Fiction: Le Serpent Blanc

Orochimaru est psychiatre à Konoha, cependant, personne ne se doute qu'il est à l'origine des inquiétantes disparitions.
Classé: -12D | Drame / Mystère / Romance | Mots: 11901 | Comments: 12 | Favs: 1
Version imprimable
Aller au
MlleChouette (Féminin), le 05/02/2016
Et v'là qu'j'incruste le personnage tant attendu !
Ça commence par un "Orochi" et ça finit par "maru", à vous de trouver !
Pour répondre aux deux premiers commentaires d'Absconse et de Dallet, je suis ravie que le début vous plaise (en espérant que la suite aussi ! xD), et je vous remercie grandement pour vos encouragements !
Alors oui, aussi, Sakura est la vraie mère de Sarada… dans le manga. Mais pas ici ! C'est juste histoire de pimenter un peu (et pas seulement, eh !).
Vuala ! Bonne lecture !




Chapitre 2: Fini de rire



Iruka reçoit une notification sur son téléphone portable, faisant ainsi jaillir un flot d'interjections de ses élèves qui, jusqu'alors, ont attentivement suivi son cours de philosophie.

— C'est pas moi ! s’en récrie un.
— Excusez-moi, soupire le professeur en retournant à son bureau.

Il fouille dans sa sacoche tandis que la classe, majoritairement constituée de jeunes hommes, commence à protester puissamment les droits de l'adulte qui se permet de consulter ses messages, alors qu'eux sont restreints par le règlement intérieur. Iruka n'y fait pas réellement attention, trop interpellé par la couverture du journal La Reine Luciole sur lequel figure, en première page, le dernier dessin que Seiko a achevé tard, hier soir. On y voit la candidate aux élections-maires vaciller à cause de sa poitrine incroyablement démesurée, remplies de yens et crachant quelques pièces, qu'elle soulève péniblement au bout de ses bras représentés par deux traits fins. Au dessus, en titre :

« Nouvelle résolution pour cette année… »

Et en dessous, en caractères gras :

« Tsunade porte ses bourses plus haut que n'importe qui ! »

L’enseignant sourit de fierté, mais surtout et avant tout, d’amusement. Dans les traits grossiers de ce dessin, voilà qu’il reconnaît la personnalité de sa caricaturiste favorite. Il redresse la tête vers ses élèves qui l'attendent, sceptiques et intrigués par la lueur dans son regard.

— Posez vos stylos quelques minutes, déclare-t-il avec une vibration dans sa voix qui laisse transparaître son agrément.
Il s'assied avec tranquillité à son bureau afin d'attendre que les retardataires rattrapent le temps perdu lors de sa dictée. Iruka sait parfaitement comment gérer une classe sans utiliser toute l'autorité dont peut faire preuve un professeur. Seule sa grande expérience combinée à la jeunesse de son jeune âge le rendent d'autant plus charismatique, et surtout, quel que soit le sujet abordé, en le creusant un peu sur un côté, il le rend particulièrement intéressant.

— Selon vous, commence-t-il, que signifie le rire ?

Boruto se redresse davantage, surpris de cette soudaine rupture avec le cours. Il consulte Mitsuki du regard, s’interroge intérieurement sur le contenu du supposé message. En fait, il ne comprend pas. Son professeur avait l’air morose, et d’un seul coup, en l’espace de quelques secondes, voilà qu’il esquisse un sourire quelque peu moqueur… Ce-dernier perçoit enfin dans le fond de la salle une main hésitante braver la surprise dans laquelle est plongée la salle. Il s’agit effectivement de l’élève qui a tendance à le moins participer. Sur ces entrefaites, Iruka lui offre sans plus attendre la parole en lui décochant un regard approbateur. La jeune fille en question se sent un peu rougir, et pourtant, elle parvient à surmonter sa grande timidité et à bafouiller :

— Je suis pas sûre, mais… Je pense que c’est une… sorte de… réaction. Une sorte de réaction face à quelque chose qui… euh…
Elle s’arrête sur ces mots, laissant le silence regagner peu à peu son pouvoir dictatorial.
— Poursuivez, l’encourage Iruka, la voyant osciller entre ses mots.
— Non, je… j’ai oublié ce que je voulais dire…

Cette réponse en fait pouffer quelques-uns, mais pas le professeur qui se voit un brin déçu par le refus de l'élève d'aller jusqu'au bout de son raisonnement. Il n'affiche néanmoins rien de susceptible à la rendre mal à l'aise et en interroge justement un autre qui compte parmi ceux qui ont manifesté leur amusement.


La sonnerie retentit dans tout l’établissement, annonçant la fin des cours du matin et l’heure tant désirée du déjeuner. Néanmoins, pour Hisae, son estomac peut attendre. Cette discussion à propos du rire lui a bien plu, bien qu’elle n’a pas su dire ou penser grand chose car elle a essayé sans succès avant de jeter l’éponge. Elle finit de ranger ses affaires avec une lenteur travaillée, et une fois qu’il ne reste qu’un ou deux élèves, dont l’un est sur le point de franchir le seuil de la porte, elle s’avance vers Iruka.

— Mademoiselle Uchiwa, appelle-t-il.

Sarada se retourne. Hisae se fige.

— Vous pouvez venir une minute ?

La jeune fille de dix-sept change sa direction afin d’aller à la rencontre de son professeur tandis que Hisae, gênée, bifurque directement sur la droite d’un pas maladroit, en direction de la sortie.

— Vous n’avez aucune note pour le deuxième trimestre, dit Iruka sur un ton de reproche.
— Désolée…
— Ce n’est pas pour moi. Soit je mets zéro dans votre moyenne, soit vous vous présentez au prochain contrôle.
— J’essaierai de venir, rétorque-t-elle.

Le jeune professeur interrompt un moment son rangement pour plonger son regard dans celui de son élève.

— Quelque chose ne va pas, constate-t-il.
— Non, tout va bien.
— J’ai été élève avant vous…

Sarada ne répond pas. Elle se contente plutôt de détourner le regard sur la sacoche noire de son professeur. Elle n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires, elle n’aime pas non plus qu’on s’inquiète pour elle, et voilà qu’on l’emmène consulter un psychiatre et que son professeur de philosophie commence à lui poser les questions auxquelles il fallait s’attendre, après tant d’absences…

— Je voudrais voir vos parents dans la semaine. C’est possible ?
— Je sais pas.

Iruka biaise les lèvres, ennuyé. Au final, il sort un papier spécifique aux demandes de rendez-vous entre les enseignants et les parents des élèves.

— Je suis disponible mercredi entre quinze heures et dix-sept heures, annonce-t-il en complétant la feuille. Toute la journée du jeudi, et vendredi de quatorze à quinze heures.

Et il signe avant de lui remettre la feuille.

— Et si je ne vous vois pas ? se renseigne Sarada.
— Vous me trouverez quoiqu’il en soit en salle des prof’ pendant les quarts d’heure de pause et vous n’aurez qu’à demander à me voir.

La jeune fille baisse les yeux sur le papier correctement entretenu et y distingue, au dessus de la réponse des parents, une case à part :

« Impossibilité cette semaine »

Elle plie soigneusement la feuille et la place dans la poche de sa petite veste en jean. Elle jette un coup d’œil à Iruka, puis repart, silencieuse, sous son regard quelque peu inquiet.


——————————————



La porte de la voiture se referme brusquement à côté de Shizune, la faisant sursauter : Tsunade s’est assise avec sa force brutale sur la banquette arrière en poussant un soupire fâché contre les flashs éblouissant des journalistes de Konoha.

— Tsunade-sama, souffle la jeune conseillère. Vous avez lu l’article de La Reine Luciole ?
— Non.

La voiture démarre de suite, pressée par cet afflux oppressant de personnalités aussi curieuses que grotesques. La candidate aux élections-maire déverrouille son téléphone afin d’observer plus attentivement la caricature qui figure en première page. Il est inutile de lire la signature pour reconnaître l’auteur du dessin, alors, profondément vexée, la cinquantenaire éteint l’écran avant de ranger son portable sous sa veste vert-pomme. Elle maudit silencieusement Seiko de l’insulter de cette façon et de l’attaquer sur son physique, caricaturiste aussi grossière que tous ses pairs…

— L’article dit…

Elle la fait taire d’un geste de la main, sec et dédaigneux.

— Tout ce qui est dit dans cet article ne m’apporte aucune connaissance. Je connais l’affaire mieux que personne ici…
— Il est dit que vous avez sollicité l’aide de Danzo pour vous attirer des voix, persiste Shizune.
— Quoi !… Non… C’est absurde. Lui et moi ne nous entendons sur aucun point.
— Tsunade-sama… ne me mentez pas.

La femme à la chevelure légèrement blanchie par l’âge jette un coup d’œil sur le chauffeur qui approche de la quarantaine. Se sentant observé, il détourne son regard sombre sur le rétroviseur et croise ainsi celui de la candidate.

— Mais pourquoi Diable voudrais-tu que j’aille mendier auprès de ce vieux chnoque sénile ! s'exclame-t-elle en détournant les yeux.
Le convoi s’arrête, pris dans un embouteillage peu conséquent. Tsunade dépose son coude sur le rebord de la vitre et considère Konoha de ses yeux ambrés. Observer toutes ces architectures, ces citadins, ces infrastructures, ces magasins, ces trottoirs bondés de couleurs diverses et variés… Observer cette ville agitée par l’activité impressionnante du tourisme, étrangement, ça l’apaise.
Néanmoins le temps commence à se faire remarquer, alors elle se renseigne auprès du chauffeur sur ce qui amène à interrompre la circulation.

— On me dit qu'une voiture s'est arrêtée en plein milieu de la route.
— Comment ça ? doute Shizune.

La jeune femme aux courts cheveux noirs jette un coup d'œil sur sa supérieure qui semble se soucier du problème autant qu'elle. Mais Tsunade est bien plus téméraire, et de ce fait, elle sort de l'espèce de berline sombre pour guetter ce qui se passe au loin. Effectivement… une petite voiture blanche s'est mise en travers de sa route.
Un homme ouvre la porte avec lenteur, puis dépose un pied sur le sol bétonné pour se hisser hors de son véhicule modeste qui s'accorde avec sa tenue vestimentaire. Ses manches suffisamment longues dissimulent l'arme qu'il tient fermement dans sa poigne, jusqu'à ce que, après avoir aperçu les blonds cheveux de la cinquantenaire, il la découvre dans un ample mouvement du bras droit, alourdi par cette masse de métal et de plomb, et le fléchit pour laisser le canon du pistolet toucher froidement sa tempe.


——————————————



Le grincement d'une porte mugit dans le bureau du directeur avant doucement se refermer, puis claquer. Jiraiya considère la jeune dessinatrice qu'il a convoquée d'un regard soucieux en achevant le tri dans ses papiers, classant et rangeant les quelques feuilles volantes dans des dossiers déjà remplis à en craquer.

— Vous faites un travail remarquable, commence-t-il dans un bref soupir. Mais j'ai reçu plusieurs remarques de la part de vos collègues.

Pour toute réponse, Seiko se contente de croiser les bras, attendant une suite qui tarde à venir.

— Et ce n'est pas la première fois, poursuit son supérieur. Vous le savez…

Jiraiya cherche sur son bureau mal rangé la liste que cinq de ses employés lui ont présentée pour désigner la caricaturiste.

— Une personne antipathique, grossière, humour vulgaire, liste-t-il une fois la feuille entre les mains. Sans vergogne…

Il lève son regard sur Seiko qui, quant à elle, n'a pas détaché le sien de ses yeux depuis l'instant où elle a refermé la lourde porte après son entrée dans ces locaux modestes.

— Bien entendu, ça reste anonyme.

Ne discerner aucune réaction venant la jeune femme ne l'enchante pas, et ce mutisme déconcertant qui s'installe à chaque fois que l'on va pour lui reprocher quelque chose lui échappe complètement.

— Seiko… J'ai vraiment besoin de vous ici, mais certains témoignages comme ceux-là expriment clairement la mésentente qu'il y a entre vous et les autres. Il va sérieusement falloir penser à changer de comportement…
— J'imagine.

Voix basse, grave, quoique suave et féminine, elle fait écho dans cette petite pièce qui arbore avec fierté les décorations soigneusement choisies et disposées par Jiraiya.

— Je sais bien que vous avez encore beaucoup de mal avec les autres, continue ce-dernier sur un ton plus autoritaire, mais ça fait bientôt quatre ans que vous dessinez pour nous.

Toujours aucune réaction. Rien. Ce n’est rien et tout à la fois ; le silence, le mutisme, le mystère de ses pensées, l’absence de contestations, d’objection, ou d’acquiescement… C’est ce tout et ce rien qui heurte la conscience de l’écrivain, il ne sait pas quoi lui dire d’autre, il ne sait même pas, dans ce genre de situation, comment gérer Seiko, par quels bouts la prendre, et ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle lui fait le coup…

— Vous n’avez pas d’enfant, n’est-ce pas ? trouve-t-il soudainement.
— Non.
— Vous avez essayé d’en avoir ?
— Le rapport ? rétorque-t-elle sans prendre en compte le statut de Jiraiya.
— Je pense que ça vous aidera à mieux vous…

Il hésite. Choisir correctement ses mots avec cette femme est la première leçon qu’il a pu tirer la fois qu’il a tenu une conversation fondamentale avec elle…

— À mieux vous intégrer, finit-il.

Encore une fois, elle ne réagit pas. Lui non plus, n’a pas d’enfant, et cela ne l’a pas gêné à s’intégrer, comme il le dit. C’est juste qu’il estime, sans réel fondement, que les enfants permettent à la plupart des adultes d’avoir au moins ce point en commun avec les autres, de les rapprocher. Simple théorie non-démontrée, mais s’il veut remercier Seiko autrement que financièrement au prix toute cette sueur qu’elle verse pour le journal, c’est au moins avec ce conseil…


——————————————



Un sinistre croassement perce le vent qui roule dans les rues désertées de Konoha. On ne sait s'il s'agit d'un corbeau ou d'une corneille, car le ciel est maculé de nuages tellement bas et épais qu'ils dissimulent, dans leur enveloppe cotonneuse, les derniers étages des immeubles. Au pied de ces géants de briques, de ciment et d'armature de fer serpente le convoi de voitures noires brisé par un véhicule blanc, quoique rendu gris par l'absence du soleil et l'ombre des nuages. Un homme, avec le canon de son pistolet flanqué sur sa tempe, dévisage Tsunade. Une vingtaine de mètres seulement et tout au plus les sépare.

— À une seule condition, fait l'individu d'une voix forte.

Les hommes qui accompagnent la candidate ont baissé leurs armes afin de le mettre en confiance sans pour autant les ranger, préparés à un fâcheux retournement de situation. Ils ont tenté de lui parler, de le dissuader, en vain, voici les tout premiers mots qu'il prononce d'une voix claire et assurée.

— Promettez de retirer votre candidature.

Tsunade se fige. Bien qu'elle s'est attendue, au fond d'elle, à ce genre de marché, la candidate accusée de détournement de fonds au beau milieu de son ascension populaire ne peut masquer sa surprise.
— Promettez !

Un dingue ?… un hystérique ?…
…Un comédien ?…
La femme regarde autour d'elle. Aucun citadin ; ils se sont tous rétractés dans les bâtiments sous l'ordre des autorités et certains ne manquent pas d'immortaliser les images de cette scène dans la mémoire de leur téléphone portable.

— Tsunade-sama, souffle sa conseillère qui est restée dans la voiture.
Elle l'avait oubliée. Pourquoi l'appelle-t-elle de cette voix suppliante ? La femme aux cheveux blonds devrait-elle tenir cette promesse pour sauver la vie de cet homme ?… Quel message se véhiculerai si elle en vient à bluffer ?…
— Et à qui je donne toutes ces voix ?

Il semble hésiter un court instant, avant de lancer haut et fort :

— Je m'en fous, annoncez officiellement que vous retirez votre candidature.
L'homme bouge nerveusement sur ses jambes et articule son bras tremblant afin de repositionner le canon de son arme contre sa tempe.
— Je promets.
— Quoi ?
— Je promets de retirer ma candidature…

Le silence se réinstalle pour laisser la parole à la brusque rafale qui conduit les feuilles mortes se débattre sous son emprise, et malgré toute cette exubérance céleste, les personnes présentes dans cette atmosphère plombée par le poids des armes empoignées se tiennent debout, droites, sans bouger d'un pouce ou d'un. Les accompagnateurs de Tsunade crispent leurs mains autour de leur pistolet pointé vers le sol. Ils sont parés à agir à tout moment…

L'individu à la voiture blanche paraît enfin reprendre ses esprits. Il baisse lentement son bras, ne laissant toutefois pas le poids de l'arme tomber vers le bas ; il garde un certain contrôle. Le ciel est gris. Horriblement laid. Et le vent amène le froid des pays nordiques, les odeurs de terre battue par la pluie et l'orage, et, curieusement, il semble soulever avec délicatesse l'avant-bras de l'homme au véhicule blanc pour pointer l'arme droit devant lui, en direction de Tsunade.
Un dernier croassement s'élève dans le ciel, et une forte détonation retentit au sein de la ville entière.


——————————————



Une brève suffocation, et tout s'écroule autour de lui. Les larmes fuguent leur réservoir afin de ronger, par leur traînée, ses joues rugueuses. L'homme installé face à lui cueille de ses mains soignées la boîte de mouchoirs qui repose sur une table basse, et la lui présente.

— Merci, murmure le patient en se servant.

Il essuie tout d'abord son visage salé par cette eau échappée, puis se mouche avec virulence. Enfin, il regarde autour de lui, cherchant un endroit, dans tout ce luxe, où remettre son déchet. Il s'agit d'une pièce de taille adéquate pour la détente, trouvant le juste milieu entre la richesse et la modestie. Plongée dans une odeur d'encens et dans une lumière pas trop vive, elle abrite de nombreux ouvrages de sciences plus ou moins exactes, des encyclopédies, des références littéraires… Ces murs en bois solide sont décorés d'un motif encore jamais vu, traçant des courbes parallèles s'entremêlant, se chevauchant…

— Vous avez une poubelle sur votre gauche.
— Ah… oui, merci.

Il frotte son visage pâle à l'aide de ses mains épaisses, puis repose son regard brun sur celui de son psychiatre qui l'observe, quant à lui, très attentivement. Chaque geste, chaque mot, chaque signe, a son importance dans la thérapie.

— Y a-t-il autre chose dont vous souhaitez me parler ?

Les yeux bouffis et la gorge trop serrée, Etan secoue négativement la tête comme un enfant sage.

— Non je… bafouille-t-il. Je pense avoir tout dit.

Et il renifle d'une manière adipeuse.

— Dans ce cas, nous nous arrêterons là pour aujourd'hui.
— Merci infiniment, docteur.

Son patient hésite à se lever, alors le psychiatre commence lui-même par se hisser sur ses jambes en tachant de reboutonner sa veste beige par-dessus sa cravate mauve pour accompagner Etan jusqu'à la sortie de son cabinet.

— Vous discuterez avec le jeune homme pour un prochain rendez-vous.
— Merci.
Il échange avec lui une poignée de main, mais la sienne, bien que ferme, reste étrangement froide…
— Orochimaru-sensei, l'interpelle l'homme à l'accueil. Quelqu'un souhaiterait discuter avec vous. Elle vous attend dans la salle d'attente.
— C'est sur rendez-vous ?
— Non, elle a dit qu'elle n'est que de passage.

Le psychiatre observe un court instant Kabuto réajuster ses lunettes rondes sur son nez avant de se replonger dans la lueur de l'écran de son ordinateur.
En entrant dans la salle, il tombe sur une femme d'une trentaine d'années aux cheveux curieusement roses attachée derrière sa tête, vêtue d'un chaud manteau d'un blanc cassé qui devrait, a priori, si sa propriétaire se tient debout, ne descendre pas plus bas que ses genoux. Elle ne l'a pas remarqué. Assise, les jambes croisées, elle lit assidûment un magazine féminin posé sur ses cuisses.

— Madame ?…
— Oh ! sursaute-t-elle en déposant l'ouvrage sur une table basse. E… Excusez-moi, j'étais prise dans ma lecture…

Elle se lève en reprenant son sac à main sur son épaule droite et vient à la rencontre du psychiatre.

— Haruno Sakura, se présente-t-elle en lui serrant la main.

Il la regarde avec un air quelque peu curieux et amusé.

— Vous venez en éclaireur, plaisante-t-il.

Elle sourit à son tour, appréciant l'humour du médecin, puis replace une de ses mèches derrière son oreille.

— Je viens vous donner les informations nécessaires par rapport à ma fille, avant sa première consultation.
— J'en suis navré, mais ce n'est pas ainsi que j'opère.
Sakura paraît surprise de ce renvoi, et tandis qu'il place lentement ses mains dans les poches de son pantalon beige, elle rehausse son sac sur son épaule.
— Comment ça ?
— Je préfère laisser le patient se dévoiler de lui-même, répond-il solennellement. D'en apprendre sur lui sans partir avec des préjugés.

La voix gutturale du psychiatre, bien qu'elle ne soit pas spécialement grave, sait foutre la chair de poule à tous ceux qui l'écoute, assurément à cause de cette vibration rocailleuse qui se forme dans son gosier. Quant à son regard… Son regard d'or ou d'émeraude, fendu par une pupille verticale et partiellement caché derrière de longues mèches sombres, est de ceux qui fouillent les âmes dans leurs moindres recoins, qui cherchent les souvenirs et les intentions avec une instance déroutante, qui hypnotisent, qui paralyse le corps et la pensée…
Sakura ne se sent pas forcément à l'aise face à un homme tel que lui, mais elle doit reconnaître d'emblée qu'elle est facilement intimidable…

— Merci de m'avoir accueillie, termine-t-elle, le regard détourné. Bonne soirée…

Orochimaru soupire discrètement en observant la femme élégante passer devant lui pour se rediriger vers la sortie. Mais avant qu'elle ne passe la porte, il l'interpelle :

— Si votre fille juge qu'il est bon de garder le silence sur certaines choses, ce sera son choix, et s'il y a des éléments de sa vie que je dois connaître, il est sincèrement préférable qu'elle m’en parle en première.
— Oui, je… je comprends.

Il lui décoche un sourire charmeur, puis la salue d'un très léger mouvement de tête.

— Bonne soirée à vous aussi.

Sakura s'immobilise un instant et jette un coup d'œil sur Kabuto qui la toise derrière le verre rond de ses lunettes. Elle sourit à son tour au psychiatre, quoique maladroitement, car elle semble s'enfuir en claquant la porte derrière elle…
L'homme à la chevelure couleur de nuit reste quelques secondes sans bouger, pensif. Cette femme qui rentre clairement du travail n'est pas venue dans le but de tenir ce genre de discussion qui aurait pu se faire par téléphone, lorsqu'elle l'a contacté pour organiser un rendez-vous avec sa fille.

« En éclaireur »

Orochimaru sait plaisanter et, dans tous les cas, il ne plaisante qu'à moitié…



Chapitres: 1 [ 2 ] 3 Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: