta un éclair de lumière dans l'herbe à quelques mètres de là. En s'approchant, il découvrit une petite perle montée sur un socle d'or. Une boucle d'oreille. Il se retourna immédiatement mais l'ambulance était déjà loin. Il ramassa la perle et la serra dans son poing.

- Je croyais que vous ne courriez pas ? S'étonna le mec qui distribuait les dossards.
- En fait si.




Je suis contente d'avoir l'occasion de faire apparaître le personnage d'Hinata plus régulièrement ds cette fiction. Je trouve que sa personnalité apporte un recul et une sagesse bienvenues pr l'ensemble des autres protagonistes, qui sont avouons-le, bien souvent obnubilés par leur propre nombril.
See you au prochain chapitre !




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