Fiction: Lilas

Des pertes et des séparations, Sakura en a connu, plus qu'elle n'en aurait souhaité, plus violentes qu'elle ne croit pouvoir le supporter. Mais lorsque dix ans après le départ de Sasuke, Naruto se met en tête d'aller le chercher, et que l'Akatsuki se met à menacer la paix, Sakura n'a plus d'autre choix que de s'allier à Shikamaru et aux militaires du Pays du Feu. Peut-être pourra-t-elle ainsi retrouver Naruto et Sasuke... UA
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hane-chan (Féminin), le 26/07/2019
Pour info, même si c'est une UA dans un monde qui se veut réel, j'ai repris la géographie du monde de Naruto quand même, je trouvais intéressant d'utiliser en cadre géopolitique l'univers pré-existant. Je l'ai un peu modifié à ma sauce, pour coller à l'histoire.



Chapitre 4: Frontières



C'était le voyage scolaire de leur deuxième année de lycée. Un petit séjour de quelques jours en camping dans la forêt pour ceux qui avaient choisi l'option sciences naturelles avancée. Ça leur faisait drôle, c'était le premier voyage sans Naruto, qui n'avait jamais réussi à avoir la moyenne suffisante pour suivre cette matière. Sakura, qui désirait déjà devenir médecin, s'était donné les moyens, et Sasuke n'avait pas eu à fournir d'effort particulier. À l'époque, elle ne savait pas que ce stage représentait pour lui la possibilité d'apprendre à vivre livré à lui-même dans la nature ; une pensée qui tournait déjà depuis bien longtemps avant sa fugue dans son esprit.

Le trajet en bus avait été plus silencieux que d'habitude, sans Naruto pour mettre l'ambiance, et faire sortir Sasuke de ses gonds autant que de sa coquille. Sakura, que son amour transparent pour Sasuke laissait de marbre, s'était tue, après de vains efforts pour lancer une conversation creuse. Elle se contenta d'appuyer sa tête sur l'épaule de Sasuke sans qu'il ne fasse rien d'autre que croiser les bras sur sa poitrine, lui aussi mal à l'aise par l'absence de celui qui les aidait à se comprendre mutuellement. Sans lui, ils n'étaient que deux étrangers se regardant en chien de faïence, tentant de voir le monde au travers des yeux de l'autre sans jamais y parvenir. Leur relation se résumait à un travail de groupe bien huilé, dû au sérieux et à la méticulosité qui leur était propre, sans la bavure Naruto pour les faire sortir de leur cadre si bien défini.

Sakura se redressa lentement, frottant ses yeux jusqu'à ce qu'elle y voit net. Étonnant comme le cerveau pouvait lui jouer des tours, et lui rappeler cet événement, alors qu'elle s'était endormie contre l'épaule de Shikamaru, qui pianotait sur son ordinateur. Le parallèle était frappant, et pourtant, sans ce rêve, elle ne l'aurait jamais fait.

- Pause café ? lui proposa-t-elle alors qu'elle s'avançait déjà vers la cuisine, quittant à regret le canapé.

Il hocha la tête, fermant un peu sèchement le clapet de son ordinateur qu'il posa sur la table basse. Elle déposa les deux tasses à côté, et demanda :

- Du nouveau ?
- On aurait repéré et identifié deux membres de l'Akatsuki aux abords du désert du pays du Vent. Vu la proximité avec le lieu de naissance de Gaara, ils sont soupçonnés d'avoir perpétré l'enlèvement. Mais toujours pas de demande particulière pour sa libération.

Elle le jaugea du regard. Les coudes sur les genoux, les mains croisées, elle revit quelques instants son ancien partenaire de TP de chimie concentré, avant qu'il n'ait de la barbe, et dix ans de plus.

- Tu as une hypothèse ?
- Oui, et elle n'est pas pour me plaire.

Il n'ajouta rien de plus, sirotant son café, enfermé dans son mutisme de peur de le briser de terribles paroles. Lui aussi avait besoin de souffler, et n'avait pas encore eu l'occasion de dormir depuis leur entrevue avec Kakashi. Sakura s'assit de nouveau à ses côtés, et tapota ses jambes jusqu'à ce qu'il s'allonge sur elle. Elle entreprit de lui défaire son élastique, démêla patiemment ses cheveux à la main et lui caressa doucement la tête. Sa respiration était depuis plusieurs minutes profonde et régulière lorsqu'elle s'arrêta. Elle l'observa quelques instants. Il était beau, sans ce masque d'angoisse et de peine qui ne le quittait jamais vraiment éveillé, dans le pli se formant entre ses sourcils, sa retenue dans son maintien. Il était beau et fragile ; et il lui rappela une fois de plus un autre.

Naruto n'avait jamais cherché à cacher ses faiblesses. Il en riait, les tournait en dérision, les avouait, apprenait de ses erreurs, les transformait en force. Sasuke et Shikamaru appartenaient à une autre catégorie, celle qui la faisait craquer, peut-être parce qu'inconsciemment ils appelaient son instinct maternel, son instinct de médecin aussi. Peut-être aussi parce qu'ils donnaient envie de gratter sous la surface polie pour voir la rugosité de la pierre mal taillée qui peinait à se façonner.

Elle repensa aux paroles de Kakashi. Avant l'arrivée de Naruto, Sasuke refusait de laisser Kakashi s'impliquer sur ce qu'il pouvait faire lui-même. Comment faire confiance à la personne qui l'accueillait, qui devait être sa seconde famille, si un jour elle risquait de tenter de la tuer ? Voilà l'héritage que lui avait laissé son frère. Elle ne le connaissait pas encore à l'époque, et ne l'avait rencontré que plus tard, lorsque Naruto avait déjà commencé à élargir son champ de vision.

Cette violence qu'il traînait depuis le massacre de sa famille n'avait pourtant jamais totalement disparu. Elle s'était terrée à l'ombre, des années durant, comme oubliée, pour mieux grandir en son sein. Et ce voyage scolaire en avait donné la preuve. Ce voyage qu'elle n'avait jamais totalement raconté à quiconque, autour duquel elle avait menti, tant à Naruto, qu'à Ino, et même à Kakashi. Ses cheveux courts à son retour ? Coincés dans les ronces, impossibles à dégager, emmêlés à ne plus savoir quoi en faire. Elle avait bien dû se résoudre à s'en dépêtrer, avec les moyens du bord. Ses bleus et blessures ? Quelle maladresse, Sakura, glisser sur la terre détrempée jusque dans un ravin caillouteux ! Il fallait bien tenter de sortir de là l'autre gamine tombée avant elle, qui avait eu moins de chance dans sa chute, en témoignaient ses deux bras fracturés.

Kin n'avait jamais démenti sa version des faits.

Sasuke, quant à lui, n'en avait jamais reparlé. L'affaire était close, il n'y avait plus rien à en dire. Il ne l'avait jamais remerciée de l'avoir couvert, elle ne l'avait remercié de l'avoir sauvée.

Voilà de quoi était faite leur relation : de non-dits et de brusques accès d'honnêteté, de gêne et de silences, de moments d'accalmie quand ils travaillaient, et d'effervescence quand une tête blonde se pointait. Une relation orageuse en pointillés, qui ne s'expliquait jamais totalement où elle se situait, funambule en suspend entre confiance et méfiance. Une amitié qui n'en portait que le nom mais qui se situait au-delà de la simple reconnaissance de l'existence de l'autre.

Ses souvenirs en filigrane, Sakura ne remarqua pas de suite que Shikamaru avait de nouveau ouvert les yeux et l'observait.

- À quoi tu penses ?
- À la vie, et au cheminement complexe qu'elle prend.

Il s'autorisa un rire bref en s'étirant. Une seconde après il ramenait déjà l'ordinateur sur ses genoux, et une cigarette à sa bouche.

- D'après Kakashi, l'Akatsuki comprendrait potentiellement une dizaine de membres, et quatre d'entre eux sont connus. Les deux qui ont été aperçus sont Deidara, tristement célèbre poseur de bombes bien avant qu'il ne fasse partie de l'organisation, et Akasuna No Sasori, un citoyen de la ville natale de Gaara, que l'on croyait disparu, mais qui a été formellement reconnu par sa grand-mère qui l'a élevé, et qui fait partie du conseil d'état de leur pays.
- Est-ce qu'on connaît la... spécialité de ce Sasori ? Et qui sont les deux autres membres connus ?

Shikamaru s'arma d'un feutre et s'avança jusqu'au tableau blanc qui ornait le mur de son salon pour gribouiller ses premières notes. Il tira un trait du nom Deidara jusqu'au mot explosifs, et marqua poison, armes biologiques sous le nom de Akasuna no Sasori. Enfin à côté des deux premiers noms, il rajouta Uchiwa Itachi et Hoshigaki Kisame sous lesquels il gribouilla anciennes forces spéciales (infiltration, espionnage, torture, combat rapproché, maniement d'armes, etc.).

- De tout ce que j'ai pu lire, ils sont à l'origine de nombreux assassinats ou tentatives d'assassinat de membres hauts placés de gouvernements de différents pays. Depuis vingt ans, il ont effectué un virage dans leur politique interne, se concentrant tout particulièrement sur le nôtre, soit depuis l'enrôlement d'Itachi Uchiwa, ce avec quoi j'aimerais bien faire un lien.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Uchiwa Itachi a été officiellement reconnu comme membre de l'Akatsuki il y a dix-huit ans, suite à une explosion massive dans un centre commercial d'un pays voisin, ce qui correspond aussi à l'enrôlement de Deidara qui était jusqu'alors en roue libre. Sa manière de faire est extrêmement caractéristique, et c'est de toute évidence voulu. Mais je n'écarte pas la possibilité que le massacre des Uchiwa, il y a vingt ans, aie déjà été commandité par l'Akatsuki, bien qu'elle ne l'ait jamais revendiqué.

Sakura fronça des sourcils. Shikamaru intercepta sa grimace et expliqua, tout en continuant ses liens logiques sur son tableau.

- Comme tu m'as dit, les Uchiwa étaient pour la majeure partie dans le corps de la police, voire de l'armée du pays. En conclusion, ils étaient une force colossale à abattre pour quiconque souhaiterait le chaos. Quoi de mieux qu'enrôler un jeune prodige des forces spéciales, venant tout droit de cette famille, et mieux encore, fils héritier du commandant de la police ? La récolte d'informations serait juteuse, et l'hécatombe facile.

Quelque chose dans la théorie de Shikamaru titillait l'esprit de Sakura sans qu'elle ne puisse mettre le doigt dessus. Gardant en mémoire l'impression qu'il lui manquait une pièce du puzzle, elle fit revenir Shikamaru sur la partie non développée de son hypothèse.

- Tu as dit qu'ils se concentraient maintenant surtout sur notre pays, à quoi le vois-tu, sachant que la dernière attaque revendiquée était il y a cinq ans, et en dehors du territoire ?
- Tu te rappelles ce qu'a dit le journaliste hier soir, sur cette attaque ?
- L'Akatsuki a détruit le Grand pont Naruto. Probablement grâce à Deidara.
- Exact. Et ce pont permettait des échanges commerciaux importants entre notre pays et le pays des Vagues, notamment en termes d'alimentation grâce à leur riziculture et leur pêche importantes, troquée contre des denrées plus rares chez eux, notamment de nombreux minerais tels que le fer et le charbon. Ça c'était pour les échanges les plus prolifiques pour eux, mais aussi les plus ponctuels. Pour le reste il s'agissait plutôt de bœuf et de poulet qu'ils n'arrivent pas à élever en masse du fait des conditions météorologiques de leur pays. Outre la puissance commerciale et économique que ce pont représentait, et qui asseyait déjà la puissance de notre pays, un accord a forcément dû être passé en interne pour que l'on accepte d'échanger du minerai contre du riz. Donc il y avait forcément un avantage lucratif pour notre pays au-delà de ça.

Shikamaru s'emballait, et elle superposa son image à celle d'Asuma, son parrain et ancien professeur d'histoire et géopolitique. Elle ne l'avait eu qu'une fois, puisqu'il ne s'agissait que d'une option avancée à laquelle elle avait préférée les sciences naturelles, mais la ressemblance était frappante dans toute la gestuelle, le placement de voix, et sa manière de délier le fil rouge de son histoire. Elle ne l'avait jamais vu à l'oeuvre jusque là, mais il avait clairement hérité de son don d'enseigner.

- Faire exploser ce pont, c'est forcément fragiliser nos frontières, quand bien même celui qui en subirait le plus les conséquences serait le pays des Vagues, bien plus petit et pauvre que le nôtre au départ, mais aussi rompre cet accord qu'il soit connu ou non de l'Akatsuki, et qui devait à leurs yeux représenter un danger suffisamment important pour être à écarter.

D'accord, cela faisait donc une voire deux attaques contre le pays, mais elles étaient espacées de quinze ans, et le vide entre les deux était flagrant. Autant l'enlèvement de Gaara était clairement un pied-de-nez au gouvernement, autant les deux autres restaient plus obscures et bien trop lointaines l'une de l'autre.

- L'actuel président a aussi subi une attaque avortée à la fin de son premier mandat, il y a dix ans, alors qu'il était en visite au pays du Son. Il est fort probable que quelqu'un ait cherché à l'empêcher d'accéder de nouveau au pouvoir, alors qu'il se présentait de nouveau et qu'aucun autre candidat ne semblait tenir la route face à lui. Là non plus l'attaque n'a jamais été revendiquée par l'Akatsuki, mais l'échec même de ce raid en est une raison probable. Il n'est pas exclu cependant qu'elle n'ait rien à voir avec ça, et qu'il s'agisse d'une attaque indépendante. Ce qui explique les tensions entre nos deux pays, et la difficulté à laquelle Sarutobi Hiruzen s'est heurté lorsqu'il a voulu les apaiser.

L'image de Kin se supplanta brutalement à toute pensée dans l'esprit de Sakura, et le vertige qui la prit soudainement l'obligea à s'agripper au bras de Shikamaru pour ne pas tomber. Au fond d'elle, l'intime conviction que l'Akatsuki n'avait rien à voir dans cette affaire n'avait aucune preuve sur laquelle s'appuyer, mais Sakura était persuadée qu'elle ne se trompait pas.

- Je suis en train de te noyer d'informations, hein ? se stoppa Shikamaru en se méprenant sur son geste.



J'ai beaucoup hésité pour le paragraphe de Shikamaru expliquant les relations économiques entre le Pays du Feu et le Pays des Vagues. J'avais peur que ça fasse trop gros, trop détaillé, et que ça nuise au récit, mais en même temps je vois tellement Shikamaru se laisser emporter que je n'ai pas pu me résoudre à trancher dans le lard.



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