Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 28/02/2016
"Chenille" devant le nom du chapitre correspond au nom de l'arc. Sauf qu'il peut m'arriver de l'oublier, comme au précédent chapitre. >_<
Bref, partir d'ici, les chapitres seront plus longs. Bonne lecture ! :D

____________

« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.




Chapitre 7: Chenille - Compte sur moi !



Le village s'est réveillé dans un brouhaha de rumeurs et de réalités concernant le départ de l'Uchiwa. Shikamaru Nara, un jeune prodige intellectuel et stratégique, ce qui lui vaut l'uniforme de Konoha, court de droite à gauche afin de réunir les meilleurs Chuunin. En temps normal, un adulte les accompagnerait, surtout en vue de cette mission de haute importance et dont la dangerosité dépasse le seuil du raisonnable, mais il faut savoir que les Jonnin les plus puissants sont envoyés hors du village depuis déjà plusieurs jours et ne sont pas prêts de revenir aussitôt. Alors le jeune Nara, manipulateur des ombres, s'est chargé de faire appel à Choji Akimichi, son meilleur ami, Kiba Inuzuka et son fidèle chien Akamaru, Neji Hyuga pour ses facultés visuelles hors du commun, et pour finir, à la grande inquiétude de Seiko, Naruto Uzukami. Au fond de son cœur noir, la petite peste de Konoha espère tout de même qu'ils réussiront à ramener Sasuke, car s'ils échouent, c'est qu'ils sont morts. Elle se moque bien de Choji, de Kiba, de Neji et de Shikamaru, qu'ils crèvent ou non ne lui apportera ni bonheur, ni malheur. La seule personne à laquelle elle tient est ce blondinet reconnu en tant qu'hôte de Kyubi…
Le Soleil peine à se tirer de son lit quand les cinq jeunes shinobi franchissent les portes du village équipés de quelques kunai, shuriken, peut-être de parchemins explosifs et de leurs capacités ridicules face au danger qui s’impose.

Huit heures. Iruka voit son élève s'avancer sur le terrain d'entraînement avec une mine plus grave qu'à l'ordinaire. L'espace est vaste, verdoyant, un petit ru se déplace timidement dans une légère fosse aménagée par les soins de l'architecte qu'est la géologie. Il la salue avec une politesse courante à Konoha que Seiko juge et jugera toujours parfaitement hypocrite.

— Bonjour, se force-t-elle.
— Tu es prête ?
— Qu'est-ce qu'il fait là, lui ?

Le regard de l'enseignant se dirige vers son accompagnateur au bandana noir.

— Il…
— Je suis là pour enquêter, coupe brutalement l'inspecteur.
— Ça vous bouche le trou de reconnaître que je suis coupable ? Vous voulez un café ?

Iruka s'agite :

— Vous voyez ? C'est exactement ce que je vous avais dit…
— Bravo, prof'. Vous voulez un cookie pour votre talent de prédiction ?
— Cette journée va être joyeuse, ironise-t-il.
— Eh ! Mais ! C'est un véritable don du ciel que vous avez là !
— Calme-toi, Seiko…
— Je suis calme !
— Je te trouve plus énervée que d'habitude, reconnaît Ibiki. Quelque chose ne va pas ? C'est en rapport avec Sasuke ?

Elle regarde ailleurs en grimaçant. Dans un premier temps, elle sait avoir fauté en ne prévenant pas Tsunade du départ du fameux rescapé, mais dans un deuxième, elle n'a pas espéré que Sakura le croise en pleine nuit et sonne l'alerte aussi tôt…

— Quoiqu'il fasse, déclare-t-elle enfin, qu'importe la personne qui le nourrit de son expérience, il fera tomber l'asticot qui pendouille entre ses deux jambettes une fois qu'il sera face à son frère. Ça le tuera, et t…

Et tant mieux, mais elle se tait, jugeant plus sage de s'arrêter là.

— Et… ? s'intéresse Iruka.
— Rien. Parole en l'air. Vous voulez savoir quoi, Ibiki ?

Le chef de la Police réajuste la ceinture qui serre sa taille sous son long manteau noir, puis porte une main à son col pour lui dévoiler deux microphones.

— Parle si tu veux parler, tais-toi si tu veux te taire, introduit-il. Si ce n'est pas toi, sache qu'un meurtrier cavale dans les rues de Konoha, et tu exposes les villageois à un danger en refusant de coopérer ou en servant de couverture.
— Ils sont en sécurité tant que je ne pète pas les plombs.
— Des enfants, Seiko.

Oui, des enfants… Cependant, si Erwan commet un second meurtre, bien qu'elle en doute, elle ne pourra plus rien pour lui, et si ça tombe sur un gosse inoffensif, elle s'en voudra férocement…

— Vous dérangez, lâche-t-elle finalement. Allez mener votre enquête là où je ne suis pas.

Ibiki retient une grimace sur son visage, mais après tout, il s'est habitué à son attitude antipathique, et il ne compte pas recevoir un traitement de faveur.

— Iruka posera la question pour moi, termine-t-il sur un ton neutre en quittant le triangle de conversation.
— C'est ça…

Le duo maître élève suit du regard la silhouette imposante d'Ibiki s'éloigner sous un pas lourd, les mains fourrées dans les poches de son manteau, jusqu'à disparaître dans un virage. Le vent ne souffle pas encore, mais il ne tardera pas. La froideur du matin vient mordiller le bout du nez de la jeune fille qui ne manque pas d'éternuer, probablement parce qu'elle s'est enrhumée la nuit dernière.

— Seiko, commence gentiment Iruka. Si tu veux rapidement progresser, il faudra m'écouter attentivement.
— J’imagine, fait-elle après un reniflement. Vous avez un mouchoir ?
— Pas sûr…

Iruka fouille dans ses poches à la va-vite en laissant un soupçon de déception se poser sur son visage.

— Non, désolé.

Seiko renifle une deuxième fois.

— Pas grave. Vous avez des parchemins explosifs, dans votre sacoche ?
— Pour quoi faire ? s'inquiète-t-il.
— Pour me moucher, pardi !

Aucune réponse, seulement les petits oiseaux.

— Faites pas cette tête, j'essayais juste de plaisanter…
— En fait, je voudrais savoir pourquoi tu as voulu reprendre ta formation…
— À défaut de moisir dans un orphelinat !
— Oui, sourit Iruka en passant sa main derrière la tête. C'est vrai que c'est mieux.
— Bah, c'était un choix assez chiant.

Le professeur considère son élève qui ne cesse de renifler avec son air sévère.

— On commence ? propose-t-il.

Elle hausse les épaules.

— J'attends, moi…
— Bon… euh, alors ! Tu te souviens de comment fonctionne le chakra ?
— Nan.
— Tu sais ce que c'est ?
— Un truc d'énergie du corps et de l'esprit, je crois.
— Oui. En gros, c'est ça, s'exaspère Iruka. C'est l'essence indispensable à la réalisation de technique.
— Mes réserves sont maigres, rappelle Seiko.
— Je t'apprendrai à te servir du peu que tu as, répond-il solennellement. Et à force d'entraînement, tu augmenteras leur capacité. De toutes façons, il faut que tu apprennes les bases.
— Il y en a tellement !
— Autant commencer tout de suite, alors. Je vais t'apprendre à te déplacer comme les shinobi. En mission, tu n'auras pas le temps de trouver des portes et des échelles pour accéder à une quelconque pièce. Regarde comment je fais.

Iruka fléchit les jambes sous le regard attentif de Seiko malgré sa grande part de démotivation, puis se propulse pour se placer sur une des trois souches alignées qui servent de cibles pour les entraînements des débutants.

— Tu vois ?

La gamine arque un sourcil.

— J'ai des yeux qui fonctionnent, alors oui.
— As-tu des yeux qui analysent ? rétorque-t-il un peu sèchement.
— Eh…

L'instituteur rejoint son élève dans un même mouvement bondissant en posant une main sur sa hanche qui laisse transparaître son agacement.

— Seiko, je fais ça pour toi, pas pour moi.
— Pourquoi m'avoir laissé le choix ? gronde-t-elle en l'imitant.
— Tu l'as dit toi-même : "moisir dans un orphelinat".

Bien que la jeune fille doute de ces paroles, elle préfère garder le silence et remettre cette discussion à plus tard. En temps normal, cette raison lui ferait grandement plaisir, mais son esprit penche pour un dessein égoïste et vaniteux.

— Parenthèses fermées ! s'écrie-t-elle. On reprend.

Iruka, dans le vent frai matinal, sourit un peu sous le doux regard ténébreux de son élève.

— Vous avez fait comment ?

Le professeur regarde le sol autour de lui à la recherche d'une pierre qui se démarquerai des autres. Il finit par courber l'échine pour ramasser un caillou isolé et le poser à deux mètres devant Seiko.

— Atteins-le en un bond, commande-t-il.
— Quoi ?
— Fais ce que je te dis…
— C'est ridicule, pouffe-t-elle désagréablement.
— Fais-le, insiste-t-il avec plus de poigne.

Elle soupire bruyamment, puis fléchit les jambes avant de s'élancer vers la pierre en posant un pied après l'autre.

— Voilà ! s'exclame Iruka.
— J'ai ma médaille ?
— Non, car tu sautes mal.

Seiko fronce les sourcils, perplexe.

— Comment ça, je saute mal ? Il n'y a pas trente-six façons de sauter…
— Recommence, je vais t'expliquer.

La jeune fille recule pour effectuer le même geste, et à peine pose-t-elle un pied à côté de la pierre qu'Iruka se permet, sans gêne, de la bousculer pour la faire chuter sur le côté ! Ses mains se heurtent douloureusement à la terre herbeuse et sa hanche n'échappe pas à l'impact, cependant, elle ne rouspète pas, ni ne lance un regard assassin ; elle se contente plutôt de réfléchir deux secondes avant de comprendre son erreur.

— C'est parce que tu…
— Je recommence ! tranche-t-elle en se relevant sans peine.

Il lui a tendu la main pour l'aider à se remettre debout, mais elle ne l'a pas vu, ou peut-être tout simplement pas voulu. Elle se replace à la même distance, quoiqu'un peu plus loin d'après Iruka, en fixant méchamment la pierre, puis fléchit ses jambes en contractant ses muscles, et bondit pour arriver pile à côté du caillou, et cette fois-ci, les pieds joints. Son professeur la bouscule, mais elle ne perd pas l'équilibre.

— Tu n'es pas si bête que ça, au final !
— C'est parce que vous pensiez que je l'étais que vous m'avez délaissée ?

Il doit l'avouer : il s'est pas attendu à ce renvoi percutant… Alors il l'esquive maladroitement en posant la pierre plus loin.

— À toi de jouer. Et sans élan.
— Il est trop loin, votre truc…
— Fais-le.
— Non mais, il n'est pas question de ridiculité ou autre. Là, c'est carrément impossible si je ne sais pas comment vous avez fait !
— Tu me fais confiance ?
— Non, pourquoi ?
— Parce que tu devrais. Essaie, au moins.

Seiko soupire, lasse, mais se résigne toutefois à écouter son professeur. Elle se concentre, fléchit, se penche en avant, fléchit davantage, se prépare mentalement… et pousse de toute sa force sur ses jambes avant d'atteindre la moitié de la distance qu'elle devait enjamber.

— Voilà, s'exaspère-t-elle. Qu'est-ce que je disais ?…

Iruka, étrangement inquiet, lui suggère de recommencer. Elle s'exécute, sage malgré sa personnalité de diablesse, mais toujours incapable d'atteindre la pierre située à cinq mètres d'elle.

— Je ne comprends pas, souffle-t-il.
— Ben, moi non plus, figurez-vous ! Vous m'expliquez ?

L'instituteur se mord légèrement la joue en fixant son élève, les sourcils froncés par les muscles du scepticisme.

— Iruka ?
— Je vais t'expliquer, confirme-t-il en décroisant ses bras. Tu es sensée, comme tout le monde, avoir le réflexe d'utiliser une part infime de ton chakra dans la vie courante. Les shinobi ont ce réflexe plus accentué que les villageois, mais si on demande à quelqu'un, n'importe qui, d'aller d'un point à un autre où c'est physiquement impossible, il y arrive sans problème.
— Pourquoi pas moi ?
— Je… je ne sais pas… Si tu concentres une part de ton chakra dans tes pieds et que tu la libères au bon moment, tu réussiras.
— Mais, Iruka, s'oppose-t-elle. Vous êtes en train de me dire comment poser un pas devant l'autre… Enfin, c'est tout comme.
— Je sais, ça n'a pas sens…

Le regard de Seiko se perd dans la chevelure verdoyante d'une terre rendue humide par des larmes du matin, et les bras du soleil cherchent à cueillir de leur mains chaleureuses les plus belles fleurs de la forêt tandis qu'une s'éprend à caresser la joue mielleuse de la jeune fille. Ses yeux de l'ombre parcourent les cieux encore tachés de nuances grises qui s'étirent de toute leur longueur, comme des lèvres coton souriantes devant l'éclat magnifique d'un soleil anachronique. Effectivement, le bleu du ciel, azur, en étonne et ravi plus d'un, surtout lorsque l'on approche de l'hiver. La neige ne s'est pas permise de recouvrir le pays comme elle l'a fait deux ou trois ans auparavant, et les Noëls se font de moins en moins festifs. Avant le drame de la Pluie de Sang, il n'était pas rare de croiser des villageois en pleine nuit, riant, joyeux, quoiqu'un peu saouls mais rien de très méchant, et aussi, le village ne s'endormait jamais totalement : les bars restaient ouverts le jour comme la nuit, ainsi que certaines petites boutiques dont celle Konohana. Ses pensées tournées vers sa défunte mère se laissent emporter par le cheval gracieux de l'automne qui galope sous la voûte azuré en laissant derrière lui de doux appels d'air.

— Dites, Iruka…

Iruka sursaute en se surprenant à observer sans retenue le doux visage de son élève. Il remarque par la même occasion que ce n'est que lorsqu'elle détourne son attention sur le ciel que ses traits d'attendrissent…

— Oui ?
— Le culte des Trois est toujours d'actualité ? poursuit-elle sans le regarder.
— Il doit rester moins de dix temples encore actifs dans le monde, mais cette religion n'est pratiquée que par une extrême minorité. Pourquoi ?
— Pour savoir. Mais d'où viennent les Hing ?

Son iris ténébreuse se pose doucement sur celle de son instituteur tandis que le vent balaie les feuilles mortes tombées au sol ou restées accrocher à leur branche natale.

— C'était une tribu primitive dont les membres se sont entre-tués assez récemment, explique-t-il, à cause d'idées religieuses divergentes.
— Ils pratiquaient le culte des Trois, non ? Et le sacrifice humain…
— Oui.
— Mais, interpelle-t-elle de sa voix basse. Dix temples, c'est beaucoup pour une religion pratiquée par très peu de personnes.
— Ce qu'il faut savoir, s'élance joyeusement Iruka qui retrouve sa place d'enseignant, c'est que les sacrifices humains servent de punition. À l'époque, une femme qui mettait au monde un enfant qui ne ressemblait pas au père était offerte à un des Trois. Aujourd'hui, il est question de rendre justice. De toute façon, la religion a pratiquement disparu des esprits, mais elle sert toujours de prétexte politique.

Seiko soupire. La politique et les dieux lui semblent bien trop bien inaccessibles pour lui permettre de comprendre quoique ce soit…


Cela fait bien dix minutes que Choji Akimichi tient tête au shinobi qui se dresse devant lui de toute sa grandeur et sa corpulence monstrueuse. Il est tout à fait normal de juger à vue d'œil que le petit-gros de Konoha ne fait pas le poids contre ce géant gris aux tendances cannibales, et on n'en voudra à personne de croire aux miracles, car cette fois-ci, chaque membre de l'équipe dirigée par Shikamaru aura tout intérêt à se surpasser pour échapper au massacre qui les attend de pied ferme.
Choji a tout juste trouvé le temps d'avaler sa deuxième pilule dopante, médicament propre à son Clan, pour se conférer une force surhumaine. Effectivement, la première n'a pas suffit… Autour de son corps dodu et crispé jaillissent des lianes d'un bleu pâle irréel, figuration du chakra qui circule dans le corps de chaque individu. Le combat auquel nous assistons est un terrible affrontement de coup de poings, de coups de genoux, de prises qui s'enchaînent pour broyer l'ennemi au sol… La lutte des deux bœufs s'intensifie lorsque Choji parvient à empoigner fermement Jirobo par la corde violette qui lui fait office de ceinture, et c'est dans un effort remarquable qu'il soulève la masse semblable à celle d'un volcan dans un sac de riz et l'entraîne dans sa chute en lui fracassant le crâne contre le sol, derrière lui. Le jeune Akimichi se retourne vivement pour faire face à sa bête noire qui se redresse sans difficulté, à peine sonnée… Jirobo charge, les bras ouverts, en poussant sur ses cuisses épaisses et Choji le réceptionne contre son poitrail dans un lourd étouffement de douleur. Le menton plaqué sur l'épaule de son ennemi et sa bonne joue s'écrasant contre sa nuque, le gamin de Konoha hurle d'effort en prenant l'avantage sur le contre-poids qui entrechoque les deux puissances inhumaines, si bien que les semelles des shinobi s'enfoncent dans le sol à peine humide et forment une petite chaîne de montagnes naissant d'une creuse traînée de terre. Choji s'avance d'un pas, écrasant son pied sur un amas d'herbes, mais Jirobo accumule de la puissance en le laissant s'approcher, et le repousse violemment en le faisant rouler sur bien trente mètres pour peu qu'il y ait un arbre afin réceptionner douloureusement le gamin.
Ce dernier ouvre faiblement les yeux… Il souffre, et de l'impact terrible qu'il vient d'encaisser, et des effets secondaires du dopage qui lui tordent les entrailles dans tous les sens… Une substance épaisse et écarlate vient couler sur ses lèvres dodues. Oui, il n'a pas eu le temps d'utiliser les techniques héréditaires de son Clan qu'il se met déjà à cracher du sang dans une brève quinte de toux. Il se redresse péniblement. Le pauvre, il tremble sur ses jambes qui supportent tout son buste alourdi par le poids de la douleur et du désespoir, mais la volonté de Choji est telle qu'il ne prête pas plus d'attention que cela aux signaux de détresse que lui envoie son corps. Non ! Ses compagnons sont partis devant, et sa promesse tient sur le fait qu'il les retrouvera une fois qu'il en aura finit avec ce type… Il ne sait néanmoins pas s'il reverra Konoha, son père, sa mère, Shikamaru… Quoiqu'il en soit, il protégera ses compagnons, et de sa vie s'il le faut ! C'est précisément cette pensée qui le ramène à la lumière de la lucidité. Il enchaine deux rapides mouvements de ses mains et conclut avec un dernier sceau ayant pour vertu de multiplier la taille de son bras qui vient s'écraser violemment de justesse à côté de Jirobo. Choji grimace, mais ne perd pas pied pour autant, alors de sa main disproportionnée, il balaie carrément la clairière qui fait office de terrain de combat. L'autre se voit obligé d'esquiver chaque offensive, en conséquent, il s'épuise rapidement. Le jeune Akimichi le remarque et trouve l'occasion rêvée pour en finir dans une dernière attaque, alors, de tout son poing énorme, il écrase la féroce terre qui se redresse et se craquelle autour de l'impact dans un grondement sourd et puissant, volant en éclat. Son ennemi, qui se trouve juste en dessous, déniche la force de soulever la main titanesque du shinobi de Konoha. C'est incroyable… Il la soulève, comme s'il s'agissait d'une vulgaire caisse en bois chargée de marchandises. Il la soulève, donc, aisément, nous l'avons compris, bien que grandement surpris, la saisit d'une telle manière, et en vient à porter Choji pour le faire tournoyer dans les airs à la façon d'un lancé de marteau jusqu'à le lâcher dans un élan remarquable.
La chute aurait été mortelle, de toute évidence, si le gamin n'était pas un Akimichi. Oui : ce qui le sauve, c'est ce sang d'héritier qui coule dans ses veines, et son attaque ultime, bien entendu, sera la démonstration de toute la puissance de son clan.
Avant qu'il n'entame la chute, Choji réussi à retrouver ses proportions pour enchaîner une série complexe de sceaux qui, au lieu de décupler la taille d'un bras ou d'une jambe, décuple… centuple… multiplie par mille, cent mille ! Qui multiplie par un nombre inestimable sa taille afin de donner naissance à une montagne humaine.

— Compte sur moi, Shikamaru !

Et, merci la gravité, le gosse retombe lourdement, ou on ne peut qualifier comment, de la même manière qu'une montagne qui, au lieu de se former peu à peu de la terre, tombe du ciel.

Les grands sapins verts chatouillent les phalanges du titan. Il se retrouve là, allongé, étendu non pas par terre, mais sur la forêt, avec ses cheveux châtains hérissés se mêlant aux nuages. Il peut voir au loin, juste en tournant la tête, son tendre village natal perdu au milieu d'une mousse végétale. Autour de toute cette violence règne en fait un calme étonnant, avec des oiseaux qui vivent leur vie, qui chantent l'approche de la saison prochaine, des écureuils qui commencent tout juste à remplir leur petite maison de mille et une noisettes, de faon qui laissent pousser leur premiers poils d'hiver… Il se sent sorti victorieux de cet enfer. La joie remplit son cœur de géant si bien que l'air en frissonne, jusqu'à, curieusement, ressentir une brève pression sous son ventre. Mais la surprise se transforme tout de suite en une forme de terreur quand il se sent quitter les arbres et rejoindre les cieux, propulsé par un coup puissant venant d'entre lui et la terre.
En effet, cette technique n'a pas suffit à tuer Jirobo… Choji retrouve sa taille originale avant de s'écraser horriblement contre le sol, aux pieds de son bourreau indemne et invaincu… Celui-ci a changé. Sa peau grise de mort a virée au brun, ses cheveux roux autrefois coiffés en trois crêtes sur son crâne nu ont soudainement poussé en arrière pour atteindre le milieu de son dos dans un orange dégueulasse, le blanc de ses yeux s'est plongé dans une couleur obscure – un gris de décomposé ou un noir imparfait, on ne sait trop quoi – ses muscles se sont davantage développés, et quelques bosses, à l'instar du crapaud, sont apparues mystérieusement sur ses épaules et son front. Il ne sourit plus de son sourire habituellement hautain, non… Sa mine sérieuse le rend d'autant plus inquiétant et angoissant.

— Je pensais pas en arriver jusqu'à là, confie-t-il.

Mais Choji ne bouge pas, immobilisé par la douleur de quelques fractures de toutes façons inévitables et les effets secondaires du médicament. Sa colonne verticale a due quoiqu'il en soit en prendre un sacré coup…

— Je sais pas si tu te rends compte, mais on est pareil, toi et moi…

Akimichi le regarde du coin de l'œil, le souffle haletant et coupé de temps à autre par la contraction de ses muscles abdominaux.

— On nous a laissé sur le bord de la route, gros-cul. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'on est considérés comme des boulets…

Il tente de bouger, en vain : Jirobo écrase sa main de son pied, lui brisant étonnamment les doigts sous le grincement de souffrance de sa victime.

— Ma puissance est cent fois plus grande que la normale ! T'inquiète pas : une fois que j'en aurai fini avec toi, je tuerai tous tes camarades pour t'avoir traité de cette façon… à commencer par ton soi-disant meilleur ami !

Mais Choji, vide de chakra quoique toujours plein de volonté, fait rouler entre l'index et le pouce de sa main valide la dernière pilule, rouge, couleur du danger. Il connaît les conséquences de ce médicament, il sait parfaitement qu'il n'est à utiliser qu'en cas de grande urgence ou de situation sans issue. Il s'agit justement d'une situation sans issue… Un coup, et il est mort. À terre, sous son bourreau, il ne peut l'éviter… Tandis que Jirobo arme la main de la mort en tirant son épaule vers l'arrière, Choji s'empresse de croquer la petite boule écarlate sous le regard surpris de son ennemi.

— Peu importe ce que tu tentes ! gueule-t-il. C'est trop tard !

Il charge sa frappe fatale dans un hurlement à la fois enragé et victorieux et croise une dernière fois le regard du gamin avant d'écraser de sa poigne monstrueuse la terre qui s'hérisse sous l'impact du titan.

Cependant. Oui, encore un cependant. Cependant, Choji n'a pas montré sa dernière carte. On ne sait comment, peut-être par tactique, peut-être par magie, il a échappé à ce coup mortel… Il se tient là, à côté du gars, dos à lui, debout et grave, le poing serré, et chose aussi magnifique que choquante : son chakra que l'on a pensé vidé se matérialise par une immense paire d'ailes de papillon accrochée à ses omoplates. Il dégage tellement d'énergie que sa corpulence même s'est affinée ! C'est incroyable… Tout simplement incroyable ! surtout venant de la part de ce gosse qui a toujours été méprisé pour sa rondeur, sa maladresse et son inutilité… Incroyable, et pourtant vrai ! Mais, ne pouvons-nous pas croire à ce qu'il se passe sous nos yeux ? Pouvons-nous nier le réel, ce que les yeux voient et ce que le corps touche ?… Cette démonstration prouve, qu'effectivement, ce réel peut être incroyable, mais une fois que l'on a conscience de sa véracité, on ne peut que s'y soumettre et envisager d'y réfléchir…
Mais le temps n'est pas à la réflexion. Jirobo se retourne vivement en dirigeant son énorme poing vers le nouveau Choji et le balance dans un élan de rage et de frustration… Le shinobi de Konoha, magnifique, l'arrête de sa main valide sans le moindre effort, puis le dégage de façon à lui découvrir l'abdomen en lance un puissant coup de son coude juste sous le sternum. Le colosse se retrouve propulser à bien cinquante mètres, mais il n'a ni la force et ni le temps de se relever que l'Akimichi se tient déjà debout au dessus de lui. Ce-dernier, silencieux, lui écrase la main de la même manière que celle qui a été faite un peu plus tôt. Il entend le craquement des os, il les sent se briser sous sa semelle, et il observe avec un délice malin et méprisant le visage de son ennemi crispé par la souffrance.

— On n'est pas pareil, gros-cul, imite Choji.

Même sa voix a changé. Ses bonnes joues l'empêchaient plus ou moins d'articuler il y a quelques heures, contrairement à maintenant…

— C'est moi qui ai décidé de t'affronter. Toi, on a du te choisir pour rester à l'arrière.

Il présente à Jirobo son bras chargé de chakra :

— Ça n'a plus d'importance. Je suis mille fois plus fort qu'avant, et c'est de ce bras que je vais te tuer.
— A… Attends…

Mais la gentillesse légendaire de Choji s'est levée de son trône pour céder sa place à une haine dévastatrice qui s'assied fermement sur cette chaise d'acier. Toutefois, elle ne se contient pas plus longtemps : elle referme son poing féroce et le cogne contre un des accoudoirs avec une véhémence qui défonce les parois de la norme. C'est ce même poing qui, littéralement, explose le thorax du malheureux Jirobo dans un dernier hurlement, dans un dernier soupir, dans un dernier souffle, libérant toute l'amertume accumulée dans son tendre cœur depuis qu'il est entré dans l'Académie jusqu'à encore aujourd'hui…

L'Akimichi ne tient plus sur ses jambes. Il vacille, puis se laisse chuter en arrière au milieu d'un cratère de plusieurs dizaines de mètres de rayon, qui a en fait rasé toute la clairière. Le ciel d'un bleu attractif étend sa couverture devant les yeux du jeune garçon. L'enfant se retourne péniblement sur le ventre, se redresse en forçant sur ses bras frêles et parvient à force de persévérance à se maintenir sur ses jambes. Soudain, un papillon apparaît, virevoltant autour de lui. Ses ailes de lumière battent joyeusement le rayon de soleil dans lequel il baigne. Choji ne se surprend pas à le suivre ; il s'efforce, haletant de douleur, de mener ses pas vers cet insecte élégant.
Son gilet vert tombe sur ses épaules et le long de son corps fin, et son pantalon tient à peine à sa taille. Les bandages qui lui serraient les avant-bras et les mollets se sont défaits, pour le peu qu'ils maintiennent quoique ce soit, et sa main droite renferme son bandeau national sur lequel figure l'emblème de Konoha gravé dans une plaque métallique… Choji, trop préoccupé par le papillon, oublie la douleur et l'inconfort de ses vêtements.
Il finit bien par manquer à se heurter à un arbre. Le garçon lève la tête avec lenteur pour découvrir des écritures inscrites dans l'écorce. Le pauvre, il met du temps à lire les inscriptions, et lorsqu'il les comprend enfin, son regard change et ses lèvres, en proie d'une vive émotion, ne cessent de trembler. Ses compagnons… Ils ont pris la peine de s'arrêter un instant pour entailler le temps d'encouragements et de flèches qui indiquent la direction à suivre… Ils l'attendent… Choji pense à son père. Malgré son physique rondouillard, il reconnaît s'être fait beaucoup d'amis, qui, tout comme Shikamaru, on remarqué la tendre gentillesse qui trône à l'intérieur de lui. Oui, il le reconnaît… Il ne mourra pas seul…
Sa joie et son soulagement sont si intenses que la douleur de ses entrailles qui se tordent sous l'effet de la dernière pilule ne dure que quelques secondes. Alors il s'assied, dos contre le tronc de l'arbre… Il aurait adoré pourvoir continuer son chemin, revoir Shikamaru et les autres, revoir Konoha, son village natal, revoir son père et sa mère, une dernière fois avant de partir, mais son corps ne le lui permet pas…
Pas un oiseau n'ose percer cette voûte azurée de ses battements d'ailes légers et les arbres ont cessé de chuchoter de leur voix feuillues, seuls quelques papillons se permettent de butiner les fleurs épanouies, laissant ainsi place à un silence respectueux, car, oui, Choji a lâché son bandeau. Il meurt, lentement, mais il est victorieux… éternellement.



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