Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 03/02/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.




Chapitre 5: Chenille - Le visage sous le masque



Le visage sous le masque

Après sa libération, Seiko s'est dirigée droit vers la boutique que tenait sa mère. Un nuage d'automne s'est évanoui sur le village entier, mais on y voit tout de même assez bien. Quelques enfants s'amusent à s'effrayer au milieu de silhouettes effacées qui se profilent dans les rues de Konoha. Pas un chant d'oiseau, ni celui du vent… seul le cri des gamins résonne dans cette gorge vaporeuse. L'adolescente ne tarde pas à arriver à la boutique et elle y trouve justement Erwan. C'est pour lui qu'elle est venue, après tout. Un regard suffit pour que les deux jeunes gens comprennent qu'ils doivent s'entretenir en privé, alors ils s'isolent derrière le bâtiment, dans un lieu que l'on pourrait qualifier de couloir de terre et de brique. Il s'agit d'un espace qui n'a pas été exploité par la boutique Matsuda et qui reste abandonné, quoiqu'il sert toujours de cachette pour les jeux d’enfants.
Seiko fixe sévèrement Erwan en croisant les bras au milieu de cette terre qui peine à se remettre de la pluie d’hier.

— T’as rien à me dire ? se fâche-t-elle.
— Je n'avais pas le choix…
— Tu… quoi ? T'avais qu'à assumer !
— Je suis désolé, Seiko…

Son regard d'un noir irréel se plante dans celui de l'ancien apprenti et ses joues se déforment au dessus de la grimace de ses lèvres naturellement rougies.

— C'est pas à moi de prendre tes conneries sur le dos.

Erwan souffle un instant :

— Je t'en prie, ne dis rien à Ibiki.
— Tu as démenti mon alibi !
— Je sais… soupire-t-il, navré.

Les feuilles mortes épargnées par la pluie chutent librement en laissant entendre leur impact sec contre les pavés de Konoha. Le jeune rouquin la questionne alors sur ses futures actions.

— Tu oses me demander ce que je vais faire ?

L'adolescente pouffe de rire en balayant l'air cotonneuse d'un ample mouvement de bras. Au final, elle plonge sa main dans la poche de son pantalon pour présenter au jeune couturier la lettre qu'elle a reçu de lui.

— Tu ne l'as pas brûlée ? s'étonne-t-il, les yeux écarquillés.
— À cause de toi, je vais être envoyée à l'orphelinat. Alors t'as intérêt à me dire pourquoi tu l'as tué, sinon je balance ce torchon à Ibiki.
— C'était pour toi.

Erwan l'a déballé dans un demi-souffle, provoquant la surprise de Seiko mélangée à du scepticisme. Elle répète ces mots, doucement et lentement, comme si sa réflexion parlait tout haut, et les prononce une seconde fois sur un ton plus fort en appuyant sur l’interrogation.

— Je savais que cet homme était mauvais, s'explique-t-il. La mort de Konohana m'a aussi boulversé, et je me suis juré de veiller sur toi.

Il marque une pause dans son temps de parole, puis reprend :

— Je ne voulais pas que ce qu'il s'est passé avec ton père se reproduise avec cet homme.

Seiko laisse tomber son bras tendu vers lui avec la lettre dans sa main pour dévisager Erwan d'un regard qui sort de son ordinaire, d'un regard, en fait, un peu plus doux que ce qu'on a l'habitude de voir chez elle, et pour la première fois depuis bien longtemps, elle ne trouve pas quoi répondre.

— Je ne pensais pas que ça allait finir comme ça, reconnaît-il. Je regrette cette fin…

Le vent souffle soudainement sur Konoha, dissipant peu à peu le lourd nuage dans l'infini du jour et laissant apparaître dans le ciel un soleil timide qui vient éclairer doucement le village.

— C'est bon, lâche Seiko dans un soupir. Sauf que si on apprend par malheur que ce n'est pas moi, la police va se rabattre sur toi, et là, je ne pourrai rien faire.

Elle lui lance un regard avertissant en guise de ponctuation, à moitié caché par des mèches sombres. Elle ne s'est pas pour autant montrée menaçante, mais son demi-tour façonné prouve à la perfection sa désapprobation de la situation. C'est ainsi qu'elle laisse Erwan au milieu de ce couloir découvert du ciel bleu pour mener ses pas en direction du square.

Deux minutes plus tard, la jeune fille se retrouve en face du portail sombre qui clôture le nid d'enfants joueurs. Elle pose sa main sur la poignée froide, la tourne vers la gauche dans un léger grincement et la tire vers elle en laissant les gonds hurler d'épuisement. À peine a-t-elle posé un pas dans ce fameux nid que tous les regards adultes se figent sur elle. Seiko soupire en se faisant la réflexion que les nouvelles se rependent toujours très vite au sein de Konoha. Bien que son tuteur était un homme aussi adoré qu'elle, il paraîtrait qu'elle l'ait massacré. Quelle mère laisserait jouer son enfant près d'une meurtrière ? Alors les parents commencent à réunir leurs mômes tout en surveillant Seiko du coin de l'œil. L'adolescente s'en moque, elle sait ce qu'elle n'a pas fait et le regard des autres ne lui inspire aucun intérêt ; c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a accepté de sacrifier son image personnelle au profit d'Erwan, et puis, un jour ou l'autre, la vérité éclatera.
L'adolescente entre donc dans le square et trouve un banc sur lequel méditer au milieu du berceau de Konoha. Le village souffle toujours à plein poumons, jouant dans la chevelure bouclée de la jeune fille. Celle-ci arrange vainement une de ses mèches tout en réfléchissant longuement sur son choix, pesant le pour et le contre de la proposition de son ancien professeur.




Du côté d'Ibiki et d'Iruka, le chef de la police a manqué d'ordonner que l'on suive Seiko pour la simple et bonne raison qu'il a fait l'erreur de soumettre ce projet à Tsunade. Celle-ci l'a refusé en argumentant que l'adolescente est de toutes les façons coupable du meurtre de son tuteur et que la suivre risquerait d'apporter suffisamment de preuves contre elle pour l'envoyer en prison pour mineurs. Alors il est sorti avec Iruka dans cette légère brume d'automne afin de discuter et l'a accompagné à l'Académie, dans la salle des professeurs.

— Je te dis que je suis sûr que ce n'est pas elle, appuie-t-il, visiblement frustré de la tournure des événements.
— Quoiqu'il en soit, reprend Iruka, elle est acquittée. En admettant que ce que tu dis soit vrai, quel intérêt y a-t-il à prouver son innocence ?

Ibiki fusille Iruka du regard, trouvant cette question fortement déplacée pour un homme qui est censé résoudre des enquêtes.

— Je veux dire que si c'est juste un sentiment, reprend-il d'une voix un peu moins assurée, tu risques de te tromper, et comme l'a dit Tsunade-sama, d'apporter des preuves qui aggraveront la situation.

L'inspecteur admet qu'il s'agit d'une intervention délicate, mais surtout, il faillit à son devoir en classant cette affaire aussi rapidement. La chaleur de la pièce provoquée par l'activation du radiateur et la préparation d'un fort café réchauffe son visage balafré quand il se retourne vers Iruka pour lui faire part de ses doutes :

— Si elle accepte de reprendre son entraînement, qui se chargera de la suivre ?
— Je ne sais pas encore, répond le professeur, mais je ferai en sorte que ce soit moi.

Ibiki soupire discrètement. À tout avouer, il aurait voulu se rapprocher de Seiko afin de mener sa propre enquête, mais aussi parce qu'il s'est surpris à apprécier son bon côté, aussi timide et éphémère qu'il soit.

— Je vois, fait-il simplement.

Il finit par boire son café sans y ajouter de sucre ou de lait, abrupte, savourant ce goût âpre qui élit domicile dans le fond de sa langue. Il grimace un peu, puis quitte la pièce d'un pas lourd du à sa corpulence tandis qu'un brusque vent vient balayer le brouillard.

Cela fait bien un quart d'heure que Seiko a cessé de se poser des questions. Elle demeure seulement assise à écouter le murmure de la brise qui chante à son oreille et qui lui apporte par la même occasion les voix des villageois autour d'elle, en guise d'accompagnement.

La sensation d'une présence ouvre les paupières de la jeune fille pour croiser de grands yeux entièrement blancs qui la regardent timidement. Hinata Hyûga une enfant de son âge avec laquelle elle a suivi les cours d'Iruka. Ses cheveux sont d'un noir étonnant, proche d'un bleu de nuit qui contraste avec son teint pâle trahissant la fierté qui cache la gêne. Les poings joints au dessus de sa poitrine, elle semble retenir son souffle sous le regard destructeur de Seiko.

— T'es bizarre à me fixer comme ça.

Hinata paraît sursauter, puis détourne le regard.

— Désolée, s'excuse-t-elle doucement.

Les deux jeunes filles se connaissent effectivement depuis l'Académie, néanmoins, elles ne sont jamais devenues proches. Ce qui les sépare peut-être est la divergence de leur caractère, mais à vrai dire, ni l'une, ni l'autre ne connaît la véritable raison de cette distance, car après tout, cette question ne s'est jamais posée.

— Qu'est-ce que tu veux ?
— Je… euh… bafouille-t-elle. Rien, j'allais partir…

Mais au lieu de tourner les talons, Hinata continue à fixer le sol de ses yeux lunaires. Seiko est persuadée que si cette fille avait beaucoup plus d'assurance, elle serait plus déstabilisante qu'elle. Au final, elle finit par se décaler sur le banc afin de lui laisser une place à sa gauche. L'Hyûga rougit un peu, hésite, mais une sorte d'empressement la fait s'assoir maladroitement sur cette pierre taillée. Le silence dure quelques instants, Seiko attend une parole de sa part, Hinata attend de se décider.

— En fait… murmure-t-elle miraculeusement. Je voudrais savoir ce que ça fait de… euh… tuer quelqu’un…

La fille aux yeux noirs fronce les sourcils, se demandant ce qui peut bien trotter dans l'esprit de l'autre. Au final, elle comprend…

— Désolée ! s'exclame Hinata en constatant le manque de réponse.
— Bah, je ne peux pas trop te dire, répond Seiko, car je n'ai pas tué pour les mêmes motivations auxquelles tu seras confrontée plus tard. J'ai tué pour me protéger, toi, ce sera pour obéir aux ordres.

Elle soupire un instant.

— Ce que j'ai ressenti avec mon tuteur, c'est de la peur. C'est ce qui m'a fait le tuer. J'avais toujours peur lorsque je l'ai poussé dans le vide, et puis j'ai paniqué.
— Et ensuite ?…
— C'était une sorte de colère joyeuse…

La voûte céleste s'habille de nuages épais qui viennent dévorer le soleil de leur crocs grisâtres tandis que Seiko doute de la plausibilité de ses propos. Hinata, fille du silence, reste assise à côté d'elle, toujours très gênée. Elle se dit qu'elle se surpasse en adressant la parole à la meurtrière, que jamais elle n'aurait osé si cette question ne s'était pas imposée dans son esprit préventif, et elle est trop timide pour demander quoique se soit à sa professeur. Au final, la fille aux boucles brunes soulève des jambes avec souplesse pour les poser entre elle et Hinata, puis pousse un peu sur des bras afin d'installer son dos contre l'accoudoir du banc et ainsi avoir l'Hyûga dans son champ de vision.

— La seule chose que je peux te dire, commence-t-elle de sa voix basse, c'est qu'il y a au moins un moment où tu ne dois surtout pas hésiter dans la vie.

Elle lève alors ses yeux pâles remplis de curiosité sur la meurtrière qui replace une de ses mèches rebelles au vent.

— Quand ta vie ou celle des personnes que tu aimes est en danger, poursuit Seiko en se penchant un peu en avant, t'as plutôt intérêt à te dire que t'es la seule à pouvoir la protéger. Alors, ne réfléchis pas aux conséquences de ton acte et élimine la menace le plus rapidement possible.

Elle s'adosse une nouvelle fois contre l'accoudoir et joint ses mains derrière sa tête en emmêlant ses doigts d'artiste dans les boucles d'ébène. Condamné par les dieux à ne jamais reprendre son souffle, le vent se vide toujours aussi puissamment de ses poumons infinis et transporte les feuilles mortes au dessus des cinq têtes rocheuses dont la dernière a été achevée quelques semaines auparavant.

— Ne fais pas la même erreur que moi, termine Seiko d'une voix caressée par un soupçon de tristesse. Tu le regretteras, et amèrement…



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