Fiction: Beside myself (terminée)

One-shot. Shikamaru va revoir sa vieille bande de lycée, mais les temps ont changé.
Drame | Mots: 2471 | Comments: 9 | Favs: 8
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aka oni (Masculin), le 25/06/2008
Eh bien... Une sorte "de que sont-ils devenus" plus ou moins triste.



Chapitre 1: messing down in the streets



Shikamaru entra en soupirant profondément dans le bâtiment aux murs blancs. Il passa dans le joli parc en courant, pour éviter la pluie battante. Il préférait autant, cela lui évitait d’avoir à supporter le pénible spectacle des fous prenant l’air. Contrairement aux idées reçues, cela n’avait rien d’amusant, personne ne parlait au mur ni ne se baladait avec un chapeau en papier sur la tête, une main dans le costume, se prenant pour Napoléon… Pour les avoir vus souvent, Shikamaru savait que les fous faisaient régner un silence de glace dans ce jardin, tous regardant fixement devant eux, la tête parfois penchée, immobiles, voyant des choses inimaginables pour une personne saine d’esprit, dont parfois, un reflet venait éclairer les yeux d’un des malheureux, déclenchant un profond malaise chez les hommes comme chez les animaux… Silence parfois brisé par un éclat de rire dément, glacial, ou une crise de larmes tout aussi effrayante, qui déclenchait une réaction en chaîne chez les autres, créant ainsi des scènes Hitchcockiennes. Shikamaru rentra enfin dans le bâtiment principal, regardant d’un air triste les quelques patients malheureux qui traînaient là. Il se dirigea vers le bureau d’accueil, sans regarder autour de lui.

- J’ai rendez-vous avec le docteur Tsunade… Dit-il rapidement.

La préposée à l’accueil releva la tête de sa lecture, jeta un œil sur le jeune homme, puis consulta rapidement un registre taché de café.

- D’xième étage, grogna-t-elle, avant de se replonger dans son magazine à scandales.

Shikamaru le savait, mais ne répondit rien et partit rapidement gravir les escaliers. Le deuxième étage n’était pas le pavillon des fous furieux, mais celui des ‘agités raisonnables’, comme le docteur Tsunade aimait à les appeler. Shikamaru entra dans le bureau après avoir toqué et reçu l’autorisation.

- Docteur Tsunade, marmonna-t-il.
- Vous voulez visiter, après ? Demanda-t-elle rapidement.
- Oui…
- Alors ne nous attardons pas, je ne vous cache pas qu’il n’y a rien de nouveau.
- Oh…
- C’est d’ailleurs souvent le cas chez les jeunes qui font ce genre d’overdose, le cerveau est irrémédiablement endommagé… C’est toujours mieux que devenir un légume, rajouta-t-elle, sans même prendre la peine de faire une tête de circonstance, avec un ton presque méprisant.
- Oh… Et…

Shikamaru s’interrompit, voyant que la doctoresse s’était déjà replongée dans un dossier – songeant en réalité à son rendez-vous galant du soir.
Il se leva et sortit sans saluer. Il mit le cap sur une chambre qu’il ne connaissait que trop bien, mais il n’eut pas à aller jusque là ; il croisa son ami d’enfance dans le couloir.

- Oh… Sasuke…
- Shikamaru ! Hurla celui-ci, apparemment dans un mauvais jour. Tu sors du bureau du Hokage, hein ! Hein ! Alors, dis, t’as une mission pour moi !

Puis il s’approcha et lui cria dans l’oreille, pensant murmurer :

- Mon sharingan a encore évolué ! Je peux voir plein de choses nouvelles !

Il n’eut pas le temps de répondre que deux formes surgissaient du coin du couloir le plus éloigné.

- Ton sharingan n’arrivera jamais à la hauteur de nos Byakûgan ! Hurlèrent ensemble Neji et Hinata.

Cousins et liés avant leur overdose, ils le restaient dans la folie.

- Je peux voir ton chakra, déclara Neji.
- Shikamaru ! Sourit Hinata. Tu as l’air en forme !

Soudain, elle se tendit, aux aguets. Elle hurla :

- Byakûgan !

Son cousin fit de même.

- Des ennemis ! Là-bas ! Hurla Hinata.
- Allons exterminer ceux qui menacent notre village de Konoha !

Shikamaru tiqua en entendant le nom de l’ancien lycée où toute la petite bande s’était formée, quelques quinze ans plus tôt. Pour toujours lié à cette image de ses trois amis, effondrés dans des toilettes répugnantes, gisant à même les flaques d’urine, les seringues à terre, la bouche ouverte, tous, vers le plafond, le sang coulant de leur nez… Les secours… La réanimation… Et la perte définitive de leur raison…

- Je les avais vus le premier, glissa Sasuke à Shikamaru, puis il suivit les autres.

Shikamaru resta seul, dans le couloir, bousculé de temps à autre par un fou courant, hurlant ses délires… Une grosse boule vint tout à coup bloquer sa gorge. Il se sentait atrocement déplacé dans ce cadre. Il se sentait très seul… Pas lui-même. Il tourna les talons, se dirigea vers la sortie. De plus en plus vite. Il courut presque pour laisser derrière lui l’asile. Une main le saisit au bras à la sortie. Une main crasseuse, nota Shikamaru.

- Aah, Shikamaru…
- Oh… Naruto…
- Tu… tu es allé rendre visite aux cinglés, hein ?
- Ils ont été nos amis, répondit sèchement Shikamaru en dégageant son bras. Ne les appelle pas comme ça…
- Ouais… Les cinoques, les tarés, les mous du bulbe… Les givrés, les plombés de la cafetière, ricana le clochard en face de Shikamaru.

Il portait de véritables haillons sur lui. N’importe qui l’aurait pris pour un SDF.

- Ils n’avaient qu’à pas se droguer, hein ? Accentua la loque qu’était devenue Naruto.
- À propos de ça, tu as résolu ton problème d’alcool ? Riposta Shikamaru.
- Mais oui, ricana Naruto, mais son haleine était chargée de vapeurs d’alcool bon marché. Dis moi, j’suis un peu court, c’mois-ci… Reprit-il, plus soucieux.
- Comme le mois dernier. Et celui d’avant, fit remarquer l’autre d’un ton aigre.
- Allez, en souvenir de not’ vieille amitié, implora Naruto. Tu vas pas me laisser me faire jeter de chez moi… Hein ?

Shikamaru le regarda un instant. Il tenta de se rappeler le blondinet ambitieux. Il y parvint un instant, mais l’image actuelle de l’homme sale, saoul, nauséabond, méprisant, revint devant lui. Il lui jeta plus qu’il ne lui donna quelques ryôs. Naruto disparut en ricanant, et Shikamaru sut instantanément que ces pièces n’allaient servir qu’à l’enivrer un peu plus. Il se détourna. Shikamaru avait congé, aujourd’hui, la boîte qui l’exploitait littéralement étant tout de même soumise à juridiction. Il avait décidé de rendre visite à ses vieux amis. Il se dirigea vers un quartier mal famé, mais il fit un crochet par le cimetière. La pluie reprit, mais cette fois-ci, il n’y fit plus attention. Il pénétra dans le vieux cimetière, se dirigea vers une tombe répugnante, jamais entretenue. Une tombe de pauvre, en mauvaise roche, qui s’effritait déjà. Lorsque Kiba était mort, égorgé par un des chiens qu’il élevait en secret dans sa cave, nul n’avait eu l’argent pour l’enterrer. Enterrement de pauvre. La fosse commune n’existait plus, heureusement. Il se pencha, enleva des traces boueuses de la vieille photo qui représentait son ami, souriant, sale, accompagné d’un de chiens qu’il aimait tant… Trop, au point de ne plus prendre aucune précaution… Shikamaru se recueillit. Il ne pleura pas. Il se releva peu après. Le souvenir de son vieil ami, mort quelques semaines avant l’overdose des autres, le hantait depuis longtemps. Ne l’avait jamais quitté. Il partit rapidement du cimetière. Glissa sur une dalle mouillée, se raccrocha aux grilles. Il mit du temps à se relever. La pluie lava l’égratignure. Il partit.

Il se dirigea vers le quartier chaud de la ville. Le quartier des putains, le quartier des drogués. Probablement là qu’était son vieil ami, Chôji. Chôji, qui n’avait tiré aucune leçon de l’overdose de ses trois frères de défonce ; qui n’avait jamais pu s’arrêter. Chôji, dont tous avaient perdu la trace depuis une dizaine d’années. Sans doute mort, Shikamaru le savait, mais il préférait le croire en vie, quelque part dans ce dédale de ruelles immondes, que mort, d’une overdose ou d’une balle dans la tête, dans une quelconque rixe minable entre dealers. Ce n’était pas Chôji qu’il cherchait. Celle qu’il cherchait, il la trouva dans sa rue habituelle.

- Shikamaru, sourit la prostituée.

Shikamaru contempla en silence la femme ravagée par l’alcool et les passes de quelques minables en manque de sexe. Celle qui autrefois avait été élue « reine du bahut », par tous les mecs, qui mouraient d’envie de sortir avec elle. Ino ne gardait de cette époque qu’une certaine blondeur de cheveux. Le reste, c’était un corps déjà fatigué, un visage déjà usé, ridé, sans doute, sous son fond de teint. Malade, aussi, certainement, les préservatifs étant plus sujet à rigolade dans ces bas-fonds qu’autre chose. Le fond de teint ne cachait rien, d’ici…

- Ino… Put seulement dire Shikamaru, la gorge serrée.
- Salut, dit-elle en accentuant son sourire, qui prit soudain, aux yeux de Shikamaru, une expression obscène. Tu veux un peu changer de Temari ? Demanda-t-elle. Je peux faire un prix à un vieux pote, hein !

Elle se mit à ricaner, d’une voix soudain rocailleuse, usée, une voix d’une vieille femme qui en a trop vu, un rire qui ne cadrait pas avec son ancienne amie. Shikamaru tourna les talons et partit en courant. Ino haussa les épaules et se mit à achalander d’autres paumés.
Shikamaru courut longtemps, et ne stoppa que lorsque son souffle ne lui permit plus d’avancer. Il releva la tête. Il était devant un studio minable, aux enseignes roses vaguement grésillant. Le destin, sans doute. C’était dans ce studio minable que travaillait Sakura. Il poussa les portes machinalement. Des bruits obscènes de copulation l’agressèrent. Il se figea. Là-bas, au bout d'un couloir crasseux, Sakura, seulement vêtue d’un jean, fumait une cigarette du bout de ses ongles à rallonge.

- Sakura, on n’a pas fini la scène ! Beugla une voix grasseyante.
- Ça va, c’est la pause ! Meugla-t-elle en retour, d’une voix vulgaire.

Puis elle aperçut Shikamaru.

- Vous voulez quoi ? Demanda-t-elle d’un ton peu amène.

Shikamaru ne répondit rien et quitta rapidement le studio minable de tournage de films pornographiques.
Il s’éloigna du quartier. Il marchait sans penser où il allait. Il tentait de se rappeler les souvenirs du lycée. Les quatre cents coups de la bande. Il ne restait plus que Tenten et Lee à visiter. Shino avait déménagé peu après l’overdose. Il n’avait dit à personne où il allait. Personne ne l’avait revu. Peut-être s’en était-il mieux tiré. Shikamaru l’espérait. Il se rappela comme il pouvait les profs, les cours, les projets. Mais tout cela était déjà flou, même les noms commençaient à disparaître. Il releva la tête. Encore une fois, ses jambes l’avaient conduit inconsciemment là où ses souvenirs le ramenaient. Il toqua à la porte en tôle du taudis. Une masure qui n’aurait pas juré dans un bidonville. Le bout de tôle s’écarta violemment.

- Quoi !

Une femme négligée, aux cheveux gris, vint ouvrir. Elle était vêtue de vêtements déchirés et sales, tachés de gras. Les cheveux, gras eux aussi, déjà grisonnants, lui descendaient sur les épaules. Elle tenait une cigarette humide à la main. Elle regarda quelques instants Shikamaru. Elle plissa les yeux. Il lui rappelait quelque chose, mais quoi…?

- C’est qui ! Mugit une voix, surgissant du taudis.

Une forme suivit le son. Un homme, bedonnant, congestionné, au ventre proéminent, une bouteille de saké à la main, apparut.

- C’est qui ? Répéta-t-il bêtement.
- T’occupe ! Rugit soudain la mégère. Si tu as le temps de t’occuper des visiteurs, t’as le temps de chercher du boulot !
- M’emmerde pas ! Répliqua simplement l’homme.

Seuls ses cheveux noirs, ses sourcils, pouvaient encore permettre à Shikamaru de reconnaître les restes de ce qui avait été Lee, son ami tellement énergique et enthousiaste, ce dont tout le monde se moquait à l’époque. Quant à Tenten, si Shikamaru n’avait pas su qu’ils étaient mariés, jamais il ne l’aurait reconnue.

- Excusez moi, je me suis trompé, murmura-t-il rapidement avant de s’éclipser.

Mais les deux autres ne firent même pas attention à lui, trop occupés à se hurler dessus mutuellement.

Shikamaru prit lentement la route de chez lui. Il garda les yeux baissés au sol en marchant dans les rues. Il passa devant un vieux bâtiment aux grilles vertes, s’obstinant à garder son regard baissé. Au bout de la rue, il n’y tint plus et releva vivement la tête. Il vit une bande de jeunes rigoler, mais il ne sut pas si c’étaient ses souvenirs ou la réalité. Il abaissa les yeux à nouveau et fila sans se retourner.

Il ouvrit la porte de son immeuble. Il gravit les marches de plus en plus lentement. Enfin, il sortit sa clé de sa poche, mais n’eut pas le temps de l’insérer dans la serrure. La porte s’ouvrit à la volée, dévoilant une femme en robe de chambre hideuse, grasse, portant un bébé dans ses bras, un autre gamin morveux accroché à sa robe. Un véritable stéréotype de la misère. Shikamaru eut un mouvement de recul.

- Je peux savoir où tu étais passé ! Commença la femme, faisant vagir son dernier-né.
- Temari… Je…
- Tu es allé tirer un coup avec les putes du coin, hein ! L’interrompit-elle. Avec des gosses à la maison et un salaire minable, môssieur ose prendre un congé mais en plus aller dilapider son salaire à tirer des coups ! J’espère au moins qu’elles ne se sont pas foutues de toi, parce qu’il y a de quoi !

Elle s’interrompit le temps que Shikamaru entre dans l’appartement minable, la vaisselle débordant du bac, le linge séchant sur le canapé défoncé. Puis elle reprit sa gueulante. Shikamaru n’y fit pas attention, jusqu’à ce qu’il entende :

- D’ailleurs, tu demanderas à Kankurô ! Il vient dans une semaine et…
- Quoi ? Interrompit Shikamaru. Kankurô vient…
- Exactement ! Brama-t-elle. Si tu n’es pas content, c’est la même chose ! Et…

Kankurô était devenu exactement comme Naruto. En plus pique-assiette. Et voleur. Il devrait cacher son minuscule pécule. Il ne faisait plus attention aux cris de sa femme. Il jeta un coup d’œil rempli de tristesse à son plateau de go, poussiéreux, rangé dans un coin de la pièce depuis des années. Il se lèverait à cinq heures pour aller travailler, demain. Il s’accorda tout de même le temps de sortir sur le balcon encombré d’un bric-à-brac innommable. Il regarda la ville s’étendre à ses pieds. Loin. Il vit les lumières du quartier chaud et eut, comme chaque fois, une pensée pour Chôji. Il se laissa tremper par la pluie, qui ne s’était pas arrêtée. Il se mit à califourchon sur la rambarde, pensant à avant. Cela lui arrivait de moins en moins souvent. Trop de travail. Trop de choses à faire… Trop loin.

Il tenta, malgré la pluie, d’allumer une cigarette. Il échoua, bien sûr. Il garda la cigarette bon marché dans sa bouche, le goût du tabac mouillé lui était familier. Il balança doucement les jambes dans le vide. Sauter lui était passé plusieurs fois par la tête, avant. Bien des fois. Mais aujourd’hui, pas plus que les autres jours, il ne le ferait. Il se contenta de sourire dans le vide, le regard vague.



... Voilà, quoi. Quelques commentaires ?



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