Fiction: Lilas

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Sakura se sentit ballottée. Le sang pulsait douloureusement à ses tempes, et elle mit quelques secondes à comprendre qu'elle avait la tête à l'envers. Sa mâchoire lui faisait mal, et elle se mit à geindre au travers du bâillon. La peur s'insuffla dans ses muscles, son cœur. Les larmes se mirent à couler contre le tissu qui lui barrait la vue. Désorientée, terrifiée, elle se débattit pour se défaire de la prise qui l'enserrait. Mais ses bras attachés lui empêchaient toute amplitude de mouvement. Son coude la lança instantanément, et elle glapit. L'homme s'arrêta un instant pour la recaler sur son épaule.

- Silence.

La voix lui sembla familière au travers du brouillard qui la happait, et elle se souvint, choquée. La grimace horrible de Sasuke, son épée fonçant sur elle... Un homme, un seul, pouvait bien transformer ainsi le calme et froid Sasuke. Son sanglot s'étouffa contre la boule dans sa bouche, et elle crut s'étrangler avec sa salive.

Itachi Uchiwa. Elle était captive d'Itachi Uchiwa.

Elle était encore en vie. Elle tenta de puiser du réconfort dans cette pensée. Elle était vivante, pas plus amochée que ce qu'elle était déjà. Mais que pouvait-elle faire contre un homme qui avait fait partie des forces spéciales ? Son cœur se mit à battre plus vite, plus fort, et sa respiration s'accéléra. L'angoisse montait en son sein, courrait dans ses veines, palpitait dans sa tête, lui tordait l'estomac et engourdissait ses bras. Mon dieu, je vais faire une crise cardiaque ! songea-t-elle brusquement, et ses larmes redoublèrent.

L'homme s'arrêta de nouveau.

- Si tu tentes de t'enfuir, je te tue.

Ses poumons se vidèrent de leur air, sa cage thoracique se bloqua. Tremblante, Sakura fit son possible pour rester immobile, à mesure que son corps lui échappait. Il la posa à terre sans douceur, la maintenant par ses bras. Son coude craqua de nouveau, et sa tête se mit à tanguer subitement. Non, non, non ! hurla-t-elle pour elle-même, tout pour rester éveillée.

- Si tu cries, je te tue.

Sakura hocha la tête, et l'homme lui ôta finalement son bâillon. Elle inspira bruyamment de grandes goulées d'air, souffla le plus longtemps qu'elle put. Il lui fallut plusieurs minutes pour parvenir à calmer son cœur erratique.

On lui colla contre les dents un goulot, et elle sentit un liquide couler le long de son menton à mesure qu'elle recrachait.

- C'est de l'eau. Bois.

Elle finit par s'exécuter. Ce n'est qu'à ce moment qu'elle se rendit compte d'à quel point elle était assoiffée.

L'homme la releva sans ménagement. Elle faillit perdre l'équilibre, la corde entourant ses chevilles l'empêcha de se rattraper, mais l'homme la souleva brutalement. Son thorax rencontra violemment l'épaule de l'homme, lui coupant un instant la respiration. Des étoiles dansèrent devant ses yeux bandés.

- Au moindre cri, au moindre mouvement, je te sectionne l'artère fémorale.

Sakura ne sut d'où lui vint l'effronterie et le courage nécessaire, mais elle finit par soulever l'évidence :

- Vous avez besoin de moi.

Il ne répondit pas immédiatement.

- Je trouverai une autre solution.

Et il se remit en route. La peur la paralysa de nouveau, et il lui fallut compter sur tous ses sens ravivés par l'adrénaline pour ne pas s'évanouir. Sakura se sentit brinquebalée pendant encore ce qui lui sembla être une éternité avant que l'homme ne la dépose de nouveau. Elle entendit le son d'une trappe qu'on ouvre, et l'homme la saisit de nouveau par la taille. Son corps tressauta de haut en bas, et elle sut qu'ils descendaient des escaliers. Un grincement métallique dans son dos, l'homme pivota, lui donnant la nausée, avant qu'un second grincement retentisse. Une porte.

Finalement, il la posa de nouveau, sur une chaise cette fois, et elle sentit l'homme s'affairer à ses chevilles et ses bras. Lorsqu'il lui ôta son bandeau, Sakura sut qu'elle était fermement attachée à la chaise.

Elle cligna des yeux, le temps de s'habituer à la pénombre de la pièce, seulement éclairée de quelques rares néons grésillants qui n'avalaient pas tous les points d'ombre. Spartiate, froide et humide, elle ne contenait qu'une table entourée de deux chaises, des toilettes dans un coin, et un banc de pierre accolé au mur. L'homme s'installa finalement face à elle, et la ressemblance frappante avec son frère ne laissa plus de doute permis. Elle avait devant elle le portrait craché de Sasuke, avec des cheveux plus longs, assurément plus vieux, le visage marqué de cernes violacés qui lui donnait un air maladif.

Lui-même la détaillait autant qu'elle ne le faisait, et elle se dit qu'elle aurait mieux fait de baisser les yeux. Mais la fascination glauque prenait le pas sur son instinct de survie, et elle nota dans sa tête la moindre observation qu'elle put faire.

- Où suis-je ?
- Tu te doutes que je ne vais pas révéler cette information.
- Pourquoi suis-je là ? corrigea-t-elle donc.
- Tu es médecin.

C'était une affirmation. Son identité était connue.

- Des médecins, il y en a pleins.

Itachi ne bougea pas. Il laissa le silence s'installer, comme s'il jaugeait l'utilité de répondre. Il ajouta cependant :

- Peu de ton galon.

Sakura éclata d'un rire amer et nerveux. Elle aurait voulu se blottir dans un coin, fermer les yeux pour les rouvrir et se rendre compte qu'il ne s'agissait là que d'un mauvais rêve, d'une immense mascarade. L'homme qui avait assassiné l'intégralité de sa famille de sang froid se tenait à quelques centimètres d'elle, requérant ses talents. Dire qu'elle n'avait aucune envie de l'aider aurait été d'un euphémisme sans nom, et elle souffla soudain entre deux hoquets :

- Je veux rentrer...
- Quand tu auras accompli ta mission.

La perspective qu'il puisse la relâcher saine et sauve redoubla ses sanglots. Itachi attendit patiemment qu'elle reprenne le contrôle d'elle-même avant de poursuivre.

- Je veux que tu sauves une personne. Si tu y parviens, je vous relâcherai tous les deux.
- Et si... et si je n'y parviens pas ? bégaya-t-elle.

Itachi la sonda d'un regard glaçant, et elle détourna subitement les yeux, horrifiée.

- Fais en sorte d'y parvenir.

Il se releva pour la détacher après un dernier avertissement. Sakura se tint tranquille, la conscience aiguë qu'elle mourrait ou finirait de nouveau attachée au moindre mouvement suspect. Il s'avança vers la porte, et se retourna à la dernière seconde vers elle.

- Tenter de fuir est vain. Il y a derrière cette porte de nombreuses personnes qui n'hésiteront pas à te tuer à l'instant même où ils te verront.

Et il la laissa, fermant à clé malgré tout derrière lui. Sakura essuya ses joues, se frotta ses poignets, et nota l'information dans un coin de son esprit. Ainsi Itachi Uchiwa agissait de son propre chef. À l'encontre de l'avis des autres membres de l'Akatsuki ? À moins qu'ils ne soient même pas au courant. Il pouvait tout aussi bien s'agir d'une ruse. Mais que pouvait-il en retirer ? Qui était la personne qu'elle devrait sauver ? Sakura ne parvenait pas à comprendre, n'était pas sûre d'en avoir envie. Elle demeura sur sa chaise, les jambes faibles, tremblante, observant son nouvel environnement, fixant le plafond, avant de fondre en larmes.

Shikamaru la cherchait-elle ? L'équipe avait-elle mis de côté l'opération pour partir à sa recherche ? Et Sasuke... Lui qui avait tant insisté pour maintenir son intégrité, lui qui avait ordonné à son équipage de ne pas toucher un seul de ses cheveux... Il avait été prêt, l'espace d'un instant, à la transpercer pour tuer son frère. L'aurait-il vraiment fait ? Sa haine, gonflée par les années à rêver de sa vengeance, avait toujours été plus forte que son attachement aux personnes qui lui était chères. Sinon... Jamais il ne serait parti, dix ans auparavant. Oui, sûrement l'aurait-il tuée, s'il l'avait jugé nécessaire.

Itachi la retrouva prise de hauts-le-cœur, crachant de la bile dans les toilettes. Si la vision le surprit, il ne fit cependant aucun commentaire. Il déposa le plateau qu'il tenait sur la table, et lui fit signe de s'asseoir devant. Sakura s'essuya prestement la bouche, jaugeant les couverts, calculant dans sa tête ses chances de réussir à planter Itachi avant qu'il ne la maîtrise, et abandonna finalement. Même si elle y arrivait, restait - s'il n'avait pas menti - à sortir indemne de sa course jusqu'à l'extérieur. Elle s'installa donc sur la chaise sans mots. L'appétit n'était pas présent, mais elle se força néanmoins à manger. Sa langue lui sembla collée à son palais, sa bouche sèche, mais elle articula néanmoins :

- Je n'ai pas mon matériel médical.
- J'ai ce qu'il faut.
- Pourrais-je voir le patient ?

Plus vite elle s'attellerait à la tâche, et plus tôt elle pourrait sortir d'ici - en vie.

- Pas dans cet état. Tu ferais pire que mieux.

La phrase résonna dans sa tête et lui rappela celle qu'elle avait entendu de la bouche de Sasuke plusieurs heures plus tôt. Sakura faillit éclater de rire de nouveau, tant le parallèle lui semblait absurde.

- Tends tes bras.

Mais elle en était incapable. Si elle dépliait une fois de plus son coude... Elle n'était pas sûre de pouvoir le supporter une nouvelle fois. Sakura se mordit la lèvre, hésitant à forcer malgré tout. Un médecin incapacité par un blessure revenait à un médecin inutile. Sa propre survie dépendait de son aptitude à soigner. Et si elle avait érigé la médecine au rang d'art, nul doute qu'Itachi Uchiwa en avait fait de même avec l'assassinat. Alors elle prit sur elle, commença lentement à lever ses bras, ceintura du mieux qu'elle put la terreur et la douleur et camoufla au maximum sa grimace.

Itachi la fixait toujours, et elle pria pour qu'il n'ait pas remarqué. Enfin, il lui attacha de nouveau les poignets, et l'obligea à se lever à sa suite. Quelques secondes après, elle avait de nouveau les yeux bandés. Un sac lui couvrit le visage juste après, et Sakura se concentra sur sa respiration du mieux qu'elle put. Itachi la poussa dans le couloir, et elle avança sans mots, déglutissant au contact glacé d'une lame contre son cou. Un froid terrible s'insinua dans son corps.

Elle entendit de nouveau le bruit d'une serrure. Itachi lui rendit la vision et détacha ses poignets alors qu'elle étudiait la pièce d'un air étonné. Une salle d'eau. Aussi froide et terne que la pièce dans laquelle elle était séquestrée, mais qui tenait lieu de promesse d'intimité. Jusqu'à ce qu'Itachi ne prenne la parole.

- Déshabille-toi.

Choquée, elle le dévisagea et recula de quelques pas avant d'observer tout autour d'elle.

- Je ne compte pas de toucher, jugea-t-il bon d'ajouter.

Lui-même enlevait sa cape informe, révélant sous ses vêtements amples un corps athlétique. Elle n'avait aucune chance de fuir face à lui. Les pauvres entraînements de Kakashi ne valaient rien face à un tel homme. Ravalant ses larmes de honte et de désespoir, Sakura finit par s'exécuter. Elle n'avait plus aucun moyen de cacher le bandage de son coude, qui la narguait sous le regard inquisiteur d'Itachi. Il lui saisit d'ailleurs le bras, et défit la bande de crêpe pour observer son coude qui avait gonflé et viré au violet. Il croisa ses yeux, et Sakura lui balança amèrement :

- Vous remercierez votre collègue pour ce cadeau !

Il acquiesça, et Sakura se demanda s'il avait pris sérieusement son affront. Puis il lâcha son bras, lui fit signe de s'asseoir sur le petit tabouret, et revint une boîte à la main.

- Tes cheveux son trop repérables.

Si cela n'avait pas signifié perdre ce qui la distinguait, donc potentiellement ce qui pourrait la sauver, Sakura aurait trouvé la situation saugrenue. Elle laissa donc en silence Itachi Uchiwa, terroriste et ancien membre des forces spéciales de Konoha, lui teindre les cheveux. Enfin, alors qu'il se lavait consciencieusement les mains, il lui fit signe de finir de se déshabiller. Une fois assuré qu'elle ne tenait rien dans ses mains, il vérifia les poches de ses vêtements et récupéra tout ce qu'il avait pu omettre à sa première fouille. Puis il lui confia le savon, et la suivit des yeux alors qu'elle se couvrait comme elle le pouvait jusqu'à la douche.

Sakura sentit le soulagement l'envahir lorsqu'elle remarqua qu'il lui laissait suffisamment d'intimité pour se laver. Il demeura dans la pièce, non loin de la porte, les bras croisés, appuyé contre le mur, mais ne se tourna pas vers elle. Dans tous les cas, elle n'avait aucun moyen de fuir ni même de l'attaquer. La pièce ne comportait aucune fenêtre ni aération, et l'arrivée d'eau était incrustée dans le mur de pierre. Elle observa l'eau s'écouler dans la bonde, noire de sa récente couleur ou bien de la crasse qu'elle avait accumulée, elle ne savait pas. Elle claquait furieusement des dents, la peur lui étreignait le cœur comme une vielle amie peu disposée à s'en aller.

Finalement engoncée dans ce qui lui apparut clairement comme des vêtements de rechange d'Itachi, les bras serrés autour de sa poitrine, refusant de s'avancer plus, elle laissa les doigts glacés de celui-ci brider ses sens et ses mouvements de nouveau. Et, alors qu'ils repassaient de nouveau dans les couloirs, la pensée subite qu'il ne la ramenait pas dans sa cellule lui traversa l'esprit. Lorsqu'elle ouvrit de nouveau les yeux, elle déjanta. Devant elle, le corps pâle et inerte dévoilait son identité sans scrupules.

Elle avait retrouvé Naruto.



J'admets être relativement fière de ce chapitre, et en particulier de la fin de celui-ci.
En revanche, les dialogues entre Itachi et Sakura ne sont pas faciles à écrire.

J'espère que le tournant que prend l'histoire vous plaît.

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