Fiction: Les enfants d'Orochimaru

Qui est Kyôkan, cette jeune femme qui débarque à Konoha, affamée et enceinte ? En elle, elle porte un lourd fardeau... celui de deux jumeaux, Hebi et Fushi, enfants du pire des monstres qui puisse exister...
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Me-and-orochi (Féminin), le 01/06/2014




Chapitre 31: Suspicions



Bureau du Troisième Hokage, 18 heures :

Anko savait très bien que la nouvelle se répandrait dans tout Konoha. Les enfants de Kyôkan comptaient parmi les plus craints du village, les badauds les fuyaient dès que l'occasion se présentait. Alors qu'elle tenait encore une Hebi blessée dans ses bras, elle poussa un soupir. Comment tout cela allait-il finir ? En entrant dans le bureau, elle avait immédiatement su que les deux jeunes gens ne s'en tireraient pas seulement avec quelques remontrances. Ils étaient les enfants d'Orochimaru. Et ce fait à lui seul pouvait faire pencher la balance en leur défaveur.

Avec un soupir, elle déposa doucement Hebi sur la chaise. Elle était vraiment mal en point. Chaque mouvement qu'elle faisait lui arrachait une grimace de douleur mais sa volonté de ne pas passer pour une faible devant son frère la poussa à ne produire aucun son, malgré la souffrance de ses blessures. Avachie sur le fauteuil, face au bureau du chef du village, elle observa longuement le plafond, en se concentrant sur chaque fissure, chaque fêlure pour oublier la douleur.

Fushi, sans un mot, s'assit sur le second fauteuil libre. Il croisa résolument les bras, semblant ignorer les blessures qui griffaient son visage et le reste de son corps. Il se contenta de fusiller consciencieusement son sensei du regard. Lorsque Sarutobi fit son entrée, il ne broncha pas. Pas plus que lorsque le Troisième eut un mouvement de recul à la vue des plaies béantes d'Hebi, et du regard assassin de son frère jumeau.
Il se contenta cependant de s'asseoir et de croiser les mains, le regard sévère, sans prendre en compte l'air de défi que lui jetait Fushi. Il tourna son regard vers Anko, avec lenteur.

- Peut-on savoir ce qu'il s'est passé ?

- Genma et moi les avons trouvés en train de s'entretuer.

- Non, intervint vivement Fushi. On ne s'entretuait pas !

- Je n'aurais jamais frappé mon frère de mon plein gré, parvint à articuler Hebi avec une grimace de douleur.

Sandaime les observa, pensif. Une question tournoyait dans sa tête, et paralysait ses sens. Avait-il eu raison de plaider leur cause auprès du conseil, quinze années plus tôt ?

- Très bien, dit-il avec un soupir. Chacun à votre tour, vous…

Mais avant qu'il finisse sa phrase, la porte s'était ouverte violemment devant une Kyôkan affolée. Les cheveux en bataille, le regard fou, elle promena ses yeux dans toute la pièce sans voir ce qu'il s'y passait. Anko se prit la tête entre les mains. Non, ce n'était vraiment pas le moment !

- OU SONT-ILS ?! JE VAIS LES TUER !

Puis son regard capta enfin ceux de ses enfants. En un bond, elle se jeta sur eux, et les serra dans ses bras à les en étouffer, des larmes plein les yeux. Mais dès lors qu'elle les vit, la terreur sourde brillant dans son regard disparut instantanément. Elle ne prêta aucune importance au cri de protestation que poussa sa fille lorsqu'elle toucha malencontreusement sa plaie au ventre pas plus lorsque Fushi grogna de mécontentement, confronté à ce contact qu'il ne supportait pas.

- Hokage-sama, il faut les emmener à l'hôpital ! Ils sont blessés !

- Dans cinq minutes, Kyôkan, répondit l'intéressé avec patience.

Kyôkan consentit enfin à lâcher ses enfants lorsque Fushi la repoussa avec un grondement de colère. Un ange passa, le temps que Kyôkan se remette lentement de ses émotions. Elle observa Hebi , puis son frère. Enfin, elle les fixa tous les deux avec sévérité.

- Pourquoi vous êtes-vous battus ? Que s'est-il passé ?

- Commence, Hebi.

La jeune fille prit une profonde inspiration, puis se lança d'une voix tremblante. Il fallait bien commencer, de toute manière.

- C'est cet espèce de… cet espèce d'imbécile… Sasuke Uchiwa. Il embobinait Fushi… Je ne sais pas ce qu'ils se disaient, mais je suis sûre qu'il l'embobinait al… Alors… J'ai… J'ai cru bon d'intervenir, c'est tout ! Tout ça, c'est de sa faute. On a rien fait.

- Hebi, intervint le Troisième avec patience, crois-tu que je vais avaler cela ? Tu as manqué de tuer ton frère, tout ça à cause d'une discussion entre lui et Sasuke Uchiwa ?

- Mais… Mais, je…

- Il me semble que tu n'as pas suffisamment les idées claires pour m'expliquer correctement la raison de ton geste, coupa l'hokage avec un regard dur. Fushi, veux-tu bien nous éclairer ?

- C'est la même histoire, ou presque. Elle a raison, Sasuke est venu me voir, pour discuter. Et puis elle a débarqué de je ne sais où, et elle s'est mise à hurler ! Ça s'est envenimé et elle a perdu le contrôle. Ça peut arriver non ?

- Et ses blessures, comment les expliques-tu ?

- J'ai été obligé d'utiliser l'arme blanche, sans ça elle m'aurait tué.

Mais Kyôkan n'était pas décidée à en rester là. Pour elle, il était inconcevable que le vieux Sarutobi laisse ses enfants ainsi, couverts de plaies et de sang, pour raconter leur version des faits. Il fallait les soigner, alors pourquoi attendre ? Pourquoi cet homme en face d'elle laissait-il ses enfants mariner dans leurs plaies au lieu de les envoyer au centre de soins ? Alors que Sarutobi s'apprêtait à poser une nouvelle question, elle donna un grand coup de poing sur la table, le regard furibond.

- Hokage-sama, il faut les emmener à l'hôpital, je vous en conjure ! Ce que vous faites est cruel, ils sont blessés bon sang !

Il lui jeta un regard indéchiffrable. Kyôkan savait qu'elle avait été trop loin. Elle n'était pas en position de donner son avis, elle ne l'avait jamais été. Elle avait reçu la confiance du village, oui, mais aux yeux de beaucoup de conseillers, ce n'était pas mérité. Pire encore, le chef des lieux lui-même n'avait strictement aucune confiance en ses enfants. Et pour cause : chaque geste qu'ils faisaient lui rappelait cruellement cet élève qu'il avait presque élevé, et qui l'avait outrageusement trahi lui et tout le village. Et même si Kyôkan s'offensait du regard des gens, comment leur en vouloir ? Il avait causé tant de mal autour de lui. Il avait laissé de son passage les sillons de la mort et de la désolation. Mais eux, non. Ils n'y étaient pour rien.

La voix du Troisième résonna dans la pièce.

- Anko, emmène-les. Je vais m'entretenir quelques minutes avec leur mère.

La jeune femme aux yeux marrons hocha tristement de la tête, puis sortit en prenant Hebi dans ses bras, sous les protestations indignées de Fushi, à la limite de se débattre.

- Je n'ai pas besoin d'aller à l'hôpital ! Je vais bien !

Lorsque la porte se referma derrière eux, Sandaime poussa un long soupir d'exaspération. Il se recula lentement sur son siège, et croisa les bras. Son regard s'attarda un peu partout dans la pièce, avant de finalement retomber sur le visage déconfit de son interlocutrice, qui l'observait en silence, ses yeux turquoises brillant d'une profonde lueur de chagrin.

- Kyôkan, je ne peux pas en faire des ninjas.

Kyôkan sursauta violemment, les yeux écarquillés de surprise.

- Quoi ? Mais pourquoi ?

- As-tu vu toute cette violence ? Et pour quoi ? Pour une dispute idiote ! Pour une simple gaminerie !

- Vous n'avez pas le droit de décider de leur sort ainsi !

- Bien sûr que j'en ai le droit, Kyôkan, et c'est bien cela qui te pose problème.

- Et pourquoi ne pas les tuer, tant que vous y êtes ? Ils ont les capacités et le droit d'être de vrais shinobis !

Devant la colère de Kyôkan, Sarutobi crut bon de calmer le jeu. Il laissa un instant de silence planer dans la salle, réfléchissant à ce qu'il allait bien pouvoir lui dire. Comment lui expliquer qu'ils représentaient un danger pour le village ? Qu'ils n'avaient pas leur place, qu'ils ne l'avaient jamais eu ? Car même si le Troisième avait déjà eu à faire à des fortes têtes, jamais il n'avait dû affronter un regard comme celui de Fushi, depuis la défection d'Orochimaru. En l'espace de quelques instants, il était retourné en arrière, sous les yeux reptiliens du démon cruel qui avait bouleversé la vie du village malgré son talent si prometteur.

- Tes enfants… Ils sont dangereux. Regarde ce qu'ils se sont faits à eux-mêmes, ouvre les yeux, je t'en prie ! Ta fille ne contrôle pas le CO7, et elle aurait dû depuis longtemps.

- Ce n'est pas si sim…

- Et Fushi ? C'est lui qui m'inquiète le plus. Kyôkan, reconnais-le. Ne vois tu pas le spectre de ton geôlier, à chaque fois que tu croises le regard de ton fils ?

Il avait raison sur ce point, et elle le savait. Sous le coup de la violente émotion que le souvenir d'Orochimaru lui procura, elle se laissa tomber sur l'un des fauteuils, et laissa rouler de longues larmes le long de ses joues. C'était injuste, tellement injuste. Fushi était caractériel, oui, et il ressemblait à son père, c'était indéniable. Chaque regard de son fils lui rappelait cruellement celui de son père. Et c'était un coup de poignard dans le cœur à chaque fois, pour cette jeune femme qui n'avait rien demandé à personne. Il était de son devoir de protéger ses enfants. De leur offrir une autre alternative que de celle d'être inscrits dans le Bingo Book. Il était hors de question qu'elle ne se batte pas bec et ongle pour eux. Depuis sa fuite du repère, ils étaient devenus sa nouvelle raison de vivre. Malgré ses sanglots, elle consentit à prendre, une nouvelle fois, leur défense.

- En les gardant en vie, vous nous avez accordés une chance. Vous nous avez offert en toit, un village, un foyer, en échange d'une conduite exemplaire. Je vous ai prouvé ma bonne foi. Mais mes enfants n'ont que quinze ans, et ils ne savent rien du passé de leur père. L'accident d'aujourd'hui était la seule incartade que vous avez eu à gérer avec eux depuis quinze ans. Il y a eu des cas bien plus graves, non ? Pourquoi les prendre pour des criminels ? Je vous ai toujours cru bon et tolérant, hokage-sama.

- J'essaie de faire ce qui est juste.

- Ce que vous êtes en train de faire ne l'est pas, et vous le savez.

- C'est pour le bien du village !

- Le village a besoin de bons shinobis. Sarutobi. Ne leur ôtez pas cette chance. Laissez-les progresser comme les autres. Je vous en supplie.

Cette supplication étouffée sembla émouvoir l'homme qui se tenait en face d'elle. Il se leva avec calme, et tendit un mouchoir blanc à Kyôkan, qui l'accepta sans rien dire. Elle aurait tout tenté. Elle comptait à présent sur la sagesse de ce vieil homme pour qu'elle prenne le pas sur sa rancune d'autrefois. D'une petite voix, elle parla une nouvelle fois, en plongeant son regard turquoise dans les yeux de l'hokage.

- Mes enfants sont forts. Laissez-leur cette chance de vous montrer qu'ils seront fidèles à Konoha.

- Je suppose que tu as raison, concéda l'homme avec un soupir, en se rasseyant. Konoha a toujours su faire preuve de tolérance envers les shinobis. Je refuse de me laisser aveugler par la rancune et la colère. Et puis c'est vrai, je ne te cache pas que nous avons besoin de nouveaux ninjas. Une menace se profile.

- Une menace ?

- As-tu entendu parler d'Oto no Kuni, le village du Son, Kyôkan ?

- Non, jamais.

- Il a été créé il y a peu. C'est un village dont le chef m'est inconnu, sans Kage de quelque sorte. Avant l'arrivée du pays du son, les campagnes sans maîtres commerçaient avec Konoha. Mais depuis que nous avons découvert Oto, tout commerce a été coupé et les paysans ont été réduits au silence. Je sens l'hostilité… En tout cas, ce chef inconnu va envoyer trois ninjas passer l'examen Chunin. Il faudra être prudents, très prudents. Je veux bien te donner mon accord, pour tes enfants. Mais c'est leur dernière chance.

Voilà ce qu'elle attendait. Kyôkan jeta un sourire radieux à son chef, se leva, et s'inclina profondément.

- Vous n'aurez pas à le regretter, Hokage-sama

- Je l'espère, Kyôkan. Vraiment.

Hôpital de Konoha, 20h.

De peur que les jumeaux se battent à nouveau, les médecins avaient cru bon de les placer dans deux chambres séparées. L'hôpital, en soirée, semblait plus vivant, d'autant plus depuis que les jumeaux y avaient été admis. Il avait fallu plus d'une heure pour trouver des infirmières suffisamment tolérantes pour prendre soin d'eux. La plupart avaient catégoriquement refusé de les soigner, en menaçant de les empoisonner si jamais on les obligeait à entrer dans leur chambre. Assise dans le couloir, leur mère poussa un soupir. Elle venait de faire un bond de quinze années en arrière. Et rien ne lui sembla plus pénible que cette sensation. Elle réprima cependant un petit rire en entendant son fils hurler à travers la porte de sa chambre. Non, il était temps de leur donner une bonne leçon.

- J'AI DIT NON !

- Mais c'est pour te soigner ! répéta inlassablement une infirmière, exaspérée, qui essayait depuis quinze minutes de lui faire avaler une gélule. Ta sœur l'a prise sans broncher, alors pourquoi pas toi ?

- Premièrement, espèce de vieille morue, parce que ma sœur est dans les pommes, d'accord ? Deuxièmement, parce que c'est une petite nature, à l'inverse de moi, et troisièmement PARCE QUE JE N'AI RIEN BORDEL !

L'infirmière soupira. Fushi, les bras croisés, ne voulait rien entendre. Cela pourrait durer des heures. Il n'était pas pressé.

- C'est Hebi qui est blessée. Pas moi. À propos…

Il eut un moment d'hésitation. Son regard se fit plus fuyant, ce qui chez lui était une nouveauté totale. Cela signifiait que pour la première ou deuxième fois de sa vie, il allait ravaler l'orgueil mal placé qui lui faisait office de conscience. Si sa mère avait pu le voir…

- Est-ce que… je pourrais aller la voir ?

- Nous sommes en train de la soigner.

- Elle va bien ? Elle va s'en sortir ?

Fushi ne se douta pas un seul instant que cette seule phrase remettait en question tout le personnage qu'il avait mis des années à façonner, presque au millimètre. Lui, ce jeune homme qui se revendiquait solitaire, impétueux et froid se rendit rapidement compte qu'il lui serait difficile, voire impossible de vivre sans sa sœur. Il observa l'infirmière avec espoir, priant pour que rien de grave ne soit arrivé à sa jumelle. Si Fushi avait toujours cru qu'Hebi ne représentait rien d'autre pour lui qu'une vulgaire colocataire, il avait rapidement déchanté lorsque le kunaï lui était rentré dans le ventre. Il aimait Hebi. Et il craignait, à cet instant, pour sa vie.

L'infirmière lui adressa un sourire bienveillant, pour la première fois de la soirée.

- Ta sœur va bien. Sa fièvre est tombée, mais ses blessures sont profondes. Nous avons stoppé ses hémorragies, mais il lui faudra encore un peu de temps pour se remettre totalement.

- Je veux la voir.

- Pas tant que je ne t'aurais pas soigné. Laisse-toi faire ou je ne t'y emmènerai pas.

Le chantage fonctionna. Fushi tendit son bras blessé en râlant et avala son cachet avec une moue contrariée. Il avait horreur de se soigner, et à vrai dire, il ne comprenait toujours pas ce qu'il faisait ici. Il ne souffrait pas, hormis un léger élancement là où sa sœur l'avait mordu. Mais c'était quelque chose qui disparaîtrait avec le temps, alors pourquoi s'en faire ? Mais il resta silencieux, pour ne pas contrarier l'infirmière. Il fallait qu'il voie sa sœur. En premier lieu pour prendre de ses nouvelles. Ensuite, on verrait.

Ce fut cet instant que Kyôkan choisit pour entrer dans sa chambre, sans frapper. Elle avait esquissé ce mouvement si silencieusement que Fushi sursauta en la voyant se planter devant lui, les yeux luisant de colère, tout sourire effacé de sa bouche.

- Alors ?

Un choix tactique s'imposait. Fushi connaissait les humeurs de sa mère, et savait à quel moment il était propice de lui répondre… Ou non. Là, c'était non. Sans la regarder dans les yeux, il baissa humblement la tête.

- Je suis désolé, maman.

- Réfléchis un peu aux conséquences de tes actes, bon sang !

- Mais…

- Et si quelque chose de plus grave était arrivé, hein ? Qu'aurais-tu fait ?! Tu l'aurais tuée ?!

- Mais on n'en était pas là, enfin !

Kyôkan croisa les bras, face au lit de son fils, et éclata d'un rire sarcastique.

- Oh non, tu as juste embroché ta sœur, mais vous n'en étiez pas là ! Suis-je bête ! Mes enfants se plantent à coups de kunai, mais ils n'ont aucune intention de se faire du mal.
- J'essayais juste de la calmer ! Mais elle s'est retournée contre moi ! J'aurais dû faire quoi ? Me laisser crever ? La laisser me tuer, c'est ça ?

- Tu n'aurais pas dû t'en charger seul !

- Elle allait tuer Sasuke !

- Vous avez failli perdre vos brevets, avec cette histoire, tu en as conscience ?!

- Quoi ?

Fushi s'immobilisa, toute colère envolée, laissant place à une stupeur muette. Il observa sa mère en silence. Kyôkan s'en voulut. Elle avait parlé bien trop vite. Quelle justification pouvait-elle donner, dès lors ? Jamais ses jumeaux n'avaient su la vérité, et ce depuis leur naissance. C'était très bien comme cela. Du moins, l'espérait-elle en silence. Mais Fushi ne se contenta pas de faire comme s'il n'avait rien entendu. Les sourcils froncés de colère, il prononça un seul mot. Lentement.

- Pourquoi ?

Elle n'avait plus le choix. Elle devait dire au moins une partie de la vérité à présent. Kyôkan déglutit avec difficulté.

- Sandaime a failli vous retirer vos brevets de l'Académie. À cause de vos idioties. Il vous juge dangereux.

- Et pourquoi ?

Le silence qui s'ensuivit était suffisamment éloquent. Comment répondre à cette question ? Comment mentir, encore une fois, comme cette jeune mère avait dû le faire pendant toutes ces années ? Elle se rassura en se disant que de toute manière, si elle lui avouait, il ne le croirait pas dans tous les cas. Mais alors qu'elle prenait une inspiration pour répondre à la question de son fils, celui-ci la devança.

- Je ne suis pas un imbécile. Je vois qu'il se passe des choses autour de moi. Je sais que Genma nous surveille depuis qu'on est tout petit. J'en ai pas parlé à Hebi, je ne voulais pas lui faire de la peine. Mais si tu veux mon avis, il est temps de nous dire pourquoi cette surveillance nous est adressée.

Kyôkan tenta un mensonge, bien plus mal à l'aise que quelques secondes auparavant.

- Tous les Genins sont surveillés ainsi. Avant l'examen…

Fushi se redressa en sifflant, laissant éclater sa colère.

- Tu mens ! cracha-t-il. J'ai demandé à Kira, elle m'a dit que jamais ses parents ne faisaient ça. J'ai demandé aux Hyûga, Neji a même fouillé dans le bureau de son oncle pour voir s'il n'y avait pas de rapports de la sorte. Mais rien. Hinata a demandé à son père, qui lui a répondu qu'il n'avait jamais entendu parler de ces histoires de rapports. Et nous sommes les seuls à avoir un tuteur, même Naruto qui est orphelin n'a jamais eu personne pour l'élever ! Jamais je n'aurais cru ça de toi, Maman. Hebi et moi nous te faisions confiance.

Sa mère ne sut que faire. Elle était coincée. Elle se contenta de baisser la tête, comme un enfant pris en faute. Et voilà, il avait réussi. Elle savait que ce jour finirait par arriver. Elle avait seulement espéré retarder l'échéance quelques années supplémentaires. Beaucoup de parents de genins étaient morts au front. Beaucoup de jeunes gens de l'âge de ses enfants avaient été, très tôt, privés de père. Alors elle avait espéré que cette excuse tiendrait la route suffisamment longtemps. Mais jamais elle n'aurait pu deviner quelle ruse se cachait dans l'esprit de son fils. Il était le digne héritier du ninja de la Légende. Son sanin aux cheveux noirs…

Mais Fushi interrompit brutalement le cours de ses pensées.

- Et maintenant, je veux la vérité.

Kyôkan secoua négativement la tête, les yeux toujours obstinément baissés.

- Tu ignores ce que tu me demandes, Fushi. Ce secret ne concerne pas que notre petite famille, il concerne tout le village. Je te le dirai, mais pas maintenant. Attends au moins que l'examen passe. Je vous promets de tout dire. Avec ou sans la permission du Troisième.

- Mais quel est notre rôle là-dedans ? s'énerva Fushi. Pourquoi tout le village est impliqué ? Qu'avons-nous fait pour vivre dans le secret ?

- Vous êtes nés.

Sans dire un mot de plus, Kyôkan sortit de la chambre à grands pas vifs, pour éviter que son fils voie les larmes dégoulinant sur ses joues pour la seconde fois de la journée. Elle laissa dans sa chambre un Fushi pantois, qui observa la porte encore cinq bonnes minutes avant de s'allonger dans son lit, de nouvelles questions plein la tête.

Arrivée dans le couloir, elle s'autorisa une pause, et s'appuya contre le mur en se laissant tomber sur le sol dur. De violents sanglots remontèrent de sa poitrine, tandis qu'elle dissimulait son beau visage entre ses bras. Mais au travers des bruits de sanglots, des larmes et des pleurs, Kyôkan trouva tout de même la force de murmurer quelques mots, le visage déformé par le chagrin.

- Je ne te le pardonnerai jamais.

Hôpital de Konoha, midi.

La première chose que vit Hebi en se réveillant fut la blancheur du plafond de sa chambre d'hôpital. Il y avait quelque chose d'étrange dans cette clarté matinale. Ce n'était pas une lumière plaisante, mais bel et bien le type de lumière qui brouillait la vue, et donnait mal à la tête. Pour autant, la jeune fille n'y prêta aucune attention. Heureuse de constater que ses blessures ne lui faisaient plus mal, elle se redressa avec un léger sourire, en s'appuyant sur son oreiller.

- Dis-moi… Même condamnée à mort, tu souriras encore, sœurette ?

Hebi sursauta violemment à l'entente de la voix grave qui venait de retentir dans sa chambre. Elle n'avait même pas remarqué que quelqu'un se trouvait à son chevet, mais lorsqu'elle tourna la tête, ce fut le sourire radieux de Fushi qui accueillit son réveil. D'abord étonné par cette mimique qui déformait totalement le visage de son frère, Hebi répondit cependant à son salut avec une joie non feinte.

- Comment vas-tu, Fushi ?

Fushi semblait métamorphosé. Son sourire transformait radicalement son visage, d'habitude si ombrageux et renfermé. Là, il semblait épanoui. Et cela le rendait nettement plus séduisant. Il se tenait assis, bien droit sur sa chaise, les cheveux impeccablement coiffés, à gauche du lit de sa sœur. Rien n'aurait pu effacer cette expression rieuse de son visage, à mesure qu'il regardait sa jumelle, encore et encore. Elle était en vie, elle était sauve. Les médecins avaient fait des miracles la trace du kunai n'était plus qu'une mince cicatrice blanchâtre courant sur son ventre plat. Satisfait, le jeune homme put s'affaler un peu plus confortablement sur son siège, sans quitter sa sœur des yeux un seul instant.

- Je n'ai rien. Quelques petites cicatrices par ci par là, c'est tout.

Honteuse, Hebi baissa la tête.

- Je suis vraiment désolée. Je me suis emportée, je ne voulais pas que ça te retombe dessus. Je voulais que ça ne retombe sur personne. Je déteste quand je suis comme ça. Pardonne-moi.
- Si seulement tu pouvais te battre comme ça pendant les entraînements ! Tu n'as rien à te faire pardonner. C'est du passé. Ça arrive à tout le monde de se mettre en colère, même aux plus patients.

- Mais à ce point là…

- Laisse tomber, d'accord ? Comment te sens-tu?

- Beaucoup mieux, merci. Tu as bu, Fushi ? C'est la première fois que je te vois sourire !

- Non, je n'ai pas bu, répondit le brun en riant. Mais tu vas bien. J'en suis content. Toute la nuit, j'ai eu peur de t'avoir tuée, sœurette.

Hebi sourit tendrement à son frère. Elle lui jeta un regard doux. Pour la première fois, Fushi se souciait réellement d'elle. La jeune fille avait toujours réclamé l'attention de son frère jumeau, et n'avait récolté en réponse que des silences méprisants ou des départs précipités. Jamais ils n'avaient fait ou entrepris quoi que ce soit tous les deux. Alors, le simple fait que son frère se sente mieux faisait d'elle une jeune fille comblée. Qu'il fasse aussi attention à elle était une étrange, mais plaisante nouveauté. Elle fut tentée de se redresser pour le resserrer dans ses bras mais se ravisa bien vite, en se souvenant que Fushi était caractériel. Mieux valait ne pas pousser.

- Au fait, poursuivit-elle, À part toi, qui est venu me voir ?

- Je suis ici depuis huit heures du matin. Maman est passée, trois infirmières aussi, bien sûr… et Ino.

- Ino ?

- Ouais. C'était d'ailleurs assez comique. Elle est entrée en hurlant comme une cinglée. Ensuite, elle a tenté de t'étrangler, mais j'ai réussi à l'en empêcher.

- Mais pourquoi ?

- Euh… Ce n'était pas très facile à comprendre, tellement elle hurlait. Elle est entrée en trombe en s'écriant : « OÙ EST-ELLE? JE VAIS LA SAIGNER! ». Elle s'est ensuite jetée sur toi, mais je l'ai bloquée en lui demandant ce qui se passait, elle s'est alors mise à hurler : « ELLE M'A VOLÉ MON SASUKE ! ELLE M'A VOLÉ MON SASUKE ! » Je me suis dit qu'elle avait craqué, je l'ai jetée dehors.

Hebi haussa les sourcils de surprise. Sasuke ? Mais quel rapport avec Sasuke ? Une vague de peur remonta dans sa poitrine.

- Ne me dis pas que Sasuke est…

- Non, non, Sasuke est en parfaite santé. Je ne sais pas ce qu'il lui est passé par la tête, tu n'auras qu'à lui demander en sortant. L'infirmière a dit qu'on pourra partir demain. Et devine quoi ? Anko nous a inscrits à l'examen Chunin !

Hebi se releva d'un bond.

- C'est vrai ? C'est vraiment vrai ?

- Si je te le dis.

Cette fois ci, la petite brune abandonna toute réflexion. Elle se leva d'un bond et se jeta entre les bras de son frère avec un grand rire. Fushi eut un mouvement de recul. Même s'il aimait sa sœur, il y avait des limites. Il la repoussa vivement, et la força à se rallonger sur son lit en époussetant son kimono d'un air dégoûté. Le contact humain. Quelle horreur. Mais Hebi ne se calma pas pour autant elle se mit à gesticuler dans tous les sens, risquant même de faire sauter ses points de suture sous le coup d'un mouvement un peu trop violent. Fushi, luttant contre la répulsion, attrapa les poignets de sa sœur et l'immobilisa.

- Du calme ! L'infirmière va me chasser, sinon.

Fushi repoussa gentiment sa sœur, le visage grave. Car s'il était venu, s'il avait attendu quatre heures sans bouger, ce n'était pas seulement par inquiétude pour la vie de sa jumelle. La discussion qu'il avait eu avec sa mère, la veille, avait marqué son esprit Hebi méritait qu'il lui en fasse part. Il avait cherché à la protéger toutes ces années. Sa sœur était fragile. Jamais il n'aurait voulu la blesser, en lui montrant ces rapports que Genma envoyait chaque semaine au conseil du village. Comment aurait-elle pu seulement comprendre ?

- Je voulais te parler d'autre chose. De beaucoup plus important.

Légèrement déboussolée par le vif changement d'humeur de son frère, Hebi se calma et le fixa lentement.

- Oh… je t'écoute. De quoi s'agit-il ?

- Maman.

Sa sœur fronça les sourcils.

- Maman ? Quoi, maman ?

- Elle nous cache quelque chose, avec Anko et Genma. Quelque chose d'important et de grave.

Hebi mima le petit reniflement dédaigneux de son frère en croisant les bras. Pour elle, il lui était difficile de croire les paroles de son frère. Elle avait une confiance aveugle envers sa mère, son tuteur et son sensei comment songer un seul instant qu'ils aient pu les trahir ?

- De quoi tu parles ? Maman nous a toujours dit la vérité. Que voudrais-tu qu'elle nous cache ?

- Est-ce que toi, tu as déjà entendu parler d'un certain Orochimaru ?

Hebi fouilla un moment dans sa mémoire à la recherche de ce nom, mais rien. Non, elle n'en avait jamais entendu parler. Elle avait l'habitude d'ignorer les murmures qui lévitaient autour d'elle, en règle générale. Ainsi, elle ne sut pas que si elle avait prêté une oreille un peu plus attentive aux chuchotis des passants, elle aurait entendu ce nom prononcé bien des fois.

- Non. Je ne vois pas le rapport avec…

Fushi hésita, mais sortit une feuille de papier de sa poche. L'écriture était fine et penchée, et correspondait à celle de Genma. Il la tendit à sa sœur, avec un calme olympien.

- Lis ça.

Hebi attrapa la feuille et lut en silence. Ce ne fut seulement qu'à la moitié du texte que son regard s'embrasa, et qu'elle poussa une exclamation de stupeur en lisant une phrase.

« Fushi, en tout point, est la copie conforme d'Orochimaru. »

- Qu'est-ce que ça signifie ?

- Ça signifie que, pendant toutes ces années, on nous a menti. Ou nous a surveillés pour que, je suppose, on ne devienne pas comme… Quelqu'un qui a dû causer des ennuis au village, par le passé.

- Mais pourquoi nous ? Qu'avons nous fait ?

- Nous sommes nés. Du moins c'est ce que maman m'a dit hier.

- Tu penses que cet Orochimaru serait…

- Notre père, ouais.

- Mais maman a dit que…

Fushi se prit le front en signe d'exaspération devant tant d'entêtement.

- Maman n'est pas toute blanche comme l'agneau qui vient de naître, bon sang ! Tu en as la preuve avec ces rapports. Elle ne nous en a jamais parlé. Elle a avoué elle-même qu'elle avait menti. Elle nous a dit que papa était mort à la guerre, qu'il s'était vaillamment battu pour défendre le village, qu'il avait envoyé des lettres depuis le front pour savoir si nous allions bien, qu'il nous aimait profondément, mais tout ça n'est que mensonge !

- Mais qui dit que c'est faux ? s'emporta Hebi.

Elle s'obstinait à nier l'évidence. Pour elle, son père était un véritable héros. Et il était mort au combat. Mort et enterré. Point. Pourquoi penser autre chose, quand chaque année sa mère lui disait qu'il allait revenir ? Que c'était un homme fabuleux, qui avait malheureusement été appelé ? Fushi, lui, était plus lucide. Il savait que la troisième Grande Guerre Ninja était terminée depuis très longtemps. Aucun conflit n'exigeât que son père, si père il y avait, doive rester loin de sa famille. S'énerver ne servirait à rien, cependant. Si sa sœur s'entêtait, il lui faudrait expliquer tout cela avec la manière douce. Sans la brusquer.

- Bon, alors écoute. Maman a raconté ça, très bien. Mais ne me dit pas que tu n'as jamais remarqué sa peau soudainement aussi blanche que la nôtre et son regard fuyant lorsqu'elle nous racontait les exploits de notre pseudo-père au combat, paix à son âme. Le tremblement de sa voix, aussi, quand on abordait le sujet. Et les gens, hein? Tu ne t'es jamais demandée pourquoi les gens nous fuyaient du regard, changeaient de trottoir en nous voyant ou nous montraient du doigt ? J'ai même vu un type, un jour, avec une longue queue-de-cheval blanche et un crapaud dans la main, qui s'est arrêté en me voyant, comme s'il avait vu un fantôme. Quand je lui ai demandé s'il voulait ma photo, il a souri en me disant que j'étais bien le fils de mon père. Tu trouves ça normal, toi?

Hebi ne répondit pas. Son frère lui ouvrait peu à peu les yeux, et elle ne pouvait lui donner tort. Il y avait trop de mystères derrière l'identité de père. Il était peut-être même vivant. C'était étrange, trop étrange, trop inquiétant. Le regard de l'adolescente se durcit un peu plus.

- Je veux des explications.

- Moi aussi. Maman a promis. Mais si elle ne tient pas sa promesse, j'irai exiger des explications à l'Hokage lui-même.

Hebi soupira. Ces révélations la secouaient. Son beau sourire s'effaça une fois de plus.
Elle sursauta lorsqu'elle entendit trois coups répétés, frappés à la porte de sa chambre.

- Oui ?

- Ça doit être maman.

Mais la personne qui entra n'était pas Kyôkan. Le garçon qui entra avait les cheveux noirs, hérissés. Les mains résolument dans ses poches, il lança aux jumeaux un regard boudeur. A la vue du garçon qui venait d'apparaître devant elle, le sang d'Hebi ne fit qu'un tour.

- Sasuke Uchiwa !

Hebi fronça les sourcils, soudainement furieuse.

- Que viens-tu faire ici, sale cloporte dégénéré ?

Sasuke baissa humblement la tête en saluant la jeune fille avec respect.

- Bonjour, Hebi. Je… je voulais te voir.

- Moi, je n'ai rien à te dire. Fiche le camp d'ici.

- Bon ! coupa Fushi. Moi, je vais dans ma chambre. L'infirmière va se demander où je suis passé !

D'un geste sec, et aussi vif qu'un éclair, il sortit de la chambre de sa sœur en claquant vivement la porte derrière lui. Un long silence plana, le temps que Sasuke s'asseye près de la jeune fille sans même demander l'autorisation.

- Je venais te faire mes excuses.

- Tes excuses ? Mais qu'est-ce que j'en ai à faire ? Tu as vu ce que tu as provoqué ?

- Si je ne l'avais pas vu, je ne serais pas venu m'excuser! Je reconnais mon erreur. J'ai été idiot et horrible avec toi. J'en suis désolé.

- Par ta faute, j'ai failli tuer mon propre frère !

- Pardonne-moi. S'il te plaît.

Hebi n'était pas aussi en colère qu'elle le laissait entendre. Pour elle, il était seulement question de montrer que le clan Uchiwa n'avait aucune prétention à avoir. Il s'agissait simplement d'asseoir son autorité, face à un garçon de trois ans son cadet. Elle se radoucit finalement, lorsqu'elle constata la sincérité du jeune genin.

- Tu as dû ravaler ton orgueil pour venir me parler. C'est déjà bien. Mais tu n'as pas répondu à ma question la dernière fois. Que voulais-tu à mon frère ?

- Je voulais m'allier à lui. Je suis fort et lui aussi. Je voulais en profiter.

- Il travaille seul, dans sa chambre.

- Et pourtant, il a accepté.

- Tu l'as soudoyé ?

- Même pas. Ton frère est sympa quand il s'y met, tu sais.

La plaisanterie parvint à la faire sourire. Sasuke s'assit sur le lit, à côté d'elle.

- Tu sais, Hebi, tu n'es pas comme les autres.

- Ah bon ? Pourquoi ?

La gêne du garçon était presque palpable. Il n'osait même pas la regarder dans les yeux. Hebi, elle, se rendait bien compte qu'il y avait quelque chose de louche. Sasuke n'était qu'un enfant, qui avait toujours dû subir les vaines flatteries des jeunes filles, lévitant autour de lui comme des mouches autour d'une charogne. Il avait toujours eu du mal à le supporter. Ni Sakura, ni Ino, ni toutes ces autres filles étaient un jour parvenues à obtenir ses faveurs. Pour la première fois, Sasuke se sentait littéralement faible, face à elle. C'était un sentiment qu'il adorait, et détestait à la fois. Quant à Hebi, elle était d'avantage surprise que fascinée Sasuke n'était encore qu'un gamin capricieux, à ses yeux.

- Tu n'es pas comme les autres. Les autres, elles bavent presque littéralement à mes pieds. Dès qu'elles me voient, elles me sautent dessus et minaudent. Pas toi. Tu es la seule fille à m'avoir tenu tête. La première fois que tu m'as parlé, je t'ai prise pour une de ces innombrables nanas, qui m'abordent chaque jour. Alors, je t'ai repoussé. Si seulement je m'étais rendu compte de mon erreur… Pardonne-moi, encore une fois. Je n'ai pas été à la hauteur.

Hebi sourit et regarda Sasuke droit dans les yeux.

- Ainsi, j'ai de l'importance à tes yeux parce que… Je t'ai envoyé balader ?

- Tu es la seule à l'avoir fait.

Sasuke se tut, noyé dans les yeux d'Hebi. Dans cette pupille effilée, dans cette petite fente baignée dans l'océan jaune-vert de ses yeux, il y vit une lueur. Ou du moins, il crut la voir, car Hebi était d'avantage attendrie qu'en état de pâmoison totale.

Il lui tendit le bouquet de fleurs, sans la quitter des yeux. Celle-ci contempla un moment les roses et chuchota, en refoulant un éclat de rire :

- Je parie que tu as acheté ces fleurs chez Ino.

- Co... Comment tu le sais ?

Devant l'air effaré de Sasuke, Hebi éclata de rire.

- D'après mon frère, elle est entrée en trombe dans ma chambre en hurlant qu'elle allait me tuer.

- Quand je te disais que les filles de mon âge sont stupides.

- Je ne te le fais pas dire. D'autant qu'elle n'a strictement rien à craindre de moi.

Elle sentit un moment le doux parfum des fleurs. Sasuke, lui, ne savait plus vraiment où se mettre. C'était tellement nouveau pour lui qu'il ne comprit pas véritablement ce qui lui arrivait, à cet instant.

- En tout cas, dit-elle, Merci beaucoup pour le bouquet. Il est magnifique.

Elle déposa les fleurs sur la table de chevet.

Sasuke se rapprocha d'elle, de plus en plus. Il leva une main timide et caressa doucement ses beaux cheveux noirs.

Hebi eut un mouvement de recul, fronça les sourcils et le repoussa. Elle ne comprit pas immédiatement quelle mouche avait piqué le garçon puis en regardant une nouvelle fois les roses rouges, elle poussa un soupir.

- Sasuke, ne me dis pas que tu envisages quoi que ce soit avec moi ?

Le jeune garçon s'empourpra aussitôt, et s'éloigna de l'adolescente.

- Disons que tu me plais. Je pensais que c'était réciproque.

- ça ne l'est pas. Tu es beaucoup trop jeune, voyons.

- Mais…

La porte s'ouvrit soudain devant une infirmière et Kyôkan.

- Oh, désolée, dit Kyôkan avec un sourire narquois. Je dérange, on dirait.

Hebi adressa un sourire doux à sa mère.

- Non, non, pas du tout. Sasuke allait s'en aller

Sasuke baissa la tête, furieux et exaspéré.

- Jeune homme, il faut partir maintenant, dit l'infirmière gentiment.

- J'allais y aller, de toute façon. Salut, Hebi.

- Au revoir, Sasuke.

Il disparut, accompagné de l'infirmière, non sans jeter un dernier petit coup d'œil derrière lui. Un coup d'œil qu'Hebi ignora superbement il n'était qu'un gosse, rien de plus. Et si elle lui avait pardonné sa brusquerie de la veille, il était hors de question de s'imaginer quoi que ce soit en compagnie d'un garçonnet de douze ans.

Ce fut au tour de Kyôkan de s'approcher du lit de sa fille et de s'asseoir à côté d'elle.

- Tu te sens mieux ?

- Oui. Où est Fushi ?

- Dans sa chambre. Il mange. Il a besoin de reprendre des forces, lui aussi, même s'il s'obstine à dire le contraire.

- Il a toujours minimisé son propre mal. C'est comme ça. Je crois que nous le changerons jamais. Sais-tu qu'il est venu me voir il y a une quinzaine de minutes ?

- Il me l'a dit, oui. Tu es contente ?

- Il m'a fait quelques aveux.

Hebi fixa sa mère avec sévérité. Si elle était heureuse de la revoir, il n'était pas question d'oublier ce que venait à l'instant de lui dire Fushi. Elle avait des comptes à rendre. Et Hebi le lui rappellerait. Pourquoi avoir menti aussi honteusement ? Et pourquoi être allée aussi loin ? Elle avait trahi sa famille. Kyôkan s'était doutée qu'elle serait confrontée, à son tour, aux questions de sa fille. Et cette fois-ci, il était hors de question de flancher comme elle l'avait fait la veille. C'était un passé révolu, dont elle parlerait quand elle le désirerait. Ses enfants n'avaient qu'à obéir. Hebi ne lui laissa cependant pas le temps de répondre, et renchérit.

- Tu ne crois pas qu'il est temps pour nous de savoir la vérité ?

Le regard de Kyôkan se fit plus dur.

- Vous êtes peut-être prêts à l'entendre, mais moi, je ne suis pas prête à le dire.

- On ne peut pas rester dans l'ignorance plus longtemps. Tu peux comprendre, non ?

- Je vous dirais tout. Je vous le jure. Mais après l'examen. Je vous raconterai tout après l'examen, je vous le promets. Mais d'ici là, je ne veux pas en entendre parler. C'est un passé qui fait mal, Hebi. J'espère que tu en as conscience.

- Je peux comprendre.

Et Hebi comprenait. Parfaitement. Elle lui en voudrait encore longtemps, mais à cet instant, elle comprit.

Car si Kyôkan avait fui son passé pendant toutes ces années, il le rattrapait au galop.



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