Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 20/02/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.
__________________




Chapitre 6: Pour une vengeance



L'établissement administratif se constitue de trois immenses bâtiments disposés d'une telle façon qu'ils forment un triangle dont le manoir de l'Hokage, dominant par sa hauteur, est pointé vers le Nord. L'institution est entourée d'un mur semblable à un long serpent aux écailles blanches qui laisse une ouverture sur l'entrée principale. La peinture d'un rouge de feu habillant ces trois petites montagnes devant les cinq visages taillés dans la roche laisse soupçonner la connotation de la Volonté du Feu. On peut lire sur la façade, juste en ayant à lever le bout de son nez, des flammes calligraphiées qui se dessinent sous quatre souples coups de pinceau à l'encre noire.
Il faut avoir de bons yeux pour distinguer derrière l'immense fenêtre qui offre un panorama sur Konoha le dos de l'Hokage couvert de ses deux longues couettes blondes reposant sous son fauteuil brun. Tsunade n'a pas occupé le poste de la régence de Konoha juste après l'assassinat du précédent dirigeant, Hiruzen Sarutobi, pour la simple et bonne raison qu'elle n'était pas au village. Ce qu'on peut lui reprocher en tant que Sannin à la tête d'une administration aussi puissante, c'est son âge avancé, bien qu'il n'y paraisse. Toutefois, Seiko estime que ce n'est pas dramatique en comparaison avec Hiruzen.
La jeune fille se tient debout devant le bureau comblé de paperasse accompagnée d'Iruka. Les dieux savent que Tsunade a écopé d'un énorme travail en débarquant aux commandes d'un village qui s'est passé de Kage pendant bien deux mois après une terrible bataille en son sein.
Le silence qui s'est posé sur dans la pièce pour la recouvrir de son aile s'envole doucement lorsque la femme adresse sa parole à Iruka :

— Quand commencerez-vous ?
— Dès que possible, répond le professeur.

Seiko ne fait aucune remarque, insatisfaite de la tournure des événements. Elle a sans doute imaginé ce scénario, mais elle ne l'a pas absolument pas espéré, et il était pourtant si évident qu'elle se sermonne de l'avoir laissé passer. Elle regarde Iruka qui a trouvé un instituteur remplaçant jusqu'à un nouvel ordre qui dépendra des progrès de la jeune fille, et elle compte bien faire de son mieux afin d'être rapidement débarrassée de ce jeunot.

— Dans ce cas, dit Tsunade, je ne vous retiens plus.
— Godaime-sama, salue Iruka en courbant l'échine.

Mais Seiko ne l'imite pas. Elle se contente plutôt de tourner les talons avec son arrogance habituelle tandis que les deux adultes échangent un regard exaspéré par son impolitesse. La gamine quitte la salle en prenant soin de laisser la porte ouverte pour son professeur qui la suit d'un pas dynamique.

— Je t'offre un bol de ramens ? propose-t-il avec le sourire.
— J'aime pas ça.

Tsunade, qui a entendu ce bref échange, remet silencieusement en question la proposition de l'instituteur dans un bruyant soupir avant de se tourner vers la fenêtre. Elle l'observe quitter le bâtiment en compagnie de la jeune fille dans le même temps où son assistante entre en scène avec de la paperasse dans ses bras.

— J'espère seulement que ça fonctionnera, lui confie l'Hokage.

Shizune considère un court instant sa supérieure qui lui tourne le dos, perplexe, puis dépose son énorme tas de papiers lourd comme il n'est pas permis sur son bureau, et repart pressement en laissant derrière elle une traînée de tambourinements désagréables sur le plancher.

Le vent souffle puissamment dans les entrailles de Konoha sous un jour qui s'exténue, transportant aussi bien les feuilles et le chant des oiseaux, que la mauvaise foi de Seiko et les mots qui se disent d'elle, car, comme on le sait, dans ce village, toutes rumeurs, qu'elles soient vraies ou fausses, circulent aussi librement que l'air. Dans toute cette nature civilisée, on y trouve un silence oppressant entre le jeune professeur et son élève.

— Je peux te raccompagner, si tu veux…
— Ça ira, tranche-t-elle.
— Je ne vis pas si loin de chez toi, insiste-t-il amicalement. Ce n'est pas un problème !
— C'en est un pour moi.

Iruka regarde s'éloigner la froideur personnifiée qui fourre les mains dans ses poches dans un semblant de grondement de louve.

— On se retrouve au terrain d'entraînement demain à huit heures, annonce le professeur. Ça te va ?

Aucune réponse. Il se demande s'il réussira à faire ce qu'il prévoit avec cette gamine qui se baigne dans les braises du crépuscule et dont les lucioles dansent autour de sa silhouette à contre-jour. De toute façon, il semble qu'elle ne se dirige pas vers chez elle, alors Iruka, dans un soupir un peu las, mène ses pas en direction de son appartement.

La nuit est tombée et Seiko observe de son regard sombre le grand œil de glace qui se dresse au dessus d'elle sans oser se refléter dans ses yeux. Le vent a cessé de souffler depuis l'instant où elle s'est plongée dans ses pensées, et le seul courant qui entraîne sa conscience est celui d'un torrent de réflexion. Assise sur le toit d'un bâtiment, elle respire les odeurs qui se mélangent dans cette atmosphère communément quiète. Le règne du silence qui dirige son empire qu'est la nuit est perturbé par un discret chuchotement qui n'échappe pas à l'ouïe fine de Seiko. Son regard se détourne de l'astre nocturne pour se diriger vers le bas. La gamine peine à distinguer cinq ou six silhouettes dans cette noirceur à cause de sa vue éblouie par la pâleur de la Lune, mais quelque chose l'oblige, sûrement son instinct, à corriger sa vision pour enfin reconnaître cinq formes plus ou moins humaines dont l'une est Sasuke. Peut-être est-ce Choji qui l'accompagne avec Shikamaru, mais les deux dernières ne lui disent rien, et puis, pourquoi ce sale gosse traînerait-il avec ces bons enfants au beau milieu d'une nuit, somme toute, habituelle ?
La curiosité l'emportant toujours sur sa personne, Seiko quitte son perchoir en descendant rapidement du toit par une échelle métallique un peu rouillée afin d'observer discrètement le jeune garçon qui fait tant de bruit à Konoha pour ses prodigieuses capacités, semble-t-il, bien que le cynisme de la fille la laisse penser que tout son mérite revient au nom de son Clan. Elle ne reconnait ni Choji pour la grandeur d'un des hommes, et ni Shikamaru pour quatre bras supplémentaires sur un second. Ce sont des personnes qui ne font sûrement pas parties de Konoha, surtout cet homme aux allures arachnéennes.

Sasuke distingue derrière ses escorteurs une ombre se détacher de l'obscurité d'une ruelle et s'avancer vers eux. Il fronce les sourcils en reconnaissant l'intrépide et tant renommée la Petite Peste de Konoha qui aurait assassiné son tuteur cinq jours avant aujourd'hui. Une grimace se laisse apparaître sur le visage de l'Uchiwa lorsque Seiko lance tout haut :

— L'élu s'apprête à quitter le cocon !

Et en pyjama, en plus…
Mais au final, dans cette bouchée de sarcasme, Sasuke reconnaît une part de complicité. L'adolescente ignore les raisons pour lesquelles le village du Son qu'elle retrouve sur le bandeau d'un des quatre accompagnateurs a lancé une offensive sur Konoha quelques mois avant aujourd'hui, mais elle est suffisamment perspicace pour comprendre que le garçon au Sharingan récemment éveillé est sur le point de déserter. Néanmoins, elle ne connaît pas l'extrême justesse du mot "élu", si bien que les quatre gars se demandent si elle n'est pas au service de leur maître sans qu'ils aient à le savoir.

— Que comptes-tu faire ? pose poliment Sasuke de sa voix un peu canarde.

Elle attend d'arriver à son niveau pour hausser les épaules dans un soupir :

— Pas grand chose…

Puis elle observe sans modérer son attention les quatre adolescents qui lui ont semblé être des adultes au loin. La seule fille de ce quartet porte un bonnet en cuir noir sous lequel s'échappent de longues mèches rouges dont quelques unes lui fendent la face en deux.
Celui qui paraît avoir une certaine autorité soutient dans son dos le buste d'un frère siamois. Leur cheveux argentés ne descendant pas plus bas que leur nuque se reflètent parfaitement avec cette Lune de satin, et les lèvres du porteur sur lesquelles se forme un rictus permanent sont naturellement noircies, ce qui lui donne un aspect totalement monstrueux.
Le troisième qui a dupé la vue de Seiko ressemble à Choji, mais son imposition contraste en tout point avec cette jeune boulette vorace. Ses bras larges lui permettraient probablement de soulever la terre sans le moindre effort ; c'est le genre de caractéristiques physiques qui a tendance à impressionner la Petite Peste.
Le dernier au teint mat, plus foncé que celui de l'orpheline de mère, attache ses cheveux noirs derrière son crâne à la manière de Shikamaru, ou plutôt d'Iruka, et son front est orné d'un bandeau sombre sur lequel figure une note de musique gravée et inscrite à l'encre noire sur une plaque métallique renvoyant la lumière de la Lune. C'est grâce à ce symbole que Seiko a pu déduire l'origine de ces jeunes gens.

— Si personne d'autre que moi ne te voit ce soir, précise-t-elle calmement, ça se saura demain.

Regard noir contre regard noir, la jeune fille ajoute d'une voix claire et basse :

— Juste que s'il ne revient pas, c'est moi qui viendrai pour toi.
— T'es incapable de tenir un kunai, se moque Sasuke.
— On verra si j'ai besoin d'un kunai pour fracasser contre un mur ta petite boîte crânienne de moineau vengeur et y laisser dégouliner ton peu de cervelle, sous-espèce de connard pitoyable.
— Si t'es qu'une bonne-à-rien, c'est parce que ta mère n'a pas eu l'occasion de te recadrer.
— Bouffon, rétorque Seiko, grave, en contournant le groupe. Je t'ai prévenu : s'il ne revient pas, je viendrai te rendre visite, et qu'importe les ordres, je m'occuperai personnellement de ton cas.

Sasuke regarde la fille de son âge s'éloigner d'un pas crispé dans les lumières de Konoha, puis disparaître dans l'ombre, comme elle est venue.

— Quelle idiote, murmure-t-il en l'estimant suffisamment loin.

Les quatre autres adolescents un peu plus âgés se sont gardés de faire une remarque, car ils n'ont pas tout de suite compris que Seiko n'est pas de leur camp.

— Assez perdu de temps, tranche froidement le porteur siamois. On se retrouve aux portes du village.

L'Uchiwa acquiesce par un bruit râleur accompagné d'un simple mouvement de tête avant de tourner les talons vers son appartement.

Il doit être trois heures du matin quand Sakura voit venir au loin la silhouette du jeune garçon qu'elle a sagement attendu. Son cœur palpite dans un cocktail de tendresse, d'amour, d'anxiété, et de panique. Il s'avance, lentement, les mains dans les poches, en la dévisageant de son regard qui lui coupe le souffle. La gamine remarque le sac à dos de Sasuke, et ses doutes se confirment alors…

— Pourquoi tu rodes ici pleine nuit ? questionne l'Uchiwa sans l'once d'un sentiment affectif.
— Je savais que tu prendrais ce chemin si tu devais partir, répond Sakura, les yeux baissés. Donc j'ai juste attendu ici…
— Rentre chez toi, rétorque-t-il.

Il passe à côté d'elle, les mains dans les poches de son short blanc, comme si elle n'était qu'un de ces nombreux arbres mourants dans cette nuit atroce. Elle écoute l'horrible tap-tap des chaussures de son coéquipier qui s'éloigne sans dire un mot, et c'est à cet instant-même que ses yeux s'humidifient. Les lèvres serrées par le chagrin et la peine, elle se retourne sur le côté pour lui demander la raison de son mutisme.

— Et pourquoi tu ne dis jamais un simple mot ? poursuit-elle de sa voix étranglée.

Les larmes coulent sur ses joues sans qu'elle ne les retiennent et chatouillent son menton arrondi par son jeune âge.

— Je t'ai dit : je n'ai pas besoin de ton aide, tranche le déserteur. Ne t'occupes pas de moi.

Sakura ne répond pas, mais trouve tout de même à sourire.

— Tu m'as toujours détestée, soupire-t-elle enfin. Est-ce que… tu t'en rappelles ?… Quand notre équipe s'est formée… La première fois qu'on était venu ici, tu as été très dur avec moi… Je t'avais parlé de la solitude, des parents, et tu m'as dit que j'étais lourde…
— Je m'en rappelle pas.

Sakura le regarde, surprise, et finit par de nouveau baisser les yeux.

— Ouais, rit-elle nerveusement. T'as raison. C'est du passé, tout ça… Les meilleurs moments étaient avec toi, moi, Naruto et Kakashi-sensei. C'était pas toujours facile mais… j'ai toujours aimé ça.

Elle marque une pause pour reprendre :

— Je sais tout de ton passé, Sasuke-kun ! Même si tu obtiens ta vengeance, ça ne rendra heureux personne. Pas même toi… ni moi…
— Je le sais déjà, sourit-il, dos à elle. Je suis différent de vous tous, je ne peux pas suivre le même chemin que vous. Jusqu'à maintenant, on a tout fait comme un groupe, mais il y a autre chose que je dois faire…

Et au fur et à mesure que sa voix souffle dans l'air frais de Konoha, le visage de Sakura se contracte pour retenir les larmes.

— Profondément, continue-t-il, dans mon cœur, j'ai déjà choisi la vengeance. Je ne vis que pour ça. Je ne vous aimerai jamais, ni toi, ni Naruto.

La jeune fille semble réfléchir un instant à ses futurs arguments sans se soucier de l'acidité qui se traîne sur ses joues rosées.

— Tu veux vraiment redevenir seul ? lâche-t-elle d'une manière agressive. Tu m'as expliqué la douleur d'être seul, et en ce moment, je connais ta douleur ! Je peux avoir mes amis, ma famille, mais… si tu pars…

Elle ferme les yeux, laissant un flot de sel geler son tendre visage.

— À moi… balbutie-t-elle. Moi aussi je serai aussi seule que toi…

La nuit est lugubre, le silence regagne son trône, pas un souffle, ni de la part de l'un, ni de la part de l'autre, ni de la part d'un vent qui balaierait le chagrin et la souffrance de Sakura…

— À partir d'ici, brise la voix de Sasuke, nous commençons tous de nouveaux chemins…
— Je…

Le cœur de la jeune fille a bondi soudainement dans sa poitrine, et c'est dans un sursaut de désespoir que son amour vient s'exprimer fortement :

— Je t'aime de tout mon cœur !… Si tu restes avec moi, il n'y aura aucun regret, parce que chaque jour, on fera quelque chose de marrant… On sera heureux… je te le promets ! Je ferai n'importe quoi pour toi ! Je t'en supplie, reste seulement avec moi…

Sasuke ne répond pas.

— Je t'aiderai même dans ta vengeance… Je sais pas ce que je pourrai faire… mais je ferai de mon mieux !

Sa voix étouffée par des sanglots amoureux pourrait nous apitoyer davantage sur le sort d'une jeune fille adorant un garçon qui s'apprête à suivre la voix des ténèbres susurrant la vengeance et l'honneur à son oreille, mais plus le silence de Sasuke perdure dans cette nuit terrible, plus la raison quitte Sakura…

— S’il-te-plait, sanglote-t-elle. Reste avec moi… Ou prends-moi avec toi si tu ne peux pas rester…

Les suffocations d'un cœur déchiré en lambeaux n'en finissent pas si bien que Sasuke, sans-âme, se retourne lentement pour lui dire avec un sourire mauvais aux lèvres :

— Sakura… t'es lourde.
— Ne pars pas ! hurle-t-elle en le voyant faire un pas. Si tu y vas, je crierai !

Mais elle ne le voit pas se déplacer à une vitesse fulgurante dans son dos. Son grand front lui fait mal, ses yeux bouffis aussi, gonflés par le sel de ses pleurs d'enfant profondément amoureuse.

— Sakura…

Sa voix est douce, calme, tendre, lisse, et caressante… Elle l'écoute, le souffle coupé, dans le murmure triste d'un vent qui fait soudainement son apparition.

— Merci.

Elle se sent tomber, lâchée, vidée de tout espoir ; sa conscience s'évanouit peu à peu et elle ne trouve pas la force de la retenir… Encore une fois, elle a essayé, et encore une fois, elle a échoué.



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