Fiction: Le Serpent Blanc

Orochimaru est psychiatre à Konoha, cependant, personne ne se doute qu'il est à l'origine des inquiétantes disparitions.
Classé: -12D | Drame / Mystère / Romance | Mots: 11901 | Comments: 12 | Favs: 1
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MlleChouette (Féminin), le 04/03/2016
Hey ! Nous revoilà pour un tout nouveau chapitre, tout chaud ! :D



Chapitre 3: Rendez-vous avec le Diable



Tandis que la ville entière frémit sous le grondement du tonnerre, le chauffeur personnel de Tsunade se tient debout, sévère, la veste de son costume gris ouverte et le bras tendu en avant. Il a surgit de la voiture avant le coup de feu, a dégainé, et a tiré.

Une seule fois.

Dans la tête.

L'homme de la voiture blanche bascule en arrière, la main toujours agrippée autour manche de son arme, et s'effondre, telle une poupée de chiffon, sur le béton de la ville.
Tous les regards effarés à la vue de ce sang qui recouvre la route granuleuse, engloutissant les bandes blanches de la signalétique tracée au lourd pinceau sur le sol, se figent sur le chauffeur dont le visage demeure impassible. Le vent soulève sa mèche curieusement grise pour son âge pour découvrir le cuir noir de son cache-œil qui surmonte sa pommette gauche.
Shizune, qui a assisté à la scène bien à l'abri derrière les sièges et le pare-brise de la berline noire, observe avec un regard pétillant l'homme rabaisser lentement son bras, le canon du pistolet pointer vers le sol.
La main plaquée contre sa poitrine comme pour empêcher son cœur de s'enfuir, Tsunade est la seule personne dont le regard reste bloqué sur le corps de l'homme mort. La peur la paralyse, et tout ce sang… Tout ce sang éjecté d'une manière si brutale d'une cervelle probablement empoisonnée par une folie meurtrière ou par elle ne sait quoi d'autre… en plus d'engourdir son corps, ça l'interdit de réfléchir.

— Madame, murmure le chauffeur.

Aucune réaction ne vient secouer le moindre nerf de la femme. L'œil unique du chauffeur se lève en direction des bâtiments dans lesquels sont perchés les citadins mélangés aux touristes. Un regard désapprobateur leur suffit à désactiver la caméra de leur téléphone portable, bien qu'effarés, eux aussi, par la scène qui a frappé de plein fouet leur conscience.
Le borgne s'approche de la femme après avoir déposer son arme sur le toit de son véhicule. Rassurant, il recouvre ses frêles épaules de sa veste grise et l'entraîne, doucement, vers sa voiture. Enfin, il l'a fait s'asseoir sur son siège de conducteur, les jambes hors de la voiture, pour s'agenouiller devant elle.

— Ça va aller, dit-il tout bas. C'est fini.

Tsunade le fixe, encore pétrifiée par ce qu'elle vient de voir…

— Ka… Kakashi, balbutie-t-elle. Je vais… Poussez-vous

À peine a-t-elle achevé sa phrase qu'elle bouscule son chauffeur en simple mouvement concentrant une sacrée vigueur dans son bras pour rejeter, juste en face de lui, le repas du midi, épargnant heureusement les jolis mocassins noirs du chauffeur.
Tsunade ferme les yeux, et que se soit de honte ou de douleur, elle ne retient pas la grimace qui se forge entre les traits de son visage devenu blême.

— Tsunade-sama, s'inquiète Shizune en se hissant de la banquette arrière.
— Ça va… Ça va…

Le borgne se redresse et constate sans étonnement les citadins de Konoha descendus dans les rues. Quelques uns se hissent sur leurs pieds de manière à regarder, par pure curiosité, le résultat de cet affrontement derrière les masses corporelles des policiers déjà sur place. L'homme qu'il a tué aussi froidement est toujours étendu, là, à-même le sol, à une quinzaine de mètres de lui. Il a été recouvert d'un drap blanc, souillé par la teneur de son corps inerte…


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Le ronronnement du papier sous la caresse d'une mine de crayon règne en maître dans la bulle où s'enferme Seiko. Elle ne remarque même pas toute cette agitation autour d'elle, l'esprit plongé dans les courbes de son prochain dessin. Son style a toujours été considéré comme grossier, manquant sévèrement de finesse. C'est vrai, elle le reconnait. Mais elle ne s'est jamais attardée sur les détails inutiles ; ce qu'elle cherche avant tout, c'est véhiculer un message. Le dessin n'est qu'un outil. C'est pourquoi on ne la voit jamais penchée sur sa feuille à gommer et à repasser, puis à gommer de nouveau pour laisser des traces dégueulasses sur sa feuille. Elle aime quand tout est propre, que se soit mal fait, disproportionné, c'est comme ça.

— Seiko !
— Quoi !

Elle a bondit sur sa chaise pour jeter son regard sur un journaliste de la rédaction.

— T'as entendu ce qu'il s'est passé ?
— Tu vois pas que je suis occupée à traiter sur un sujet autre que celui du chat des Sarutobi ? s'agace-t-elle en lui montrant son dessin.
— On a cherché à tuer Tsunade. Un homme a menacé de se suicider si elle ne retirait pas sa candidature, et malgré qu'elle ait promis, il a voulu tirer sur elle. Son chauffeur personnel a été plus rapide et a abattu l'homme d'une balle dans la tête.
Seiko fronce les sourcils pour mieux lire dans les yeux de l'homme avec un léger sourire sur ses lèvres.
— Tu me chantes quoi, là, Emon ?…
— Ok, soupire-t-il en devinant qu'elle ne le croit pas. Il y a des journalistes qui t'attendent à la réception.

La dessinatrice hésite. Surprise, elle regarde autour d'elle pour remarquer que ses collègues ne trouvent rien d'autre à faire que la dévisager avec instance. Certains se retournent à ce moment-là et se remettent à travailler.

— Des journalistes, hein…

Seiko se lève en reprenant son poncho couleur d'automne et manquerait bien de bousculer Emon en se dirigeant vers la sortie si lui-même ne s'était pas écarté pour lui céder le passage.


Les talons de la caricaturiste résonnent furieusement dans les couloirs. Elle arrange sa longue chevelure épaisse dans un soupir agacé et réajuste son vêtement sur ses épaules avant de faire son apparition devant deux personnes étrangères à l'établissement.

— La voilà, fait le cameraman en tournant son objectif vers elle.

Son collègue s'est retourné pour reprendre son micro et s'avancer vers la femme.

— Bonjour Ma…

Il vérifie l'annuaire de sa main gauche.

— Ma… demoiselle Matsuda ? hésite-t-il en constatant qu'elle ne porte pas d'alliance.
— Oui.
— Ça vous dérangerait qu'on vous pose quelques questions au sujet des derniers événements ?

Seiko jette un coup d'œil sur le micro, puis sur la caméra.

— Konoha News, dit-elle simplement.
— Oui…
— C'est en rapport avec ce qui vient de se passer, je suppose.
— Oui, ça ne vous dérange pas ?
— Posez vos questions…
— Très bien, on commencera dès que je vous ferai signe.
— C'est bon, assure le cameraman.
— Ah bah… Ok.

Le journaliste se retourne face à la caméra pour commencer son débitage de présentation à rallonge. Seiko l'observe agiter sa nuque d'une façon vivace et désagréable pour les yeux. Elle l'écoute à peine. Elle sait juste qu'elle est nommée de tous les noms qu'on lui a attribuée au cours de ces quatre années de service pour la presse. Mademoiselle Matsuda, pour la courtoisie, Matsuda pour le côté plus professionnel, Seiko pour se donner un genre plus coulant, et son pseudonyme Say dans le but de s'encrer dans le contexte du journal, quoiqu'il peut être confondu avec son surnom Sei utilisé seulement par les plus intimes, et Dieu sait que peu de personnes, même très proches, s'autorisent à l'appeler ainsi. Seiko, jeune, belle, et vivant comme une vieille personne moralement décrépie par la vie sans jamais sortir de son antre, a même eu le droit à Sorcière de Konoha… qui n'est, ici, pas mentionné.

— Nous voici donc avec Mademoiselle Matsuda, dessinatrice en chef du journal La Reine Luciole.

Il refait face à Seiko. Ce n'est pas la première fois qu'elle doit s'exprimer devant une caméra, elle est habituée.

— Mademoiselle Matsuda, bonjour.
— Bonjour, se force-t-elle sans même esquisser un sourire.
— Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de Tsunade-sama ?

Seiko grimace légèrement. Bien qu'elle s'est attendue à cette question dénuée de sens à ses yeux, elle était loin de s'imaginer qu'elle puisse être posée.

— Tsunade est une femme avant tout, répond-elle néanmoins, avec ses qualités et ses défauts. Cependant, cet énième détournement de fond démontre une certaine malhonnêteté, c'est un fait, et ça ne l'aidera absolument pas à remonter dans les sondages.
— Condamnez-vous l'acte de ce midi ?…

La dessinatrice voit arriver derrière ses premiers invités une autre chaîne de télévision. Elle ne leur accorde que peu de temps pour se préparer à l'écouter et embraye de suite :

— Personne ne mérite de mourir, et rien ni personne n'a le droit de vie et de mort sur autrui. Aussi, on ne sait pas ce qu'il y avait derrière cette tentative d'assassinat, alors je ne vois pas comment on peut se permettre de juger à la hâte, et encore moins de condamner.
— Et l'intervention du chauffeur ?
— Il a sauvé une vie et en a détruit une.
— Qui s'apprêtait à tuer Tsunade-sama, complète-t-il.
— Il en a quand même détruit une.
— Oui, mais…
— Une balle dans la tête, rétorque sèchement la femme, c'est un fin tireur. Tout dépend de son angle de vue, mais à mon avis, rien ne l'empêchait de viser les jambes, le bras, ou ailleurs que la tête.

Le journaliste hésite, mais au final, pour le bien de son journal, il se lance :

— Et ça, vous le condamnez ?…
— Non. C'est qu'on a probablement perdu des informations d'une relative importance en tuant cet homme.
— Comme ?
— J'en sais rien. C'est pas à moi qu'il faut poser toutes ces questions…

L'homme bouge nerveusement. Seiko doit avoir seulement trois ans de plus que lui, et voilà qu'elle lui fait une sale impression…

— D'autres questions ?
— Hum… Je crois que… non…
— Euh, murmure le cameraman.
— Ah ! Si : regrettez-vous votre dessin de ce matin ?

La femme redresse vivement la tête, et dans son regard dans lequel ne brille aucune lueur, on peut facilement lire l'outrage. Vexée, elle se mord la joue en regardant autour d'elle. Ses yeux d'un noir étouffant se déposent sur l'homme à l'accueil, puis de nouveau sur le journaliste qui retient brutalement son souffle.

— Vous savez, fait-elle de sa voix glaçante, j'suis pas payée pour détester les personnes sur lesquelles je dessine, mais pour me foutre de leur gueule. Je ne déteste pas Tsunade, je critique avec sarcasme ce qu'elle a fait sur le dos des gens, et qu'importe ce qu'elle vit actuellement, elle a détourné les fonds qu'ont versé ses partisans pour une villa au pays des Rizières, magnifique contrée. Vous croyez quoi ?… Moi, j'm'en fous, je finance pas sa campagne, c'est pas mon fric, c'est pas à moi de la détester. J'laisse ça aux autres.

Après quelques courtes secondes, elle lui sourit faussement :

— Autre chose de plus pertinent que le reste ou on s'arrête sur cette entrevue-là ?

Cette femme est terrible.
Le journaliste reconnait devant lui ce qu'est une sorcière… Une beauté effrayante et d'un charme fou, de longues boucles noires qui tombent sur son châle sombre et un teint naturellement hâlé agrémenté d'un rouge-à-lèvre terne sur son sourire amer… Oui, elle a tout d'une sorcière revêtant l'apparence d'une nymphe de l'Enfer. En un haussement de sourcils, elle leur arrache une rauque réponse mettant fin à ce stupide jeu et grâce à quoi, l'instant suivant, ils se jettent dans la rue pour échapper à son regard dévastateur.
Les deux autres journalistes présents à la réception ont vu s'enfuir leurs collègues. Pas un mot de leur part, ils reçoivent quant à eux un sourire amical de la dessinatrice avant de la voir ouvrir les pans de son châle pour les rabattre comme des ailes sur elle, et tourner élégamment les talons en direction de là où elle a surgit.


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Sarada rattrape Mitsuki qui s'est enfuit après le cours de mathématiques. Les rues sont froides, à cette heure-ci ; en tous cas, plus froides que la journée. Il doit être dix-huit heures passées car les élèves ont été retenus par leur professeur.

— Euh, je peux te parler deux secondes ?

Il la regarde à peine et se contente de lui dire qu'il est pressé.

— Juste deux minutes, insiste-t-elle.
— Tu prends quel bus ?
— Le 112.
— Pareil, on parlera sur le chemin.

Sous un vent glacial qui frigorifient leurs mains, les deux adolescents ne tardent pas à arriver à l'arrêt. Le baiser de l'hiver est mordant, et la jeune Uchiwa voit le teint lunaire de Mitsuki qui s'allie à la froideur du paysage virer à un rouge vermeil lorsqu'ils entrent dans le bus. Seul le bout de son nez conserve sa pâleur.

— Tu voulais me dire quoi ?
— Euh… Est-ce que… Est-ce que tu sais pourquoi Boruto…

Sarada n'arrive pas à finir sa phrase, bien trop gênée par les sentiments qui l'animent ces-derniers temps. C'est lorsqu'elle passe une main tremblante dans ses cheveux que le jeune homme se rend compte du mal que lui a fait son meilleur ami.

— Non, répond-il, l'air navre. Je sais pas, il m'a rien dit. Tu lui as demandé ?
— Il ne répond plus à mes SMS…
— En face, je veux dire.
— Non, j'ai essayé, mais… il…

Elle soupire. De lassitude ou de chagrin, Mitsuki ne saurait le dire.

— Il s'en va, termine-t-elle. Tu sais s'il a… euh… tu vois ?
— Quelqu'un d'autre ?… Non, je crois pas. C'est pas son genre de jongler avec les filles.
— Ça fait deux mois qu'on n'est plus ensemble… alors je me disais…
— Non, il m'en aurait parlé.
— Mais tu es son meilleur pote, s'agace-t-elle soudainement. Tu devrais savoir pourquoi, non ?

Il observe le regard sombre et assaillant de son amie d'enfance comblé de reproches, voire de menace, derrière le verre de ses lunettes rouges. Il le prend mal, bien évidement, mais il choisit de ne pas le lui montrer afin de garder le calme entre eux :

— Je peux essayer de lui parler pour comprendre, mais je te promets rien, O.K ?

Sarada baisse les yeux, quelque peu gênée. Elle ne s'est pas rendue compte de son agressivité, car ça fait bien deux mois qu'elle agit ainsi. Avec sa mère, avec ses anciens amis… Mitsuki est le seul à ne pas lui avoir tourné le dos, elle n'a aucune idée de l'amitié qui unit ces deux adolescents. Lui seul en a conscience…

— Je descends-là, signale l'Uchiwa. À lundi.

Elle n'attend pas qu'il lui réponde et descend avec une petite foule de personnes sur le trottoir. Quand le bus redémarre, Mitsuki jette un coup d'œil inquiet sur Sarada qui marche avec son portable en main et ses cheveux noirs bravant le vent glacial.
Lui, il est au chaud. Il trouve une place assise et s'y installe confortablement pour un trajet qui promet d'être long.


Il arrive un moment où Mitsuki doit descendre du véhicule afin de rejoindre sa famille. Il traverse quelques rues, passe par un petit chemin tracé dans une forêt, et enfin, il rejoint la route pour marcher encore quelques instants, en retrait sur la droite, entre le béton verglaçant et la fraîcheur d'une herbe naturelle.

Enfin, après cinq minutes de marche, il pousse la porte du bungalow dans lequel il loge. L'adolescent a salué son arrière-grande-tante qui se porte bien malgré son âge avancé, puis il détourne son attention sur son père dont le visage qui semble jeune est ravagé par un puissant chagrin.

— Mitsuki…

Il soutient encore le regard sans prononcer un seul mot. Chaque fois qu'il approche cet endroit, le mutisme le gagne, lui qui a tendance à être joyeux auprès des personnes qu'il aime.

— On pars dès que tu es prêt.
— Ok, souffle-t-il.

Sa chambre n'est pas loin. Un pas, deux pas, deux pas et demi, il y est. C'est petit, mais on finit par s'y habituer, à force. Il pousse le rideau qui maintient tout de même son intimité à l'abri des regards pour découvrir un long kimono noir étendu sur son lit.
Le souffle coupé par un cœur de plomb, Mitsuki se retourne vers son père qui l'observe de son regard glacé, envahi par la souffrance et pourtant plein de tendresse.

— Ne tarde pas, fiston. Ta mère n'apprécierait pas…

Sa mère…
Sa mère, il n'a jamais imaginé…
Il n'a jamais imaginé la perdre aussi tôt.


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Un cliquetis retentit dans une pièce rompue entre l'obscurité et la lumière, Orochimaru vient de déposer son scalpel parmi les autres outils ensanglantés. Éreinté, il s'appuie sur la table d'opération où gît le corps d'un homme et observe avec un œil critique le résultat de ses recherches. Cette sensation de tourner en rond ne cesse de durer, de s'étaler dans le temps, à un tel point que lui, pourtant réputé pour son sang-froid légendaire, en vient à laisser échapper un juron d'une voix puissante. Le scientifique se redresse brusquement pour éteindre dans un mouvement sec l'affreux grésillement que la radio ose émettre tout près de son oreille et retire dans la même élancée ses gants en plastique en deux claquements retentissants.

Enfin, il se reprend.

Il existe des moments comme celui-ci où Orochimaru se sent à deux doigts de son objectif, où la marche circulaire qu'il effectue autour se resserre, mais qu'au final, face à la réalité, il se rend compte qu'il s'est éloigné de ce qu'il cherche à atteindre.

Ses paupières curieusement violettes laissent de nouveau passer le monde réel dans ses yeux dorés lorsque quelqu'un sonne à sa porte. Dans des mouvements lents et coordonnés, il se débarrasse de sa blouse maculée de sang, libère ses longs cheveux de l'élastique qui les a retenu durant toute l'opération et se revête sa veste beige.
Le revoilà psychiatre.
En sortant de la pièce qui est en fait la cave de son incroyable demeure ressemblant à un manoir égaré dans une vaste propriété isolée, il passe devant son jeune assistant en lui murmurant quelques mots discrets :

— Mets le corps en conversation.

Et il va en personne ouvrir à ses invités pile au moment où Kabuto disparaît dans un escalier caché entre deux bibliothèques.
Sa pupille reptilienne se pose en premier lieu sur deux magnifiques émeraudes chatoyants sous la lumière d'un réverbère solitaire, puis elle se déplace sur un regard sombre à moitié caché par le verre de lunettes rouges.

— Bonsoir, sourit-il en se décalant d'un pas.
— Bonsoir, Docteur.

Sarada a pris le temps de jeter un bref coup d'œil sur le fameux psychiatre aux allures de haut bourgeois. Celui-ci mène la mère et sa fille à la salle qui lui sert de cabinet en les priant de le suivre. Ils passent par la salle d'attente sans s'y arrêter et entrent enfin dans cette pièce lourde de secrets. Tout est fait pour que le patient se sente à l'aise : l'éclairage trouve le juste milieu entre l'obscurité et l'éblouissement, des rideaux blancs se referment sur une grande fenêtre et laissent entrer la lumière, des objets en touts genres, convenant aux goûts de n'importe qui, agrémentent cette ambiance conviviale. Cette pièce reste d'un luxe simple pour les uns et d'une modestie pleine de charme pour les autres.
Orochimaru installe la petite famille à son bureau avant de s'asseoir à son tour en face d'elle sur un fauteuil très prisé des médecins.

— Si je me souviens bien, il s'agit de votre première consultation.
— Oui, confirme Sakura en jetant un coup d'œil sur sa fille.

Le psychiatre répond par d'un léger mouvement de tête et décide, ou du moins selon la procédure, de leur consacrer un quart d'heure pour expliquer les tenants et les aboutissants et d'élucider les doutes que pose la femme. Sarada, elle, écoute à moitié, voire pas du tout, contrairement à sa mère pendue aux lèvres du psychiatre. Celui-ci a bien remarqué qu'il ne captait l'attention que d'une personne sur les deux. Habituellement, cela a tendance à lui déplaire. Pour cette occasion-là, il n'en veut à personne et estime une maturité d'esprit juvénile en dépit de son âge auquel on se doit de s'intéresser à ce qui nous entoure.
En parlant d'âge, Sarada a bien du mal à en donner un au psychiatre. Cinquante ans, ça lui semble correct. Ce qui est incroyable, tout de même, c'est que les rides ne font qu'effleurer sa peau d'une blanche plus stupéfiante que celle de Mitsuki, et ses cheveux d'un noir de jais gardent leur éclat. Pas un fil blanc, on en soupçonnerait une teinture… Il y a des gens, comme ça, qui vieillissent avec une lenteur à en faire rougir Dieu de jalousie… Comme le Diable.


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Un énième couinement des essuies-glace accompagne la voix grésillante de la radio. Sasuke conduit son énorme voiture noire, plongé dans ses pensées. Il prête à peine attention à ce qui est dit.
Toutefois, dans tout ce bla-bla incessant, agaçant, même, une information parvient à percer sa carapace :

[i]« C'est la troisième personne qui disparaît mystérieusement ce moi-ci. On recherche un étudiant de la vingtaine, de taille moyenne et de carrure fine, brun aux yeux bleus, répondant au nom de Ozawa Yuri. Les enquêteurs travaillent vigoureusement afin de le retrouver ainsi que les victimes précédentes. Monsieur le maire, quelles précautions à suivre comptez-vous installer pour protéger la population ?
— Tout d'abord[/i], commence le vieil homme proche de sa retraite, nous commencerons pas instaurer dès demain un couvre-feu à partir de vingt-et-une heure. Puis nous… »

Sasuke sursaute violemment lorsqu'un chauffeur à sa gauche fait hurler le Klaxon de sa voiture. Il entend les insultes briser la vitre de son véhicule, mais garde toutefois son calme et reconnaît son erreur. L'Uchiwa est une des rares personnes à faire preuve de sang-froid au volant malgré tous les maux qui l'accablent. Il éteint la radio pour se replonger dans l'agréable silence perturbé par les roues de sa voiture écrasant les grains du bitume.


Il ne tarde pas à rentrer chez lui, seulement, il s'étonne que le verrou soit fermé à double tour. En franchissant la porte, il constate qu'aucune lumière n'est allumée…

— Sarada ?…

Le silence est la seule réponse, et cette fois-ci, au lieu d'être agréable, il installe en lui un sentiment d'inquiétude.

— Sakura, réessaie-t-il d'une voix légèrement plus tremblante en s'avançant dans le long couloir.

La routine exigerait qu'il se débarrasse de sa longue écharpe rouge qui pend sur ses épaules, mais la routine est absente, ce soir-là.
Sasuke passe sa main sur son front en fermant les yeux. Sa femme lui a-t-elle dit que Sarada et elle sortaient un moment ?… Il ne se souvient pas… À moins que le rendez-vous avec le psychiatre pour sa fille soit aujourd'hui, après ses cours…
Il est dix-neuf heures passées ; c'est rare qu'il rentre aussi tôt, mais ça ne l'empêche pas de se ronger les sangs pour sa famille…
Le père fouille dans sa poche pour sortir son téléphone portable et composer rapidement le numéro de sa femme. Avec le haut-parleur activé, il s'avance vers la table de la salle à manger et s'assied à une chaise. Il patiente. Plus ou moins, en fait. Plus exactement, il attend, avec une impatience traduite par les tremblements excessifs de sa jambe, qu'elle décroche.
Répondeur.

Il n'attend pas une minute pour la rappeler, la boule au ventre. Pourquoi ne répond-elle pas ? Ce n'est pas souvent, qu'il l'appelle, pourtant !


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Sakura fouille dans son sac pour dénicher son portable, obligeant Orochimaru à s'interrompre dans ses explications. Elle s'est excusée une première fois, il l'a entendue, et elle ne s'est pas occupée des vibrations incessantes. Peut-être à cause du regard perçant du psychiatre… Mais là, c'est la deuxième fois.

— E… Excusez-moi, bafouille-t-elle, à la fois surprise et gênée. C'est mon mari.

C'est à peine si elle va pour demander l'autorisation de répondre en jetant un regard sur le psychiatre.

— Il n'y a pas de mal, fait-il tout de suite de sa voix gutturale.

Sakura se lève dans la seconde en décrochant le téléphone.

— Allô ?
[i]« Où êtes-vous »[/ï]
— Euh…

Elle s'éloigne de quelques pas.

— Chez le psychiatre, répond-elle sur un ton proche du murmure. Pourquoi ?
« Tu ne m'as rien dit » reproche-t-il.

Elle manque bien de lui renvoyer une phrase qui lui fermerait le clapet, mais la présence du médecin, et même celle de sa fille, l'en empêchent. Orochimaru ne se gênerait absolument pas à écouter la conversation téléphonique si la lycéenne ne serait pas là à l'observer d'une manière des plus discrètes qu'il lui est possible. Mais le médecin est loin d'être dupe : il voit sans regarder.

— Alors, surgit-il, surprenant. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Sarada a sursauté intérieurement. Comment un homme tel que lui peut-il mettre en confiance ses patients ?… Elle a détourné le regard d’une façon automatique, et lorsqu’elle se force à regarder son psychiatre, elle discerne un léger sourire qui lui donne un air sympathique malgré son faciès de serpent.

— Euh… Je… euh…
Elle hésite, prise de cours.
— Hum… On verra ça tout à l’heure, tranche-t-il en lui décochant un clin d’œil.
La jeune fille se sent rougir jusqu’aux oreilles. Elle ne sait pas comment réagir… Alors elle ne réagit pas.
Orochimaru lève son regard sur la mère qui s’approche après avoir raccrocher son portable. Elle semble inquiète, mais ne dit rien. Le psychiatre lui sourit, mais sûrement pas par sympathie. Il a deviné.

Voilà qu’on a enfin lancé l’avis de recherche pour ce fameux Ozawa Yuri.



Rédigé avec le cœur. ^,^
N'hésitez pas à laisser un commentaire, ça me ferait super plaisir ! :D




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