Fiction: La Malédiction du Coeur

Temari est une lycéenne malheureuse. Brimée, victime de chantage affectif et d'attouchement de la part d'un de ses professeur, tout cela n'est rien face à ses blessures du cœur, à son horrible sentiment de culpabilité et à sa solitude. Pourquoi culpabilise-t-elle ? Est-elle réellement seule ? Bon gré mal gré, elle se retrouvera impliqué plus que de raison dans une rivalité et d'une malédiction vieille de plusieurs centaines d'années dont elle n'a même pas connaissance.
Classé: -12D | Romance / Science-Fiction / Suspens | Mots: 27348 | Comments: 73 | Favs: 79
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Ukya (Féminin), le 23/03/2009
J’introduirai par moment dans l’histoire, des chapitres « Remember ». Ce seront des chapitres spéciaux car ils raconteront certains moments passés (en rapport avec l’histoire quand même) de la vie des personnages. J’essaierai d’éviter les coupures dans le scénario, que ça ne casse pas le suspens en dérivant sur autre chose. Mais je pense que c’est quelque chose d’intéressant à faire car c’est rentrer dans l’intimité des personnages sans qu’ils aient à tout révéler (c’est pourquoi ces chapitres seront écrits à la première personne).

Ce seront également des chapitres me permettant de me retrouver dans l’histoire et l’évolution de chaque personnage (pourquoi je parle d’évolution ? Explication au prochain chapitre ^^). Bonne lecture !




Chapitre 5: {Remember} A trois on est plus fort...



{Remember}: A trois, on est plus fort.


Haine…

Aussi loin que je m’en souviens, mon père n’avait jamais fait preuve d’affection à mon égard. Ni à celui de mon frère. Le seul qui avait reçu son attention, c’était Gaara. A son plus grand malheur.

Père -il refusait qu’on l’appelle « papa »- avait été promu au poste de Kazekage très jeune, il était certainement le plus jeune Kazekage que la ville de Suna ait connue. J’étais encore petite fille lorsque maman me prit dans ses bras et m’annonça, toute sourire :

«_ Papa est devenu quelqu’un ma puce. Il aura moins de temps à t’accorder maintenant, j’en suis désolé… »

Etait-il plus présent dans ma vie avant ? Je ne sais pas, à l’époque j’avais à peine deux ans. Il avait été élu pour les dix prochaines années à venir. S’il était plus attentionné avant, je pense à mon pauvre Kankurô qui n’a jamais pu avoir la chance de connaître ou de se rappeler d’un sourire sincère de la part de père. Il avait un an à cette période, maman était enceinte de Gaara.

J’étais contente d’avoir un petit frère, Kankurô était un ami qui agrémentait ma vie, quand maman passait à l’hôpital et papa était, comme toujours, enfermé dans son bureau. C’était Yashamaru qui nous gardait, en parfait oncle qu’il était. A l’époque, je pense que j’étais déjà un brin autoritaire et que je jouais ma petite chef. La présence de Kankurô me rendait forte, grande, supérieur je pense. J’étais fière de moi, je lui apprenais tout. La vie était simple, joyeuse. Nous habitions dans l’immense palais de Suna, et chaque jour était une nouvelle exploration de ce monde nouveau.

Père n’était jamais là. Quand il rentrait, c’était à peine s’il nous accordait un sourire. Mais il était très proche de Kankurô –du moins à cette époque, si bien que le concerné ne s’en souvient pas-, cédant à ses caprices. Il était le seul à recevoir un regard fier de sa part. Peut-être est-ce de ça qu’est née ma vocation féministe. La honte de ne pas être regardé comme mon frère, l’envie, la jalousie… Mais il n’était pas à blâmer…

Puis est né Gaara. Puis est morte maman. Puis la roue a tourné.

Dire que Kankurô et moi étions tombés amoureux du nouveau né au premier regard serait faux. Il nous avait prit maman. Nous étions jeunes… Nous attendions dans le couloir de l’hôpital, et je répétais des mots tendres à mon petit frère :

« _ Tu verras Kankurô, notre petit frère ce sera le meilleur et quand il sera grand, je lui apprendrais à cracher et tu lui prêteras tes marionnettes. Ce sera super, tu verras. »

Et il me souriait tendrement, et je lui serrais la main en murmurant ces mots.

C’était une utopie, un rêve d’enfant. Parce qu’on a entendu papa crier à travers la porte. Pas un cri de surprise ou de douleur. Un cri de rage, qui restera à jamais gravé dans ma mémoire. Puis il sortit de la chambre sans nous jeter un regard, sous les protestations des infirmières. Puis on est rentré dans la chambre.

Toute ma vie, je me souviendrais de ce sentiment que j’ai ressenti en apercevant ma mère, gisant dans ce lit blanc. Du vide, de l’incompréhension. De la tristesse, du désespoir. De la colère. De la haine pour l’assassin de ma mère. Kankurô s’approchait du corps de maman et la secouait doucement, sous les regards attristés et gênés des médecins. « Maman, ça va ? Il est où le petit-frère ? Maman ? Maman ? ». J’avais compris. Yashamaru s’était effondré en rentrant dans la chambre. Pas moi. Je suis restée immobile, serrant les poings, les larmes perlant sur mes joues de petite fille. J’ai couru sur mes petites jambes jusqu’aux médecins qui s’occupaient du bébé, les bousculant sans gêne. Et je l’ai vu. Celui que je me suis promis de détester. Je l’ai longtemps observé, ses cheveux rougeoyant, ses petites mains qui s’ouvraient doucement, son petit corps qui gigotait. Il ouvrit ses yeux et me dévisagea. Et il sortit un bruit. Une sorte de gazouillement incompréhensible, digne d’un oiseau chanteur. Je lui ai jeté un regard noir et ai quitté la pièce, laissant mon frère se rendre compte de l’horreur qui venait de se produire, du cauchemar dont on ne se réveillerait pas.

On dit que les enfants sont trop jeunes pour comprendre ce genre de chose, pour comprendre les sentiments. C’est faux. A deux ans, j’ai haï mon frère jusqu’à mes douze ans. A deux ans, je me suis haï pour ressembler à père, qui tout comme moi, avait quitté l’hôpital d’un pas rageur. Le cauchemar commençait. La perte de ma mère m’avait amené un petit frère. Un monstre, voilà ce qu’il était. Un assassin.

Et pourtant, bien que ce bébé fût l’assassin de maman, il arriva à la maison. Le jour de l’enterrement de maman. Je me suis mise à crier en l’apercevant dans les bras de père. Kankurô s’était caché derrière le canapé. Jamais je ne me suis autant énervée de ma vie je pense. J’avais deux ans et demi, et je répétais à tort : « je ne veux pas de ce frère, il a tué maman ! »

Mais père me remit rapidement à ma place. Son visage était impassible, voire seulement un peu irrité de mon impolitesse. Il me gifla violemment, si violemment que je me cognais contre le mur. J’avais mal. C’est certainement ce jour là qu’on sortit la hache de guerre, lui et moi. J’avais deux ans et demi, je haïssais mon frère et mon père.

Lui, me trouvait faible. Et idiote. Parce que j’étais une femme, et que je ne tenais pas en place. Parce que je n’étais pas d’accord. Parce que je n’étais pas comme maman. Ce même jour, je m’étais promis de montrer à père que j’étais quelqu’un de bien, quelqu’un de fort. Pour voir un peu de fierté dans son regard…

***

Solitude…

J’avais sept ans. Je commençais à grandir et était impatient de dépasser ma grande sœur Temari. Mais pour ses huit ans, elle était très grande et difficile à dépasser. Mais c’est un objectif que je me suis fixé, histoire de sortir de l’ombre.

Depuis la mort de maman, Temari a atrocement changé. Quand on était petit, elle était joyeuse, vive, souriante. Elle était un peu orgueilleuse, c’est vrai. Mais depuis ce fameux jour, elle était particulièrement hautaine. Elle se pliait aux désirs de père, même si ça l’ennuyait plus qu’autre chose. Et quand elle faisait mal, il la frappait et de jolis bleus naissaient sur sa peau de pêche. Elle ne pleurait pas, c’était à peine si elle grimaçait sous la douleur. Temari était devenue incroyablement fière et courageuse, et pour ça je l’admirais. Moi le cadet, qui désormais vivait dans l’ombre de ma grande sœur imposante et de mon petit frère cajolé.

Ce dernier était un drôle d’oiseau. Il avait six ans, et était plus muet qu’une pierre tombale. Son univers était limité à sa chambre, à ses jouets. Jamais je n’avais vu d’enfants plus triste, même pas Kai, le petit frère de la jolie Sachiko, qui est dans ma classe. Il se dégageait de Gaara une drôle d’atmosphère, comme s’il portait la tristesse de maman sur ses épaules, comme s’il était habité. C’est un garçon vraiment étrange.

Temari le reniait. Elle s’occupait de lui lorsque père l’ordonnait, c'est-à-dire presque tous les jours. Et elle s’exécutait. A contrecœur. L’amertume se lisait dans son regard, l’indifférence. Ma sœur passait ses journées dans la chambre de Gaara, et l’observait. Elle le réprimandait souvent pour un rien. Mais pas trop quand même. Parce que Gaara était réellement terrifiant. Quelque chose ou quelqu’un d’horrible était à l’intérieur de lui. Et quand on le contredisait, lorsqu’il s’énervait, cette présence se faisait très forte et oppressante. Face à cet « autre Gaara » comme elle l’appelait, même Temari restait coite et tremblait. Mais elle refusait de l’admettre, car d’après elle, la peur était pour les faibles. Et elle se refusait à être faible.

Je vis dans une famille de fou, ça j’en suis persuadé depuis longtemps. Sept ans, déjà dégoutté de la vie. L’avenir était prometteur. Moi, le cadet, le premier garçon de la famille, j’étais oublié. Pas rejeté, pas détesté. Oublié. Je ne pense pas que j’étais un mauvais garçon, un nul, un faible. J’étais simplement trop transparent. Et pourtant, j’ai longtemps récolté l’affection de père, à l’instar de ma sœur. Mais maintenant, c’est au tour de Gaara. Je pense que si je l’ai haïs à cette époque, ce n’était pas pour « cet autre Gaara » ou pour parce qu'il a prit la vie de maman –peut-être un peu quand même-. C’était parce qu’il me prenait ma place.

C’est à ce moment là que je me suis mis à la construction de marionnettes. Au départ, elles n’étaient certes pas très réussies… Elles étaient même plutôt ratées et Temari me le rappelait bien en sortant sarcastiquement : « tu n’es pas très doué Kankurô.». Et elle me tirait tendrement la joue en souriant. Mais avec le temps, je me suis amélioré et même mon arrogante de sœur a admit mes talents. Ces marionnettes ont eu une place importante dans ma vie. Père me frappait à cause de ça, ne supportant pas que son crétin de fils « joue à la poupée ». Mais je ne me suis pas laissé démonter pour si peu… La preuve.

Un après-midi de vacances, je m’étais une nouvelle fois enfermé dans ma chambre. J’étais en train de créer un petit frère à Karasu, ma première poupée, mon chef d’œuvre. Concentré comme jamais, un bruit suspect me tira néanmoins de ma réflexion. Deux petits yeux verts me fixaient par l’embrasure de la porte, qui s’ouvrit en grinçant. Gaara apparut devant moi, timide comme jamais, tenant fermement son ours en peluche contre lui. Je réprimais un frisson de terreur, de peur que la conversation ne tourne au cauchemar si « l’autre » apparaissait. Je ne dis rien, et retourna à ma tâche. Devant mon absence de réaction, mon petit-frère traversa la chambre en grandes enjambés et s’assit à mes côtés. Il m’observa attentivement, fasciné par mes mains habiles qui serraient des boulons, entraient des vis. Au bout de quelques instants de silence, il ouvrit la bouche :

« _ Temari se fait encore frapper par Père… »

Je ne lui répondis rien. Qu’y avait-il à dire ? Cette scène de violence était quotidienne, et si nous regardions cette scène morbide par le passé, nous l’évitions maintenant le plus possible.

« _ Kan…Kankurô ? » hésita le petit garçon.

Je détournais mon regard de ma marionnette pour me concentrer sur le visage tremblotant de peur de mon cadet. Jamais je ne lui avais vu cette expression si hésitante sur le visage. Il faut dire que nous ne nous voyions pas beaucoup : Père mettait une distance entre Gaara et moi. Les fois où nous avions passés des moments ensemble pour garder le petit frère, nous nous en souvenons, malheureusement.

Je hochais la tête, pour l’inciter à continuer. Il murmura en posant ses yeux verts au sol –je me suis surpris à le trouver attachant ainsi, et non terrifiant comme souvent :

« _ Tu me feras une marionnette s’il te plait ? »

J’ouvris la bouche, pour la refermer et l’ouvrir à nouveau. J’étais tellement surpris qu’aucun mot ne sortit de ma bouche. Si je disais non, l’autre Gaara pouvait se manifester. Mais si j’acceptais à ce moment là, ce n’est pas par crainte d’une vengeance sombre de la part de mon frère. Plus par sincérité et par envie. Gaara me répondit par un sourire timide, et il m’observa attentivement créer cette marionnette que je lui offrais. Entre temps, j’aperçu Temari qui nous détaillait du regard par l’entrebâillement de la porte. Elle était salement amochée. Son œil droit était bleuté, sa joue rougie par les coups. Je devinais sans mal qu’elle avait valsé contre le mur, elle tenait difficilement sur ses jambe. Elle ne nous regardait pas avec haine, ou rancœur, et encore moins avec orgueil. Elle nous observait tristement, hésitant entre sourire et pleurer. Puis elle s’éloigna.

La soirée arriva. Gaara jouait avec sa marionnette dans sa chambre, alors que je quittais la mienne pour boire. M’arrêtant devant la chambre de ma grande sœur, j’entendis deux voix distinctes : l’une masculine, l’autre féminine. Je m’approchai, discrètement sans faire de bruits :

« _ Il faut que tu saches Temari… » Je reconnus sans peine la voix de notre oncle Yashamaru. Cette voix fluette, féminine et grave qui m’avait longtemps bercée.

« _ Tout ce qui concerne ce monstre ne m’intéresse pas.

_ Il ne faut pas que tu lui en tiennes rigueur, il est schizophrène, tu le sais. Ce n’est pas…

« _ Ce n’est pas de sa faute ? Il a tué maman ! Arrête avec tes beaux discours, tu le détestes autant que moi ce sale monstre ! Même maman le détestait ! »

Un clac résonna, puis plus rien. Je me doutai bien que Yashamaru avait giflé ma sœur. Cette dernière n’avait d’ailleurs pas bronché, elle avait trop l’habitude. Pourquoi, je ne le sus que longtemps après. Lorsque je fus plus grand pour comprendre, pour comprendre ce que voulait dire « schizophrène », pour comprendre que Yashamaru luttait chaque jour pour offrir de l’amour à Gaara, au dépend de Temari et moi.

Tous deux recevaient de la reconnaissance : Gaara était pourri-gâté par notre oncle et notre père qui craignaient sa deuxième personnalité. Mais également pour cacher leur tristesse et leur dégoût qu’ils ressentaient quand ils posaient les yeux sur mon frère.

Temari recevaient les foudres de notre père, fatigué de cette petite fille rebelle et arrogante qui ne faisait rien comme il fallait. Son beau visage était sali par des bleus, les gens baissaient les yeux sur son passage. Ce n’était pas enviable, et elle retenait chaque jour ses gémissements de douleurs. Foutue fierté.

Et moi… rien. C’est égoïste de tout ramener à soi-même, mais c’est un fait. On ne me parle pas, ou très rarement. On ne me regarde pas, même Temari s’est lassée. J’étais seul, jusqu’au fond du gouffre, à sept ans, avec mes marionnettes comme seules amies.

***

Culpabilité…

Pendant longtemps, je me suis demandé qui j’étais. Je m’appelle Gaara Sabaku. Certes. Mais qui étais-je vraiment ? Qui suis-je vraiment ? Même encore, je cherche, je creuse. Et j’essaie de me persuader chaque jour de ne pas être celui que je pense.

Dix ans. Un âge où on est fier, où on se sent grand. Pour moi, c’était plutôt l’âge où chaque jour était un nouveau combat. La vie était comme une affreuse jungle où il fallait par tous les moyens survivre.

Shukaku (car c’était comme ça que s’appelait « l’autre Gaara ») apparaissait de plus en plus souvent. Sans prévenir. Et lorsque je reprenais mes esprits, sans me souvenir de ce qu’il a pu se passer les quelques secondes, minutes, heures avants, je découvrais des visages apeurés, tristes, haineux. Souvent, ceux qui avaient eu le malheur de réveiller Shukaku s’étaient retrouvés à l’hôpital. D’autres étaient morts. Je ne contrôlais pas, les psychologues qui me suivaient restaient couacs, les médicaments que je prenais me donnaient seulement d’affreuses migraines.

Je savais que maman était morte par ma faute. Je savais pourquoi Temari me haïssait, pourquoi elle tremblait à mon approche, pourquoi Kankurô avait peur de moi. Mais je ne comprenais pas pourquoi Père m’avait, du jour au lendemain, ignoré et pourquoi j’essuyais chaque jour des tentatives d’assassinats. Au fond de mon cœur de petit garçon de dix ans, je comprenais parfaitement que mon père voulait se débarrasser de moi. Je refusais simplement de l’admettre.

L’autre me parlait. J’avais comme une seconde voix dans ma tête, qui me dictait de faire le mal. Comme dans les bandes dessinés de mon frère, où il y a l’ange et le démon d’un personnage. Sauf que je ne vis pas dans une bande dessinée, et que je n’ai pas d’ange. Shukaku me montre le côté noir des choses, à quel point la vie est cruelle. Je lutte, mais il a des arguments imparables qui me font succomber : « pourquoi alors te détestent-t-ils tous, si la vie est belle ? Toi tu n’as rien fait, c’est de ma faute… Ce sont eux les monstres. Ils ne cherchent pas à faire la différence entre ce que tu es vraiment et moi. Même ta mère te détestait. Gaara, le démon qui n’aime que lui, n’oublie pas. »

Et il continuait de me parler. Tous les jours. Il voulait du sang, il voulait leur faire payer. A eux qui nous détestaient. Il cherchait vengeance, et savait parfaitement que je le détestais.

Seul Yashamaru savait se montrer gentil avec moi. Il semblait me comprendre, comprendre ma douleur, ma solitude morbide et le cruel manque d’amour que je ressentais. Yashamaru avait toujours les mots gentils, le sourire rassurant, le regard aimant. Je l’aimais beaucoup, c’était quelqu’un qui comptait beaucoup pour moi. Du moins jusqu’à ce que je comprenne vraiment.

Jusqu’à ce que je comprenne que Yashamaru jouait la comédie, au contraire des autres membres de ma famille. Un jeu. Une pièce de théâtre. Il était le gentil oncle qui refoulait sa haine envers son neveu. Une haine tellement grande, tellement immense…

Je ne l’ai su qu’à mes dix ans. Comme tous les soirs, j’ai pris mes médicaments. Comme tous les soirs, j’allais me coucher, me laissant en proie à mes cauchemars. Mais du bruit dans le bureau de Père me tira de mon lit. Des cris étouffés. Je pensais que Temari recevait encore une correction, mais ma curiosité d’enfant me força à aller voir.

Père était assis à son bureau, les mains jointes, et devant la table de verre se tenaient en ligne mon frère, ma sœur, et mon oncle. Kankurô se mordait la lèvre, les bras croisés derrière son dos. Temari lançait des regards hésitants à Père, hésitant entre la colère ou l’approbation. Et Yashamaru était normal. Ils auraient pu parler de la pluie et du beau temps que ça ne changerait pas l’expression d’extrême neutralité qui était inscrite sur son visage.

« _ Oui, vous m’avez parfaitement entendu. S’exclama au bout d’un moment Père. Tous les trois, et Gaara, vous partirez à Konoha.

_ Mais… s’écria Temari.

_ Silence ! Vous partirez à Konoha, un point c’est tout. Yashamaru, ta mission est de t’occuper des enfants mais aussi… »

Il se tût, plongeant son regard noir dans les yeux bois de Yashamaru. J’aperçu Kankurô serrer du poing, Temari ouvrir la bouche pour la refermer. Notre oncle était toujours aussi impassible.

« _ Père… ne me dites pas que… »

Etais-ce Kankurô ou Temari qui avait prononcé ses quelques mots ? Je ne m’en rappelle plus. Quoi qu’il en soit, ils avaient compris quelque chose qui allait changer ma vie, ma vision du monde. Une chose qui me dégouta longtemps de la vie et de ses promesses, de ce destin et de ses mensonges.

« _ Je refuse. »

Cette phrase, j’en suis sur, c’est Temari qui l’a prononcée. Je ne comprenais pas, je ne savais pas ce qu’il se passait. Je vis Kankurô tourner doucement la tête vers ma sœur, son visage grimaçant d’incertitude et de honte. Elle avait 12 ans, il avait 11 ans, j’en avais 10. Bientôt grand, toujours des enfants. Cette scène reste marquée dans mon esprit. Yashamaru continua à fixer le vide, indifférent, mais ses poings se crispèrent. Père ferma les yeux, ramena ses mains contre son menton, jointes, et murmura :

« _ Je ne savais pas que tu portais ce monstre dans ton cœur.

_ Ça n’a aucun rapport avec lui. Je ne veux tout simplement pas devenir une criminelle, être associé à vos méfaits. Un assassin. Comme lui qui a tué maman. »

Ses mots me blessèrent plus que de raison. Un assassin, un meurtrier. Voilà ce que j’étais, voilà ce qu’on essayait de me faire comprendre depuis ma plus tendre enfance. Je n’étais rien. Même pas bon à aimer et à soutenir. Une larve, un grain de sable dans le désert qu’on piétine. En manque d’amour et de larmes.

Temari fit quelques pas près de la porte entrebâillée. Je me cachai derrière le canapé le plus proche pour ne pas qu’elle me voit. Elle se retourna au dernier moment vers Kankurô et murmura :

« _ Choisis. C’est eux ou moi. Les meurtriers ou… »

Mon frère hésita. Son regard alla de mon père et Yashamaru à Temari. Au bout de quelques minutes de suspicions et de doutes, il soupira et suivit ma sœur en baissant la tête. Ils ouvrirent la porte en grand et sortirent d’un pas lourd et pressé. Père passa une main lasse sur son visage et marmonna à mon oncle :

« _ Tu te débarrasseras du démon à Konoha. Je compte sur toi pour nous laver de tous soupçons, le conseil commence à douter de nous. Vous partirez demain. »

Yashamaru hocha la tête et sortit à son tour. Et moi, caché derrière mon canapé en velours, les larmes coulèrent de mes yeux. De haine, de culpabilité, de solitude. Et cette nuit là, Shukaku se réveilla… plus violent, plus impatient et haineux que jamais… Des nuits de cauchemars, voilà ce qu’il m’attendait…

Je ne pensais pas que Konoha me serrait si bénéfique.

***

Le lendemain, les trois enfants du Kazekage et leur oncle partirent pour Konoha. Le voyage se passa dans le silence le plus pesant et le plus lourd possible, mais ils avaient l’habitude. Gaara avait changé : une lueur meurtrière brillait dans ses yeux verts, témoin de sa douleur.

Konoha les accueillit à bras ouvert tout d’abord : les enfants du Kazekage étaient bien sur une visite inattendue et bénéfique pour l’entente des deux mégapoles. Mais on s’aperçut rapidement que ces enfants étaient différents, pas fréquentables. Terrifiant par leur haine commune et réciproque, et leur solitude.

Et pourtant, Konoha les changea du tout au tout. Les premiers mois furent chaotiques, Gaara échappa à la mort plusieurs fois, Temari et Kankurô tremblaient de peur et se pliaient à tout devant cette nouvelle aura meurtrière que dégageait leur cadet.

Puis ils rencontrèrent Naruto Uzumaki. Et tout changea. Personne ne sut exactement ce qu’il s’est passé entre le rouquin et le blondinet. Mais ceci eut des répercussions impressionnantes. Gaara changea. Pas immédiatement, mais au fil des jours, son regard s’adoucit, devint moins avide de haine et de vengeance. Les relations entre la fratrie Sabaku et leur cadet s’améliorèrent immédiatement. Chacun à leur manière, ils ouvrirent la porte de leur cœur. Ce fut difficile, la haine ne s’atténua pas tout de suite et ne s’est sans doute toujours pas éteinte. Mais ils ont grandi. Ils sont devenus plus matures et virent avec un regard nouveau ce qui leur paraissait inaccessible et inévitable. Ceci aidant, les tentatives d’assassinats contre Gaara se stoppèrent, du jour au lendemain, et Yashamaru arborait un sourire chaleureux et dépeint de tous soucis envers ses neveux.

Kankurô fut celui qui eut le plus de mal à se remettre dans le droit chemin.

Il avait besoin de faire ses preuves. De montrer à son frère, sa sœur, son oncle et son père qu’il était quelqu’un, qu’il existait. Les répercussions de sa solitude se ressentaient, et il enchaîna les conneries. Tout d’abord, il commettait des délires mineurs pour ses SOS. Puis il intégra une bande de délinquants peu fréquentable et en oublia jusqu’à sa motivation première. Les disputes avec son oncle et sa grande sœur sur son éducation se firent de plus en plus violente, si bien que le frère ainé découchait souvent de la maison.

Entre temps, Gaara apprit que le poste de Kazekage lui reviendrait de droit. Son père s’y opposait toujours, mais le conseil s’arrachait les cheveux pour lui faire entendre raison : l’ancien démon avait fait ses preuves à Konoha. Mais son avenir restait toujours compromis, toujours à cause de son « autre » qui se manifestait de temps en temps.

Yashamaru mourut quelques années plus tard. Une maladie. Mais sur son lit de mort, il murmurait dans un dernier souffle qu’il ne regrettait rien. Qu’il allait enfin pouvoir rejoindre sa sœur.

A ceci, s’ajouta l’indépendance que prirent Temari, Kankurô et Gaara. Indépendance financière, indépendance familiale. Leur père les avait presque reniés. Ils devaient se débrouiller par leurs propres moyens. Puis Kankurô disparut… et les larmes, et les problèmes apparurent.

Enfants, ils ont découvert les tortures de la vie d’adulte. Chacun à leur manière. Essayez de leur faire comprendre que la vie est rose, ils vous cracheront à la figure.

Ils ont reçu une enfance d’adulte. Auront-ils droit à une vie d’adulte en tant qu’enfant ? Une vie d’adulte heureuse, c’est tout ce qu’ils demandent.

A suivre...



Voili voilou. J’aime bien ce chapitre, qui est selon moi important (mais le moins important des chapitres « remembers » à venir) car il montre la famille Sabaku, que j’adore. Dans un monde proche du notre, j’imagine leur vie ainsi. J’ai essayé de faire quelque chose d’assez proche du manga. J’espère que c’est réussi.

Concernant la première partie avec Temari… Oui elle est jeune. Mais je pense qu’un enfant peut comprendre et ressentir des choses. Quelque soit son âge.

L’histoire reprend maintenant là où je l’ai laissée :

Qu’advient-il de Temari après ses retrouvailles avec Shikamaru et Naruto ?

Qu’est ce loup noir, et que cache-t-il ?

Qu’ont fait Shikamaru et Naruto pendant leur absence… et surtout : pourquoi ont-ils disparu ?

Les réponses au prochain chapitre !




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