Fiction: Concours

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Dans l'âtre de la cheminée rougeoyait le feu allumé quelques minutes auparavant par Kenkai. Il illuminait et chauffait toute la pièce dans laquelle se trouvait le trio des inséparables de Suna. C'est ainsi qu'on appelait l'équipe 8 de la section Loup Blanc des Anbus du village du sable: Sanae du clan Otawa, Kaju, un orphelin recueilli par une vieille femme du clan Kosetsu et enfin Kenkai, digne héritier de la famille Unagi.
Sanae s'avança vers le sapin qu'elle venait de faire pousser grâce à son don héréditaire. Elle y déposa deux cadeaux. Kenkai regarda avec avidité celui portant son nom, et se fit réprimander aussi sec. Il baissa la tête en signe de soumission, et recula pour se rapprocher de la bouteille de Saké posée sur la table basse. Kaju déposa à son tour deux cadeaux au pied du sapin, puis se recula. Quelques secondes passèrent sans qu'un mot ne soit prononcé. Durant ce court laps de temps, Sanae et Kaju se regardèrent, puis tournèrent la tête vers Kenkai.

- Bon ? Tu vas déposer tes cadeaux ?
- Mes quoi ?
- Les cadeaux que tu es sensé nous offrir. Sanae a très bien articulé, rétorqua Kaju.

Kenkai se tourna. De dos aux deux autres, il lâcha un "Je suis désolé" à peine perceptible. Sanae et Kaju échangèrent un nouveau regard, puis s'adressèrent en même temps un haussement d'épaules signifiant "bah, on le changera pas".

- Allez ! Il est temps de passer aux choses sérieuses...
Sur ces mots, Kaju saisit la bouteille de Saké, et remplit trois verres.
- Pour bien démarrer, cul sec ! annonça Sanae.

Kenkai se retourna, et tous trois engloutirent leur verre d'un seul trait. Sanae tenta de camoufler une légère toux à laquelle aucun des deux garçons ne fit attention. Les discussions allaient bon train, portant tantôt sur des idées de nouvelles techniques de combat, tantôt sur la politique des dirigeants des différents pays du monde. Voyant les flocons tomber par la fenêtre, Sanae décida que ce genre de discussions n'était pas dans le bon contexte, et sortit un paquet de son sac, espérant ramener l'esprit de ses deux compagnons à ce qui les intéressait ce soir : noël.
Le silence se fit. Sanae posa le paquet sur la table, et le déballa. Apparurent devant les trois paires d'yeux de grandes tranches de Kamaboko sur lesquelles reposait une mousse étrange, à la consistance et la couleur de la mousse de canard, mais qui n'en était sûrement pas.

- C'est ma mère qui prépare ça. Gouttez. Par contre me demandez pas ce que c'est, j'en ai aucune idée...

Kenkai et Kaju prirent une tranche chacun, échangèrent un regard anxieux, et plongèrent leurs tartines au fond de leur bouche. Un goût sucré incomparable prit possession de leur palais. Jamais aucun des deux n'avait mangé quelque chose de comparable. Pendant un instant, ils étaient au bord de l'extase sensorielle, un orgasme gustatif sans précédent. Puis ils avalèrent leurs tranches dans une synchronisation presque parfaite. Alors qu'ils rouvraient les yeux, Sanae leur tendit à tous deux un verre de Saké qu'elle venait de remplir. Ils le burent d'un coup de nouveau.
Cette fois-ci, l'alcool sembla se transformer en véritable torrent de lave qui glissait lentement le long de leur oesophage et faisait fondre leur estomac sous la chaleur.

La douce brûlure provoquée habituellement par la boisson fut remplacée par une torture à peine soutenable. Kenkai et Kaju toussèrent à en perdre la raison, et quand ils reprirent enfin leurs esprits, Sanae était sur le sol, se tenant les côtes, et pouffait de rire. Les deux jeunes hommes échangèrent de nouveau un regard, puis se mirent à rire à leur tour.

- Je ne sais vraiment pas ce qu'il y a dedans, mais ma mère prépare toujours ça lors des soirées avec les amis de mon père. Ca permet qu'ils restent assez lucides pour retrouver les chemins de leurs maisons. Expliqua Sanae une fois que le fou rire général fut terminé. Ne vous inquiétez pas, le prochain verre ne vous fera pas mal. Mais généralement les invités s'arrêtent au premier.
- C'est qui le taré qui a tenté le deuxième verre ? demanda Kenkai.
- C'est moi, répondit-elle, le sourire jusqu'aux oreilles.
- M'en doutais...

Kaju se leva, sortit de la pièce, et revint quelques secondes plus tard avec trois plateaux repas. Ce n'était pas grand chose pour un repas de noël, mais en ces temps difficiles pour le village, c'était déjà beaucoup. Ils continuèrent la soirée à boire, au début avec réticence, puis avec plaisir, et manger, autour du feu. Au bout de quelques heures, Kenkai sortit une guitare de son barda et commença à jouer quelques musiques douces, apaisantes. Vers le milieu de la soirée, et avant que les effets de l'alcool ne se fassent trop sentir, il fit écouter à Sanae et Kaju un morceau qu'il venait d'écrire. Ces deux derniers lui assurèrent oralement que pour un premier essai c'était pas mal, tout en lui faisant comprendre par les gestes qu'il n'avait aucun talent de composition. Pas découragé pour autant, il se mit à jouer quelques chansons célèbres à Suna, que tous trois chantèrent en choeur.

Une fois la nuit bien avancée, et qu'ils aient chacun environ un litre de Saké dans l'estomac, car c'est là que c'est le plus rigolo, ils entreprirent d'ouvrir les cadeaux. Sanae fut déléguée à la distribution. Elle rampa vers le sapin, le salua respectueusement d'un "Ave Colonel", elle saisit le premier cadeau à sa portée. La brûlure provoquée par cet étrange cadeau était épouvantable. Aussi, elle reposa gentiment la buche enflammée dans la cheminée, dans un grand "et tu trouves ça malin pétasse ?", puis parvint cette fois-ci à attraper un vrai cadeau. Elle le fixa du mieux qu'elle put pendant quelques secondes, et le jeta vers Kaju.

- Tiens, j'arrive pas à lire, on va dire que c'est pour toi.

Ce dernier secoua le cadeau, et fit mine d'écouter le bruit qu'il faisait. Peu satisfait, il le posa sur les genoux de Kenkai, à moitié comateux, à la fois sur les genoux et sur le dos, la tête en arrière et la bouche grande ouverte. Les yeux dans le vide. Il lança son bras droit en avant, et saisit le cadeau. Le contact de l'emballage sembla lui redonner vie, aussi se redressa-t-il sur ses genoux d'un coup. Il tendit sa main gauche vers la table, attrapa son verre, et but une gorgée. Puis deux. Puis le reste du verre, qu'il jeta en arrière. Il déchira le paquet cadeau, et ouvrit le paquet. Il sentit que le contenu était dur, mais impossible de voir ce que c'était. Peut être demain matin. Mais pas au réveil, bien après.

Il se pencha de nouveau en arrière, les épaules contre le sol, la tête en arrière, contemplant le plafond, la bouche grande ouverte.

- Ah ! Celui-là je sais à qui il est ! Il est à... celui qui est marqué dessus. Enfin je pense. Pitêtre quelqu'un a effectué une technique de genjutsu sur le paquet, on sait jamais ! Je vais pratiquer un sort préventif d'annulation de genjutsu, avec ma nouvelle amie l'aiguille de colonel sapin.

Sanae saisit une aiguille du sapin sur le sol, la leva en l'air, déclara "T'es ma nouvelle meilleure amie passeuh je te trouve trop cool." Puis elle tenta en vain de planter l'aiguille dans le cadeau.

- Oups !

Puis elle retenta, mais l'entreprise rata.

- Bon, on va dire que c'est fait. Tiens Kaju, ouvre-le.

Ce dernier obéit. Il prit le contenu du cadeau, et le posa sur la table basse, saisit ce qu'il appelait maintenant une "tranche magique de la maman de Sanae", et une bouteille de Saké encore à moitié pleine. Il s'approcha discrètement de Kenkai, feignant d'être en mission d'infiltration, et déposa un bout de Kamaboko dans la bouche de Kenkai, puis s'empressa d'y verser le délicieux liquide.

Kenkai ferma la bouche, mâcha, puis avala. Il attendit un instant, et tourna la tête vers Kaju. Puis il ouvrit grand les yeux, se releva d'un coup, et sortit de la pièce en courant, les joues gonflées.

- Ah ! Il faut purger la fosse septique de temps en temps ! C'est bien ! déclara Sanae, entendant son ami vomir.



Au petit matin, les inséparables de Suna se réveillèrent. Le réveil était difficile, mais les pilules miracles de leur trousse à pharmacie firent rapidement disparaître les nausées et maux de tête. Ils burent quelques litres d'eaux pour annihiler la déshydratation due à la gueule de bois, puis firent leur paquetage. Kaju ouvrit la porte de la pièce, laissant les deux autres sortir. Le soleil se levait encore, dévoilant un mince filet de neige qui recouvrait les ruines. Kaju claqua des mains, et la pièce qu'il avait construite la veille disparut dans le sol. Ils échangèrent un regard mêlé de joie et de fatigue, mais aussi de tristesse à cause de ce qui les attendait. Noël, c'était fini. Retour à la dure réalité: la troisième guerre mondiale des ninjas, elle, était encore et toujours d'actualité. Elle avait, pour eux, fait une petite pause le temps d'une soirée, mais il était temps maintenant de repartir au combat, en espérant pouvoir souhaiter, à trois, le nouvel an dans quelques jours.




Joyeux noël et bonne année à tous !

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