Fiction: Lilas

Des pertes et des séparations, Sakura en a connu, plus qu'elle n'en aurait souhaité, plus violentes qu'elle ne croit pouvoir le supporter. Mais lorsque dix ans après le départ de Sasuke, Naruto se met en tête d'aller le chercher, et que l'Akatsuki se met à menacer la paix, Sakura n'a plus d'autre choix que de s'allier à Shikamaru et aux militaires du Pays du Feu. Peut-être pourra-t-elle ainsi retrouver Naruto et Sasuke... UA
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hane-chan (Féminin), le 22/10/2019
Le titre du chapitre se réfère à l'absence et la séparation. J'avais choisi un autre titre au départ, mais il me semblait au final moins bien convenir.

Ce chapitre est peut-être un de mes préférés.




Chapitre 17: Myosotis



Les reproches de Naruto résonnaient encore à ses oreilles. Depuis combien de temps avait-il compris avant de lui en parler ? Elle aurait bien été incapable de le dire.

- Depuis quand ça dure, vous deux ? T'es au courant que leur divorce n'est même pas encore officiel ?

Les mots claquaient dans l'air, trop justes, trop douloureux, trop terre-à-terre. Jamais elle n'avait vu Naruto se mettre dans un tel état. Jamais elle ne l'avait entendu hausser le ton ainsi. Jamais contre elle. Les larmes, de rage, de peine, dévalaient sur ses joues brûlantes.

- Je ne te croyais pas opportuniste, Sakura.

L'accusation, infondée, à mille lieues de la réalité, lui fit un mal de chien. La stupeur bloqua net ses pleurs.

- Opportuniste, moi ? Comment oses-tu seulement l'imaginer ? Tu crois que j'ai souhaité que leur mariage tombe à l'eau ? Tu crois que j'ai été la cause de leur séparation ? Tu crois que j'ai souhaité qu'Ino meure ?
- J'ai jamais dit ça !

Il hurlait maintenant autant qu'elle.

- Mais quand même, c'est Shikamaru ! Qu'est-ce qu'il t'es passé par la tête ? Et Sasuke, hein ? T'en fais quoi de lui ? Ça y est tu l'as déjà oublié ?
- Déjà ? Déjà ? Ça fait dix ans, Naruto ! Dix ans !

Sa voix se brisa sur le dernier mot. Dix ans à souffrir, à tenter de tourner la page, se rappeler de vivre. Elle y était parvenue, après de nombreux efforts, avec le soutien incommensurable d'Ino. Elle partie... Le fond la happait de nouveau. La noirceur, les ténèbres, les crises d'angoisses revenaient au galop. Shikamaru, c'était le seul qui comprenait. La violence, l'envie de souffrir et faire souffrir, de se sentir vivant et de se perdre un instant. Puis affronter de nouveau le jour qui se lève, poser un pied devant l'autre, franchir la porte et devoir, une fois de plus, survivre à une journée normale, banale, où le monde continuerait de tourner comme si la disparition d'Ino n'avait jamais rien changé.

- Tiens, parlons-en de Sasuke, reprit-elle sur un ton aigre. Tu étais où quand il a disparu, hein ? Tu étais où quand je t'ai appelé à l'aide ? Ah oui ! Hinata... La belle Hinata...
- Ne t'avise pas de p...
- Elle est passée où ta promesse de récupérer Sasuke, coûte que coûte ? C'était pas toi qui disait à qui voulait l'entendre que tu laissais jamais tomber un ami ? Et t'étais où pour moi ? Ah oui, tu m'as bien tenu le bras pour l'enterrement d'Ino, mais sinon, t'étais où les jours, les mois suivants ?

Ses paroles se réverbéraient encore à ses oreilles lorsqu'une pression sur le bras l'arracha à son esprit. Sakura tourna des yeux exorbités vers Itachi, incapable à cet instant précis d'avoir peur de lui. Elle faillit défaillir, et amorça quelques pas désorientés vers la table où reposait le corps inerte de son meilleur ami. Il était pâle et froid, et son pouls faible sous ses propres doigts glacés. La certitude terrible qu'il était allongé piteusement sur cette table par sa faute, parce qu'elle avait ramené cette maudite promesse sur le tapis, la paralysa. Une goutte d'eau s'écrasa sur le front blanc sous ses yeux. Puis une autre, dans un plic bruyant, avant que Sakura ne lève ses yeux humides vers la silhouette sombre d'Itachi Uchiwa.

- Q-Que lui est-il arrivé ?

L'homme resta droit, immobile, et elle crut un instant qu'il n'allait pas répondre.

- Sasori.

Les dents de Sakura s'entrechoquèrent, ses doigts engourdis se resserrant inconsciemment contre les rebords de la table métallique pour l'empêcher de chuter.

- Alors il n'a plus que quelques jours à vivre !... souffla-t-elle d'une voix blanche.
- C'est pour ça que tu es ici.

Un flash passa devant ses yeux, et elle ferma ses paupières un instant. Les longs cheveux blonds d'Ino qui peu à peu viraient au rouge...

- Je ne p-peux...

Ino gémissant, les secours qui n'arrivaient pas... Ino, les yeux révulsés par la douleur... Ses mains ensanglantées qui tentaient de stopper l'hémorragie, qui continuaient d'effectuer le massage cardiaque... L'ambulance, enfin, qui arrive, sirènes perçant le brouillard environnant... L'ambulance qui repart, sans lumières, silencieuse comme une accusation.

- Je n'ai...

Neji, utilisant ses dernières forces pour lui demander de prendre soin de sa cousine. La vie qui s'éteint dans son regard, le sang, le sang, le sang.

Lorsqu'elle rouvrit de nouveau les paupières, Sakura distingua les contours de la pièce qu'elle avait sillonné, peut-être des heures durant, et qu'elle connaîtrait encore des jours durant. Sa vue trouble finit par se stabiliser sur l'ombre postée sur la chaise, deux yeux fixés sur elle, mains croisées patiemment sur la table en attente de son réveil. Sakura se redressa brusquement, presque trop vite pour son esprit qui regagnait peu à peu son corps. Tendue à l'extrême, accolée au mur, elle jeta des regards aux quatre coins de la pièce sans jamais totalement perdre de vue l'homme au centre de la cellule.

- Pour le nombre de vie perdues, combien de sauvées ?
- Pardon ?...
- Pour ceux que tu n'as pas pu sauver, combien en as-tu soigné ?

La question la prit au dépourvu. Elle continua de dévisager son interlocuteur. Itachi se releva, repoussant la chaise contre la table.

- Ressaisis-toi, Haruno.

Il quitta la pièce, laissant Sakura perdue, aux prises avec ses pensées, ses peurs et ses doutes. Le décalage entre l'image qu'elle s'était faite d'Itachi Uchiwa, terroriste tristement connu, et l'homme qui venait, semble-t-il de lui remonter le moral, la laissait pantoise. Un frisson parcourut son échine. Cet homme-là, presque normal en apparence, avait tué. Beaucoup tué, de sang froid, des gens qu'il connaissait personnellement, avec lesquels il avait grandi, vécu, travaillé ; et de pauvres inconnus pris dans les machinations de l'Akatsuki. Qu'un tel homme lui redonne confiance en elle lui donnait la nausée.

Lorsqu'elle fermait les yeux et repensait à l'hôpital, elle revoyait les visages de ceux qu'elle n'avait pas pu sauver, mais qui bien souvent lui avaient par la suite permis de poser des diagnostics plus rapides de cas similaires, et sauver certains qui avaient encore une chance de survie. Elle revoyait aussi les sourires, les larmes de soulagement et les remerciements des patients et leur famille. À la fin de son internat, Sakura se savait déjà meilleure chirurgienne que de nombreux résidents de l'hôpital. Elle avait tant assisté Tsunade dans de nombreuses opérations que l'obtention de son diplôme n'avait presque été qu'une formalité.

Mais la bande s'était réunie pour la féliciter, et ils avaient festoyé comme cela ne leur était plus arrivé depuis bien longtemps. L'absence d'Ino lui avait parut bien cruelle à cet instant. Elle avait souhaité pernicieusement que Sasuke soit là pour voir la jeune femme accomplie qu'elle était devenue et à côté de laquelle il était passé. Mais Naruto était là, avec son grand sourire qui lui mettait du baume au cœur, Naruto et sa bouteille de rhum et son air entendu, le reproche d'Hinata qui se perdit dans son éclat de rire, Shikamaru qui passait encore nonchalamment une main dans le creux du dos de Temari comme une vague d'accalmie.

Lorsqu'Itachi revint, Sakura s'était calmée, et tentait de se souvenir des résultats de l'analyse du poison. Il se posta devant elle, et il lui fallut toute sa détermination pour s'empêcher de reculer sa chaise.

- Ton bras.

Elle lui tendit, et l'observa relever la manche de son gilet, retint un glapissement lorsqu'il le manipula. Un frisson la parcourut à son contact. Elle cligna des yeux, chassa ses larmes, retint son envie de vomir ou de s'enfuir, mais sa terreur suintait en sueur froide. Concentré, Itachi ne sembla pas le remarquer, à moins qu'il ne soit trop habitué à susciter l'horreur pour s'en formaliser. Il lui fit un bandage serré, qui pliait à demi son coude, reposait son articulation.

- Ménage-le tant que tu n'en as pas besoin.

Si la futilité de son conseil lui apparut, il n'en laissa rien paraître, et Sakura se garda bien de lui en faire la réflexion.

- Il me faudrait un accès au laboratoire de Sasori.

Itachi releva ses yeux froids sur elle. Il la jaugea, prit le temps avant de formuler sa réponse.

- Il n'est pas ici. J'ai cependant un échantillon de poison.

Sakura acquiesça. L'accès au laboratoire lui aurait permis de fouiller, peut-être trouver les notes de Sasori, ce qui lui aurait été beaucoup plus utile. Au moins n'aurait-elle pas à faire de prise de sang à Naruto pour isoler le composé.

- Depuis combien de temps le poison est dans son organisme ?
- Quelques jours tout au plus.

Ainsi donc Sasori avait bien créé ce poison récemment. Mais dans ce cas, qu'avaient-ils fait de Naruto tout ce temps ? Et surtout, depuis quand était-il retenu prisonnier ? Sakura relégua ces questions dans un coin de sa tête. Si elles étaient importantes, la priorité restait de déterminer l'état de son ami et la meilleure action pour le soigner. Réfléchir par-delà le brouillard de son esprit lui demandait un effort considérable.

- Il va me falloir un papier et un stylo. Et... du matériel. De chimiste : éprouvettes, tubes à essais, pipettes graduées, bec élec, hotte aspirante... Le genre de choses que devait utiliser Sasori. Pour l'antidote, se sentit-elle obligée d'ajouter alors qu'Itachi continuait de la dévisager sans mots. Si ce n'est pas son laboratoire, il m'en faut un à moi.

La voilà à donner des ordres à son bourreau, un terroriste notoire, qui pouvait la réduire au silence en une fraction de seconde, mais qui n'en faisait rien parce qu'il avait besoin d'elle. Sakura en aurait ri si elle en avait eu la force. Elle en aurait ri, si Naruto n'y risquait pas sa vie. Mais il y avait longtemps qu'elle n'avait pas ri, bien longtemps aussi que rien n'allait correctement, et rien n'allait en s'arrangeant. Sauf qu'elle pouvait faire quelque chose, là, et s'il y avait encore une chance pour que le désastre s'arrête avant de toute emporter de sa vague, elle ne la laisserait pas passer.

Itachi accepta ses requêtes sans rechigner. Il quitta la pièce, la laissant de nouveau seule. Et soudain, Sakura ne sut plus si elle préférait la solitude à la compagnie d'Itachi. Ses pensées, traîtresses, l'amenaient dans des recoins de son esprit qu'elle ne souhaitait pas explorer, que la présence écrasante et terrifiante d'Itachi annihilait.

Trois jours après, Sakura tenait dans ses mains l'antidote. Le travail avait de bien qu'il la détournait de ses pensées, et refluait la douleur et la peur.

- Alors ? demanda Itachi.
- Il faut attendre. Et espérer.

Itachi acquiesça sans mots. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que la question qui taraudait Sakura ne franchisse ses lèvres.

- Et s'il ne se remet pas quand même ?
- Alors je te relâcherai.
- Pourquoi ?
- Pourquoi te tuer ou laisser d'autres membres de l'Akatsuki te torturer alors que rien n'égalera la torture que tu t'imposeras à l'idée de ne pas avoir pu sauver ton meilleur ami ?

Sakura déglutit, et ne posa plus de questions.

L'attente, infinie, à supplier Naruto d'aller mieux, de reprendre des couleurs, des signes de vie, était terrible. L'attente, dans un silence glacial et horrifiant, la poussait à se retrancher dans ses souvenirs, à réfléchir, à occuper son esprit pour ne pas devenir folle. L'attente était pire que tout, mais soudain, ses pensées furent pires encore. Dérivant de son ami, allongé dans un coma dont elle espérait le tirer, en état de vivre, de marcher, à l'homme qui se tenait à ses côtés et qui la terrifiait, à son petit frère, dont elle ne savait plus si elle avait pitié, peur, ou en était dégoûtée.

Un monde s'écoulait entre l'image de Sasuke qu'elle avait gardé de ses souvenirs adolescents, profondément blessé mais encore ingénu, celui qu'elle avait croisé sur l'île, tuant de sang froid son camarade pour ne pas avoir respecté les règles, et celui, presque trop tendre et attentionné, qu'il lui avait offert à leurs retrouvailles. Un monde qui s'entrechoquait dans la vision qu'il avait donnée à l'instant où Itachi était apparu, comme le point culminant de toutes les facettes qu'il représentait. À cet instant, il n'était plus, plus que cette boule de haine pure irradiant qu'Itachi avait façonnée.

Sakura se mit à le haïr, au-delà de toute peur, pour tout ce qu'il avait détruit chez son petit frère. Une haine pernicieuse, qui glissait dans ses veines, alimentait la moindre parcelle de son être, et la rendait insensible à la moindre once de danger.

- Qu'avez-vous fait à Naruto ? Depuis quand le retenez-vous ? Et Gaara ? Et Sasuke ? Bon sang, Sasuke... Avez-vous conscience de ce que vous avez fait de lui ?

Elle pleurait maintenant franchement, de rage, de désespoir, à la place de cette Sakura qu'elle avait été. Elle pleura de ne pas avoir réussi à détourner Sasuke de son désir de vengeance, de ne pas être parvenue à éteindre ce feu qui le consumait lentement, depuis des années. Elle pleura pour ce Sasuke dont le frère, le héros avait fait exploser l'intégralité de son univers, pour cette Sakura de vingt-sept ans qu'il avait failli tuer, à cause d'un seul homme. Elle pleura, parce que cet homme, détestable au-delà des mots, l'avait sauvée, et lui promettait de vivre. Elle pleura, parce qu'il était désormais son seul intermédiaire avec le monde extérieur, sa bouée de sauvetage, peu importait à quel point elle désirait le frapper à le défigurer, à le tuer de ses mains, elle qui s'était vouée à la médecine, à sauver sans distinction.

Itachi ne répondit pas directement. À dire vrai, Sakura n'était plus sûre d'attendre une réponse de sa part. Mais lorsqu'elle vint enfin, ce n'était pas celle à laquelle elle s'attendait.

- Ce qu'il faut faire pour protéger ceux que l'on aime, et ce qu'il faut faire pour être quelqu'un de bien sont deux choses différentes.



J'ai écrit toute cette fiction avec cette phrase finale d'Itachi en tête. J'ai construit tout autour de cette seule phrase, que je voyais comme le point culminant de cette fiction, réutilisé les passages du manga pour graviter autour de cette déclaration.

Le reste, maintenant, ne devrait découler que de ce que j'ai déjà parsemé.

Pour le titre du chapitre, j'avais choisi au départ Hortensia, qui est censé représenter l'amour filial




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