Fiction: Portsall (terminée)

Il y a trois choses que Tayuya déteste par-dessus tout : le froid, le bruit, les gens. Lorsqu'elle se retrouve contrainte de s'ajouter à un groupe d'ados à problèmes pour un stage de voile, c'est donc un peu comme si on lui avançait son apocalypse personnelle sur un plateau d'argent. [ Attention, mise à jour du 1er chapitre pas encore validée par les modérateurs, d'où incohérences ! ]
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NeN (Masculin), le 19/05/2014




Chapitre 9: Le Fou, la Tour et le Cavalier



Il s'appelait Itachi.

Il s'appelait Itachi, mais on le connaissait surtout sous le nom de Backfiring à cause de son étonnante particularité à utiliser les flammes pour se défendre. Personne n'avait jamais vu ça. D'habitude, les gens de la rue s'équipaient d'armes blanches ou à feu, récupérées au marché noir. Lui, il avait un briquet et une gourde de kérosène.

Il avait rejoint la Lune Rouge quand il avait compris que son destin avait déjà été scellé par "eux", tous ces gens qui cherchaient des explications et qui voyaient en lui le coupable parfait dans une histoire incompréhensible. La véritable raison était tellement plus simple pourtant : suicide. Un bête et simple suicide.

Mais "eux" n'en avaient rien à foutre et lui, il s'était plongé dans l'univers sombre et sauvage de tous ces adolescents clandestins qui survivent en glissant à travers les mailles du filet. Au début, il avait beaucoup fait rire, avec son kérosène. Mais comme une gerbe de flammes était finalement plus convaincante que leurs poings serrés, il s'était rapidement fait respecter dans le milieu.

Le petit gang de la Lune Rouge rassemblait une demi-douzaine de gosses de quinze à dix-neuf ans pour un seul objectif : réunir soixante mille euros en l'espace de six mois.

Ça coûtait cher, une greffe de cœur, quand on n'était pas couvert par la Sécu.



Ils furent réveillés par les cris stridents d'Ino.

— Venez voir ! Venez voir ! Y'à un drôle d'oiseau sur le bastingage !

— Sur le quoi ? grogna la voix endormie de Kiba depuis la cabine tribord.

Sakura et Naruto s'étaient précipités et leurs exclamations achevèrent de réveiller le reste de l'équipage, dérangeant Asuma qui écoutait la radio.

— Pas d'avis de coup de vent, je répète, pas d'avis de coup de vent, crachotait le poste de transmission. Force 1, rafales à 2, forcissant 3 en fin de matinée…

— Il est trop bizarre !

— Tu crois que c'est un pingouin ?

— Meuh non !

Ino dégringola la descente pour se jeter sur les étagères couvertes de cartes et de livres, bousculant au passage Tayuya qui venait de se lever. Sans même prendre la peine de s'excuser, elle farfouilla les papiers jusqu'à s'emparer d'un manuel d'information sur la faune et la flore de la région puis remonta à toute blinde.

— Café, baragouina Shikamaru en émergeant de la cabine tribord.

Il aida Tayuya à remplir deux tasses, puis ils montèrent à l'extérieur rejoindre le reste de l'équipage rassemblé les uns sur les autres autour d'un winch.

— C'est un macareux moine, informa Ino, son livre ouvert sur les genoux. Aussi appelé "perroquet de mer". Il vole très mal mais c'est un excellent nageur…

Poussée par la curiosité, Tayuya se pencha pour voir derrière l'épaule de Sasuke et aperçut un drôle d'oiseau pas plus gros qu'un pigeon, recroquevillé contre le winch. Il avait le dos, le cou et les ailes noires tandis qu'un plumage blanc recouvrait son ventre et ses joues percées de deux petits yeux cerclés de rouge et soulignés d'un mince trait sombre qui s'étirait le long de ses pommettes.

La comparaison au perroquet était justifiée, pensa Tayuya en observant ce bec énorme et triangulaire aux couleurs bariolées. Lorsque l'animal agita craintivement une aile, elle put voir l'orange vif de deux pattes palmées griffer le revêtement antidérapant du pont.

— Il est trop mignon, murmura Sakura.

Personne n'osa répondre, mais tous approuvèrent mentalement. Asuma grimpa à son tour dans le cockpit et s'étonna de voir une espèce pareille se perdre dans le coin, puisqu'en temps ordinaire, ils habitaient en haute mer.

— Il doit être blessé…

— Vous croyez qu'on peut le toucher ?

Naruto avança une main, mais l'oiseau se débattit et bondit soudain hors de portée. L'équipage s'était figé pour ne pas lui faire peur et l'observa claudiquer sur le roof.

— Bon, on va peut-être passer à autre chose, décréta alors Asuma. Petit déjeuner.

____


Le macareux resta là toute la matinée, sautillant de bord à bord alors qu'ils effectuaient leurs manœuvres en prenant soin de ne pas lui marcher dessus. Comme il n'y avait quasiment pas de vent, Asuma les emmena au large et annonça qu'ils allaient faire des exercices de sauvetage.

— Je vous présente Killian, dit-il en leur montrant une vieille défense sur laquelle avait été dessiné un visage souriant. Killian n'a pas mis son harnais avant d'aller gréer le foc, alors il est tombé à l'eau. Notre mission est de le ramener à bord.

— Pourquoi on devrait se donner du mal pour un débile qui s'est pas harnaché ?

— Parce que sinon, ton mono va en prison, rétorqua Asuma en jetant la bouée par-dessus bord.

— On le récupère comment ? Vous avez un harpon ?

— Le but est de le ramener vivant, précisa le moniteur.

— Mais il est trop petit, c'est pas crédible, intervint Sasuke.

— On n'a qu'à dire que le corps a coulé et qu'il ne reste plus que la tête, proposa Naruto.

— Dans ce cas, on a encore moins de raison de se faire chier à repêcher une tête…

— Bon, les garçons, la bouée est à l'eau, s'impatienta Asuma alors que Killian s'éloignait dans leur sillage.

Ils s'interrompirent dans leurs contestations et écoutèrent la démarche à suivre. D'abord signaler l'accident en criant : "Un homme à la mer !" Lui jeter ensuite une bouée, puis…

— Mais ça a aucun sens de jeter une bouée à une bouée…

— … Puis trois manœuvres sont alors possibles. La première consiste à simplement s'arrêter, ce qui se révèle inapproprié lorsque comme ici le corps est déjà trop loin ou quand la victime est inconsciente. La seconde s'appelle "manœuvre de Scharnow" : il s'agit d'effectuer un demi-tour de 240° afin de revenir sur la route initiale. La troisième part du même principe mais se décompose en deux bords, ce qui permet de garder un meilleur contact visuel avec le naufragé…

Le moniteur répartit alors les rôles et envoya ses stagiaires aux quatre coins du navire. Le virement de bord s'effectua sans trop de mal et bientôt, Shikamaru put récupérer la bouée depuis l'arrière du bateau. Asuma leur laissa deux minutes pour s'écrier : "Bah c'était trop facile !" puis leva une main afin de réclamer le silence.

— Très bien, ça c'était dans le cas où il n'y a pas de vent, pas de vagues, pas de naufragé blessé et un quart d'heure pour faire la manœuvre. Maintenant, on va passer aux choses sérieuses.

____


Les choses sérieuses, c'était l'enfer.

Le stress grimpait de façon uniforme dans l'équipage qui s'agitait sous le regard curieux du macareux perché sur un chandelier. Ils couraient dans tous les sens, apprenant à chaque nouvel essai comment se déplacer sans mouvement superflu, et Asuma leur laissait à peine le temps de respirer entre deux manœuvres.

— Un homme à la mer ! hurla Ino lorsqu'il envoya à nouveau Killian par-dessus le bastingage.

— Contact visuel, contact visuel ! lui rappela Asuma alors que les autres se précipitaient.

Shikamaru balança la bouée en fer à cheval à l'eau ; Sakura lança le moteur et poussa la barre à fond ; Sasuke et Naruto se jetèrent sur les écoutes pour tout lâcher. Les voiles claquèrent violemment dans tous les sens et le vacarme exacerbait encore davantage la nervosité de Kiba et Tayuya qui se débattaient avec la bôme.

— Moteur au point mort ! Barre au centre !

Kiba parvint enfin à dégager la bôme des écoutes et la fit passer par-dessus bord à la perpendiculaire du mât tandis que Tayuya tirait la voile pour qu'elle forme un berceau. Ino se précipita vers eux, le doigt toujours pointé sur la défense blanche qui se rapprochait, et ils immergèrent la voile de justesse, repêchant Killian avant qu'il ne les dépasse.

D'un commun effort, ils remontèrent la toile et Ino put récupérer le naufragé. Un soupir de soulagement gagna l'ensemble de l'équipage.

— Une minute vingt, annonça Asuma, un œil sur son chronomètre. C'est beaucoup trop lent, on essaye encore.

____


— Je suis sûre que les autres n'ont pas à subir tout ça, râla Ino en s'écroulant sur le banc tribord pour le déjeuner.

— Je te rappelle qu'ils ont Gai. Ils ont dû en faire le double.

Ils s'interrompirent quand Asuma remonta de l'habitacle, histoire de ne pas lui donner de mauvaises idées, puis se répartirent les bols et les fourchettes. Il y avait si peu de vent que la grand-voile pendait lamentablement contre le mât.

— C'est un temps à bronzer, fit subrepticement remarquer Ino alors que Naruto les servait en salade de tomates.

— Désolé de ruiner tes plans, mais un force 2 nous attend gentiment en début d'après-midi, répondit Asuma. On va pouvoir tracer un bord en direction des Sept Iles et espérer y arriver avant ce soir.

— C'est quoi, les Sept Iles ?

— Un archipel au large de Perros-Guirec qui contient une réserve naturelle d'oiseaux…

— A propos d'oiseau…

Tout le monde se tourna vers le macareux qui s'était rapproché, attiré par les morceaux de thon en boîte que lui jetait Naruto. La pointe de son bec rayé tapota le capot du roof lorsqu'il se risqua à picorer sa pitance et Ino et Sakura émirent le même gémissement attendri.

Ils passèrent des heures à tenter de le toucher, mais seul Kiba y parvint. Il s'était assis à un mètre de distance, puis s'était rapproché centimètre par centimètre avec une patience inattendue jusqu'à ce que le macareux vienne escalader son poignet pour attraper le morceau de pain qu'il avait dans sa paume.

Ino n'en revenait pas.

— J'y crois pas, t'as vraiment un don avec les animaux sauvage !

— C'est rien qu'un oiseau, blondasse…

— Essaye de le dresser, maintenant ! s'enthousiasma Naruto.

Mais Kiba rigola :

— S'agit pas de les dresser, s'agit de les apprivoiser. Et c'est cent fois plus difficile.

____


— Hé, vous savez quoi ? dit Ino en abaissant le magazine qu’elle était en train de lire.

Il s’était mis à pleuvoir dru lorsqu'ils étaient arrivés au port en milieu d'après-midi. D'un commun accord, les moniteurs avaient décidé de renoncer à la sortie aux Sept Iles qu'ils voulaient faire avant le dîner et avaient profité du répit pour aller acheter du matériel au magasin d'accastillage, laissant les stagiaires se réfugier dans le HMS Adventure pour y passer le reste de la journée.

— Portsall est un tout petit village, comme vous le savez, commença la blonde, et personne n’en avait jamais entendu parler avant la marée noire du printemps 1978…

Ino leur montra la couverture du magazine qu’elle avait trouvé dans les étagères qui surplombaient la table à carte. On y voyait en gros plan un oiseau empêtré dans une matière épaisse et gluante ainsi qu’un homme en combinaison blanche muni d’une pelle.

— Le naufrage de l’AMOCO Cadiz a entraîné son mazout vers les côtes du Finistère, poursuivit Ino. Portsall a tout pris en plein fouet.

Devant l'absence générale d'intérêt qu'on portait à son petit exposé culturel, Ino poussa un soupir qui fit voltiger sa mèche et replongea dans les pages jaunies de l’hebdomadaire. Tayuya recommença à contempler la pluie qui noyait le pont de l'autre côté du hublot, Sakura et Hinata, assises au pied de la descente, riaient devant un vieux guide de la région apparemment un peu dépassé et Kiba jouait avec Akamaru en agitant devant lui un vieux fanion, le macareux soigneusement perché hors de portée entre le sel et le poivre. Assis sur la première marche de la descente, Sasuke lisait le guide par-dessus l'épaule de Sakura.

— Shikamaru, une plante en A !

— Agapanthe…

— Naruto, t’as pas le droit de lui demander ! protesta Kankurô. C’est trop facile !

Le blond lui tira la langue et s’empressa d’inscrire le nom de la fleur sur sa feuille.

— Shikamaru, un personnage célèbre en A !

— Aristote…

— Tenten, ne t’y met pas !

Temari regardait silencieusement la pluie tomber à l’extérieur, appuyée sur le rebord d'une étagère. Un hublot plus loin, Tayuya se demandait à quoi ressemblait sa vie, loin de son pays d'origine. Passer du Thar à la Bretagne, quand même, c'était brutal.

— Shikamaru, un animal en A…

— Neji, bon sang ! s’énerva Kankurô.

— Antilope, dit Shikamaru.

Si la première impression n'était pas démentie par l'état d'indifférence extrême que trahissaient ses yeux à demi fermés, on pourrait presque penser qu'il répondait dans l'unique but d'agacer Kankurô. Ce dernier finit par reposer son crayon pour proposer de faire des équipes, parce que de toute façon, si tout le monde trichait, ça ne servait plus à rien…

Tenten avait aussitôt relevé la tête d’un air ravi :

— Ah ouais, bonne idée !

— Je joue, dans ce cas-là ! dit Sakura en quittant les marches de la descente.

Elle alla s’assoire à côté de Tenten qui réclamait son cerveau comme allié ; Hinata s’approcha à son tour et se posa sur la place que Neji libérait à côté de lui, Kiba vint faire équipe avec Kankurô puis Sasuke finit par céder aux appels répétés qu'on lui adressait et quitta les marches pour compléter le dernier duo.

— Allez, c’est parti ! Que quelqu’un nous donne une lettre !

Ino, indifférente à ce qu’il se passait, lisait à haute voix :

— Et vous saviez que l’endroit où s’est échoué l’AMOCO Cadiz est un banc rocheux particulièrement dangereux, appelée la basse Paupian, ou « basse P » ?

Les joueurs de petit bac se regardèrent, puis Neji commença à écrire. Un quart d’heure plus tard, ils en étaient à la lettre M et Shikamaru, parfaitement désoeuvré depuis qu'on avait cessé de le prendre pour un dictionnaire ambulant, se leva pour récupérer le jeu d’échecs dans l'équipet bâbord, dérangeant au passage le macareux qui s'était niché entre-temps au milieu des drapeaux rangés là.

— On fait une partie, Temari ?

La jeune fille ne l’entendit même pas, toujours absorbée par ses pensées. Shikamaru jugea plus sage de ne pas insister et chercha quelqu’un de libre : Ino avait entamé un second magazine traitant de l’exploration des fond sous-marins et personne ne semblait décidé à quitter la partie de petit bac qui s’animait de plus en plus. Son regard s’arrêta alors sur Tayuya, toujours enfoncée dans son coin de banquette.

— Tayuya ?

Elle tourna la tête et vit le plateau que montrait Shikamaru. Son habituel "Vas chier" fit relever la tête de Kiba, son crayon entre ses dents. Il arborait insolemment ce sourire si particulier qui faisait plisser ses yeux.

— On se dégonfle, caïd ?

— Ta gueule, j'suis fatiguée !

— Mmh, c’est vrai que jouer contre Shikamaru, c’est peine perdue. T'es écrasée d’avance.

Tayuya serra les dents et enleva ses pieds de la table pour les poser par terre.

— OK, la tête d'ananas, lança-t-elle, ramène-toi !

Shikamaru vint installer le plateau sur la banquette avec un petit sourire.

— Merci, Kiba.

— Quand tu veux, mec, dit la gueule de clown en retournant à sa feuille.

____


La partie était serrée. Shikamaru attaquait avec intelligence, appliquant une stratégie redoutable qui ne laissait place à aucun coup inutile. Tayuya se défendait comme elle pouvait en étendant des zones sur toute la surface de l’échiquier dans lesquelles elle pouvait attaquer à n’importe quel moment, forçant ainsi son adversaire à tomber dans ses propres pièges, mais elle s’était retrouvées à plusieurs reprise dans des situations qu’elle croyait avoir elle-même créées et qui se retournaient contre elle et en venait à se méfier de ses propres coups.

Caressant ses lèvres du bout du doigt, elle se pencha davantage vers l'échiquier. Sans qu'elle ne s'en aperçoive, elle s'était laissée captiver par cette partie devenue passionnante. Elle vérifia encore la position de ses trois poins moteurs, sa botte secrète, cette tactique imparable que lui avait apprise son grand-père. La manœuvre était simple : mettre la lumière sur le fou, faire croire qu'il était celui dont il fallait se méfier, protéger l'autre avec ces deux cavaliers et cette jolie reine… Puis attaquer dès que l'illusion était parfaite.

Shikamaru avança sa tour vers le cavalier noir. Il prenait le temps de réfléchir, il analysait, il décortiquait. Mais ça ne suffirait pas à le faire gagner.

— S, murmura Naruto.

Après deux bonnes engueulades, le groupe "petit bac" s’était calmé et cherchait à faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger les joueurs d’échecs que cette partie ardue mettait sur les nerfs.

Shikamaru souleva son cavalier noir, le reposa à la place du fou de Tayuya qu’il plaça avec les autres pièces qu’elle avait perdues puis sourit en la regardant.

— Alors ? dit-il, quasiment sûr de sa victoire.

Tayuya sourit à son tour et il eut un doute horrible. Elle avança la main pour prendre son second fou, caché derrière trois petits pions tout à fait innocents.

— Alors, tu t’es fait avoir… Dis adieu à ta reine.

— Ah, merde ! s’exclama Shikamaru en la voyant s'emparer de son précieux pion.

Là, il était vraiment mal… Comment n’avait-il pas remarqué ce fou-là ?

Encore un coup et la partie était terminée, il le savait. Que pouvait-il faire ? Il pensa à son père, qui était un excellent joueur. Il aurait su se tirer d’affaire, lui… Non, il ne voyait aucune échappatoire…

Puis soudain, une main passa sous son nez et attrapa sa tour.

— Echec et mat, dit Temari en mettant la pièce à la place du fou blanc.

— Qu…Quoi ? firent Tayuya et Shikamaru à l’unisson.

— Eh ouais, t'as perdu, Tayuya ! triomphait Temari, les mains sur les hanches. Et toi, mon vieux, t'étais bien plus opérationnel la dernière fois.

— C’était la fin de la partie, se défendit-il, on était à court de tactiques !

— Bon sang, j'allais gagner ! jura Tayuya qui cherchait encore à comprendre le dernier coup. Ça se fait pas d’intervenir à la place des autres !

— Hé hé…

— Un élément ou une matière en S… marmonna Naruto.

Dans un geste d'un parfaite synchronisation, lui et Sasuke se passèrent une main dans les cheveux.

— Plus qu’un seul mot ! En S…

— Sable, trouva enfin Sasuke en remplissant la case correspondante. Fini, on arrête !

Shikamaru rangea les pions pendant qu’ils énonçaient leurs résultats.

— Où est-ce que t'as appris à jouer aux échecs comme ça ? demanda-t-il à Tayuya en refermant le couvercle de la boîte.

— C’est instinctif, répliqua Tayuya.

— Sérieusement.

— Mon grand-père, révéla-t-elle alors à contrecoeur.

— Tayu, donne-nous une lettre !

— X.

Ils n’eurent pas le temps de revendiquer : les portes de l'habitacle s’ouvrirent soudain en grand et Anko fit une entrée fracassante.

— On est revenus ! hurla-t-elle en inondant les marches de la descente de ses vêtements trempés. Tous dehors, bande de moules, on a du nouveau !

____


Le nouveau, c'était vingt mètres d'écoutes toutes neuves à gréer sous la pluie battante, trois kilos de courgettes à éplucher pour le dîner et Gaara, immobile sous la capuche de son ciré rouge.

Il y eut un concert de cris et un raz-de-marée de toile imperméable bleue en direction de cette brebis égarée revenue parmi eux. Seuls Temari et Kankurô restèrent en retrait, dévisageant d'un air un peu étrange ce visage impassible qu'entouraient soudain les autres de leurs effusions. Puis les stagiaires semblèrent se souvenir qu'ils ne lui avaient jamais vraiment parlé avant ce jour, qu'ils n'avaient pas de raison de l'accueillir ainsi et qu'il y avait quelque chose d'absurde dans leur réaction.

Mais Naruto et Tenten ne furent pas gagnés un seul instant par l'hésitation qui s'était brusquement emparée des autres et Gaara fut embarqué dans le mouvement sans que la moindre question ne lui fût posée.

— Pourquoi il est revenu ? demanda Kankurô à sa sœur alors qu'ils s'acharnaient sur le démontage des vieilles écoutes du Big Red Boat.

Tayuya leur jeta un coup d'œil à travers le rideau de pluie qui leur dégringolait dessus, puis se remit à tirer sur sa propre corde. A l'arrière, Kiba défaisait les nœuds de huit en lui adressant des regards attentifs depuis la capuche ruisselante de son coupe-vent.

— J'en sais rien, fit Temari entre ses dents sans s'imaginer qu'en dépit du vacarme de l'averse, Tayuya les entendait parfaitement. Mais c'est plutôt bon signe, je pense.

Ils se tournèrent d'un même ensemble vers les silhouettes floues des moniteurs, réunis en comité d'urgence sur le ponton en dépit des trombes d'eau qui s'abattaient sur leurs épaules. De ce qu'ils avaient compris, Anko avait trouvé Gaara dans un fauteuil du salon le matin même. Tout simplement.

— Tu crois qu'ils ont pu contacter notre père ?

— J'en sais rien et j'm'en fous. L'important, c'est qu'il soit revenu.

Ils mirent en place les nouvelles écoutes, s'y prirent à deux fois lorsqu'ils s'aperçurent qu'ils s'étaient trompés de poulies, roulèrent les anciennes et abandonnèrent enfin le tout en secouant leurs manches imprégnées d'eau. Temari et Kankurô retournèrent sur leur bateau envahi par le reste des stagiaires occupés à faire le dîner tandis que Tayuya et Kiba se glissaient à l'intérieur du Big Red Boat pour se changer.

— Rah ça fait du bien ! rugit Kiba en émergeant de la cabine tribord, la tête dans une serviette éponge.

Tayuya s'était roulée en boule sur la banquette, ses genoux glissés sous son pull bleu qu'humidifiaient les longues mèches de ses cheveux humides. C'était vrai qu'il y avait quelque chose d'étrangement réconfortant dans le fait de se faire tremper : ils avaient froid, il étaient mouillés et leur vêtements les démangeaient, mais la perspective de pouvoir ensuite se réfugier dans des habits sec et un habitacle chauffé était somme toute délicieuse.

Ça valait presque le coup de se geler dehors, rien que pour ce plaisir-là.

— Tu vas déformer ton pull, l'informa Kiba en enfilant son sweat-shirt.

Tayuya l'ignora. Elle savait qu'il allait bientôt, d'une manière ou d'une autre, lui réclamer la suite de son histoire et elle se demandait comment elle était censée en parler. Pourquoi le ferait-elle, d'ailleurs ?

— 'Fin bon, de toute façon, vu son état, ça changera pas grand-chose, poursuivait Kiba.

Elle n'avait pas envie, se dit-elle. Elle était bien, là, au sec, au chaud, au calme. Pourquoi remuer tout ça pour faire entrer le froid et l'humidité ?

Mais c'était plus fort qu'elle : les souvenirs éveillés revenaient peupler son esprit d'images qu'elle ne pouvait ignorer, de voix qu'elle ne pouvait taire, de visages qu'elle ne pouvait oublier. Et l'atmosphère tiède et paisible de l'habitacle reculait déjà devant le gouffre qui se redessinait sous ses pieds.

— Tu sais, Itachi a un petit frère du même âge que toi. C'est pour ça qu'il t'a acceptée. Seulement pour ça.

Du haut de ses neuf ans, elle avait serré les poings. Avait-il besoin de lui faire du mal ? Ce ne fut que bien plus tard qu'elle comprit que c'était une manière de la protéger, de la mettre en garde : le monde n'est ni blanc ni noir. Les gens ne sont pas ou gentils ou méchants. Ne te fais pas d'illusions. Mais elle était encore jeune et elle avait répondu :

— Ça m'est égal.

Puis, tout de suite après :

— Tant qu'il m'accepte.

— Alors ? demanda Kiba qui s'était laissé tomber sur la banquette en face d'elle. Comment t'as connu la Lune Rouge ?

Mais elle ne répondait pas, le regard errant sur le hublot au-dessus de sa tête. Comment elle les avait connus ? Par erreur. Rien que pas erreur.

Une erreur et deux mains qui l'avaient rattrapée au vol.

— Où tu vas comme ça, gamine ?

Elle était tombée, elle avait les genoux écorchés et le sang trempait son jean déchiré. Elle était perdue, aussi, mais ça, ils l'étaient tous.

— Arrête de gesticuler, j'arriverais jamais à enlever ce putain de sang !

Deidara, il avait été un peu embarqué dans l'affaire contre son gré. C'était ce qu'il lui répétait sans cesse : fais gaffe où tu mets les pieds, méfies-toi des moments où quelque chose commence… parce que tu ne sais jamais où ça finira.

Elle n'avait pas l'impression qu'il regrettait, pourtant. Il était dans son élément, avec ces personnes, dans ces situations, dans ce monde. Il se sentait vivant.

C'était lui qui lui avait appris à se battre. Ça l'amusait, il se sentait important.

— Tu vois, une fois que t'as compris le rythme de l'autre, t'as déjà gagné. L'essentiel, c'est de ne pas se laisser prendre de vitesse – pas dans le sens où l'autre va plus vite, mais dans la perception des mouvements, tu vois, mh ? Il ne s'agit pas d'aller plus vite, il s'agit de se décaler. Retiens ça : le décalage. Vas-y, essaye encore…

Et elle essayait, elle bondissait, elle décalait et synchronisait, elle frappait et se faisait frapper, elle apprenait.

— Pourquoi ils faisaient des casses ? demanda soudain Kiba derrière l'écran de ses souvenirs.

Elle émergea comme on sortait la tête hors de l'eau :

— Pour avoir du fric, ducon !

— D'accord, mais c'est quoi la raison ? J'veux dire, tu fais pas un gang juste pour amasser de l'argent sans but…

Tayuya posa enfin ses yeux sur lui pour le voir vraiment, sans que son regard ne le transperce comme s'il n'avait pas été là. Kiba ne cilla pas, prêt à tout pour ne pas rompre ce contact qu'il rétablissait enfin.

— Il paraît que c'était du trafic d'objets d'art, si j'me souviens bien, poursuivit-il. Mais on descend pas des mecs juste pour ça, non ? Alors pour quoi Itachi est mort ? Pour quelle cause ?

— Pour quelle cause…

Elle-même l'avait appris très tard, presque au dernier moment. Pourquoi s'acharnaient-ils à s'introduire dans les maisons les plus luxueuses d'Orléans ? Pourquoi visaient-ils toujours les mêmes personnes, des chirurgiens ou des médecins ? Elle avait naïvement cru qu'ils étaient animés par une idéologie à la Robin des Bois, qu'ils volaient aux plus riches pour donner aux plus pauvres. Mais la réalité était moins désintéressée et beaucoup plus crue : c'était une vengeance, rien qu'une vengeance et un acte désespéré.

Soixante mille euros. Voilà à quoi tenaient leurs principes, leur credo, leurs espérances. A une putain de somme à cinq chiffres.

— T'sais, les adultes s'intéressent plus aux nombres qu'aux êtres humains, dit-elle soudain.

Kiba avait sursauté devant cette prise de parole qu'il n'espérait plus. Elle poursuivit pourtant :

— Tout se chiffre, tout se calcule. Combien tu coûtes, combien tu vaux, c'que tu gaspilles et c'que tu produis. On n'est rien que des silhouettes pleines de numéros. Et même la vie, elle a un prix. Tu sais combien ça coûte, un cœur ?

Non, il ne savait pas et ouvrit de grands yeux devant l'énormité du chiffre. Comme il reprenait ses questions, elle expliqua encore :

— Evidemment que si toi, t'avais une transplantation à te faire faire, tu l'aurais gratos. Mais tu crois que les mecs qui viennent d'ailleurs sont dans le même cas ? Genre les Sabaku. Ben eux, ça m'étonnerait qu'ils soient répertoriés dans les dossiers de la Sécu.

— Qui était pas répertorié dans la Sécu ? Itachi ?

— Mais non ! C'étaient les autres. Nagato, Konan, Sasori, Deidara… Les autres.

— Oh. C'étaient des émigrés.

Tayuya ne prit même pas la peine de répondre, le regard plongé dans les rainures qui parcouraient le bois de la table entre eux. Oui, c'étaient des émigrés, des garçons et des filles venus des quatre coins du monde et qui se retrouvaient là sans savoir comment ils y étaient arrivés.

— Et alors ? demandait encore Kiba. Qui devait se faire transplanter le cœur ?

Son ton était plus hésitant, moins curieux. Il commençait à comprendre que ce qui se dessinait sous les phrases lâchées au compte-goutte de cette fille qu'il avait en face de lui était peut-être vraiment quelque chose qu'il ferait mieux d'ignorer. Il se souvint soudain de ces paroles qu'elle lui avait dites après lui avoir gueulé dessus dans la cuisine de Portsall : Le monde, le vrai monde… il est dégueulasse.

Et il commença à se dire que c'était peut-être vrai.

— Ces gens, ils étaient jeunes, ils avaient encore toute la vie devant eux, dit Tayuya à voix basse. Mais comme moi qu'étais rien qu'une gamine de neuf ans, ils avaient déjà l'impression de plus rien avoir à attendre de ce monde. Et tu sais quoi ? Ils avaient raison.

Silence encore, regard dans le vague, une ombre dans ses yeux. Kiba commençait à se sentir mal.

Il se demanda pourquoi il comprenait maintenant ce qu'elle ne disait pas alors qu'elle avait toujours été aussi opaque qu'une vitre sans tain. Mais c'était comme si son cerveau s'était branché sur une longueur d'onde supérieure et l'histoire se déroulait d'elle-même dans son esprit, simplement logique, simplement déductive.

Elle était dans un groupe de vagabonds émigrés dont l'un s'était retrouvé en situation médicale critique. La seule solution : une transplantation ; pour la financer : des vols à répétition.

Et c'était parti ; il imaginait avec une facilité déroutante ces adolescents parcourir les rues avec leurs sacs à dos et leurs pieds de biche. Il les voyait escalader les murs, casser les vitres, défoncer les tiroirs ; s'enfuir en courant, disparaître dans les ruelles sombres, compter combien de temps encore il leur restait avant que tout ça ne devienne vain.

Il se demanda alors si Tayuya avait vraiment été là, au milieu d'eux, avec ses neuf minuscules années.

— Il était à l'hosto, marmonnait Tayuya sans préciser de qui elle parlait. Ils le gardaient là en attendant qu'il crève tout en faisant semblant de chercher une solution. Six mois, c'était le temps qu'il lui restait.

— Et ils ont réussi ? coupa Kiba. Ils ont réussi, pas vrai ? Les soixante mille balles. Ils les ont trouvées ?

Tayuya leva vers lui ses yeux gris et il les trouva soudain beaux et terribles. Il connaissait déjà la réponse à sa question.

— Ouais, ils les ont trouvées. Mais…

Mais… Mais la vie ne marchait pas comme ça.

— On est tous comme ça, on veut tous quelque chose, dit Tayuya en détournant son regard pour le poser à nouveau sur les nœuds du bois de la table. Même si c'est con, même si c'est irréalisable. Avoir un bon métier, fonder une famille, s'acheter un château, voyager… pour Nagato, c'était sauver la vie de Yahiko. Il demandait rien d'autre que ça. Est-ce que c'était trop ? Est-ce que c'est pour ça qu'il a pas réussi ?

Kiba ne disait rien et elle se demanda s'il n'allait pas se mettre à vomir. Elle aurait pourtant aimé que quelqu'un lui réponde, cette fois. Est-ce que c'était trop ? Qu'est-ce qu'on pouvait attendre du monde ? Qu'avait-il à donner ? Elle aurait tant voulu savoir.

Non, ils n'avaient pas réussi. Ils n'avaient pas réussi parce que les forces de l'ordre s'étaient mises en travers de leur chemin, encore et encore ; parce que l'Etat préférait claquer des milliers à pourchasser une bande de gamins hors-la-loi plutôt qu'à sauver des vies ; parce qu'ils avaient eu l'affront de glisser entre les mailles du filet trop de fois et qu'ils en avaient fait une affaire personnelle.

Qu'Itachi les rejoignent n'avait rien arrangé, mais il était doué et ils y avaient vraiment cru, à leur victoire. Il leur manquait si peu, tellement peu… Puis ils s'étaient fait embusquer et tout s'était écroulé : leur groupe, leurs espoirs, leurs avenirs.

Elle était là, ce soir-là. Elle devait monter la garde parce qu'elle était petite et que personne ne se méfierait d'elle. Mais elle les avait prévenus trop tard et tout était devenu sombre et flou.

Elle ne les avait plus jamais revus.

Aucun d'entre eux, à l'exception de Deidara qu'ils avaient fini par relâcher à cause de son âge. Elle avait appris la nouvelle par la télévision, elle s'était précipitée et elle avait été là le jour dit, devant cette maison d'arrêt bétonnée qui ne filtrait aucune lumière.

Elle s'était jetée devant lui. Elle voulait savoir, et les autres ? Et Yahiko ? Où sont-ils ? Comment vont-ils ? Que vont-ils devenir ?

— Je ne sais pas. Je n'ai plus de nouvelles de personne.

Il y avait son ton las, lourd d'une peine étouffée, puis l'abattement qui assombrissait le moindre trait de son visage et affaissait ses épaules. Mais ce fut son regard qui lui fit comprendre qu'il n'y avait plus d'espoir, que tout était fini, car il n'y avait en cet instant plus la moindre particule de vie dans ces yeux-là. Juste le vide.

— Depuis, j'me suis souvent demandée… souffla Tayuya en fixant le sol. Toutes ces personnes perdues, est-ce qu'elles auraient pu être sauvées ? Une main tendue, un sourire, une deuxième chance… Est-ce que ça aurait pu les tirer du néant ? Y avait des centaines de gens autour d'eux. Ils avaient des familles, des amis. Et pourtant, personne n'est venu leur tirer la tête hors de l'eau.

Elle tendit la main pour caresser le bois vernis du doigt, redessinant de l'ongle une veinure plus profonde que les autres. Elle savait bien que le vrai problème de cette histoire, ce n'était pas le drame de la transplantation. Ce qui était profondément tragique, c'étaient tous ces jeunes livrés à eux-mêmes qu'on avait laissés se noyer lentement dans leur détresse vigoureuse.

Kiba remua en face et elle se tourna vers lui. Il était d'une pâleur fantomatique. Elle ne pensa même pas à se foutre de sa gueule et à lui jeter un "J'te l'avais dit" impitoyable.

— Et personne viendra pour moi non plus, ajouta-t-elle à la place. On a beau vivre les uns dans les autres, au bout du compte, on est toujours tout seul.

Et cette fois, Kiba comprenait pourquoi elle disait ça et pourquoi c'était ce qu'elle n'avait cessé de répéter depuis qu'ils se connaissaient. Il aurait aimé pouvoir dire quelque chose du genre "mais tu n'es pas seule", "je suis là, maintenant", ou même "tu te trompes", mais il savait qu'il était celui qui se leurrait depuis le début.

Il n'était qu'un gosse préservé qui n'avait jamais su se contenter de ce qu'il avait déjà. Pourquoi s'était-il acharné à faire s'ouvrir Tayuya alors qu'il n'avait pas le pouvoir de panser les blessures de son passé ? Il ne pouvait rien faire, il ne pouvait rien dire.

Kiba se leva brusquement et sortit sur le pont ruisselant. Tayuya le regarda s'éloigner en silence, puis reporta son attention sur les veinures de la table.

— Et maintenant ?

Deidara avait poussé un soupir douloureux.

— Rentre chez toi. Va à l'école. Construis-toi une vie. Ne fais pas comme nous, Tayuya, ne deviens jamais comme nous.

Le monde a mieux à t'offrir.

Tayuya sursauta lorsqu'elle entendit quelque chose taper contre le hublot derrière elle et se retourna : le macareux cognait la vitre de son drôle de bec, trempé comme une éponge. Il se précipita à l'intérieur dès qu'elle eut ouvert le hublot et se cogna au plafonnier avant d'atterrir maladroitement sur une banquette.

Tayuya l'observa secouer ses plumes mouillées puis sautiller sur la table sans oser bouger de peur de l'effrayer. Il s'approcha pourtant et vint se caler contre le coussin qu'elle utilisait déjà, enfouissant la tête sous son aile pour piquer un somme.

Elle se demanda s'il allait jamais partir, maintenant qu'il était apprivoisé. Est-ce que Kiba en avait conscience, lui qui avait été si fier de gagner la confiance de ce petit animal farouche ?

Est-ce qu'il savait qu'il était responsable pour toujours de ce qu'il apprivoisait ?




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