Fiction: L'entretien d'embauche (terminée)

Ce matin-là a lieu l'entretien le plus important pour Sakura. Elle n'espère qu'une chose : se faire embaucher. Seulement, ce matin-là, elle s'est réveillée avec un fièvre de cheval. Il va falloir composer avec, mais peut-être bien que la gentillesse d'un jeune homme pourrait l'aider.
Classé: -12I | Général / Romance | Mots: 18199 | Comments: 1 | Favs: 1
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hane-chan (Féminin), le 03/06/2020
Je suis nulle pour les titres, et celui-ci me convient franchement qu'à moitié.
Je ne sais pas trop quoi dire sur ce chapitre... Quelques surprises normalement, et Sakura qui prend peu à peu ses marques.

J'ai déjà écrit la fin, cette histoire ne sera pas sans conclusion !

Bonne lecture !




Chapitre 3: Rencontres



Sakura avait connu déjà cinq sections de rédaction différentes, co-écrit quelques articles, et se préparait la mort dans l'âme à son affectation suivante. Elle n'avait jamais été une bonne élève en sport durant ses années collège et lycée, ne trouvait pas d'attrait particulier à quelconque match durant lesquels deux équipes se battaient pour une balle, un ballon ou un volant, ne comprenait pas ce qui poussait les gens à courir un marathon... La liste était longue, mais la conclusion toujours la même : Sakura n'aimait pas le sport.

La semaine s'étirait en longueur avant même d'avoir commencé, et déjà Sakura attendait impatiemment la pause midi pour retrouver Ino à la cafétéria devant sa salade vinaigrette allégée et ses pépiements constants sur son terrible photographe ou la dernière tenue en vogue. Tout ce qu'il lui fallait pour ne pas avoir le temps de penser, sentir les larmes poindre au coin de ses yeux, alors que la voix acerbe de Kiba lui balançait des atrocités.

Une tape sur l'épaule la fit sursauter, l'arrachant à ses pensées. Ses yeux s'arrondirent face au président Nara, qui la fixait d'un air concerné. Mortifiée qu'il semble à chaque fois tomber sur elle au moment où elle était le moins à son avantage, Sakura bégaya un bonjour qui la fit revenir à ses timides années collège si peu regrettées.

- Vous soupiriez comme si vous vous rendiez à l'abattoir.

Sur ces mots, il lui tendit un café et fila à l'instant où Sakura s'en saisit, sans lui laisser le temps de réagir. Éberluée, plantée comme un piquet dans le hall, elle le dévisagea tout au long de sa remontée vers l'ascenseur, alors qui remettait ses mains dans ses poches et sifflotait l'air de rien. La chance voulut que personne ne se trouve dans le hall à cet instant, et qu'un miracle ait fait coïncider leur rencontre avec la pause pipi de l'agent d'accueil.

Sa réflexion la fit débarquer dans la rédaction sport avec le sourire, sourire qui lui parut soudain bien pale face à l'exubérance des deux journalistes déjà présents.

- Bien le bonjour, jolie demoiselle dans la fine fleur de l'âge ! Des cheveux roses, de grands yeux verts et l'air coquet : je pense pouvoir dire sans me tromper que vous êtes Sakura Haruno ! Je suis Gai Maïto, responsable de la section sport, et voici mon fidèle journaliste de terrain, Rock Lee !

Sakura maintint fermement son gobelet de café tout au long des énergiques poignées de main des deux hommes, tous deux vêtus d'une chemise vert bouteille, et affublés d'une coupe au bol et de sourcils si fournis qu'Ino en serait tombée à la renverse à leur simple vue. Trop choquée pour rire, incapable d'en placer une, elle se fit conduire jusqu'à ce qui serait son bureau pour la semaine, décoré d'un petit bouquet de fleurs - la plus gentille attention de bienvenue qu'elle ait eu depuis son entrée dans l'entreprise.

- Vous êtes aussi belle que la légende le raconte !

Sakura était pourtant sûre que la légende, comme disait Lee, expliquait justement à quel point elle était trop banale pour le standing du président Nara. Se voulait-il flatteur ou insultant ? Dans le doute, elle répondit d'un sourire crispé.

Il s'avéra, au fur et à mesure de la matinée, alors qu'ils étaient rejoints par leurs collègues, que les deux hommes étaient les plus adorables du monde. Fatiguants de vitalité, mais incapables de la moindre once de méchanceté. Alors qu'elle corrigeait un article à paraître le lendemain, décrivant la confrontation entre deux équipes de foot réputées pour se haïr - à tel point que même elle, la néophyte en sport en avait eu vent - Sakura ne pouvait que souligner l'objectivité, et le rappel constant des efforts non négligeables de l'équipe étrangère qui avait perdu contre l'équipe locale. Et ce n'était qu'un exemple parmi tant d'autres.

Ainsi, lorsque la pause repas fut décrétée, elle eut le plus grand mal à refuser l'invitation de Lee et Gaï. Embarquée presque contre sa volonté, elle en fut réduite à faire un petit signe d'excuse à Ino lorsqu'elle passa devant elle à la cafétéria. Au rire de son amie, Sakura comprit qu'Ino était plus soulagée qu'elle se soit intégrée que vexée d'être laissée sur la touche.

- Vous avez de la chance, Sakura ! Vous tombez pile au lancement du tournoi national de karaté !

Sakura s'étrangla. S'il y avait bien une chose qu'elle détestait plus que le sport en général, c'était les arts martiaux. La faute à un certain Sasuke Uchiwa, qui avait préféré sa vie instable de sportif de haut niveau au confort d'une vie sereine d'étudiant à ses côtés. Un Sasuke qu'elle avait certainement plus aimé que Kiba alors qu'il ne s'était rien passé entre eux, mais c'était son premier amour, et il avait duré du primaire jusqu'au lycée, peut-être même au-delà.

Une part d'elle se demandait comment elle réagirait si elle le revoyait, plusieurs années après le râteau du siècle. Ne restait plus qu'à espérer ne pas le croiser.

Mais le lendemain, alors qu'elle suivait Lee qui galopait comme un fou, surexcité à l'idée de couvrir l'événement sportif, elle dut se rendre à l'évidence. Sasuke n'avait jamais fait partie des faibles, n'avait jamais supporté la faiblesse, et son maître était de ceux qui poussent à l'excellence. Nul doute que si tournoi il y avait, Sasuke arriverait haut dans les classements. Et, entre ses cheveux nouvellement roses, et son statut de journaliste, nul doute non plus que Sakura ne passerait franchement pas inaperçue.

Elle s'en confia le midi à son amie, relatant les derniers événements qui lui faisaient d'autant plus craindre une confrontation avec son amour non réciproque de jeunesse, passant sous silence l'intervention fortuite du président Nara lors de son humiliation publique. Une colère sourde pulsait à ses tempes, et il lui fallut descendre l'entièreté de son verre d'eau et s'imaginer frapper Kiba à coups de batte pour ne pas exploser ou fondre en larmes.

- Mais enfin Sakura, n'est-ce pas l'occasion rêvée de lui montrer quelle femme magnifique, confiante et accomplie tu es devenue ? Si ça se trouve, il tombera raide dans tes bras, et ce sera même l'occasion d'oublier un peu l'abruti congénital qui a passé un an à te faire croire qu'il t'aimait...

Sakura opina poliment. Comment faire comprendre à Ino qu'elle ne se sentait pas plus femme que cinq ans auparavant, qu'elle ne se sentait pas plus accomplie lorsqu'elle voyait à quel point elle s'écrasait devant ses collègues et leurs messes basses, qu'elle avait été pistonnée par un de ses professeurs puis son employeur, et qu'elle n'avait pas l'impression d'avoir atteint sa place par ses propres moyens ? Elle n'en était pas au point de regretter son poste, elle n'était pas idiote, mais elle n'avait pas franchement fait ses preuves non plus.

Et puis, Sasuke restait Sasuke. Jamais il ne poserait les yeux sur elle autrement que pour lui signifier le dégoût qu'elle lui inspirait. Kiba au moins lui avait toujours montré à quel point elle était désirable, quand bien même il aurait préféré qu'elle soit sa chienne. Une poussée de rage enfla en elle, et Sakura se leva subitement pour jeter le reste de son déjeuner dans la poubelle la plus proche. Ino la regarda partir sans un mot.

Sakura aurait voulu se réfugier dans le jardin intérieur, mais à l'heure qu'il était, tout le monde prenait sa pause repas, et le lieu serait bondé. Elle s'orienta donc vers la salle de rédaction. La seule occupation à même de lui changer les idées restait le travail, le travail, et encore le travail. Elle révisait encore un article à paraître, lorsqu'une boisson fumante fut déposée sur son bureau, l'obligeant à lever la tête.

- Il était prévu pour moi, alors peut-être que la quantité de sucre ne vous conviendra pas, mais...

Sakura effaça la remarque d'un geste de la main, et acquiesça en remerciement, bien trop gênée pour faire une quelconque réflexion au président Nara. L'attention était touchante, mais elle ne pouvait s'empêcher de craindre que quelqu'un les aperçoive, et que cela ne vienne enfler les rumeurs qui courraient déjà dans l'entreprise. Comme il ne semblait pas décidé à partir, mais ne décrochait pas un mot, Sakura défit le couvercle du café pour souffler dessus, ce qui lui donnait une excuse pour ne pas parler.

- Je sais que l'on ne vous a pas fait l'accueil le plus gentil qui soit dans le journal - les yeux de Sakura s'arquèrent sous la litote - et je me doute qu'avec les récents événements, cela ne doit pas être facile pour vous, mais j'espère sincèrement que vous prenez vos marques et que vous rédigerez bientôt un article à la hauteur de votre mémoire.

La remarque cinglante, camouflée en compliment, l'atteint en plein cœur, et il lui fallut bien quelques secondes pour refouler ses larmes.

- Vous faites souvent le tour des bureaux pour distribuer des cafés et des critiques ?
- Seulement à ceux qui ont le potentiel mais ne l'exploitent pas. Ne me décevez pas, Sakura, et ne me le faites pas répéter une troisième fois.

Sakura releva les yeux sur le président Nara, qui l'observait d'un air indéchiffrable. Quelques mèches s'étaient échappées de sa queue de cheval, ce qui donnait à son discours un ton moins strict, mais n'enlevait en rien la pointe douloureuse qu'elle sentit dans sa poitrine. Elle se releva brusquement, prête à lui annoncer qu'il n'aurait pas à s'inquiéter de l'article à venir, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge, et elle détourna les yeux vers la baie vitrée. Si elle se trouvait face à Sasuke pour le tournoi, serait-elle capable d'écrire un article de qualité, distant de tout le bagage émotionnel qui pouvait lui rester ? Elle n'en savait rien, et ce doute la hantait.

- Peut-être est-ce à vous de ne pas me décevoir...
- Je vous demande pardon ?

Sakura retourna à la contemplation de son café. Ses joues, ses oreilles la brûlaient tant elle rougissait. Ne l'avait-il pas entendue ou avait-il été trop choqué par ses propos ? Elle n'en savait rien, mais n'osa pas répéter. Elle ignorait ce qui l'avait poussé à dire ça, et n'était pas sûre de savoir quel sens donner à ses paroles. Peut-être était-ce la pression qu'il lui mettait, l'incompréhension face à l'attention qu'il lui portait, le sentiment de trahison qui ne la quittait pas depuis qu'il lui avait caché son statut de président durant sa candidature, ou la honte qu'il ait été témoin de tant de facettes peu reluisantes de sa vie.

- Suis-je un mauvais patron ? articula-t-il.
- Je ne... sais pas. Je ne suis même pas sûre de vous avoir vu agir en temps que patron.

La remarque dut remuer quelque chose en lui, puisqu'il prit congé après un dernier soupir, un regard navré, un sourire qui lui étregnit plus la poitrine qu'il ne la soulagea.

La semaine reprit tambour battant, Sakura trimbalée à droite à gauche du pays par Lee afin de couvrir le tournoi. Dès le premier match, sa hantise se confirma : Sasuke était de la partie, et bien parti pour gagner. Pire encore, alors que Lee lui expliquait comment suivre et commenter les affrontements, il ajouta que si lui couvrait l'événement dans son ensemble, elle aurait en charge d'interviewer Sasuke Uchiwa, l'étoile montante du karaté, et l'unique sportif de Konoha encore en lice.

Munie de son badge de journaliste, Sakura passa les barrières de sécurité avec le sésame d'autorisation d'interview. Elle inspira une bonne goulée d'air, épongea son front luisant de sueur. Enfin, elle toqua à la loge de Sasuke, et s'annonça d'une voix qu'elle souhaita assurée.

- Je suis la journaliste de Konoha News. J'ai rendez-vous pour interviewer Sasuke Uchiwa.
- Entrez.

Elle ouvrit timidement la porte. Sasuke feuilletait un magasine pendant qu'une masseuse lui détendait les muscles des épaules. Il releva enfin les yeux vers elle. Ses yeux exprimèrent une légère surprise qu'il étouffa bien vite, après un regard de vérification à son badge, comme pour s'assurer qu'il ne se trompait pas.

- Sakura.
- Sasuke, répondit-elle au diapason en guise de bonjour.

Elle se retint de faire basculer son poids d'une jambe à l'autre, signe évident de gêne chez elle. Sasuke congédia la masseuse, tandis qu'Orochimaru arrivait. Un sourire affable s'étira sur son visage à l'instant où il la reconnut. Ils la renvoyaient à ces années où elle tentait de convaincre Sasuke qu'une vie de sportif de haut niveau l'empêcherait à tout jamais de prendre racine quelque part, jusqu'à ce qu'elle comprenne que la seule chose qu'il désirait était qu'elle ne devienne pas son point d'ancrage. Elle s'était enfuie, les larmes aux yeux, sous le regard mesquin et satisfait d'Orochimaru, et le visage fermé de Sasuke.

- Mais qui voilà donc ? Tu es devenue journaliste pour continuer à suivre ton cher Sasuke ?

Elle nia en bloc, rouge écrevisse, honteuse d'être infantilisée ainsi. Ignorant la réplique, elle se tourna vers Sasuke, et dut se rappeler de le vouvoyer.

- Sasuke, acceptez-vous d'être enregistré en vue de la rédaction d'un article sur votre participation au tournoi pour le Konoha News ?

Il opina après un regard de connivence d'Oochimaru. Sakura sortit son magnétophone, son cahier et son stylo, et se répéta ses questions dans sa tête avant de les poser. Sasuke la mettait mal à l'aise. Plus beau et distant que dans ses souvenirs, elle le sentait aussi plus moqueur. Il avait conscience de sa faiblesse face à lui. Elle n'espérait qu'une chose : ne pas se mettre à bafouiller. Le vouvoiement sonnait faux et forcé dans sa bouche, lui accrochait la langue. Sasuke répondait de manière lapidaire, elle aurait du mal à avoir suffisamment de matière pour un article.

- Comment en êtes-vous arrivé à un tel choix de carrière ?
- Ne connais-tu donc pas déjà la réponse, Sakura ?

Sakura fronça des sourcils. Elle n'aimait pas le ton paternaliste et goguenard d'Orochimaru, encore moins la liberté qu'il prenait de l'appeler par son prénom et de lui rappeler en plein interview ce détail de sa vie.

- Monsieur, mon professionnalisme m'empêche de me servir de mes souvenirs plutôt que des réponses de Sasuke Uchiwa pour faire le corps de mon article.

La réplique, cinglante, tira un sourire railleur à Orochimaru, mais il s'abstint de tout commentaire. Sasuke pour sa part n'était qu'un bloc de marbre blanc.

- Je suis naturellement doué dans de nombreux domaines. L'avantage du karaté, c'est que ça me demande des efforts constants pour m'améliorer.

Ce fut au tour de Sakura de se mordre la langue. Elle avait presque oublié le côté hautain que lui donnait son génie. Il lui faudrait polir sa phrase pour lui donner un aspect moins rugueux pour le public. Sasuke était ce genre de type qui se faisait aimer instantanément pour sa beauté froide et le flegme avec lequel il repoussait tout le monde autour de lui ne les faisait que revenir au grand galop. Mais s'il était un parfait connard, elle ne pouvait décemment le laisser ternir l'image du journal de ses mots acérés et snobinards.

Elle sortit de l'entrevue harassée de devoir constamment réaffirmer sa position de journaliste. À peine avait-elle éteint le magnétophone qu'elle avait eu de nouveau droit à des allusions au passé, à son rôle de petit toutou servile et piteux, de chieuse de première. Elle était éreintée d'avoir dû tirer les vers du nez de Sasuke pour avoir la moindre réponse convenable dépassant trois mots, et savait d'avance que son portrait ne serait complet qu'à l'aide de réponses tierces qu'elle allait devoir pêcher dans l'environnement plus ou moins proche de son ancien ami.

Quelques jours plus tard, Sakura attendrait droite et les mains croisées devant sa bouche en une prière. Lee finissait la correction de son article, ponctuant sa relecture de hochements successifs de tête.

- C'est très bien. N'oublie pas d'accentuer là-dessus, dit-il en surlignant un mot au stylo rouge, et d'ajouter cette information à cet endroit. Corrige-moi ça rapidement, montre-le à maître Gaï, et dans une heure j'envoie l'article à Orochimaru et Sasuke pour validation avant impression.

Sakura reprit son article toute guillerette. Plusieurs jours qu'elle ne dormait que deux heures par nuit, buvant des litres de café, peaufinant chaque détail, prenant un soin excessif au choix du moindre mot, réécoutait en boucle son enregistrement au point qu'elle n'était plus capable de ressentir quoi que ce soit aux remarques pernicieuses d'Orochimaru, et relisait ses pages noircies par les notes des différents intervenants qui avaient bien voulu lâcher un mot sur Sasuke.

Une heure plus tard, ce ne fut pas Lee qui l'appela pour lui annoncer que l'article serait ajouté à la maquette du prochain numéro, mais la secrétaire du président qui lui notifiait un rendez-vous immédiat avec le président Nara. Sceptique, elle s'y rendit d'un pas pressé. L'avertissement du président à leur dernière discussion en tête, Sakura s'inquiétait. Qu'avait-elle mal fait pour qu'il soit si peu satisfait qu'il l'appelait à son bureau ? Mais aussitôt, elle freina. Devant elle, Sasuke et Orochimaru patientaient dans la salle d'attente. Mortifiée et de plus en plus troublée, Sakura s'annonça à la secrétaire, qui prit son téléphone. La seconde d'après, la porte du bureau s'ouvrait.

Séparée de Sasuke par Orochimaru, croisant les bras sur sa poitrine comme pour faire barrière, Sakura évitait consciencieusement le regard de Shikamaru Nara. Les coudes appuyés sur son bureau, le bout de ses doigts se rejoignaient dans une pose d'écoute attentive, et le positionnait dans une allure de directeur plus révélatrice que la plaque à son nom devant lui.

- Du fait du passif entre mon élève et client Sasuke Uchiwa et de la journaliste ci-présente Sakura Haruno, je ne peux décemment laisser paraître cet article signé de son nom. Son application à signifier qu'elle n'utiliserait que l'interview de Sasuke se trouve bafouée par ce que j'ai lu ici. Notez d'ailleurs l'ignorance de cette dernière pour tout ce qui relève du sport, et sa méconnaissance dans le milieu compétitif comme journalistique.

Shikamaru posa son regard sur la maquette de l'article sous ses yeux, et soupira.

- Je ne peux me permettre d'accéder à votre requête. Vous vous basez sur les relations passées entre votre client et ma journaliste, or le personnel n'a pas à entrer en ligne de compte. De plus, cet article est le meilleur qu'aie rédigé mon employée. Voyez-vous, je n'y décèle rien de compromettant, elle fait preuve d'objectivité et d'une recherche journalistique parfaite pour combler son ignorance comme vous l'appelez. Et c'est là le principe même d'un bon journaliste : faire en sorte que l'on ne se rende pas compte qu'il n'avait aucune connaissance sur le sujet avant la rédaction de son article. Ainsi, s'il n'y a pas diffamation - ce qui n'est, vous en conviendrez, absolument pas le cas - je ne retirerai pas l'article. Il paraîtra, signé du nom de Sakura Haruno.

Sasuke fit claquer sa langue de frustration. Sakura ne desserra pas les dents. Il était toujours beau à se pâmer, les bribes de son amour passé revenaient par vagues, mais la colère l'emportait désormais. Il avait l'affront de vouloir empiéter sur sa carrière, peut-être par vengeance pour le temps où elle avait souhaité qu'il laisse tomber la sienne, et pourtant elle l'avait soutenu tout du long à partir du moment où son choix avait été acté. Et si dans son article elle chantait les louanges de sa brillante carrière, il cherchait à saccager la sienne dans l'unique but de ne pas voir leurs deux noms associés.

Le président Nara se releva, annonçant la fin de l'entrevue, et leur désigna la porte d'un geste de la main.

- Si vous permettez, il me reste encore beaucoup de travail, et je m'en voudrais de faire traîner en longueur un entretien qui ne vous mènera à rien d'autre qu'une perte de temps.

Shikamaru les raccompagna jusqu'à la porte, qu'il referma derrière eux, sans que Sasuke n'adresse un regard à son ancienne amie. Lorsqu'il fut assuré que les deux hommes s'étaient suffisamment éloignés, il se tourna vers Sakura.

- Vous auriez dû m'en parler.
- Je croyais que le privé n'avait pas à entrer en ligne de compte ? s'insurgea Sakura.

Shikamaru se gratta la tête, gêné, et se perdit dans la contemplation du paysage.

- En effet. Cependant, vous qui les connaissez, vous savez que Sasuke se conduit comme un petit prince à qui on doit tout, et qu'Orochimaru ne fait rien pour le détromper. Avec sa double casquette d'entraîneur et d'avocat, il aurait pu poser de sérieux problèmes. Il serait capable de faire passer pour du harcèlement ce qui relève de la conscience professionnelle.
- Il savait que je possède l'enregistrement de l'interview, et que celui-ci prouve non seulement que c'est lui qui me harcelait pour me pousser à la faute professionnelle, mais qu'en plus je n'ai jamais promis d'utiliser uniquement les propos de Sasuke pour mon article, mais seulement de ne pas me baser sur notre passé commun comme témoignage. Ce qu'il a fait là, c'était du bluff. Mais...

Elle se força à formuler sa phrase, parce qu'elle la savait importante pour le président.

- Mais vous êtes un bon directeur, et vous avez pris mon parti par objectivité, plutôt que de céder au chantage et la pression de sa stature et de son nom.

Le sourire que lui renvoya le président Nara lui assura l'impact de ses mots. Il desserra sa cravate, ébouriffa ses cheveux, comme pour signifier qu'ils pouvaient enfin se détendre. Mais Sakura peinait à se décrisper. Elle demeurait droite dans son siège, les mains jointes sur ses genoux, les lèvres pincées. Plus jeune, elle aurait pleuré, mais ses yeux étaient secs, secs de ce chagrin qui la vidait de toute émotion. Sasuke n'avait jamais brillé par sa tendresse, mais il venait de gagner la palme de l'enfoiré, à la menacer et la critiquer ouvertement sur son lieu de travail. Kiba, au moins, ne lui avait pas fait de scène au boulot.

Shikamaru lui servit un café, qu'elle accepta avec soulagement. Il ne l'avait pas congédiée et elle ne se voyait pas partir brusquement, pour affronter l'énergie débordante de Lee et Gaï alors qu'elle-même n'en avait plus assez pour sourire. Et, plutôt que de s'asseoir sur le siège de l'autre côté du bureau, il se posa à côté d'elle, où s'était tenu Orochimaru quelques instant plus tôt. Ils revenaient sur un terrain informel.

- Vous collectionnez les hommes qui vous blessent... Ne serait-il pas temps de changer pour un homme bienveillant ?
- Et quoi, vous croyez que je fais exprès ? Si vous savez si bien juger les gens du premier regard, qui me proposez-vous donc ?

Il se tut un instant, embarrassé. Il s'apprêta à dire quelque chose, mais se ravisa.

- Peut-être le souci ne vient pas de l'homme que vous choisissez, mais de l'opinion que vous avez de vous-même.
- Changer l'opinion que j'ai de moi m'a l'air aussi facile que changer mon style d'hommes. Vous en avez d'autres, comme celle-là ?
- Vous êtes belle, intelligente, et pleine de ressources. Vous n'en avez pas encore conscience, mais vous êtes forte, savez affronter l'adversité. Prenez de l'assurance, et les deux changements viendront d'eux-même.



J'aime bien finir les chapitres par une phrase conseil de Shikamaru !

Beaucoup d'interactions entre lui et Sakura dans ce chapitre. J'essaie de montrer qu'ils n'ont jamais été vraiment dans une relation classique patron-employée, j'espère que ça se ressent.

Encore deux chapitres, et on pourra tirer les rideaux !




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