Fiction: Portsall (terminée)

Il y a trois choses que Tayuya déteste par-dessus tout : le froid, le bruit, les gens. Lorsqu'elle se retrouve contrainte de s'ajouter à un groupe d'ados à problèmes pour un stage de voile, c'est donc un peu comme si on lui avançait son apocalypse personnelle sur un plateau d'argent. [ Attention, mise à jour du 1er chapitre pas encore validée par les modérateurs, d'où incohérences ! ]
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NeN (Masculin), le 24/05/2014
Voilà enfin le dernier chapitre de Portsall, ma toute première fic jamais postée (... petite minute de silence ému...) J'ignore si les lecteurs qui l'ont suivie dans sa première version reviendront un jour ici, mais à eux je voudrais envoyer un immense MERCI !! De même pour ceux qui sont revenus me demander la suite, et pour la fille géniale qui a validé mes chapitres à la vitesse de l'éclair... En bref, merci tout le monde =)

Musique d'ambiance : If Today was your Last Day de Nickelback !




Chapitre 13: Il n'y a pas de passagers sur le vaisseau Terre



Orochimaru leur avait donné rendez-vous dans un bar sur le quai de Roscoff. Avoir enfin de ses nouvelles alors qu'il était resté sourd à toutes leurs tentatives de communication depuis les trois dernières semaines les avait remplis d'un mélange de soulagement et de colère.

Kurenai lui sauta à la gorge alors qu'il était à peine assis.

— Tu vas nous expliquer à quoi tu t'es amusé ? vilipenda-t-elle avec acidité. Portsall n'est pas un laboratoire dans lequel on envoie des cas intéressants à disséquer ! Tu n'as pas idée du mal qu'on a eu à gérer tout ces jeunes, sans parler de la fugue et de…

— Du calme, l'apaisa Asuma en prenant sa main sous la table. Laisse-le parler.

Le sourire d'Orochimaru réduisait ses yeux jaunes à l'état de fentes scintillantes. Il n'avait pas changé : toujours le même visage étroit, toujours le même ciré noir, toujours cette insupportable suffisance sur son visage. Le groupe de moniteurs le fixait sans ciller, à la fois sur ses gardes et avide de savoir si ses pressentiments étaient fondés.

— C'est vrai, ce stage était une expérience, commença-t-il en posant son regard luisant sur Kurenai.

— Ha !

— J'ai sélectionné ces stagiaires d'après leurs dossiers. J'ai convaincu les Uzumaki et les Uchiha de m'envoyer leurs fils au même moment, à leur insu bien sûr. J'ai pris contact avec des directeurs d'école, des assistants sociaux, des parents désespérés, et j'ai finalement rassemblé un groupe de…

— Un groupe de cas sociaux ! compléta vivement Kurenai. As-tu la moindre idée à quel point découvrir l'origine de ce rassemblement peut les atteindre ? Ils n'ont pas besoin qu'on les traite comme des animaux de zoo !

Mais Orochimaru se contenta de secouer doucement la tête :

— Tu es encore jeune, Kurenai. Tu ne sais pas voir au-delà de la peau des choses.

La réplique fut perçue comme une humiliation. Kurenai se jeta en arrière et serra les lèvres avec fureur, silencieuse pourtant. Orochimaru sembla attendre de voir si elle allait l'interrompre encore avant de poursuivre :

— Mais reprenons le terme de "cas sociaux", si tu y tiens. La société aime bien mettre des mots sur tout, sans se rendre compte qu'en agissant ainsi elle ne fait qu'essayer de contrôler l'incontrôlable. Ces enfants viennent de partout et de nulle part, avec leurs histoires et leurs lacunes. Ils ont été salis, blessés, mutilés. Derrière leurs masques à face humaine, ils ne sont plus que des poupées disloquées. J'en viens alors à la théorie originelle de cette expérimentation : y avait-il encore une rédemption pour eux ? Etaient-ils destinés à grandir ainsi, comme des arbres qu'on aurait laissés pousser sans tuteur, pour devenir tant bien que mal des adultes qui ne pourraient se défaire des déformations de leur passé ? Quelle serait leur place dans cette forêt aux troncs si droits qui peuple le monde ?

"Mais la ligne droite n'existe pas dans la nature. Il n'y a que la recherche de la perfection, et tous les modèles qui s'en rapprochent. C'est pourquoi on abat les arbres gênants afin de laisser suffisamment d'espace à ceux qui se développement normalement : c'est ainsi qu'une forêt s'entretient. Un de moins pour dix de plus, productivité optimisée, résultats satisfaisants. Qu'adviendrait-il alors si on rassemblait tous ces arbres tordus sur une petite parcelle et qu'on les laissait là pousser ensemble ? Est-ce que leurs difformités finiraient par les étouffer les uns les autres, jusqu'à ce qu'ils dépérissent un par un ? Est-ce que les plus robustes dévoreraient l'espace des plus faibles jusqu'à causer leur perte ? Y aurait-il quelque chose à sauver, resterait-il un tronc debout ?

"Prenez un champ de blé. Les épis qui y poussent sont souples et droits, mais ils sont anéantis par la moindre bourrasque et réduits à l'état de paille sans vie. Maintenant, prenez un champ de broussailles, ces broussailles épaisses et dense qu'on essaye sans relâche de faire reculer mais qui résistent malgré tout. Une bourrasque n'aurait aucun effet sur elles. Une pluie de grêle non plus. Une tempête encore moins. Savez-vous pourquoi ?

— Parce qu'elles sont plus solides, s'exaspéra Kurenai qui ne goûtait guère à la parabole improvisée de leur directeur de camp. Tu ne peux pas comparer un buisson d'aubépine à un épi de blé.

— Le buisson d'aubépine n'était rien d'autre qu'une mauvaise herbe au commencement, répliqua Orochimaru. Ce qui lui a permis de devenir solide, comme tu dis, c'est tous les autres buissons d'aubépine qui l'entourent. Car les buissons d'aubépine ont cette particularité que n'ont pas les épis de blé : ils s'accrochent les uns aux autres. Que ce soit par la forme noueuse de leurs branches ou par des épines acérées, les broussailles s'entremêlent jusqu'à ne plus former qu'un seul bloc infranchissable. Avez-vous déjà essayé de traverser un champ de broussailles ? Un petit buisson d'aubépine n'a aucune chance de survie dans un champ de blé. Il est repéré et aussitôt déraciné. Mais deux buissons d'aubépine sont déjà plus difficiles à mettre à terre…

— Et alors c'est pour ça que tu as décidé de rassembler tous ces buissons d'aubépine ? coupa vivement Gai. Pour qu'ensemble ils soient plus forts ? Mais c'est un raisonnement complètement inconscient, Orochimaru.

— Le fait qu'un champ de broussaille soit infranchissable n'est pas à leur avantage, renchérit Kakashi. L'équilibre du monde tient dans la cohabitation du blé et des ronces et non dans leur dualité. En les rassemblant ainsi, tu ne fais qu'écarter ces enfants pour mieux les complaire dans leur sentiment d'exclusion.

— Vous croyez vraiment ? interrogea Orochimaru d'un ton doucereux. Vous pensez vraiment que ces jeunes ressortiront de ce stage en se sentant plus que jamais à l'écart du reste de la société ? En cohabitant pendant trois semaines, ils ont compris qu'ils n'étaient pas seuls dans leur champ, qu'il y en avait, des orphelins, des immigrés, des mutilés, des gosses abandonnés dans des poubelles, et qu'ils n'étaient pas si différents. Il n'y a pas de victime dans ce monde, il n'y a que des hommes pareils, avec plus ou moins de chance et plus ou moins de courage.

"Alors non, ils ne se complairont pas dans ce qui fait d'eux des buissons d'aubépine. Parce qu'ils savent, ils savent infiniment plus de choses que vous. Ils savent ce que sont la solitude et le rejet, la douleur, la haine, la tristesse et la colère. Et alors qu'ils pensaient pouvoir s'en protéger en se refermant sur eux-mêmes, ils savent désormais aussi qu'ils ne sont pas les seuls à souffrir et qu'à plusieurs, tout est soudain plus supportable.

"Et c'est pour cette raison que s'ils ont été capables de suivre ce stage jusqu'à aujourd'hui, ils seront capable de cohabiter avec le blé en sortant. Car ils auront compris ce qu'ils sont véritablement : pas des oiseaux aux ailes coupées, pas des épaves échouées, mais des hommes avec deux bras pour donner et deux jambes pour marcher. Comme tout le monde.

Orochimaru s'interrompit un instant pour prendre le verre d'Anko et le porter à ses lèvres, laissant s'installer un silence que personne ne brisa. Autour d'eux, les clients du bar allaient et venaient sans se soucier de cette réunion improvisée qui se déroulait à deux pas d'eux.

— C'était extrêmement risqué, fit alors remarquer Asuma. Ils auraient pu ne pas réagir de cette façon.

Mais Orochimaru eut une espèce de ricanement suffisant.

— C'était hautement prévisible. Qu'ils aient ou non l'impression d'être là contre leur gré, ils ont tous choisi de venir. En traînant des pieds peut-être, à contrecoeur pour certains, mais le fait est établi : ils sont tous montés dans ce train et ils sont encore là à se rassembler en arrivant au port, à s'organiser pour faire une manœuvre, à coopérer pour gagner une régate. Personne n'a abandonné à Portsall. Il n'y a que des combattants. Ce qu'il fallait à ces jeunes, c'est ce que vous leur avez déjà apporté : la bonne impulsion qui les pousserait à se jeter dans le vide. Bien plus efficace à obtenir à bord d'un bateau que sur le divan d'un psychologue, n'est-ce pas ?

Gai et Kakashi échangèrent un regard alors qu'Orochimaru s'esclaffait tout seul, puis attrapèrent leurs verres pour les vider d'un même ensemble. Asuma alluma une cigarette, Kurenai se passa une main sur le visage et Anko commanda une nouvelle tournée. Tout à son aise, Orochimaru croisa les mains sur son ventre et ajouta d'un ton léger :

— Oh, et si je ne vous ai pas prévenus, c'est parce qu'il faut en général des moniteurs formés aux cas spéciaux et que ça coûte cher.

— J'en étais sûre ! s'exclama Kurenai en brandissant un index accusateur.



Le vombrissement d'un moteur hors-bord résonna sur tout le plan d'eau. Il s'écoula encore quelques minutes, puis la vedette parée de défenses bleues émergea d'entre les pontons et s'avança vers les portes du port en creusant de profonds sillons sur son passage. L'eau ondula doucement, colorée par les lueurs encore incertaines du jour qui se levait.

Au-delà de la digue du port, le ciel se révélait peu à peu comme si le voile de la nuit finissait par se fondre dans les rayons dorés du soleil. Une traînée de nuages s'étirait juste au-dessus de l'horizon, momentanément obscurcie par un vol d'oiseaux. Les vagues provoquées par le passage de la vedette atteignirent la coque du Big Red Boat et le bateau oscilla légèrement en cliquetant.

Tayuya suivit machinalement le mouvement du bassin, devenue si habituée à cette gesticulation permanente que son regard ne quitta pas le large une seconde. Le vent était frais, l'air humide et les pierres du quai luisaient encore du mauvais temps de la veille.

Tout présumait pourtant une journée plus clémente, depuis ce ciel délavé à la douceur de la brise, et Tayuya regretta la perte du manuel de navigation qui lui aurait permis de connaître le nom des nuages au loin et savoir ainsi s'ils seraient vraiment épargnés par la pluie pour cette ultime navigation.

Le bruit d'un choc à l'intérieur du bateau la fit émerger de ses pensées et elle jeta un regard à la cigarette qui attendait d'être allumée entre ses doigts. Est-ce que tout ça allait lui manquer ?

— Ino, putain !

Le cri avait résonné juste entre ses deux pieds, s'échappant par le hublot ouvert de la cabine avant. Tayuya ricana : cette fois, au tour de Kiba de se prendre un coup dans les côtes en guise de réveil. Ils s'étaient couchés tels quels la veille et si ses suppositions étaient exactes, Shikamaru avait dormi seul puisque Sakura aurait certainement rejoint Sasuke et Naruto en voyant que sa place à l'avant était occupée.

— Quoi ?

— Je plains le type avec qui tu partageras ton lit plus tard !

— Hein ?

Une porte s'ouvrit plus loin dans le voilier. Les bruits de pas firent écho à ceux qui commencèrent à retentir à bord du HMS Adventure et bientôt, le sifflement des bouilloires s'éleva dans l'atmosphère paisible du port frissonnant. L'appel du café incita Tayuya à glisser sa cigarette toujours éteinte dans son paquet de tabac pour redescendre à l'intérieur.

— Pas d'avis de coup de vent, je répète, pas d'avis de coup de vent, assurait la radio.

— Je ne fais plus confiance à ce truc, décréta Ino avec méfiance alors qu'elle s'extirpait de la cabine avant.

Tayuya s'assit sur les marches de la descente, laissant le champ libre aux autres qui s'installèrent autour de la table en déballant le petit déjeuner. Kiba alla secouer Shikamaru, puis revint s'attaquer aux céréales tandis qu'Asuma dépliait une carte. Naruto et Sakura semblaient avoir du mal à émerger ce matin-là et sitôt assis de part et d'autre de Sasuke, ils s'affaissèrent sur ses épaules en somnolant.

— Bon, commença Asuma alors que le café circulait. Cette fois, on rentre à la maison, les jeunes.

______


Shikamaru huma la bourrasque qui avait fait voler l'élastique de ses cheveux.

— Mmmh, force 4 rafales à 5, visibilité bonne à très bonne, diagnostiqua-t-il d'un air pensif. Pas d'avis de coup de vent, je répète, pas d'avis de coup de vent.

Il se raccrocha de justesse lorsque le voilier escalada allègrement une vague de deux mètres de haut, puis se plaqua une main sur la bouche quand il redescendit à toute allure. La gerbe d'écume qui explosa dans l'air retomba en pluie crépitante sur leurs têtes découvertes et Naruto se mit à rire à pleins poumons.

— Allez, on lâche un peu la voile pour rétablir l'assiette et on borde les focs ! lançait Asuma depuis l'avant. Ceux qui veulent faire du rappel, faites-vous plaisir !

Tayuya bondit sur ses pieds avec enthousiasme, puis réalisa avec horreur son geste. Depuis quand bondissait-elle sur ses pieds avec enthousiasme ? Mais Kiba l'embarquait déjà sur le pont en ricanant, alors elle fixa son mousqueton à la ligne de vie et le suivit jusqu'aux haubans. Devant eux, Asuma finissait d'attacher son harnais ; il enjamba soudain le garde-corps, cala ses pieds sur le rebord du pont et se suspendit d'une main au hauban le plus proche.

Kiba et Tayuya l'avaient regardé faire avec hébétude. Ils furent alors secoués d'un sursaut d'excitation et l'imitèrent aussitôt. Hop, on escalade le chandelier, on s'accroche aux haubans, on se laisse pencher en arrière… et wouaaah, la vitesse, l'eau qui file juste en dessous, le mouvement des vagues jusque dans les jambes…

— Faites gaffe à ne pas riper ou vous vous mangerez le pont dans les dents, les prévint Asuma.

— C'est mieux que le surf ! s'extasiait Kiba.

— Attention, vague !

— Oh oh.

Vlouuff, le voilier penché sur bâbord se rétablit soudain le temps d'entrer tête la première dans un mur d'eau frémissante puis émergea à nouveau en gîtant, laissant la grappe d'individus au rappel complètement trempée. Déjà la proue fendait l'écume une fois encore et déjà le flanc de la coque effleurait la surface ondoyante de la mer, si stable en dépit du mouvement : tout était vif, puissant, grandiose.

Galvanisée par tant d'air et de vie, Tayuya ferma les yeux pour mieux sentir le vent sur son visage et lâcha les haubans. Kiba s'exclama quelque chose qu'elle n'écouta pas, déjà ailleurs, déjà dans un autre monde alors qu'elle écartait les bras dans le vide, uniquement retenue par cette pression sur son harnais qui la reliait à la ligne de vie. Le rebord de la coque tanguait sous ses pieds, les rafales tourbillonnaient dans ses cheveux et les vagues chantaient tout autour d'elle.

Elle volait.

______


Le Big Red Boat longeait la côte en sifflant, toutes voiles dehors. Les forêts de pins se succédaient aux villages de granit rose et de toits bleus, parfois ponctués d'un château d'eau ou du clocher pointu d'une église, et le ciel d'un bleu éclatant semblait respirer au-dessus de leurs têtes.

Ils contournèrent un massif rocheux peuplé de fous de bassan au plumage blanc et jaune, tirèrent un bord pour rejoindre une énorme tourelle brune indiquant le nord, empannèrent à nouveau afin de revenir le long de la côte. Le paysage défilait au rythme vigoureux des vagues, teintés de couleurs chatoyantes, et le soleil révélait par transparence la longue ligne de l'étai tendu à la proue du voilier à travers la toile du foc II.

My best friend gave me the best advice, he said each day's a gift and not a given right…

Leave no stone unturned, leave your fears behind and try to take the path less travelled by…

That first step you take is the longest stride! Attention, refrain !

Tayuya ne tenait pas en place.

Border encore un peu le foc, rejoindre l'autre bord pour voir l'état des voiles, revenir se pencher entre deux chandeliers, écouter le froissement des vagues, se redresser, ajuster une écoute sur son taquet, donner un tour de winch, grimper sur le pont, passer les doigts sur le roof, rester un instant à la proue, revenir à l'arrière, border la grand-voile, se laisser tomber dans le cockpit, remonter aussitôt sur un banc, se pencher encore.

Les autres suivaient ses allées et venues d'un même ensemble, un peu étonnés, pas suffisamment pour garder le silence pourtant. Les conversations suivaient sans interruption, les rires crépitaient, les lèvres s'étiraient. Et Ino chantait, énergiquement accompagnée par Kiba :

If today was your last day and tomorrow was too late
Could you say goodbye to yesterday ?
Would you live each moment like your last ?
Leave old pictures in the past ?

Un nouveau souffle fit claquer les voiles, donna une impulsion supplémentaire au navire qui s'élança encore plus vite, encore plus fort. Tayuya s'accrocha d'une main aux drisses tendues contre le mât, cala ses pieds sur le pont pour se stabiliser.

Donate every dime you had, if today was your last day ?
What if, what if, if today was your last day ?

Ça bouillonnait en elle, ça vrillait, ça tourbillonnait. Elle avait l'impression que ses poumons ne seraient jamais assez grands pour contenir tout cet oxygène qu'elle aurait voulu engloutir. Quelque chose qui se débattait au creux de son ventre, quelque chose qui frémissait et qui se frayait un passage à travers ses côtes pour humeur l'air libre.

If today was your last day and tomorrow was too late
Could you say goodbye to yesterday ?

C'était quoi tout ce mouvement ? C'était quoi toute cette vitesse ? C'était quoi tout ce monde là devant elle, qui éclatait dans l'eau et le soleil, avec ce vent en pleine face ? C'était quoi cette impression vertigineuse de pouvoir s'envoler juste comme ça si elle lâchait les drisses pour étendre les bras, écarter les doigts, garder les yeux grands ouverts ?

What if, what if, if today was your last day ?

Tayuya se redressa soudain de toute sa hauteur face au vent et aux vagues, face à la ligne de l'horizon devant et l'immensité tout autour, face au fracas de la mer et à la lumière de l'univers entier. Et le cri jaillit tout seul, comme un hurlement si longtemps retenu qu'il lui déchira la gorge et se déploya à l'infini dans une exaltation monumentale :

— IIIHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!

Tout volait en éclats, tout explosait. Il y eut quelques exclamations surprises à l'arrière, puis la vocifération fut aussitôt reprise à plusieurs voix :

— YIIHAAAAAAA !

— WOOOOOH !

Et ils gueulaient tous, les bras levés et les cheveux au vent, à bord de ce voilier qui volait toujours plus vite sur les vagues. Tayuya ne se retourna pas, dressée face au large avec ce grand sourire enflammé qui lui traversait le visage et sa poitrine qui se soulevait par à-coups trépidants ; Kiba rugit en brandissant le poing en l'air :

Way to go, girl ! WOUHOUU !

______


Les dunes du port de Portsall apparurent au loin, émergeant du relief de la côte comme une silhouette familière qui les attendrait les bras grands ouverts. Le foc claqua contre l'étai, la grand-voile se tendit et les stagiaires dégringolèrent du pont pour entamer la manœuvre d'approche. Sortir les amarres, installer les défenses, courir sur le pont affaler les voiles d'avant.

Défaire pour la dernière fois les points d'amure, fourrer les focs dans leurs sacs, éviter en riant une gerbe d'écume, écouter le sifflement du moteur qu'on mettait en route. Se raccrocher à la main courante lorsque le voilier bondit en avant, redescendre affaler la grand-voile, refermer les capots, remonter jusqu'à la proue pour voir approcher les portes du port.

Reconnaître leur emplacement, agiter les bras en direction des autres déjà arrivés, se mettre en place près du garde-corps. Sauter sur le ponton, lancer les amarres, attrape ! Puis accompagner le voilier le long des planches, entendre les défenses crisser contre le rebord métallique, faire un nœud, le réussir du premier coup, revenir en courant vers l'arrière réceptionner la dernière amarre.

"Bienvenue à la maison", disait Gai. Enlever les gilets de sauvetage, détacher les sangles, recevoir les tapes des autres en guise de salutation. Attraper les sacs de voiles, faire un tas sur le ponton. Jeter un regard vers les feux du port, trois points verts au-dessus de la dune, se retourner vers le large encore, puis revenir au débarquement, se pousser pour laisser descendre Asuma.

— Et maintenant, la partie la plus amusante du stage… Récurer les bateaux de fond en comble.

Ils firent leurs sacs à toute allure, fourrant les duvets dans leurs sacs sans les plier, récupérant leurs vêtements aux quatre coins du bateau. Ino rendit à Tayuya ses pulls qu'elle avait retrouvés dans ses affaires, Naruto démonta le plancher pour récupérer son portable tombé entre la descente et l'ouverture du moteur, Shikamaru ne retrouva jamais sa deuxième chaussette gauche.

Puis ils sortirent les balais et les éponges, allèrent remplir les seaux et branchèrent les tuyaux d'arrosage. C'est parti, on frotte, on astique, on range. Deux à l'avant, deux à l'arrière, le reste au milieu, on fera l'extérieur plus tard…

Ino vida les placards, Kiba retourna les banquettes, Sasuke et Naruto ouvrirent les hublots, Sakura sortit les matelas, Tayuya installa la pompe à main pour vider les cales. Les discussions fusaient de tous les côtés, les objets tombaient, les portes claquaient.

Lorsque enfin ils émergèrent de l'habitacle, ce fut pour être salués par un jet d'eau en provenance du bateau voisin. On s'attaque au cockpit maintenant, annonçait Asuma sans temps mort, sortez les brosses et faites-moi disparaître les moindres traces de pas ! Que le bateau brille de mille feux.

Le récurage avança plus vite que jamais et se transforma aussitôt en bataille navale. Big Red Boat versus HMS Adventure, vous allez voir qui c'est les meilleurs ! Plus fort le débit, Shikamaru, passe le tuyau, Sakura ! Et les seaux d'eau volaient, les éponges fusaient, les torchons finissaient à la flotte. Tayuya se prit une brosse dans le nez, Hinata courut se réfugier derrière le mât, Tenten glissa par-dessus bord puis Anko surgit en gueulant.

La Jeep les attendait, alors ils rassemblèrent rapidement leur matériel et allèrent entasser leurs bagages dans le véhicule pendant que les moniteurs donnaient les derniers tours de clés aux deux voiliers. Et au revoir Big Red Boat, à la revoyure HMS Adventure, direction le camp dans un crissement de pneus. L'air était doux, les rires étouffés. La mélancolie les prenaient déjà à la gorge, alors ils faisaient semblant de ne pas la voir en la cachant derrière de grands sourires et des chahuts.

Ils durent encore rincer les combinaisons au tuyau d'arrosage puis les suspendre dans le hangar à bateaux. L'endroit se transforma en une forêt de toile cirée bleue ruisselante et Tayuya dut se frayer un passage pour atteindre le coin dans lequel étaient alignés les catamarans.

Elle reconnut bientôt le sien et s'approcha. Le plastique entaillé de la coque était crissant sous ses doigts et la toile du trapèze s'étira souplement lorsqu'elle grimpa dessus. Il était là, son catamaran des premières heures, si vide sans ses voiles, si immobile sans sa mer. Mais c'était lui, elle reconnaissait les éraflures de la barre et la couleur des taquets à blocage automatique.

La charrette aussi, cette maudite charrette aux pneus à moitié dégonflés qui leur en avait fait voir de toutes les couleurs lors des trajets jusqu'à la plage. Et puis la bôme qu'elle s'était prise en plein front, et l'étai qui lui avait écorché les doigts. Il ne restait quasiment rien pourtant, à peine quelques cicatrices blanches sur la peau gondolée de ses paumes.

Tayuya se détourna finalement de l'embarcation endormie pour sauter à terre. Elle traversa le parking en quelques foulées, monta les marches du perron et remonta le couloir. Les autres s'étaient rassemblés dans la cuisine pour préparer le déjeuner dans un grand fracas de casseroles, mais elle passa sans s'arrêter.

— Quelqu'un peut empêcher Ino de toucher à quoi que ce soit ?

— Qui sait faire la vinaigrette ?

— Okay, Sasuke, duel d'épluchage de carottes. Attention, prêt ? Partez !

La porte ouverte sur le salon laissait voir les canapés dépareillés réunis autour de la table basse. Tayuya contempla la pièce vide un instant, les fauteuils défoncés, la cheminée éteinte, le tapis usé, puis se détourna et sauta sur l'esplanade.

Un courant d'air fit frissonner les brins d'herbe, apportant avec lui le parfum des embruns qui les avaient accompagné tout au long du stage. Par-delà l'à-pic bordé de rochers, la mer scintillait paisiblement, à la fois proche et lointaine, et le hangar était toujours solidement ancré à la lisière des arbres.

La double porte s'ouvrit en grinçant, apportant une traînée de lumière sur le sol de bois. Les lits s'alignaient proprement, soigneusement faits ; la rambarde de la mezzanine luisait doucement et les rayons de soleil qui s'engouffraient à travers les fenêtres hautes accrochaient les particules de poussière en élévation dans l'espace. Tayuya contempla un long moment cette espèce de reconstitution cosmique qui se mouvait lentement devant elle, puis agita la main. L'appel d'air fit tourbillonner la poussière un instant, jusqu'à ce que tout reprenne son mouvement tranquille comme s'il ne s'était rien passé.

Les voix résonnaient encore pourtant entre les murs de bois. Elle entendait les disputes de Sasuke et Naruto, le réveil de Kankurô, le babillage d'Ino, les ronflements de Temari, les "bonne nuit tout le monde !" de Tenten. Et les marches qui craquaient, les sérénades au clairon, l'eau de la douche qui coulait, les lits qui gémissaient, les couvertures que l'on secouait, les pas de Gaara sur les tuiles.

Des milliers de bruits, des milliers de mots. Un toit pour s'abriter, des murs pour s'isoler ; un lit où dormir, un réfectoire où manger. Un bateau pour s'éveiller, une mer pour respirer, un fauteuil pour s'effondrer, une cheminée pour se réchauffer. Quelque chose qui ressemblait à un chez-soi, rassurant et familier. Quelque chose qu'il lui faudrait retrouver ailleurs.

Une voix l'appela soudain depuis l'esplanade, qu'est-ce tu fous caïd ? On bouffe ! Alors elle recula pas à pas et referma doucement la porte sur les particules de poussière qui flottaient tranquillement dans le soleil.

Il n'y eut pas d'évènement particulier, pas d'action finale, pas d'aventure inattendue. Le stage se termina, tout simplement.

______


Les téléphones étaient ressortis des sacs où ils avaient passé la plus grande partie du stage à sommeiller et c'était une drôle d'assemblée qui piétina l'herbe de l'esplanade, cet après-midi là. L'heure était venue de prévenir les familles, d'assurer que tout allait bien, de rappeler qu'on rentrait, et les conversations s'entrecoupaient alors que les stagiaires déambulaient à quelques mètres les uns des autres.

— Oui, le train de seize heure dix…

— …Perdu ma sandale gauche, mais…

— …Vingt heures à la gare, tu viendras me chercher ?

— …Génial, merci, c'est mon plat préféré !

— C'est ça, à demain…

Assise sur les marches qui menaient à la maison de granit, Tayuya observait tout ça sans rien dire. Son téléphone, ça faisait longtemps elle l'avait revendu pour s'acheter un lecteur mp3. Et de toute façon, elle avait du mal à s'imaginer appeler sa mère pour lui demander d'être sur le quai lorsque son train arriverait à Orléans.

— Tu veux utiliser le mien ? demanda Kiba en apparaissant soudain.

Son regard s'attarda sur l'appareil d'un gris luisant, puis elle secoua la tête. Kiba rempocha son portable sans insister et s'assit à son tour sur les marches pour voir les autres raccrocher tour à tour. Ino et Sakura s'étaient mises en tête de récupérer les numéros de tout le monde et vinrent bientôt compléter son répertoire d'un air affairé.

— Quoi, t'as pas de portable, Tayu ? s'horrifia alors Ino. Okay, attends, je sais…

Elle fila vers son sac et revint avec un bout de papier sur lequel elle griffonna son adresse mail avant de le tendre à Kiba qui hésita. Tayuya sut qu'il doutait sincèrement qu'elle prendrait la peine de les contacter, que ce soit par mail ou par téléphone, et elle se demanda si son pressentiment était fondé.

— J'ai une meilleure idée, dit-il alors qu'Ino s'impatientait.

Il ressortit son téléphone, l'ouvrit une dernière fois pour jeter un regard au fond d'écran puis le tendit à Tayuya. Elle le fixa sans être sûre de comprendre.

— J'dirais à ma mère qu'il est tombé à l'eau, assura-t-il sans la quitter des yeux. Pense juste à changer la carte sim quand tu seras rentrée.

Un silence épais s'abattit sur leur petit trio alors qu'il la regardait sans ciller. Les traits inhabituellement immobiles de son visage trahirent la tension qui s'était emparé de lui dans cette patience figée pendant laquelle il attendait de voir si elle accepterait la proposition.

Un éclair de joie mêlée de satisfaction traversa les yeux bruns lorsqu'elle s'empara enfin du portable. Ino sauta littéralement sur place et raya le mail du papier pour plutôt inscrire les numéros de tous les stagiaires afin que Kiba puisse les avoir lorsqu'il aurait acheté un nouveau téléphone ; Tayuya regarda machinalement le fond d'écran : il s'agissait d'une photo en gros plan d'Akamaru.

Il fut alors temps de se lever des marches pour aller retrouver Gai qui les appelaient depuis l'intérieur de la maison et ils tournèrent le dos au paysage lumineux afin de rejoindre la route.

______


Les moniteurs au grand complet les attendaient sur le parking, alignés les uns à côté des autres devant la maison de granit cernée d'agapanthes. Intimidés par la formalité inattendue du moment, les stagiaires se rassemblèrent en silence et attendirent que Kakashi prenne la parole.

— Bon, ben voilà, encore un stage qui se termine…

— Pas trop tôt, grommela Anko.

Gai jeta un regard flamboyant à ses collègues et reprit d'un ton plus cérémonieux :

— Ces trois semaines avec vous furent un merveilleux moment, affirma-t-il avec un grand sourire. Nous sommes très heureux d'avoir pu partager tout ce que nous avons partagé ensemble et très fiers des progrès que vous avez tous faits en si peu de temps. Nous vous souhaitons de rentrer chez vous forts de cette expérience, et si un jour vous n'avez pas le moral, souvenez-vous…

Il balaya le paysage d'un grand geste du bras, embrassant du regard les murs de granit, la route en lacet et la forêt qui les entourait, avant de continuer :

— Souvenez-vous de la sensation du vent sur vos visages. Souvenez-vous du bruit de l'eau contre la coque. Souvenez-vous de la vitesse qui vous pousse en avant. Souvenez-vous qu'on finit toujours par comprendre et maîtriser même si vous avez l'impression première de faire face à un inconnu insurmontable. Souvenez-vous de tous ces moments de partage qui ont triomphé des situations les plus difficiles, souvenez-vous que vous avez tous votre place à bord d'un bateau. Soyez également toujours conscients de ce que vous savez désormais. Vous n'avez pas seulement appris à faire un nœud de chaise, vous avez appris à le recommencer encore et encore jusqu'à ce qu'il soit juste. Vous n'avez pas seulement appris à barrer, vous avez appris à lire et sentir le vent qui fait fasseiller vos voiles. Vous n'avez pas seulement appris à faire une manœuvre de récupération d'un homme à la mer, vous avez appris à réagir d'un même ensemble lorsque la situation l'exige… Souvenez-vous de tous ces gestes qui sont désormais ancrés dans vos mains. Souvenez-vous de tous ceux qu'il vous reste encore à découvrir. Et surtout, souvenez-vous : il n'y a pas de passagers sur le vaisseau Terre, nous sommes tous des membres de l'équipage.

Gai se tut alors, laissant le silence revenir sur le groupe d'adolescents debout en face de lui. Les mots résonnaient encore dans la brise, s'imprimaient dans leurs mémoires. Des regards furent échangés, embarrassés et un peu émus peut-être, puis Kurenai prit la parole à son tour.

— Et pour ce qui est de la voile, dites-vous que c'est comme le vélo : ça ne s'oublie pas…

— Alors n'hésitez pas à revenir, conclut Asuma. On va recevoir les derniers 420 cet hiver.

______


Les valises s'entassèrent sur le plancher de la Jeep, les baskets quittèrent le sol boueux pour escalader le marchepied métallique du véhicule et le camp finit par disparaître derrière un virage de bitume gris.

Puis il ne resta plus de répit, ils furent bien obligés de l'admettre alors qu'ils marchaient d'un même pas vers la gare, déployés en une ligne aléatoire sur toute la largeur du trottoir. Le soleil les éblouissaient, leurs sacs battaient leurs hanches et leurs épaules se frôlaient ; ils ne parlaient plus.

C'était fini, fini la voile, fini le vent et le soleil, fini l'air salé du large. Finis le cri des mouettes, le son du clairon et les échos des vagues ; finie l'odeur des algues, des pins et du bois humide ; finis la lune qui se levait derrière la ligne de l'horizon, le blanc des voiles dans le ciel et la lueur des feux du port. Finis les repas communs, les baignades, les balades, les disputes et les jeux ; finis le rire des autres, le son de leur voix, le son de leurs pas, la chaleur de leur présence et le réconfort de leur regard.

C'était fini, juste comme ça.

Ils montèrent tous dans le même train, l'un après l'autre, leurs sacs accrochés à leurs épaules. Kakashi resta debout sur le quai jusqu'au départ, levant le bras en un ultime salut lorsque leur wagon amorça la courbe du virage qui les entraîna loin de Portsall.

Ils envahirent le même compartiment, s'asseyant les uns sur les autres au milieu de leurs bagages abandonnés en vrac sur le sol, et le train poursuivit son chemin, traversant le pays dans toute sa largeur en arrachant l'un d'entre eux à chaque arrêt. Naruto descendit à Rennes et courut le long du quai pour pouvoir agiter la main jusqu'au dernier moment ; Sakura les quitta une heure plus tard après s'être jetée dans les bras d'Ino puis de Sasuke ; Tenten tira Neji par la main pour qu'il l'accompagne jusqu'à la porte lorsqu'ils arrivèrent à Laval et en dépit de leurs efforts d'espionnage, ils ne surent jamais ce qu'il se passa entre le moment où ils disparurent dans le sas de jonction et celui où Tenten les salua depuis le quai en pleurant derrière son sourire.

Ce fut au tour de la fratrie Sabaku de dire au revoir quand le train s'arrêta en gare du Mans. Shikamaru traversa le compartiment en enjambant les sacs et les pieds étendus dans le passage pour leur emboîter le pas ; ils entendirent tous son "A bientôt ?" en dépit du sifflement du contrôleur et du remue-ménage du couloir.

Puis ils arrivèrent à Orléans, et Tayuya se leva.

Elle répondit d'un signe de tête aux saluts des restants, se dégagea des bras d'Ino, laissa échapper un "merci" à l'intention de Hinata lorsqu'elle passa devant elle et rejoignit le sas. Kiba l'avait suivie.

— A l'année prochaine, caïd, dit-il lorsqu'elle fut descendue sur le marchepied qui la séparait du quai.

Elle ne savait pas trop quoi répondre. Ses doigts étaient toujours crispés autour de la main courante et elle redoutait l'instant où elle allait devoir s'en détacher pour laisser repartir ce train qui contenait des choses qu'elle aurait voulu ne jamais laisser filer. Puis Kiba se pencha et l'attira à lui pour la serrer dans ses bras ; machinalement, ses doigts quittèrent alors la main courante pour venir s'agripper à sa polaire et elle ferma les yeux.

Ce n'était qu'un au revoir.

Les portes se refermaient, le train repartait. Le sourire de Kiba s'effaça dans une traînée floue et le train l'emporta loin, hors de vue, hors de sa vie. Debout sur le quai, Tayuya détacha son regard des rails vides et leur tourna le dos.

Les voyageurs s'engouffraient dans les sorties souterraines ; d'autres s'étreignaient avec émotion sur les quais, au milieu de la valse des départs et des arrivées. La voix synthétique annonça l'entrée en gare du TGV 4201 en provenance de Lille.

Tayuya fit un pas, un deuxième, puis s'arrêta.

Et maintenant ?

Une foule de souvenirs envahit son esprit, des centaines de visages, des milliers de gestes et de paroles. Puis l'une d'entre elles revint avec plus de force, plus de précision, et elle l'entendit à nouveau comme si quelqu'un la répétait rien que pour elle :

Il n'y a pas de passagers sur le vaisseau Terre, nous sommes tous des membres de l'équipage.

Alors elle ajusta son sac sur son épaule et s'élança sans plus hésiter vers la suite de son parcours, car quelqu'un lui avait dit un jour – enfin elle comprenait – que même les plus longs chemins commençaient par un premier pas.

Aussi petit fût-il…


Fin






(La citation que dit Gai à la fin de son petit discours n'est pas de moi mais de Marshall McLuhan, sociologue et philosophe canadien.)

Merci encore d'avoir lu !




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