Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 01/01/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.
__________________

Sujets sensibles à l'horizon, mon capitaine !
Ah, et un vocabulaire assez vulgaire par moment, c'est pourquoi je suis passée de -12 à -16D.

PS : Je ne pense pas tout ce que dit le personnage principal, hein :$




Chapitre 3: Chenille - L'aveu



Ibiki mène ses pas en direction du square avec les dessins de Seiko sous le bras. Iruka ne l'a pas suivi, faute d'un programme trop chargé, et a rejoint l'Académie afin de préparer ses cours.
L'inspecteur longe la rive gauche de la rivière durant de longues minutes, direction Sud, dans le souffle infatigable du ciel qui ne finit pas de se vider les poumons, jusqu'à sentir sur sa joue une de ses larmes perdue par ses nuages. L'homme lève alors son regard d'acier et constate avec ennui que le vent apporte au village une immense masse cotonneuse d'un gris inquiétant, probablement porteuse d'orage. Les dernières paroles de Seiko lui reviennent soudainement en mémoire. Il est bien tenté de rester sous cette prochaine averse, ne serait-ce que pour détériorer les dessins de la gamine, mais au final, il admet que cela pourrait autant nuire à son enquête. Ibiki accélère alors le rythme de sa marche, descend quelques escaliers et franchit la rivière en traversant le dernier pont pour se retrouver face au square. Ses yeux parcourent les environs à la recherche d'un abri tandis que des parapluies déploient leur envergure sombre. L'inspecteur trouve à temps une corniche qui le protégera de la pluie. Il s'y dirige en recouvrant le carton à dessin de Seiko sous son long manteau noir et patiente quelques instants en regardant les gouttes d'eau percuter de toute leur puissance les attractions pour enfants.
Un couple de villageois passe devant lui, se recouvrant du manteau de l'homme, rieurs sous cette violente averse et les pas précipités tapant dans les flaques d'eau tandis qu'Ibiki s'assied sur une marche épargnée par la flotte et ouvre le carton pour analyser son contenu. Son regard se fige sur un dessin extrêmement bien réalisé. Seiko a dû prendre des heures pour le faire… Il regarde autour de lui pour dénicher le modèle de pierre, mais il peine à distinguer le paysage voilé par ce rideau de pluie, d'autant plus qu'aucune habitation dans les alentours ne ressemble à celle-ci…
Soudain, il aperçoit une silhouette humaine assise sur un banc du square, étrangement à l'aise sous cette averse assassine. En plissant les yeux, il reconnaît avec surprise la gamine insolente. Elle semble le fixer longuement, l'air grave ou concentré, puis baisse les yeux et agite son poignet au-dessus d'une surface plane.
Tandis que les secondes se perdent dans le scepticisme d'Ibiki, le regard de la suspecte se lève toujours plus haut. Il comprend enfin… L'inspecteur dépose les dessins à côté de lui, se lève lentement et s'avance dans cette brusque ondée tout en observant l'architecture sous laquelle il s'est abrité. Elle correspond parfaitement à la représentation de Seiko, c'est incroyable… Lorsqu'il se retourne, l'enfant a disparu sans laisser de traces… Cela, par contre, il ne l'a pas très bien compris…
Enfin. Les ombrages sur le dessin confirment l'heure à laquelle elle s'est présentée au square, mais il préfère vérifier cette information auprès d'un commerçant du coin. Il patiente alors sagement la fin de l'averse sous la corniche de l'habitation en tournant ses pensées vers son jeune frère et vers toutes les péripéties vécues en sa compagnie…

Les premiers rayons de soleil traversent les dernières couches des nuages, venant réchauffer le visage de l'inspecteur de leur tendre chaleur. Il n'y a pas eu d'orage, finalement… Ibiki se saisit du carton a dessin et quitte son abri pour se diriger non sans hasard vers la boutique de textiles. L'homme se présente à une femme âgée de vingt ans, souriante, cheveux longs et blonds cendrés, avec un regard rond et de couleur brune.

— Bonjour Ema.
— Bonjour Ibiki ! s'exclame-t-elle de sa voix canarde. Quel temps pourri…
— Tu l'as dit… Tu n'aurais pas vu Seiko Matsuda assise sur le banc en face de la maison à la toiture rouge vendredi dernier, dans les alentours de vingt heures ?
— C'est Erwan qui s'occupe de la clientèle à cette heure-ci.

Elle se retourne à moitié pour crier à plein gosier le nom de son collègue. On entend s'approcher des pas précipités derrière un rideau de tissus élégants, tous très diversifiés, aussi bien dans le motif que dans la couleur. Un jeune homme du même âge qu'elle se fraie un chemin parmi eux en les écartant des bras et en penchant sa tête rousse.

— Ah, salut Ibiki. C'est pour quoi ?
— Il aimerait savoir si tu as vu Seiko vendredi dernier, devance Ema. À quelle heure déjà ?
— Vers vingt heures. Elle dessinait longuement assise sur ce banc.

Il lui désigne l'endroit où Seiko s'était installée d'un mouvement de tête.

— Là-bas, poursuit-il.

Erwan hésite un instant, se frottant la barbe naissante à l'aide de sa pince, les sourcils froncés.

— Non, déclare-t-il simplement. Elle n'y était pas. J'ai vu du monde sur ce banc et autour du square, mais pas Seiko. Et si je l'avais vue, je m'en serais souvenu.

Ibiki se mord la joue. La date et l'heure indiquées sur le dessin correspondent pourtant à celles du meurtre…

— C’est par rapport à votre enquête ? s'enquiert Ema.
— Oui, répond l'inspecteur. Merci de votre coopération.

Il achève l'interrogatoire sur ces mots et laisse le duo seul au comptoir avec un nuage de doute planant au dessus de leur esprit.

— Ça m'étonnerait que Seiko soit dans le coup, souffle la jeune femme.

Elle observe la silhouette imposante d'Ibiki s'éloigner d'un pas lent avec le carton à dessin de l'orpheline sous le bras, puis elle se tourne vers son collègue, sceptique, pour lui demander ouvertement :

— Tu n'étais pas parti à la boulangerie, ce vendredi à vingt heures ?

Erwan hausse les épaules avec un air sarcastique marqué sur ses lèvres.

— Elle était fermée, alors je suis revenu.
— Il est lourd à alterner ses jours et ses horaires, ce boulanger !
— Ouais… Vivement qu'il parte à la retraite. Mais je crois que c'est à cause de la grippe, cette fois-ci.
— Peut-être…
— Hum, fait le jeune homme. J'ai une lettre à envoyer à un client, je te laisse t'occuper du comptoir un moment ?
— Pas de soucis, mon cher Erwan !

Il lui sourit alors et s'engouffre une nouvelle fois dans les tissus.

Le vent d'octobre froisse la rivière de Konoha et fait danser le long manteau noir d'Ibiki dans son souffle frais. Il traverse le pont chantant sous son poids, puis continue sur le gravier humide alors que ses semelles se chargent de l'essorer comme une éponge de cailloux minuscules.
Il ne tarde pas à arriver au poste de police qui se situe à l'ouest du square dans le quartier des Uchiwa. Il s'agit d'un bâtiment austère installé sur une structure en pointe entourée d'herbes sèches. Une entrée et une sortie unique, ainsi que deux sceaux posés sur la façade de l'architecture de pierre mal entretenue empêchent toute tentative d'évasion.
L'inspecteur salue ses collègues qui s'empressent de l'interroger sur l'enquête en cours.

— Justement, répond-il en posant les dessins sur une table. Je vais demander à deux d'entre vous de surveiller Seiko, et à deux autres de surveiller Ema et Erwan.
— Cette sale gosse est finalement suspecte, souffle un policier à lunettes en ouvrant le carton à dessin.
— Son alibi a été démenti par Erwan…

Ibiki ouvre la machine à café pour constater que le filtre est vide…

— C'est quoi ce…
— Yohan est parti en acheter.
— Quel intérêt de mettre un filtre vide dans une cafetière, se fâche le chef en refermant le réservoir.

La voix grave de cet homme est réputée pour toujours laisser un silence angoissant après son temps de parole. C'est ce qu'il se passe en ce moment-même, si bien que l'on pourrait entendre le moucheron voler à côté de la fenêtre.

— Du coup, pourquoi tu veux qu'Ema et Erwan soient sous surveillance ? demande l'homme aux lunettes.
— Lui et Seiko se contredisent. Regarde la date de réalisation du dessin. J'ai vu Erwan vendredi dans les rues de Konoha, et il dit ne pas l'avoir vue au square. Soit il l'a manquée de beaucoup de temps, ce qui me semble suspect car le connaissant, ce n'est pas dans ses habitudes de quitter son lieu de travail, soit il a menti en disant ne pas l'avoir vue. Dans le cas contraire, c'est Seiko qui ment en retravaillant ses dessins, ce qui fait qu'elle n'est restée qu'un petit temps, ou en travaillant un autre jour et en modifiant la date.

— Mais, intervient un autre, Yui et Erwan n'ont aucun lien. Pourquoi le tuerait-il, et d'une façon aussi barbare ?
— Seiko est une sale gosse, ajoute un troisième, mais trop franche pour tuer quelqu'un et ne pas revendiquer le meurtre juste après.
—Oui, et il faut la force d'un homme pour cette mise en scène macabre. Regardez les bras de Seiko, c'est impossible.
— Et regardez ceux d'Erwan, s'oppose l'homme aux lunettes. Ce sont des béquilles. De toute façon, j'ai entendu dire qu'il était violent. Si ça se trouve, il a essayé de frapper Seiko, qui, boostée par la panique, l'a tuée.
— Elle n'aurait pas caché ça, s'énerve le troisième. Et c'est ridicule, si la panique agit comme une adrénaline, tu veux dire qu'elle l'aurait cloué au mur et vider de ses entrailles tout en étant paniquée ?
— Yui était un très mauvais tuteur qui se servait de Seiko pour avoir plus d'argent, s'énerve-t-on. C'est pour ça qu'elle l'a tué.

Ibiki bouge nerveusement. Il a choisi de ne pas participer à ces accusations gratuites pour écouter l'avis de chacun, mais au final, après un bref demi-tour, il frappe puissamment la table de d'un poing fermé, interrompant le débat entre ses collègues.

— On s'en fout, grince-t-il. Je veux que Seiko soit surveillée autant qu'Erwan et Ema. J'accompagnerai deux d'entre vous jusqu'à chez cette gamine.

Il reprend le carton à dessin sous son bras.

— Shirakumo, Genma, appelle-t-il en se dirigeant vers la sortie. Avec moi.

Aussitôt, les deux policiers se lèvent.

— Tekuno, poursuit Ibiki. Choisis quelqu'un pour surveiller Erwan et Ema.

Et le trio quitte le bâtiment derrière les rayons du soleil qui se perdent sur le toit délabré, suivant une marche rapide vers la maison de Seiko.

Le village entier est plongé dans le bain ardent du crépuscule. Les ombres s'allongent comme des bras tendus vers l'Est et recouvrent tout obstacle de leur surface d'un noir pur. Un rayon encore égaré trouve refuge dans la chambre de Seiko en passant par sa fenêtre, et sa curiosité l'emmène tout droit sur une feuille de papier dépliée en quatre sur laquelle figure un texte soigneusement écrit tenu dans les mains de l'enfant, mais une froissure cache à ce vieux faisceau de lumière la signature d'Erwan.
Le regard sombre de la gamine quitte l'encre noire pour abaisser ses paupières et la laisser soupirer un instant. Elle les réouvre, lentement, juste avant d'entendre quelqu'un frapper à l'entrée de chez elle. Seiko avale sa salive en quittant sa chambre pour accéder au hall et ouvrir la porte.

— Plutôt rapide, l'inspecteur.
— Puis-je entrer ?

L'orpheline le dévisage un instant du haut de son mètre quarante-deux, intrépide devant cette masse sombre qu'est Ibiki. Au final, elle se décale sur le côté afin de lui céder le passage pour accéder au hall d'entrée.

— Ne faites pas attention au bordel, prie-t-elle en refermant la porte derrière lui.

Le chef de la police observe un instant le milieu qui l'entoure avant de diriger son attention sur Seiko.

— Vous avez rapporté mes dessins.
— Oui.

Elle ouvre la pochette qu'il lui donne et constate avec agrément la propreté de ses croquis.

— Comme convenu, rappelle Ibiki.

Seiko laisse apparaître un sourire sur son visage. Un sourire que l'on jugerait de précieux en vue de sa personnalité, un sourire sorti tout droit du passé…

— Je vous sers à boire ? propose-t-elle en levant son regard pétillant sur lui.
— Un… un café…
— Vous pouvez vous asseoir dans le salon.

Ibiki est un peu troublé par ce comportement convivial qui s'oppose parfaitement à la froideur habituelle de la gamine. Il la regarde s'éloigner vers la cuisine tandis qu'il mène ses pas vers la salle à manger située à sa droite. Il entre sans avoir à pousser une porte de verre, calée par une table ronde nappée d'un tissu rouge aux motifs floraux. Il s'avance ensuite vers un fauteuil semble-t-il fort confortable et s'y installe. Il ne s'est pas assis de la journée, et bien que les séances de torture subites en voulant protéger son jeune frère l'aient endurci et renforcé, il demeure sensible au confort et ne dit pas non à une assise moelleuse où l'on s'engouffre agréablement.
Seiko ne tarde pas à revenir avec une tasse chaude de café et un sucre sur une coupelle, accompagnée d'une cuillère en acier.

— Vous avez de la chance, avance-t-elle en posant son offre sur une table basse. Je comptais me débarrasser de cette cafetière après la mort de mon tuteur.
— Merci, dit Ibiki en se penchant en avant pour prendre la tasse.
— C’est moi qui vous remercie.

Il lève son regard aquilin sur Seiko.

— Tu sembles énormément tenir à tes dessins.
— C'est parce qu'ils comptent énormément pour moi, copie-t-elle. Ils comptent énormément parce qu'ils sont toute ma vie. Je crée depuis qu'on m'a filé un feutre entre les mains.
— Je vois.

La jeune adolescente s'assied sur le canapé sans cacher un soupir.

— Vous n'êtes pas venu pour le café… Quoi d'autre ?

Ibiki dépose la tasse sur la table avant de faire basculer son corps dans le fond du fauteuil.

— Erwan Kurama ne t'a pas vue au square le jour du meurtre.
— Vous le croyez ?
— Ça dépend de toi.

Elle croise les bras.

— Je vous écoute…
— As-tu vu Erwan Kurama vendredi 7 octobre en début de soirée, vers vingt heures ?

Seiko reste sceptique face à ce flux d’information qu’elle a déjà en sa possession, et c’est lorsqu’elle va pour l’interroger à ce sujet qu’elle comprend… Alors elle fusille Ibiki du regard, et c'est seulement à ce moment même où l'inspecteur reconnaît l'adolescente qui fait autant de bruit au village pour ses airs assaillants de reproches et de menaces.

— Toi et les enregistrements, souffle-t-il en plongeant sa main dans une poche intérieure.
— Non, Inspecteur. Laissez-les. J'irai droit au but, juste pour vous humilier.

Elle décroise ses bras pour pencher légèrement son buste en avant, donnant ainsi de l'importance à ses prochaines paroles.

— Moi, Seiko Matsuda, n'ai pas vu Erwan Kurama au magasin de textiles le vendredi 7 octobre à vingt heures, articule-t-elle. Pour la simple et bonne raison que je ne dessinais pas au square de Konoha. J'ai menti sur la date du croquis que j'ai travaillé en amont, un jour férié, à la même heure.

Elle marque une pause, plantant son regard rongé par les ténèbres et dévorant l'inspecteur de l'intérieur. Il la fixe, le souffle coupé en attendant une suite qui tarde à venir.

— J’ai tué Monsieur Yui ce vendredi 7 octobre à vingt heures.



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