Fiction: Portsall (terminée)

Il y a trois choses que Tayuya déteste par-dessus tout : le froid, le bruit, les gens. Lorsqu'elle se retrouve contrainte de s'ajouter à un groupe d'ados à problèmes pour un stage de voile, c'est donc un peu comme si on lui avançait son apocalypse personnelle sur un plateau d'argent. [ Attention, mise à jour du 1er chapitre pas encore validée par les modérateurs, d'où incohérences ! ]
Version imprimable
Aller au
NeN (Masculin), le 14/05/2014
Hey attention ! Le premier chapitre de cette fiction n'a pas encore été mis à jour, j'attends toujours la validation par les modérateurs et je ne pensais pas qu'ils publieraient le chapitre 2 avant de s'être occupés du 1. Désolée pour les incohérences qui en découlent... Et bonne lecture !



Chapitre 4: Your own personal Jesus



Entre eux deux, ç'avait d'abord été une rivalité officielle. Puis malgré eux, elle était devenue personnelle. A cause de Sakura peut-être ; en raison des particularités complémentaires et contradictoires de leurs caractères respectifs plus sûrement.

— Mais vous vous connaissiez d'avant ? demandait sans cesse Kiba, déconcerté de voir une telle antipathie se manifester aussi spontanément.

— C'est la première fois que je vois ce crétin, répondait sauvagement Sasuke.

Puis ils se détournaient, le visage crispé en une moue furieuse. Et à chaque fois, Kiba avait la vision fugitive de deux enfants se chamaillant pour une babiole.



Il avait enfoui la tête dans sa serviette et frictionnait vigoureusement ses cheveux humides. Quelques gouttes d'eau oubliées glissaient le long de torse, traçant un sillon luisant jusqu'à sa ceinture pour venir s'imprégner dans la toile raide du jean sans parvenir jusqu'au caillebotis mouillé. Le bruit des vagues frissonnait à travers la fenêtre ouverte de la salle de bain, apportant avec lui un courant d'air frais et salé.

Quelqu'un marcha sur toit, d'une démarche légère, mais Kiba n'y fit pas attention et laissa retomber la serviette. Ses cheveux ébouriffés pointèrent comme le pelage humide d'un animal. Il essaya machinalement d'aplatir ses épis, puis passa finalement une main à rebrousse-poil et récupéra son t-shirt avant de sortir.
Le parquet gémit doucement sous ses pieds nus, trop discrètement pour réveiller les stagiaires encore endormis. Kiba survola les lits du regard pour identifier celui qui se promenait sur le toit à une heure pareille, mais il y avait plusieurs personnes manquantes et il ne poussa pas plus loin sa curiosité.

Akamaru l'accueillit en jappant sitôt qu'il eut refermé derrière lui la porte du hangar, lui rendant son sourire. Il se sentait un peu nostalgique, ce matin-là, un peu fatigué. Le retour du beau temps ne le motivait pas plus pour retourner se battre sur l'eau : il avait plutôt envie d'être chez lui.

— 'Alut, lança-t-il machinalement lorsqu'il entra dans le réfectoire ensoleillé.

Il n'y avait que Sasuke qui lui jeta un grognement indistinct depuis sa tasse de café noir. Il était difficile de se sentir exister, avec Sasuke. Il avait l'air de regarder le monde depuis une astéroïde à la dérive.

— Tu profites de tes derniers instants de calme ? ironisa Kiba avec une insouciance à la limite de l'inconscience.

Sasuke lui jeta un regard aussi sombre que le contenu de sa tasse, sans toutefois renvoyer la balle. Pour la centième fois, Kiba se demanda par quelles fluctuations illogiques ces deux mecs se retrouvaient à s'opposer avec une telle intensité. Bien sûr qu'ils se justifiaient derrière l'excuse facile de la rivalité qui séparait déjà leurs pères, mais il était ouvertement évident qu'il n'y avait rien de politique dans ces accroches régulières qu'ils entretenaient avec la même frénésie.

Non, rien de politique, pas de combat d'idées. Ce n'était qu'une histoire d'ados, une histoire de personnalités, une histoire de deux types qui se rencontrent et qui ne peuvent plus s'ignorer.

— Tu sais, dit Kiba sans quitter son sourire presque moqueur, j'ai lu quelque part que lorsqu'on déteste quelqu'un à ce point, c'est parce qu'il représente tout ce qu'on voudrait être au plus profond de soi.

L'autre releva vers lui ses yeux de gouffre, solide et acéré comme une lame. Kiba se demanda à quoi ressemblait sa vie pour qu'il soit aussitôt alerte alors qu'il était à peine sept heures du matin, aussitôt agressif alors qu'ils étaient paisiblement perdus au fin fond de la Bretagne, aussitôt enfermé à double tour derrière son armure de métal alors qu'il n'y avait rien à craindre.

Finalement, il lui ressemblait un peu. A Tayuya.

— Ou alors, reprit Kiba en rapprochant sa chaise de la table, c'est parce que l'autre représente la part d'ombre qu'on essaye de chasser en soi. Mais dans ton cas, je penche plus pour la première interprétation.

— T'es psy ? cracha Sasuke.

— Non, juste observateur. Enfin, j'dis tout ça, mais j'suis pas sûr, hein.

— Ben si t'es pas sûr, ferme-la !

La rebuffade n'impressionna pas Kiba qui se laissa aller contre le dossier de sa chaise en souriant derrière sa tasse de lait chaud. L'arrivée de la pétillante Tenten lui offrit cependant une autre occupation et il laissa Sasuke se brûler la langue avec son café pour plutôt s'intéresser au trio qui venait s'installer en face de lui.
Elle était marrante, Tenten. Elle se retrouvait dans l'équipage le plus rédhibitoire du stage et en quatre jours, elle avait réussi à rendre une face humaine à ces deux types fermés à double tour. Rien de magique, rien d'extraordinaire, mais ils étaient là avec elle et avec les autres, à l'écouter babiller sans broncher comme s'ils se sentaient à l'aise dans sa joie de vivre assurée. Gaara et Neji.

Kiba reconnaissait ce genre de personne : Tenten avait un jour décidé d'être heureuse et se battait pour ça. Et visiblement, sa volonté triomphait allègrement de tout ce qui pouvait la tirer vers la lassitude ou le pessimisme.

— Sérieusement, est-ce que vous avez déjà réussi un empannage, vous ? Parce que nous on n'a jamais assez de vitesse, alors doit s'y prendre trois fois de suite pour que…

— C'est juste que t'es pas douée, rigolait Kiba. Faut simplement avoir le vent du bon côté.

— Ben non, faut aussi de l'élan… Sinon tu te ramasses comme un gros nul…

— Ooh… Ceci explique cela.

Elle riait, écartait quelques mèches de ses yeux, riait encore, tendait la confiture à Gaara avec un grand sourire, se retournait pour intercepter au vol la question à peine formulée de son voisin de droite avant de se pencher à nouveau afin d'attraper le sucre, le tout en se balançant allègrement sur deux des quatre pieds de sa chaise. Et de chaque côté, ces deux garçons qui suivaient son manège en silence, simplement posés là comme pour la rattraper lorsqu'elle finirait, à force de gesticulations, par tomber de sa chaise.

Puis une parole échappée à sa gauche retenait soudain toute son attention et elle oubliait le reste pour s'assurer : hein, Neji, t'as dit quoi ? Si on a pensé à reboucher les coques hier ? Aucune idée, au pire on coulera ! Et elle riait encore, ses yeux rivés dans les siens.

Cette fille le faisait vraiment tripper. Neji lui plaisait, c'était avéré, alors elle ne faisait rien pour le dissimuler. C'était la meuf la plus joyeusement honnête qu'il connaisse. Le genre de meuf que tous les garçons pouvaient aisément apprécier.

— Saluuut !

— Hey !

Ino lui tomba dessus, ses mèches blondes dégringolant devant ses yeux :

— Bonjour mon Kiba d'amour, susurra-t-elle. Bien dormi ?

— Tu dois être la seule nana à se parfumer avant d'aller naviguer, rigola Kiba en se débattant pour échapper aux effluves vanillés qui le submergeaient.

— Et comment je ferais sinon pour te séduire à bord, choupinou ?

Ils chahutaient comme des gamins lorsqu'un nuage sombre se glissa à son tour dans la cuisine, grondant déjà comme une nuit d'orage. Et ça explosa aussitôt dès que Naruto fit tomber le paquet de céréales à ses pieds :

— Putain, mais il te manque vraiment des cases à toi ! Amène ta mère, qu'on te refasse !

Tayuya. Elle lui faisait souvent penser à un animal sauvage acculé contre un mur.

— C'est bon, calmos ! C'est que des céréales !

— T'es trop con, jura la jeune fille en traversant le réfectoire à grands pas, les Chocapics crépitant allègrement sous ses baskets.

— Mais marche pas dessus ! Ça va être trop chiant à nettoyer !

— C'est toi qui es chiant, jeta la voix solide de Sasuke. Arrête de gueuler dès le petit déj.

Naruto répliquait déjà, mais Kiba avait reporté son attention sur Tayuya qui contournait la table en s'emparant au passage d'un bol puis de la cafetière. Elle échoua alors à côté de lui et se décala d'une chaise lorsqu'elle l'identifia.

— J'ai pas la gale, l'informa Kiba alors que cette chaise laissée vide entre eux lui faisait un grand sourire provocateur.

— Qui sait ?

Mais les moniteurs firent leur entrée et il n'eut pas le temps de répliquer. En quelques minutes, le planning de la journée leur avait été déroulé et Gai les pressait déjà de finir leurs bols pour ne pas rater un instant de cette magnifique journée ensoleillée qui les attendaient.

Le retour sur les bateaux fut presque machinal. Gréer les voiles, rouler jusqu'à la mer, retirer la charrette, mettre le catamaran face au vent… puis border, orienter les palans, et hop, on s'éloignait déjà. Ces gestes qui leur avaient parus si compliqués moins d'une semaine plus tôt leurs semblaient déjà suffisamment familiers pour pouvoir les effectuer avec assurance.

Leur bateau filait, léger, et eux, ils respiraient.

Bien sûr, Tayuya grognait toujours depuis son poste. Bien sûr elle leur jetait toujours ces regards hargneux qui semblaient leur reprocher le simple fait d'exister, bien sûr elle refusait farouchement de laisser le soleil détendre les traits profondément tirés de son visage, mais le fait restait là : ils respiraient.
Face au vent, dans le soleil, à pleine vitesse, ils respiraient comme jamais ils n'avaient pu respirer avant.
Et c'était incroyable, et c'était fantastique.
____


Le temps défila à toute allure et ils avaient à peine eut le temps de remarquer qu'ils avaient froid que Gai les rassembla pour la pause de midi. La flottille de bateaux blancs s'envola vers le rivage, fit la course jusqu'à la plage et se retrouva bientôt au sec sur le sable. Les stagiaires se séparèrent alors, répartis entre l'équipe de cuisine et ceux qui auraient la chance de prendre une douche chaude avant le déjeuner.

Désigné avec Ino et Kankurô pour préparer le repas, Kiba envia du regard le pull sec et chaud dans lequel Tayuya s'était emmitouflée lorsqu'elle entra dans le réfectoire déjà plein de cris. Au milieu des stagiaires déjà installés devant les assiettes vides, Sasuke et Naruto s'étaient sautés à la gorge sitôt le premier son émit par l'autre et s'acharnaient à grimper dans les octaves sans remarquer l'arrivée des moniteurs.

— Evidemment qu'il faut centrer les défenses ! Qu'est-ce que tu veux garder aux frontières ?

— J'sais pas, les pays de l'Est peut-être ? J'te rappelle qu'ils nous ont pas envoyé des fleurs ces derniers temps !

— Ils sont pas dangereux !

— Ha ! L'arrogance des Uchiha ! Vous vous croyez vraiment plus forts que tout le monde !

— On est en Europe, ducon !

— Très bien, ça suffit vous deux, décréta alors Kakashi en claquant dans ses mains. Vous voulez qu'on prenne les grands moyens ? Eh bien on va prendre les grands moyens.

Il leur ordonna de venir devant lui. Les deux garçons obtempérèrent en se jetant des regards noirs, rendus cependant silencieux par la menace imminente d'une punition ; ce ne fut que lorsqu'ils se rendirent compte que Kakashi était en train d'attacher leurs chevilles ensembles avec un vieux torchon que leur mutisme se mua en cris de protestation :

— Mais qu'est-ce que vous faites ?!

— C'est une blague ?

Autour d'eux, les stagiaires avaient explosé de rire d'un bel ensemble. Naruto et Sasuke reculèrent en titubant sous une cascade de plaisanteries tandis que Kakashi expliquait tranquillement :

— Vous allez garder ça jusqu'à ce qu'on reprenne les bateaux. Maintenant, essayez de réfléchir par quels moyens vous allez arriver à avancer en étant ainsi liés.

— Pédagogie à la con ! fulmina Sasuke alors qu'ils essayaient de rejoindre le banc.

Ils s'y cassèrent la figure et n'épargnèrent leurs dents que grâce au réflexe de Sakura qui les rattrapa au vol. Le repas se déroula dans une bonne humeur totalement inattendue, exacerbée par le ridicule de la punition et allégée par le silence vexé des deux perturbateurs.

— Beurk, qui a fait la vinaigrette ?

— La blondasse, évidemment. J't'avais dit de pas ajouter de sel !

— Gna gna gna ! De toute façon, c'est tout plein d'huile ce truc, quelle idée d'en manger.

— Et pourquoi y'à du sang dans les pommes de terre ?
____


Le temps était calme et le ciel à peine décoré de quelques cirrus blancs. Gai les fit sortir de la baie pour la première fois et ils allèrent déambuler entre les massifs rocheux qui séparaient le grand large des eaux peu profondes de leur terrain de jeu habituel ; la simplicité de la navigation fit persister à bord de leur catamaran la légèreté qui planait depuis le début de la journée, complaisant Kiba et Ino dans une longue discussion sans queue ni tête sur tout et n'importe quoi.

Surtout n'importe quoi.

— Parce que chaque fleur a une signification différente, j'te jure, c'est passionnant. Mais j'sais pas si je pourrais supporter de passer ma vie dans une boutique entre un bouquet de roses et des magnolias.

— Tu m'étonnes. Tu finirais pas plus les voir en peinture. L'élevage, tu vois, c'est déjà plus fun : ça bouge en permanence !

— Ha ha, je t'imagine tellement bien au milieu de tous tes chiens…

Et ils continuaient, enchaînant les sujets comme des jetons de Puissance Quatre dans une partie qui semblait ne jamais devoir finir. Le lycée, les copains, les copines, les hobbies, les fringues, les films, la musique, les bandes dessinées… Et puis la vie, ce qu'il en voyaient, ce qu'ils en espérait. Jusqu'à ce que Ino déclare joyeusement :

— Ce que je voudrais, c'est vivre sans avoir rien à perdre.

— Mais… C'est horrible de dire ça.

Ils se retournèrent avec surprise : la phrase venait bien de Tayuya. Elle l'avait visiblement laissée échappée sans réfléchir, réagissant instinctivement à la remarque comme si l'ignorer n'avait même pas été une option alors qu'elle était restée silencieuse depuis le début de l'après-midi.

— Pourquoi ? s'intrigua Ino.

— Tu sais pas ce que ça veut dire, un truc pareil. T'es incapable d'imaginer ce que ça peut être, que de vraiment avoir rien.

— J'ai pas dit "rien", j'ai dit "rien à perdre"…

— C'est pareil. Avoir rien à perdre, c'est rien avoir du tout.

— Ah bon ?

Mais Tayuya regrettait déjà de s'être laissée dépassée par sa spontanéité et elle se renferma à double tour lorsque Ino insista. Ce fut Kiba qui rattrapa la conversation au vol, comme toujours :

— D'toute façon, on a toujours besoin d'un truc pour avancer dans la vie. Un idéal, un objectif. Quelqu'un.

— Quel genre de quelqu'un ? Un alter ego ?

— Pas forcément… Plutôt le genre qui est toujours là, quelqu'un à chercher, quelqu'un à qui penser et qui pense à toi… Comme dans la chanson de Johnny Cash !

Il se mit alors à chanter à tue-tête sans écouter Ino qui se moquait de lui en précisant que d'abord, le morceau original n'était pas de Johnny Cash mais de Depeche Mode :

— Your own personal Jesus, someone who's there, someone who cares !

Et les couplets rebondirent sur la surface miroitante de l'eau avec une provocation ouverte, comme une réponse insolente à ces paroles que Tayuya lui avait jetées la veille. Besoin de personne, toujours seul… Foutaises !

Ils avaient tous besoin de quelqu'un.
____


— C'est dingue tout ce qu'on apprend en cinq jours, non ? lança joyeusement Tenten plus tard, alors qu'ils étaient occupés à ranger les voiles dans le hangar.

Ses deux coéquipiers acquiescèrent vaguement d'un signe de tête, puis le grognement de Temari couvrit l'approbation trop discrète de la timide Sakura :

— Quel plaisir tu peux trouver à passer des journées entières à te cailler sur une barque en plastique qui prend l'eau ?

— Allez, on aura au moins appris à s'organiser en groupe ! C'est pas si mal !

— Alors excuse-moi, mais pour ma part ça m'a plutôt appris à ne jamais faire confiance à Shikamaru qu'à évoluer en équipage ! A part Hinata, personne chez nous n'est capable de maîtriser un tant soit peu le catamaran !

— Hé, protesta mollement Shikamaru derrière la tringle à gilets de sauvetages.

— Pareil pour nous, maugréa Tayuya. Entre la blondasse qui gueule à chaque fois qu'elle se casse un ongle et l'autre taré qui se gourre tout le temps d'écoute, c'est le bordel continu à bord.

— Dis donc, t'abuses carrément. Ça s'est super bien passé aujourd'hui.

— Ben nous, ça marche trop bien. Neji arrive même à empanner.

— Mais le vrai champion, c'est Sasuke, flatta Sakura en tournant vers son coéquipier des yeux pleins d'étoiles. Il a réussi à refaire un nœud de chaise dès le deuxième essai.

— Un vrai génie, ironisa alors Naruto. Qui aurait cru que les Uchiha avaient le pied marin ?

— Je ne m'attends pas à ce qu'un Uzumaki soit doté d'une capacité d'adaptation suffisante pour y comprendre quoi que ce soit...

Naruto fut gagné par un éclat de rire cynique.

— Au moins, les Uzumaki ont le mérite de savoir diriger. On t'a pas beaucoup vu tenir la barre, cette semaine.

L'allusion aux deux mandats successifs assurés par Minato Uzumaki était trop évidente pour que Sasuke l'ignore, alors il répliqua d'un ton glacial :

— Facile de se faire élire quand on a viré les Uchiha du chemin. Y'à plus beaucoup de compétition.

— Les Uchiha se sont faits éjectés parce qu'ils sont trop cons, pas parce que mon père leur a foutu un coup de pied au cul !

— Mais va te faire foutre ! Les positions des Uchiha sont dix fois plus intelligentes que les foutaises de ton père !

— Ah ouais ? Alors tu crois vraiment que le monde irait mieux avec un régime totalitaire ? Vous êtes des obsédés du pouvoir !

— Mais tu délires ! Comme si le communisme n'était pas une forme de totalitarisme ! Pauvre taré !

Les stagiaires s'étaient tus, contraints de suivre le débat qui dégénérait déjà alors qu'il avait à peine débuté. A la stupéfaction générale, ce fut Temari qui explosa soudain :

— Ça suffit, bordel ! Arrêtez avec votre cirque, vous me fanez ! Vous recrachez des trucs sans savoir vous-même c'que vous en pensez, c'est pathétique !

Sasuke et Naruto s'immobilisèrent, bouche ouverte. Derrière eux, Temari fulmina encore :

— Vos débats politiques à deux balles, c'est la grosse excuse pour vous en mettre plein la gueule, rien d'autre ! On le sait que vous vous supportez pas, c'est bon. Pas la peine de nous donner une fausse raison. Vous avez le droit de pas vous aimer.

L'incompréhension se lisait dans les yeux des deux adolescents. C'était la première fois qu'on les autorisait à ne pas aimer quelqu'un. C'était incroyablement libérateur.

— Bon, soupira alors Kakashi qui rangeait le bidon d'essence du zodiac. Vous allez remettre ce torchon jusqu'à demain matin.
____


Ils mirent un long moment avant de se rendre à l'évidence : ils étaient bien obligés de coopérer s'il voulaient arriver à faire un pas sans se ramasser. Avec beaucoup d'amusement, Kiba les observa alors s'organiser en redoublant d'hilarité devant leurs expressions contrariées.

A trois, pied du milieu en premier, un, deux, trois… Et ils trébuchaient encore, se raccrochaient l'un à l'autre, s'envoyaient un énième regard foudroyant avant de recommencer. Et lui, il se marrait allègrement.

— Bon, vous me la finissez, cette soupe ?

Les stagiaires sursautèrent et se penchèrent coupablement vers leurs assiettes. Ils avaient espéré jusqu'au dernier moment échapper à l'œil aiguisé de Gai en l'ensevelissant sous les questions techniques, mais ils devaient bien avouer que ç'avait été peine perdue. Ce fut Naruto qui clama tout haut ce que tous pensaient tout bas :

— Désolé mais ce truc est immangeable. Qui a eu l'idée complètement débile d'ajouter de la coriandre à du bouillon de poireaux ?

— Mea culpa, gémit Ino. J'ai confondu avec le poivre.

— Putain, mais faut plus te laisser faire la bouffe, toi ! T'es un danger public !

— Allons, elle n'est pas si mauvaise ! assura Gai qui finissait sa deuxième assiette. Les jeunes ne savent décidément plus reconnaître ce qui est bon.

— Oui, désolée d'être intoxiquée à la soupe en boîte et au poisson rectangulaire, mais y'à des limites aux expérimentations culinaires, s'enflamma Temari qui ne se taisait plus depuis qu'elle avait pété son câble plus tôt dans la soirée. Je préfère encore la salade d'algues de l'autre jour.

Les autres se mirent à rire et renchérirent avec une suite exponentielle des plats les plus infects qu'ils avaient eu l'occasion d'ingérer, depuis les rutabagas au gratin de chou-fleur. Finalement, ils décidèrent d'établir eux-mêmes les menus du stages et firent bloc contre leur moniteur pour imposer leur nouvelle idée à grand renfort d'arguments vaseux.

— Mais si, y'à des légumes dans les lasagnes !

— Et les crêpes ? On n'a encore jamais fait de crêpes ! On est en Bretagne ou merde ?

— Ah, là je suis d'accord, approuva Kakashi dans un soutient inespéré.

— Enfin, ne t'y mets pas !

— Allez, Gai, c'est leur première initiative du stage, il faut les encourager…

— Dites, m'sieur, quand est-ce qu'on part sur des voiliers ?

— Dans quelques jours…

— On va vraiment dormir dedans ? On va aller où ?

Le vacarme couvrit avantageusement la fin du dîner. Les stagiaires débarrassèrent la table sans cesser de piailler et Kiba se recolla à la vaisselle pendant que Neji partait discrètement vider la soupière dans un massif d'hortensias à l'arrière de la maison. Les autres quittèrent peu à peu les lieux pour aller envahir le salon et il se retrouva bientôt en tête-à-tête avec Tayuya à l'essuyage et Hinata au balayage.

— Donne, proposa-t-il à cette dernière lorsqu'il eût rincé la dernière assiette.

Il était rare de la voir sans son cousin. Cette fille lui paraissait si fragile lorsqu'elle était dans le vis-à-vis contrasté du grand et imposant Neji qu'il s'étonna de la découvrir un peu plus solide, un peu plus sûre d'elle, alors qu'elle se tenait là par elle-même.

— M…Merci, balbutia-t-elle en le laissant lui prendre le balai des mains.

Toujours aussi timide, pourtant. Le regard de Kiba ripa à nouveau vers ce visage opalin traversé d'ivoire, cette petite silhouette floue et douce, ces mains minuscules qui ne savaient plus où se mettre, et il se sentit bizarre.

En temps normal, il l'aurait taquinée comme il taquinait Ino ou Tenten, simplement pour la mettre à l'aise ou pour entendre comment sonnerait son rire, mais là, quelque chose l'empêchait de trouver quoi dire. Alors il s'appliqua plutôt à balayer et la laissa partir vers le salon tandis que dans sa poche, son téléphone portable se mettait à sonner.

Le balai fut relégué contre le mur, son téléphone tiré au grand jour. Il ne s'attendait pas à ce que sa mère l'appelle : en temps ordinaire, elle était plutôt du genre à le laisser se démerder tout seul.

— Mais oui, tout va bien. Non, il ne pleut pas tous les jours, faut croire que c'est un gros cliché. Oui, Akamaru pète la forme…

Il déambulait dans la cuisine abandonnée, sautant d'un carreau à l'autre en veillant à ne pas mettre le pied sur les joints :

— Les monos sont chtarbés mais ça me change pas tant que ça de la maison. Bon, écoute, j'suis occupé là… Ouais, c'est ça, à plus. Bye !

La petite icône d'un message non lu retint encore son attention avant qu'il ne se retourne en éteignant son téléphone. Il intercepta alors le sourire narquois de Tayuya, occupée à rouler une cigarette un peu plus loin.

— Quoi ? jeta-t-il, sur la défensive.

— Ta môman va bien ?

Le ton moqueur était difficile à ignorer. Il répliqua amèrement :

— Et toi, t'as pas des parents à appeler ?

— J'en ai rien à foutre.

— Ben tiens. Remarque, tu dois pas beaucoup leur manquer.

Elle ne répondit pas, préférant s'appliquer à vérifier que le tabac ne dépassait pas de sa cigarette avec une attention forcée. Kiba se demanda dans quelle mesure elle lui mentait en disant ce genre de chose. "Tu seras toujours tout seul…" Est-ce qu'elle étendait son rejet systématique du monde jusqu'à sa propre famille ?

— N'empêche, balança-t-il alors, changeant de sujet comme à chaque fois qu'il refoulait une question brûlante. J'me demande bien pourquoi Sasuke est aussi vénère contre Minato Uzumaki.

— T'as toujours pas compris ? C'est à cause de…

— Je sais que c'est à cause de son frère, coupa Kiba qui n'avait jamais aimé qu'on le prenne pour plus bête qu'il n'était. Mais on sait toujours pas pourquoi, on sait toujours pas c'qu'il a fait pour en arriver là.

Tayuya ne dit rien, son filtre inutilisé roulant sans un bruit entre ses doigts. Kiba fit tournoyer son téléphone entre les siens alors qu'elle portait finalement la cigarette à ses lèvres et sortait un briquet.

Clic.

— Son frère… il a été accusé de la mort de son meilleur ami. C'est comme ça qu'il s'est retrouvé dans la rue.

— Mais comment tu sais ça ? interrogea Kiba avec stupéfaction.

Tayuya inspira profondément. Un nuage de fumée bleue s'échappa de ses lèvres entrouvertes avant même qu'elle ne relâche son souffle.

— Je le connaissais.

Après un instant de stupeur, Kiba se laissa tomber à côté d'elle avec fébrilité :

— Raconte, réclama-t-il.

— Crève.

Il la regarda avec stupéfaction. Pourquoi avait-elle lâché cette information parmi toutes les autres ? Et pourquoi refusait-elle de continuer ?

— T'en as trop dit ou pas assez, insista-t-il. D'où tu le connaissais ? J'avais même pas tilté que vous étiez dans la même ville. Il a quel âge ?

Mais elle s'était levée en regardant ailleurs, les pieds de sa chaise raclant le carrelage dans un crissement insoutenable qui lui fit faire une grimace dégoûtée. A peine avait-il rouvert les yeux qu'elle passait devant lui et il ne put la rattraper que d'extrême justesse.

— Attends !

Elle se dégagea aussitôt, brusquement, violemment. La sècheresse et la précision de son geste interpellèrent soudain Kiba et il réfléchissait à toute allure en levant les yeux pour rencontrer ce regard métallique qu'elle lui jetait dans un éclat sombre.

— Fous-moi la paix, cracha-t-elle dans un grondement sourd. A quoi ça te servirait de savoir, de toute façon ? T'es qu'un petit con qui tète encore sa mère, bien au chaud entre les bras de sa sœur. Tu peux pas comprendre, tu peux rien comprendre.

L'attaque atteignit Kiba bien plus profondément qu'il l'aurait voulu. Il savait qu'il avait l'air d'un mioche avec sa mère qui l'appelait pour savoir s'il se lavait bien les dents, mais au fond, il n'avait que quinze ans. Alors elle l'énervait, cette caïd de première, avec sa manière de prétendre avoir déjà tout vu, tout vécu.
Quelle que soit son histoire, quel que soit son parcours, rien ne changerait le fait qu'elle aussi, elle n'avait que quinze ans. Alors il l'attaqua à son tour, tous crocs dehors :

— Tu fais comme si c'était futile ou superficiel d'avoir une famille ou d'être heureux alors qu'en fait, tu sais très bien que c'est tout ce qui compte. T'es juste jalouse.

Ce fut comme s'il avait enfoncé son poing dans son ventre. Sa bouche s'ouvrit sous l'effet de la surprise et pendant une fraction de seconde, les mots se bousculèrent dans sa gorge sans trouver le chemin jusqu'à sa bouche avant de surgir enfin comme une monumentale explosion.

— Jalouse ! s'exclama-t-elle alors en se dressant contre lui d'un bloc. Jalouse ? T'es bouché ou quoi ?! Avant même d'être née, je savais que j'étais pas la bienvenue dans ce putain de monde et que j'y trouverais jamais ma place, alors tu me fais bien rire, toi et tes grands discours sur la vie ! Mais qu'est-ce que t'y connais, hein ? Cherche pas, j'vais te le dire : que dalle !

Il avait reculé d'un pas, pris au dépourvu par la violence de la déflagration. Elle s'avançait, écumante de rage.

— Quel mot tu piges pas dans "tu peux pas comprendre" ? T'es con au point de pas capter que t'es à côté de la plaque ? Il faut que je fasse quoi pour que t'imprimes, que j'te casse la gueule ? T'y connais rien, rien de rien, putain de rien !

Sa voix s'était soudain cassée et il ne sut pas si c'était à cause des décibels ou de sa rage ou d'autre chose qui la prendrait à la gorge. Le couloir était devenu silencieux, comme si les autres s'étaient tus dans le salon pour écouter ces cris qui devaient résonner dans toute la maison. Elle reprit son souffle et dit encore :

— Tu sais pas… T'as aucune idée de… Le monde, le vrai monde… il est dégueulasse.

Elle resta une seconde comme ça, sur ces derniers mots, et il détesta le regard qu'elle posa sur lui – un regard qui ne le regardait pas, un regard qui ne le voyait pas. Puis elle se redressa, fit volte-face et quitta le réfectoire en claquant la porte dans son dos.

Les assiettes tintèrent longtemps après son départ, se remettant difficilement de l'onde de choc qui avait fait vibrer les vitres dans leurs menuiseries. Quelqu'un rouvrit la porte pour jeter un œil timide dans la cuisine, mais Kiba ne fit pas attention à ce qu'on lui demandait. Quelque chose résonnait encore et encore dans sa tête.

Il se sentait profondément mal à l'aise.





Chapitres: 1 2 3 [ 4 ] 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: