Konoha, an 3028 de l’ère 639 de l’After-War. Après la septième Grande Guerre des Shinobis, qui dura quinze ans, le monde est plus un chaos qu’une terre de vie. Il ne reste plus qu’une centaine d’animaux en vie, que les scientifiques détiennent pour en extraire les cellules souches et créer des pilules servant de nourriture de remplacement, les suppléments. Les gens reconstruisent leurs villes, mais des inégalités effarantes poussent les gens vers la famine. Les usines ont remplacé presque tout
- Sale gosse, hurlait le garde. Reviens ici ! TOUT DE SUITE !
- C’est ça ! Rattrape-moi si tu peux, le vieux !
Il slalomait entre les personnes, les bousculant ou les renversant au passage, ignorant leurs plaintes ou insultes. Soudain, quand il bifurqua dans un couloir, il vit un autre garde qui, visiblement, l’attendait.
- Merde !
Il freina, pivota, et, profitant de son élan, lança un coup de pied retourné dans l’estomac de l’homme. Il reprit aussitôt sa fuite. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que le garde s’en remettrait vite et gagnerait du terrain. L’ado sauta par-dessus une table, et atterrit... sur un autre gardien. Celui-ci le mit aussitôt à terre, sur le ventre et les mains dans le dos, malgré le fait qu’il se débattît violemment. Son collègue arriva quelques secondes après, et ils relevèrent rudement le garçon. Celui-ci vociférait :
- Mais lâchez-moi ! Vous allez me lâcher, oui ?!
Puis il se calma tout d’un coup. Après tout, il était habitué à réchauffer les sièges dans la salle d’attente du directeur. Il soupira puis se laissa entraîner. On l’assit sur une des inconfortables chaises de métal, et on le laissa là. Il passa une main dans ses cheveux blé, et ses yeux lilas clair, presque blancs, prirent une expression ennuyée. Il patienta, remuant sur son siège, regardant ses mains, n’arrivant pas à tenir en place. Enfin, la lourde porte de chêne massif s’ouvrit, laissant passer le visage stressé de la secrétaire. Il entra d’un pas nonchalant, indifférent au regard froid de Miko Hoshigaki, la directrice adjointe. Le jeune homme se tenait pour la énième fois devant la femme à la peau très légèrement bleutée, aux yeux gris acier et à l’expression sévère.
La secrétaire – qui était d’ailleurs jeune, vingt-cinq ans tout au plus – se tordait les mains, anxieuse pour quelque obscure raison. Des rumeurs disaient qu’elle était paranoïaque. Pour l’instant, ses cheveux blond pâle remontés en un chignon sévère et ses yeux fuyants, elle ressemblait plutôt à une stagiaire attendant l’approbation de son supérieur qu’à la troisième personne la plus importante de l’établissement.
- Uzumaki, déclara l’adjointe. Qu’avez-vous encore fait ?
- Oh, presque rien... Ce sont vos gardes qui prennent la mouche facilement.
- Répondez à ma question.
- Eh bien... Je me suis introduit dans leur section et j’ai coupé l’électricité et l’eau chaude. Rien de bien méchant.
- Sauf que presque tout marche à l’électricité, ici. Vous savez ce que vous endurerez, n’est-ce pas ?
- Cinq jours parqué dans une cellule, pain rassis et eau, seau pour les besoins, récita-t-il d’un air guilleret, tel une comptine.
- On dirait que vous ne comprenez pas très bien...
- Bof... Je m’y sens chez moi, à présent. Et le pain est meilleur que la bouillie informe que nous servent vos robots, compléta-t-il avec une grimace.
- Tu ne vas pas aller en cellule, cette fois.
- Ah non ? Et pourquoi, demanda le jeune homme, flairant le piège.
- Tu vas t’occuper d’une nouvelle dans votre étage, Enna Kamikuo. Elle arrive ce soir.
- Oh non ! Vous savez bien que ce soir, c’est la réunion trimestrielle ! Tout l’étage participe, comme d’habitude... Y’en a certains qui voudront jamais !
- Ils n’ont pas le choix.
- Pffff... Ok...
- Rendez-vous à 18 heures devant l’entrée principale. Tu peux disposer.
L’Uzumaki s’éloigna d’un pas traînant, et prit l’ascenseur. L’ado dit clairement : « Sixième étage : vas-y ». L’ascenseur démarra. Il regarda par les parois transparentes les étages défiler, puis la machine s’arrêta en annonçant de sa voix féminine et métallique : « Sixième étage : arrêt. Voulez-vous changer de destination ? ». Sans prendre la peine de répondre, l’Uzumaki sortit et s’éloigna dans le long couloir.
Il entra dans une large pièce, où étaient réunies dix personnes. Celles-ci ne l’ayant pas remarqué, il en profita pour regarder les personnes avec qui il avait partagé toute sa vie :
Nima, yeux émeraude rieurs et chevelure ébène, tout le contraire de sa jumelle taciturne Nami, qui faisait un peu peur avec ses yeux rouge sang. Complexée par ses cheveux roses, elle les avait teints en noir, n’y laissant que quelques mèches de couleur initiale ;
Kanon et Hibari, ses cousins. L’aîné, Kanon, énergique et bavard, passait son temps à embêter le cadet, Hibari, maniaque des armes blanches et assez silencieux. Ils étaient bruns et avaient les yeux très clairs, comme lui ;
Sumomo, alias Su, une blonde paresseuse qui lâchait des « galère » à tout bout de champ ;
Tenshi, une brune surexcitée aux yeux changeants, bleu électrique quand elle était de bonne humeur, noisette quand ça n’allait pas. Son grand frère, qui avait un an de plus qu’elle, Kyo, châtain aux yeux bleu cobalt, passait son temps à essayer de canaliser l’énergie de sa sœur.
Kyoko, une blonde aux canines plutôt longues, qui adorait les chiens et qui avait même réussi à en faire entrer un dans l’établissement à l’insu des dirigeants : son chiot – une femelle – s’appelait Kina.
Shiro et Akira étaient jumeaux et avait le kanji Aï tatoué, sur le cou pour Shiro et sur la joue gauche pour Akira. Ils avaient la chevelure rouge, sauf que Shiro attachait les siens en longue queue de cheval et Akira les avait courts et désordonnés. Celui-ci avait les yeux dorés, tandis que ceux de son frère étaient vert d’eau. Shiro arborait un piercing à l’arcade sourcilière, tandis qu’Akira en avait un sur la langue. Akira était agressif et bagarreur, et son frère, plus calme, n’était néanmoins pas très sociable.
- Eh, Nao ! Tu rêves ou tu es subjugué par ma beauté ?
- Hein, répondit l’Uzumaki en regardant son interlocutrice quelques secondes, le temps que l’information monte au cerveau.
- C’est bien ce que je disais ! Tu es ébloui par ma beauté hors du commun...
- N’importe quoi ! Nima, tu ressembles plutôt aux chaussettes sales de Kanon ; et tu dégages la même odeur.
- Eh ! S’indigna Kanon.
- Tu peux dire ce que tu veux, répliqua Nima, ton commentaire idiot ne m’atteint pas. Si je suis la chaussette de Ka-kun, tu es son T-shirt après trois heures au dojo.
- Ka-kun ? Demanda Kanon.
- Et oui, cousin, on dirait que t’as un surnom, se moqua Nao.
- C’est ridicule !
- Meuh non, c’est mignon, dit l’Uchiha.
- Bref, coupa le blond. J’ai une nouvelle à annoncer. Eh oh ! Tout le monde, écoutez !
Les autres ados se retournèrent, sauf Akira, qui écoutait de la musique dans son Ipod.
- Voilà ce que Fish-girl m’a dit...
- Tu l’as vue quand, coupa Kyoko.
- Oh, galère... Tu peux pas le laisser parler, intervint Su, agacée.
- Oh, c’est bon, la ferme, toi !
- Taisez-vous, siffla Nami, les fusillant du regard. Plus tôt il aura fini, mieux se sera. Alors vous la fermez, c’est clair ?
Les deux filles, un peu effrayées, se turent.
- Donc, reprit Nao. Il va y avoir une nouvelle dans notre étage. Une certaine... euh... Enna. Enna je-sais-plus-comment.
- PARDON ?!
Ils se retournèrent, étonnés. Akira avait arraché ses écouteurs de ses oreilles, et les regardait d’un air furieux et surpris.
- Il n’est PAS QUESTION d’accueillir une intruse, s’exclama-t-il.
- En plus, ce soir, c’est la réunion, ajouta Nami, allant se placer à côté du rouquin.
- Ben vous avez pas le choix, répliqua l’Uzumaki.
- Je vois pas de quoi vous vous plaignez ! Ça va être super cool ! Une nouvelle fille ! On va trop s’éclater !
- Tenshi, dit Kyo. Calme-toi un peu...
- Mais Onee-chan ! Tu trouves pas ça super, toi ?
- Si, mais ce n’est pas las peine de t’exciter comme ça !
- Rhoo... T’es vraiment pas cool, toi !
- Dis, elle doit venir à quelle heure, lâcha Hibari.
- À 18 heures, pourquoi ?
- Parce qu’il est 17 heures 55...
- Merde !
Et il sprinta. Il freina brusquement devant la cage d’ascenseur et appuya comme un malade sur le bouton d’appel. 17 heures 56. S’il était en retard, on allait le massacrer... Pas le temps de descendre les escaliers, et ce foutu ascenseur qui n’arrivait pas... Une seule solution : la rampe d’escalier. 17 heures 58. Pas le temps de réfléchir. Mais quand même, plus de trente étages, c’était de la folie... Il sauta sur la barre grise et glissa les pieds en avant en hurlant. Les contours se déformaient, les couleurs débordaient, tout ce qui était autour de lui devenait une masse informe et compacte de couleurs floues. Brusquement, sans qu’il s’y attende, le sol rencontra violemment ses pieds. Il eut le souffle coupé par la douleur, qui, deux secondes après, disparut aussi soudainement qu’elle était arrivée. Il retrouva sa lucidité, et consulta sa montre. 17 heures 59. Oh, merde... Il se remit à courir, sortit dans la cour, aperçut la proviseur adjointe et stoppa violemment juste devant elle, haletant.
- Vous transpirez, remarqua-t-elle avec une petite moue de dégoût.
Nao sentit la moutarde lui monter au nez, mais n’eut pas le temps de répliquer. Une fille poussa le grand portail de fer, tirant une grosse valise derrière elle. L’Uzumaki la détailla, un peu sceptique.
Elle était très jolie, arborant de longs cheveux roux flamboyants ondulés qui descendaient dans son dos ; ses yeux vert clair pétillaient de malice derrière ses lunettes rondes. Juste en dessous de ses yeux, elle avait quelques taches de rousseur. Elle souriait, l’air espiègle.
Elle s’arrêta devant eux. Elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille, replaça ses lunettes d’un geste gracieux et s’inclina profondément.
- Enchantée, dit-elle. Je suis Enna Kamikuo.
- Bonjour, répondit Miko Hoshigaki en donnant un violent mais discret coup de coude à Nao.
- Aïe ! S’exclama-t-il en se frottant le bras. Bonjour...
- Enna, commença Miko, tu vas suivre Nao jusqu’à son étage ; tu vas t’installer là-bas, il y a d’autres jeunes de ton âge.
- D’accord, Hoshigaki-sama.
Nao s’éloigna avec elle et, dans l’ascenseur, Enna lui demanda :
- Dis, tu t’appelles comment ?
- Nao. Uzumaki Nao.
- Ah... Tu vis ici depuis longtemps ?
- J’ai toujours vécu là. Je ne connais que ça ; même si je meurs d’envie de voir l’extérieur... Ma perception du monde est limitée à ce que je vois à travers le portail.
- Tu ne rates rien, lança amèrement Enna, son visage s’assombrissant.
- Pourquoi ? Questionna le blond.
- La situation se dégrade d’année en année. Mes parents sont morts d’épuisement et de faim, je n’avais que sept ans... J’ai dû voler, bagarrer, et même... tuer, lâcha-t-elle, prononçant le dernier mot du bout des lèvres, comme horrifiée. C’est pour moi une bénédiction d’être ici.
Le blond la contemplait, étonné. Il n’arrivait pas à imaginer derrière l’image de fille sage d’Enna l’enfant affamée et malheureuse qu’elle avait été. Il choisit de ne pas faire de commentaires, et, pour réconforter la jeune fille, lui pressa l’épaule.
L’ascenseur s’ouvrit, et Enna reprit des couleurs. Ils avancèrent jusqu’au grand salon d’où le blond était parti avec précipitation. La Kamikuo sourit en voyant les visages perplexes, curieux ou furieux. Et elle pensa en riant en son for intérieur que, de toute façon, même s’ils ne voulaient pas d’elle, ils n’avaient pas le choix et s’habitueraient...