Fiction: Lilas

Des pertes et des séparations, Sakura en a connu, plus qu'elle n'en aurait souhaité, plus violentes qu'elle ne croit pouvoir le supporter. Mais lorsque dix ans après le départ de Sasuke, Naruto se met en tête d'aller le chercher, et que l'Akatsuki se met à menacer la paix, Sakura n'a plus d'autre choix que de s'allier à Shikamaru et aux militaires du Pays du Feu. Peut-être pourra-t-elle ainsi retrouver Naruto et Sasuke... UA
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hane-chan (Féminin), le 29/07/2019
À partir de ce chapitre, beaucoup auront comme titre des noms de fleur. N'y connaissant strictement rien à l'inverse d'Ino et Sakura, j'admets que j'utilise des sites internet donnant la signification des fleurs, notamment celui d'interflora. J'aime bien leur site, et leurs définitions souvent sobres des significations, ce qui me permet d'aller droit au but dans la signification que je veux donner au titre du chapitre.

Pour les prochains, je donnerais sûrement en commentaire la signification souhaitée, mais pour celui-ci, je vous laisse lire jusqu'à la fin.




Chapitre 9: Violettes



Secouée, Sakura avala d'une traite le verre d'eau que lui tendait Ibiki. Elle inspira, s'épongea le front, vérifia son bras sur lequel la poigne puissante de l'inconnu s'était resserrée. Son plan avait tant et si bien marché qu'il s'était retourné contre elle. Elle n'avait plus besoin d'interroger l'homme suspect qui les avait agressés sur l'île. Il allait, de lui-même, tout lui confier. Non, plus exactement, il ne parlerait qu'en sa présence. Comment avait-il dit, précisément ? " Je ne parlerai qu'autour d'un bon repas, seulement et uniquement à Sakura Haruno, avec une jolie nappe et un beau bouquet de violettes pour égayer la table ".

Seules quelques personnes savaient qu'elle connaissait, du moins en partie, le langage des fleurs. Et cet homme-là n'était pas censé en faire partie.

Que savait-il encore d'autre, au-delà de son identité ?

Temari, Shikamaru et Kakashi débarquèrent bientôt dans le bureau du capitaine, actuellement occupé par Ibiki en l'absence de Kankurô. Le garde qui avait laissé rentrer Sakura se faisait tout petit sur sa chaise et sursauta lorsque l'ambassadrice arriva, attendant la sévère sanction qui lui était destinée. Sakura ne pouvait rien faire pour le protéger, mais le malaise grandit dans son estomac. Une fois de plus, ses paroles avaient eu des conséquences désastreuses sur la vie de quelqu'un d'autre.

- Nous ne pouvons pas accéder à sa requête, décida Temari, après qu'on lui ait expliqué la situation.
- Et vous croyez que le torturer vous amènera les réponses ? s'insurgea Sakura.

Malgré la frayeur causée par la réaction de l'homme, elle ne pouvait décemment pas faire abstraction de ses multiples blessures. Si ça continuait, il pourrait très bien y laisser la vie. Et ce, sans jamais avoir dévoilé quoi que ce soit. Seul Ibiki, qui menait l'interrogatoire, pouvait juger à quel point elle ne se trompait pas. Tout ce qu'il avait essayé jusque là s'était révélé vain. Il considérait cependant les conditions imposées trop dangereuses pour être respectées.

- Que faisais-tu là ?
- Je...

Elle jeta un coup d’œil au garde qui refusait toujours de décrocher son regard du sol. Ses choux, étalés par terre, avaient fini à la poubelle. Elle aurait un dernier service à demander au garde, qu'il ne lui accorderait probablement que si elle parvenait à lui faire conserver son poste.

- J'étais venue apporter un en-cas au capitaine.
- Aussi tard ?
- Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. J'avais besoin de me sentir utile.

Shikamaru la scruta d'un air sceptique mais n'ajouta rien. D'une façon ou d'une autre, elle ne mentait pas. Technique numéro un apprise auprès d'Ino, si mensonge il y a, assure-toi toujours qu'il soit par omission. Les demi-vérités sont plus faciles à broder.

- Comment se fait-il qu'il te connaisse ? enchaîna Ibiki.
- Je n'en ai pas la moindre idée.

Pour le coup, elle ne mentait pas. Dans ses souvenirs rassemblés de Sasuke, s'il y avait bien une chose qu'elle savait, c'est qu'une fois qu'il prenait une décision, rien ne le faisait revenir en arrière. Elle ne le voyait pas renier ses amis, pour ensuite en discuter tranquillement avec des camarades qu'il avait envoyé à l'abattoir sans états d'âme. Son naturel secret l'empêchait aussi de croire à cette théorie.

Cette nuit-là, Sakura éprouva un soulagement tout particulier à regagner seule ses quartiers. Shikamaru, trop à même de la percer à jour, lui lançait un regard acéré auquel elle ne pourrait pas longtemps se désister. La revendication du prisonnier prenait des airs de dernière volonté. " Un dernier repas en présence d'une jolie fleur ", avait-il conclu, un sourire en coin qu'elle ne savait comment il parvenait à offrir après le supplice qu'il avait subi. Que souhaitait-il donc lui révéler, loin des oreilles indiscrètes, au péril de sa vie ?

C'est ce qu'elle se promit de découvrir, lorsque le lendemain on fit appel à son aide, après maintes délibérations. S'asseyant sur la petite chaise en bois de la salle d'interrogatoire transformée pour l'occasion en restaurant étoilé, elle observa les préparatifs d'un œil attentif et discret, notant le micro caché sous la table par la nappe longue, et celui dans le vase. La table était orientée de sorte à ce que le moindre agissement, la moindre mimique du détenu soient captés par la caméra d'angle.

Ils l'amenèrent finalement, les mains liées à la chaise sur laquelle il s'installa, une expression faussement offusquée de l'absence de liberté de mouvement qu'on lui imposait. L'homme, spécialiste du maniement d'épée, n'aurait pas l'occasion de manipuler un couteau. Bientôt, Sakura se retrouva seule face à lui, sa crainte pour unique repart entre eux. Elle fixait les plats devant eux, peu disposée à devoir nourrir le condamné.

- Comment me connaissez-vous ?
- Voyons, vous êtes sur toutes les bouches. Haruno Sakura, le médecin sans frontières, l'héroïne d'une guerre avortée.

Il lui adressa un clin d’œil, comme s'ils partageaient une complicité nouvelle de cet état de fait connu de tous, jusque derrière les barreaux. Sakura devina cependant que la véritable raison n'était pas là.

- Qui êtes-vous ?
- C'est une question des plus directes, demoiselle. Votre manque de tact me froisse.
- N'ai-je pas le droit de connaître le nom de l'homme avec lequel je partage un dîner ? railla-t-elle.
- Il est bien vrai que l'équité ne semble point respectée. Très bien, vous pouvez m'appeler Suigetsu.

L'intime conviction qu'il s'agissait là de son véritable nom la frappa de plein fouet, et elle lui adressa un sourire figé. Qui qu'il soit exactement, quoi qu'il ait fait, il était réellement prêt à finir à l'échafaud après cette entrevue. C'était donc sa seule chance.

Sakura se remémora la liste de questions qu'Ibiki lui avait fait apprendre par cœur avant la rencontre. Elle poursuivit donc du même ton étudié qui enrobait la conversation et auquel Suigetsu semblait, pour une raison obscure, tenir.

- Votre épée laisse penser que vous êtes le successeur de Momochi Zabuza.
- Un grand homme, il est vrai. Un mentor comme on ne les fait plus, voyez-vous. Perpétrant et enseignant un artisanat qui se perd et s'oublie.
- L'assassinat, ou la piraterie ? cingla-t-elle, incapable de se retenir.

Il émit un petit rire, avant de désigner du menton le premier plat sur lequel il avait jeté son dévolu. Patiente, Sakura lui découpa un morceau de viande, qu'elle porta à sa bouche.

- Vous ne mâchez pas vos mots, demoiselle. Je dois admettre que je vous aime bien. Mais non, je faisais référence au combat à l'épée. Les armes à feu, à mes yeux, ont bien peu de charme. Elles manquent d'un sérieux contact humain, n'épousent pas le corps dans cette alchimie qui danse et virevolte, et sont bien trop détachées de la réalité. Une épée tranche, et ne fait pas de cadeaux. Une épée ne permet pas d'épargner son maître de la souffrance physique qu'il inflige, l'oblige à lui faire face, et à poursuivre malgré tout.

Si lui l'aimait bien, elle ne retirait de cet échange qu'une sensation de froid dans la moindre de ses cellules.

- Vous n'aimez pas l'archerie, devina-t-elle.
- Ni l'archerie, ni l'archère. Karin manquait sincèrement de subtilité, et n'était pas réputée pour sa douceur. Mais je peux en dire tout autant de Jûgo.

L'homme roux qui les avait agressé de sa carrure massive et de ses coups de batte puissants et hargneux lui revint en mémoire. Pour le coup, Sakura ne pouvait que s'accorder avec Suigetsu.

- Pourquoi ne pas utiliser d'armes à feu ?
- Dans mon cas, je considère ne pas avoir à revenir dessus. Pour les autres, une part de finesse désuète, une autre plus terre à terre : les armes à feu, c'est bruyant. Si leur rapidité et leur précision sont un avantage non négligeable, un coup de feu peut aussi alerte une escouade prête à seconder celle qui est attaquée. Et les armes à feu, comme les douilles, sont traçables et donnent des informations.
- Parce que ce n'est pas le cas de vos armes ?

Suigetsu se recula brusquement sur sa chaise. Il cogna le pied de table. Le vase, déstabilisé, tangua avant de s'écraser à terre. Sakura suivit sa chute des yeux. L'homme esquissa un geste pour le rattraper, mais fut retenu par ses menottes. Son acte vain l'entraîna, lui et sa chaise, à son tour au sol. Sakura se releva d'un coup, pour s'accroupir à ses côtés. C'est à cet instant qu'elle comprit que son geste était prémédité. Les deux micros délogés et échoués, brisés, la narguaient. Alors qu'elle s'apprêtait à redresser l'homme, il lui souffla rapidement :

- Nous n'avions que deux règles : ne pas tuer, et ne pas blesser Haruno Sakura et Uzumaki Naruto.

Il fallut quelques secondes à Sakura pour se recomposer. Lorsqu'elle rassit finalement le détenu, celui-ci sourit d'un air navré à la porte qui s'était entrouverte.

- Quelle maladresse... C'étaient de très jolies violettes.

Après une hésitation, Ibiki fit signe à Sakura d'accélérer son interrogatoire, et hocha imperceptiblement la tête. La caméra, filmant toujours, leur permettait encore de lire sur les lèvres de Suigetsu. Et ça, aucun d'eux ne l'ignorait. Cependant ce n'était pas le cas de Sakura - et c'était ce sur quoi elle comptait. Ne lui resterait plus qu'à démêler les véritables réponses dans les joutes verbales de Suigetsu, qui palabrait avec une dextérité étonnante pour broder des discours convaincants. Le tout en disséminant quelques informations juteuses à lancer comme un os à ronger à l'intention de l'équipe qui observait avec attention derrière les écrans.

- Comment votre épée a-t-elle pu résister aux balles ?
- Il est des secrets que l'on ne peut dévoiler, lui répondit-il dans un sourire énigmatique.
- Vous êtes au courant que votre épée est en notre possession ?
- Oh, mais n'importe quel connaisseur saurait que ce serait du gâchis terrible que d'abîmer cette épée pour l'analyser.

Ainsi, il ne s'agissait pas de n'importe quelle épée. Sakura prit note. Cette information-là, pour peu qu'ils puissent en tirer quelque chose, était probablement importante. Pour quoi, ça, elle n'en savait rien.

- Pourquoi être rentré sous les ordre de...

Elle ne finit pas sa question. Ce nom était encore à ce jour bien trop difficile à prononcer, et par bien des aspects trop étrange dans sa bouche.

- J'ai beaucoup voyagé, vous savez. Oh, je me suis aussi autorisé quelques escales. Mon frère me disait souvent qu'il y avait des flûtistes de renom, à la beauté incommensurable, et qu'une vie sans avoir été témoin de leur talent était une vie bien triste.

Sans équivoque, la référence au pays du Son était double : c'était un pourquoi et un comment. L'origine de l'engagement dans la piraterie de Suigetsu y prenait place, la rencontre entre Sasuke et Suigetsu s'y était donc déroulée, mais surtout, c'étaient deux autres mots qui interpellèrent Sakura. Flûtiste d'une part. Suigetsu lui signifiait là qu'il savait. Son cœur fit une embardée, tandis que l'image de Kin s'imposait à son esprit. Oui, elle avait été belle, d'une beauté froide et irréfutable qui n'était qu'un apparat masquant son hideuse âme. D'autre part, l'intervention de son frère dans cette histoire racontée sur un ton badin n'avait rien d'un hasard. L'usage du passé non plus.

Elle archiva ses pensées, se promit de réorganiser le tout plus tard. Son silence avait par trop duré.

Sakura ressortit harassée de cet entretien, les nerfs en pelote et les pensées fusant dans tous les sens. Le jeu auquel ils s'étaient livrés lui avait demandé d'utiliser à pleine capacité sa mémoire exceptionnelle, son intelligence et sa réflexion. Elle n'était vraiment pas d'humeur à parler, mais la silhouette filiforme de Shikamaru se détacha de l'ombre du couloir, la surprenant avant qu'elle n'ait le temps de refermer la porte de ses appartements. Elle avait sous-estimé son esprit de déduction. Soupirant, elle lui fit signe d'entrer à sa suite, et lui offrit un verre de la bouteille de vin qu'elle avait reçu en remerciement de la directrice de l'hôpital de Suna.

Shikamaru s'apprêtait à parler, mais elle lui fit signe de se taire. Tendue, rendue paranoïaque par l'enchaînement des événements, elle fit un rapide tour de sa chambre et secoua la tête. Au fond d'elle, la certitude qu'ils ne lui faisaient pas totalement confiance résonnait comme un son de cloche dissonant. Ce n'était pas le lieu pour parler. Elle reposa son propre verre dans lequel elle n'avait fait que tremper les lèvres, et jeta un regard à Shikamaru.

La distance qui s'était instaurée entre eux lui faisait mal à lui donner envie de pleurer.

N'en pouvant plus, elle lui proposa une balade nocturne. Étaient-ils suivis ? Elle n'en avait aucune idée. Ils auraient cependant moins de chances d'être écoutés à l'extérieur, encore moins d'être entendus, s'ils se tenaient éloignés des lieux fréquentés. Ils marchèrent un moment sans un mot, à une distance respectable l'un de l'autre. Shikamaru passa finalement le bras par-dessus son épaule, pour lui murmurer à l'oreille.

À quel moment leur relation n'était-elle devenue qu'un prétexte, un alibi pour couvrir leurs intrigues ?

- Les violettes sont synonymes de discrétion, n'est-ce pas ? Elles signent la promesse d'un secret bien gardé. Que t'a-t-il dit ? Que t'a-t-il dit de plus que le compte-rendu parfait que tu nous as donné ?



L'interrogatoire de Suigetsu a été un vrai casse-tête à écrire. J'ai eu beaucoup de mal à ajouter les informations que je voulais en double jeu de questions-réponses, et une fois celles que je jugeais importantes apparues, j'avoue avoir laissé reposer le chapitre un moment pour me repencher dessus, étoffer, et finalement décider qu'une ellipse temporelle n'était pas plus mal si je ne voulais pas écrire quelque chose de bancal qui desservirait l'histoire au final.

En espérant ne pas trop vous avoir laissé sur votre faim, et que ça vous a quand même plu !




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