Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 10/12/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.




Chapitre 15: Papillon - Le pied pris dans la racine



Le pied pris dans la racine


Noir
Déclic
Lumière

Seiko plisse les yeux afin de les protéger de cette agression oculaire. Elle se souvient d'avoir vu un membre de la Racine à sa fenêtre, et puis, plus rien…
La voilà dans une salle austère, assise sur une chaise, avec ce même shinobi qui est venu la chercher, planté droit comme un piquet face à elle, en retrait sur la droite.

— Pourquoi vous m'avez amenée ici ? se renseigne-t-elle, peu satisfaite de la méthode.
— Danzo-sama veut vous voir.

Sa voix a la douceur de la jeunesse. Seiko estime le shinobi de son âge, peut-être un peu plus âgé, peut-être un peu plus jeune, quoiqu'elle s'en étonnerait. Elle ignorait que le chef de la Racine se nommait Danzo, et encore qu'elle ne sait pas non plus de quoi il a l’air.

— Ok… Et où est-il ?…
— Danzo-sama est occupé.
— Danzo-sama veut me voir mais Danzo-sama est occupé, raille-t-elle. Danzo-sama ne se foutrait-il pas un peu de ma gueule ?
— Danzo-sama ignore que vous êtes réveillée.
— Vous attendez quoi pour le prévenir ?
— Danzo-sama m'a confié un poste.
— Vous n'avez qu'à m'amener à lui…
— Danzo-sama m'a donné des ordres.

Seiko laisse échapper un soupir de lassitude. Elle se demande bien s'il s'agit d'une réalité déconcertante ou d'une comédie de mauvais goût.
De toute façon, il ne lui reste qu'à attendre ce fameux Danzo-sama, alors elle se permet de se lever afin de se dégourdir les jambes sans que l'on vienne protester. La jeune fille sillonne les murs gris, passe ses doigts fins sur la table solitaire au fond de la pièce, puis s'arrête sur un encadré représentant le symbole de Konoha accroché en hauteur. Elle l'observe un instant, cette feuille dont le cœur tourbillonne.
De tous les symboles de village, celui-ci est décidément le plus réfléchi…

La porte unique de la pièce s'ouvre doucement. Seiko, qui a pris pour habitude de sursauter si le geste est trop brutal, ne se retourne pas tout de suite.

— Danzo-sama, fait le shinobi.
— Mademoiselle Matsuda.

Sa voix vieillie par l'âge avancé du chef de la Racine résonne dans toute cette petite et sombre pièce. Seiko lui fait désormais face, le regard opaque et audacieux qui transperce l’acier d’un plissement de paupière.

— C’est donc vous, murmure-t-elle.

Danzo ne répond pas. Emmitouflé dans un kimono blanc recouvert un autre vêtement noir qui retient prisonnier son bras droit, il se contente de fixer la gamine de son air sévère. Seiko ne s’en offusque pas, elle a l’habitude d’être regardée d’une façon qui inspire l’antipathie.

— Pourquoi je suis ici ?
— Je vous invite à rejoindre la Racine, déclare-t-il sans arabesque.

Seiko, qui se tenait déjà droite, s’est redressée davantage, surprise. Elle observe attentivement le vieil homme, attend une suite qui tarde à venir… Il s’avance lentement mais avec assurance, levant et rabattant sa canne en bois sur ce sol de béton armé.

— Ça a le mérite d’être direct…
— J’ai besoin d’une réponse rapide.
— Demandez en mariage la première femme que vous croiserez en sortant de ce trou à rat, et voyez ce qu’elle vous répond !

Danzo fronce les sourcils. Il s'est attendu à une certaine impétuosité, et bien qu'il ait vu le résultat avec Tsunade, il ne s'est pas imaginé que cette gamine pouvait être aussi irritable…

— Vous vouliez être architecte, il me semble.
— Oui…
— Et vous le désirez toujours.

Affirmation qui perdrait étrangement du mystère si elle avait été posée sous la forme d'une question.

— Je…
— Pourquoi avoir rejoint les rangs de Konoha ? coupe-t-il.
— À défaut de…
— À défaut de moisir dans un orphelinat…

Seiko serre les dents en fixant méchamment le vieillard appuyé sur sa canne.

— Ça vous dirait de découvrir votre canal auditif droit ? s'énerve-t-elle soudainement. Parce que je crois que vos bandages, là, ils laissent pas passer mes débuts de phrases !

Elle l'a lancé sur un ton si détestable que Danzo, réputé pour son calme remarquable, en vient à fermer les yeux afin de conserver la noblesse de son esprit.

— 0.12.4.20, articule-t-il correctement. Laissez-nous seuls…

Intriguée par cette appellation, elle observe le jeune shinobi disparaître derrière le mur.
Les secondes s'écroulent dans le silence, comme permettant d'assurer à chacun si aucun être ne viendrait parasiter leur conversation.

— Un numéro, relève Seiko avec bien plus de sérieux.
— Pour conserver l'anonymat, explique-t-il.

L'enfant grimace légèrement d'inconfort. Un numéro, une matricule… Elle sait bien que Danzo lui ment, ou du moins, en partie. Pour l'anonymat, certes, mais encore ? Cela va plus loin…

— Je vous repose la question, Mademoiselle Matsuda. Pourquoi avoir rejoint les rangs de Konoha.

Si Seiko distingue le mensonge du vieillard, il en est de même pour lui. Deux excellents dissimulateurs de vérités qui ne connaissent pas la perspicacité de l'un et de l'autre…

— L'Uzumaki, dit-elle en toute simplicité.

L'Uzumaki ? Uzumaki Naruto ?…
Danzo reconnaît sa perplexité face à la réponse d'une gamine qui n'est pas réputée pour son attachement avec les autres personnes, et pourtant, le lien étroit qu'elle a tissé avec son ancien professeur prouve qu'elle n'est pas si individualiste que ce que l'on raconte. Peut-être que ce lien existe avec Uzumaki Naruto…

— La Racine a besoin de personnalités telles que vous.

Dans cet entretien forcé, Seiko n'est forcément pas à l'aise en dépit de ses manières décontractées.

— Pour commencer toutes mes phrases par un Danzo-sama comme 0.12-j'sais plus quoi ? Très peu pour moi…

Danzo hoche négativement la tête, petit sourire naissant aux coins des lèvres.

— Le statut qu'occupe 0.12.4.20 est réservé aux plus simples d'esprit. Ce que je vous propose est nettement plus intéressant.

La gamine tourne légèrement la tête sans pour autant détacher son regard du vieil homme.

— Nous avons besoin d'individus qui savent réfléchir et agir en conséquence.
— Il y en a trente-six mille, des comme ça, fait-elle en se replaçant. Vous n'avez qu'à aller emmerder un autre individu qui sait réfléchir et agir en conséquence.
— Peu se soucient de l'avenir, Seiko.

Danzo l'a retenue comme si elle pouvait disparaître en un battement de paupières…

— Tsunade fait partie des personnes qui ne voient pas sur le long-terme, reprend-il. Pour les beaux yeux qui lui font échos de son défunt petit-frère, elle essaie de sauver l'Uchiwa. C'est pourquoi elle a envoyé votre professeur le convaincre de rentrer au village.
— Je sais déjà tout ça, tranche-t-elle d'une manière des plus froides.
— On vous cache ce qu'il s'est passé sur le terrain…

Seiko détourne le regard sur la canne du vieil homme durement appuyée contre le sol, puis répond, dans un marmonnement quasiment inaudible, qu'elle attend le retour de Jiraiya pour lui poser la question.

— N'allez pas croire qu'il s'est fait tuer par l'ennemi, ajoute-t-il en déplaçant sa canne afin de s'attirer le regard de l'enfant. Il s'agit bien d'un membre de l'ANBU, de la branche principale, qui a retourné sa veste…

La gamine se mord la joue. Après la mort d'Iruka, elle n'a jamais eu envie de parler de lui, ou même en entendre parler. Elle préfère y penser… Car mieux que de l'évoquer dans une conversation, les pensées ne sont que l'unique attention sentimentale et profonde qu'elle attache à la personne concernée.

— Cette information est restée confidentielle afin de faire taire tout besoin vengeance, poursuit le dirigeant de la Racine. Particulièrement de votre part… Du moins, c'est ce que l'on dit.
— Comment ça ? s'intéresse Seiko.

Son soupir semble traduire son hésitation. Autant la Petite Peste de Konoha a rapidement distingué la manipulation de Shikaku, autant elle ne se doute pas des réelles motivations du vieillard à tenir ce genre de discussion.

— Disons que Tsunade essaie de conserver la confiance des villageois et de ses hommes, explique-t-il. Les plus grands criminels du monde venant de chez nous, ils sont suffisamment nombreux comme cela pour en ajouter une à la liste officielle.
— Une ?
— Kaliachi Kirino. La Racine se charge de localiser les déserteurs, puis de les éliminer.

Voilà qui donne à réfléchir à Seiko. Lui, par la simple prononciation des syllabes du terrible mot vengeance qui se susurre sinistrement à l'oreille de l'enfant, a réussi à implanter l'idée de représailles dans cet esprit façonné par de solitaires expériences déplorables…

— Je vous parle aussi librement, Mademoiselle Matsuda, pour que vous sachez que si vous refuser de nous rejoindre, cette discussion se sera, par précaution, effacée de votre mémoire…
— Évidement…

Seiko passe sa main dans ses cheveux sombres, soucieuse de trouver le bon choix dans toute cette eau qui dort. Elle s’imagine bien qu’elle progressera amplement plus vite ici, dans une faction d’élite, qu’avec l’équipe à laquelle elle est affectée…

— À l'inverse, j'informerai à titre personnel Tsunade de votre entrée dans la Racine et je vous assignerai à un professeur qui vous aidera à développer votre potentiel.
— Quel intérêt j'ai à me joindre à vous ? soulève soudainement la Genin. À part la puissance.

Et l'envie de régler des comptes avec cette fameuse Kaliachi Kirino…

— L'avenir, Mademoiselle Matsuda. Vous souhaitez soutenir Uzumaki Naruto qui a toutes les ressources pour devenir Hokage, mais pour cela, il faut protéger Konoha…

Elle hésite. C'est que… c'est tentant… Elle hésite, donc. Elle juge, regarde Danzo, l'évalue d'un coup d'œil, pèse le pour de la proposition, puis le contre… Elle bouge nerveusement, toujours mal à l'aise, soupire une fois, réfléchit… soupire une seconde fois, hésite, évalue… Vengeance et puissance, puissance et vengeance…
Elle se surprend à s'identifier à Sasuke. Cela ne lui plaît pas de reconnaître qu'elle comprend son choix…
Tout se chamboule dans sa tête… Seiko ne sait pas quoi penser…
Elle pense à Naruto, couché au fond d'un lit d'hôpital…
C'est pour lui…
Tout ça… toute cette sueur qu'elle verse, tous ces efforts… c'est pour lui…
Peut-être qu'il ne se réveillera pas.
Peut-être que c'est inutile.
Mais peut-être, aussi, qu'il se réveillera…
Le choix s'impose. Danzo est patient, mais il a besoin d'une réponse rapide, et son image stagnante, son regard figé, ceux d'une statue vivante, ne font qu'amplifier cette pression qui pèse sur les épaules de Seiko.


__________________________


L'air est chaud, sec, écrasant… Le paysage verdoyant du pays du Feu manque à Haruka. Elle est seule, rentrant des cours, et passe devant un immense bâtiment en construction. Comme tous les jours, en fait. Elle s'ennuie de cette vie morose, sans remous, aussi plate et vide qu'une plaine dont la terre est craquelée par la sécheresse et désertée de toute existence. Même les vautours n'y trouvent plus leur compte et crèvent de faim dans son cœur dévasté.
Haruka est jolie, amicale, et garde une pointe de mystère qui attire la curiosité des autres enfants de son âge et en particulier ceux du sexe opposé. Elle est nouvelle et ne sait pratiquement rien de Suna. Une occasion en or pour la faire visiter !… si elle ne détourne pas l'invitation, bien entendu. Car son cœur est tourné vers sa meilleure amie qu'elle ne reverra très probablement jamais…

Haruka s'arrête devant un magasin d'armes qui se distingue des autres bâtiments par seulement son enseigne sobre.

« Armes »

À Suna, les armes sont chères car rares sont les acheteurs, et sont en constante réduction afin d'encourager la population à s'engager. Déjà que le village est un des plus pauvres du monde, il faut qu'il soit un des plus faibles militairement et le moins attractifs. Contrairement à Konoha, celui-ci n'attire aucun touriste à cause de son allure funeste, de ses températures chaudes et sèches, des tempêtes de sable qui sévissent pratiquement une fois toutes les semaines le village, de l'accès difficile, du peu de sympathie que dégage les habitants… Nous pouvons ajouter à la liste son Jinchuriki qui manifeste un sadisme des plus inquiétants et, depuis trop longtemps, l'absence de Kazekage.

— Eh ! Jeune fille ! hurle le commerçant d'armes en sortant de sa tanière. Vous êtes plus tentée par la force du fer que par la délicatesse des feuille de cours ?… Vous… en avez assez de vous lever tous les matins pour enregistrer des trucs inutiles tout au long de la journée ?

Haruka l'observe d'un regard peu convaincu…

— Vous préférez apprendre à vous battre plutôt qu'à essayer de comprendre l'absurdité du monde dans lequel on vit ?… Engagez-vous et achetez nos armes !

La jeune fille, bien éduquée, s'excuse auprès du vendeur avant de s'enfuir dans les rues de Suna. Elle préfère éviter le contact avec les hommes…

Elle ne met pas plus de dix minutes à rentrer chez elle, et lorsqu'elle referme la porte de son appartement, elle croise le regard sombre de son père dans lequel chatoie l'inquiétude.

— Ça c'est bien passé, aujourd'hui ?
— Euh… ouais… J'ai des devoirs à faire pour demain.
— Tes amis sont gentils avec toi ?…
— Oui, oui.
— Si quelque chose ne va pas, insiste-t-il, tu sais que tu peux m'en parler…

Haruka le regarde un instant, semble hésiter, puis de décide à s'approcher de lui pour se hisser sur la pointe des pieds et l'embrasser sur la joue.

— Tout va bien, Papa, assure-t-elle dans un sourire.

L'homme passe une main dans ses cheveux roses ternis par son âge mûr, traduisant sa gêne émotive. Il aime sa fille pour rien au monde, et tout ce qui lui veut, c'est son bonheur…
Haruka passe à sa gauche pour s'enfermer dans sa chambre et s'engouffrer dans le monde des lettres et des chiffres.

Étudier…
Voilà un mot qui peut perdre de son sens à l'adolescence. Les plus dévoués continueront d'apprendre d'une manière encore très scolaire et dépendante des professeurs, d'autres s'arrêteront un instant et se demanderont à quoi cela leur servira sur le long terme. Haruka, justement, autrefois très studieuse, compte parmi cette seconde tranche.
Cela fait bien une heure qu'elle réfléchit sur son avenir, le manuel de sciences naturelles ouvert à une page au hasard. Il faut avouer que les mots du jeune vendeur ont percuté son esprit. Ce n'est pas courant d'assister à ce genres de propos…

« L'absurdité du monde »

Que voulait-il dire ?…
L'adolescente en vient à penser à ce que l'armée pourrait lui apporter de plus que ce qu'elle a aujourd'hui.

L'utilité.

Ça, ça lui plait.

Elle était utile à Monsieur Yui. Pas plus qu'Eri, néanmoins, qui battait les records, mais elle était aussi utile à ses clients.
Entres filles payées pour vendre leur corps d'enfant, il faut le dire… elles s'échangeaient des tuyaux pour rapporter plus, et c'était dans ce genre de réunions secrètes qu'elles ont appris non pas à se battre, mais à se défendre efficacement contre une force bien plus imposante que la leur.

Mais si Haruka veut se rendre utile, ça sera d'une manière propre et honnête. Entrer dans le service militaire de Suna ne lui semble pas bien complexe, car après tout, la population est sollicitée par l'État du Vent…

C'est dans un sursaut de joie et d'espoir que la jeune fille aux cheveux blonds réalise que devenir une kunoichi sera pour elle une occasion en or d'effectuer une mission à Konoha, et revoir bien entendu Eri…

Sa décision est prise.
Un coup de tête !
Elle tourne les pages de son livre de sciences jusqu'au chapitre consacré au chakra, et commence à lire avec un soudain intérêt particulier les paragraphes et et schémas qui défilent sur les pages…


__________________________


— J'accepte…

Un léger sourire de satisfaction se dessine sur les lèvres de Danzo bien que Seiko ne soit malgré tout pas convaincue et reste réticente… Elle ne comprend pas pourquoi elle se lance ainsi, sans réellement prendre le temps de réfléchir, dans une aventure où faire demi-tour est juste impossible.
Le vieil homme suggère qu’elle le suive pour une première évaluation. Elle lui obéit, étrangement docile, et ils sortent de la pièce accompagnés du membre de l’ANBU. 0.12.4.20, il lui semble… C’est une surprise pour elle d’avoir retenu ce numéro qui ne signifie pas grand chose à ses yeux. Une surprise, aussi, lorsque l’enfant découvre autour d’elle un intérieur gigantesque, illuminé par seulement la faible lumière de quelques lampes. Ils s’avancent sur une sorte de pont en bois aux rembarres métalliques. Seiko marche à côté du vieillard, quoiqu’un peu en retrait, et observe les murs qui se dressent autour d’elle, tels des colosses d’acier. En temps que passionnée d’architecture, elle ne peut que grimacer face à l’austérité du bâtiment. Aucune décoration, aucune peinture, mal entretenu, avec de la grosse tuyauterie sortie d’elle ne sait trop où et des poutres en ferraille qui maintiennent le… tout. Chaque pas confondu résonne dans cette affreuse cavité qui semble vide, épargnée de la chaleur des rayons du Soleil.
Danzo lui parle soudainement des règles strictes de la Racine ainsi de leur philosophie qui consiste à masquer leur émotion. Il lui explique par la même occasion la procédure peu orthodoxe mise en place afin d’éviter, en cas de complication, toute fuite d’information : il s’agit de poser un sceau sur la langue du shinobi, et ainsi, dès que ce dernier a en tête de parler de la Racine, son corps se paralyse d’un seul coup, telle un violent choc d’électricité. Si violent que l’individu en meurt électrocuté… Le maître des lieux ne semble afficher aucun remord face ce genre de pratiques.

— C’est… vous qui avez trouvé cette solution ?
— C’est moi qui ai crée la Racine.

Aucune empathie pour ses hommes, donc…
Il l’amène à une pièce semblable à celle d’une prison, pour peu que l’institut entier en soit une ! Mais Seiko n’a plus le choix : elle doit le suivre. Elle y trouve d’autres membres de la Racine eux aussi masqués par le visage grossier d’un animal et couverts d’un long et sombre manteau à capuche.

— Danzo-sama, font-il en posant un genou à terre.

Il suffit à l’enfant de tourner la tête pour apercevoir le prisonnier fermement attaché à une chaise.

— Voici un homme qui a en sa possession des informations sur un déserteur que l’on recherche activement depuis plusieurs années.

D’un geste de la main, Danzo réclame le dossier sur la personne recherchée, et une fois qu’il l’a en main, il le remet à Seiko.

— Il s’agit d’Itachi Uchiwa.
— Vous voulez que je trouve ce qu'il a à vous dire de plus ? doute-t-elle.

L'enfant recule d'un pas et détourne le regard lorsque le vieil homme lui présente un kunai sorti de son vêtement sombre. Elle se souvient parfaitement de l'arme avec laquelle elle s'est blessée en tombant dans les escaliers, quatre ans auparavant, et qu'elle a du retirer dans une cuisante douleur qui la tétanise encore aujourd'hui…

— Je… peux pas…

Elle croise les bras, soucieuse, en gardant les yeux rivés sur un des pieds de la chaise.

— C'est à cela que vous serez souvent confrontée, Mademoiselle Matsuda.
— Donnez-moi autre chose que cette horreur…

Danzo fronce les sourcils, étonné. Bien qu'il l'ait manipulée à l'aide du Sharingan qu'il cache derrière ses bandages pour qu'elle accepte de se joindre à la Racine, doit avouer être surpris par cette réaction, car habituellement, on refuse de faire du mal à une personne que l'on ne connaît pas et qui est à notre merci, mais Seiko, c'est autre chose…

— Habituez-vous aux kunais, fait-il posément.

Sa voix justement calme n'a pas suffit pour échapper au regard assassin de la gamine…

— Habituez-vous aux kunais ou vous risquerez d'être facilement déconcentrée lors d'un combat d'une extrême facilité.

Il lui tend le manche, la lame pointée vers lui.

— Je vous dis que je ne peux pas, s'énerve Seiko.

Danzo ne réagit pas. Il attend, toujours avec cette main à peine crispée autour de l'arme présentée à la gamine, que cette dernière se décide à lui obéir. Elle s'imagine bien qu'elle ne sortira pas de la salle avant d'avoir pris ce kunai et fait ce qu'elle semble devoir faire, mais sa peur est telle qu’elle reste toujours distante et ne se raisonne pas.

— Il existe deux types de shinobi, fait le vieillard d'un ton plus grave. Ceux qui s'arrêtent devant une impasse, et ceux qui chercheront à démolir le mur.

Irritée, Seiko crispe sa main gauche posée sur son bras et serre son poing droit.

— Je ne vous ai pas choisie par hasard, Mademoiselle. Ne me décevez pas.

Et tandis que l'homme ligoté s'épuise la gorge de rauques supplications, la jeune fille ferme un instant les yeux en se mordant la lèvre inférieure. Elle a si peur de cette arme misérable qu'elle ne mesure même pas l'action qu'elle se doit d'exécuter avec. Elle a écouté Danzo. Le décevoir ou le satisfaire, comme il dit, elle s'en moque bien, mais elle doit reconnaître qu'il n'a pas tort : faire l'impasse sur un kunai, c'est prendre un trop grand risque pour la suite des événements… Elle s'avance, et d'une main tremblante comme jamais, elle cueille le manche entre ses doigts taillés par le maniement du crayon.
Seiko regarde l'arme qu'elle appréhende tant. Ce contact froid dans sa paume ne la ravit pas, et cette forme rhombique se finissant en une pointe qui fendrait l'air dans un affreux sifflement la fait tressaillir. Elle manque bien de lâcher le kunai en apercevant le reflet du dernier visage de sa mère, mais au lieu de cela, elle se cramponne et détourne vivement la tête.

— Vous n'aurez pas besoin de l'utiliser longtemps, assure Danzo. Je veux que vous tuiez cet homme.

En manipulant étrangement le kunai du bout des doigts, elle s'approche, telle une machine à tuer, du prisonnier qui ne cesse de geindre sa vie.
Le tuer.
Cela semble si facile, après Etan… et pourtant, quelque chose au fond d'elle vient l'interrompre. Quoi ?… En plongeant son regard impitoyable sur sa future victime dont la peur atteint son paroxysme, elle ne peut s'empêcher de penser à Iruka…

— S'il-vous-plait, sanglote l'homme âgé d'une trentaine d'année. Mes fils… le plus grand a votre âge… ils n'ont plus que moi ! S'il-vous-plait…
— Ne laissez le temps à vos émotions de vous submerger, tonne Danzo dans son dos, la voyant hésiter.
— Je…

Qu'aurait-il fait, à sa place ? Sûrement pas ça…
Seiko réalise son erreur et qu'elle ne peut plus reculer.

— Faites-le.
— Non ! hurle le prisonnier. Pitié !

Coincée.
Coincée entre Danzo qui la pousse en avant et cet homme dont elle ne sait rien qui la supplie de toute son âme.

— Je peux pas, souffle-t-elle. Je ne peux pas…

Bien que correctement habillé, le père de famille, assurément veuf, est misérable. Il tire une tête pas possible, ravagée par les larmes et la peur, et n'arrête pas de rappeler ses enfants.

— Je ne peux pas… Il est innocent…
— Épargner la vie d'un homme qui vous supplie entraîne dans tous les cas de lourdes conséquences. Pas seulement pour vous, mais aussi pour votre équipe, pour votre village, pour votre pays… Pour le monde.
— Vous avez la possibilité d'effacer la mémoire, rétorque sèchement Seiko en se retournant. Pourquoi vous ne le faite pas pour lui ?
— C'est un processus qui met du temps à s'appliquer et il faut le matériel.

L'enfant s'assure de ce fait qu'elle sera l'unique responsable de cette mort. Elle a accepté de se joindre à la Racine, et cet homme n'est que sa feuille d'examen…

— Je rends copie blanche, crache-t-elle.

Le vieillard la fusille du regard. Que ses ordres soient pour le moment contestés est une chose, mais ce qu'il ne tolère pas par-dessus tout, ce sont les décisions que l'on refuse d'assumer la tête haute. Le choix d'œuvrer dans l'ombre pour la lumière était, au fond de la gamine, déjà tel quel, et la manipulation opérée grâce au Sharingan n'a fait que nourrir et aiguiser l'amertume éprouvée après la violente disparition d'Iruka.

— Mademoiselle Matsuda…

Non… Décidément, Seiko déteste cette appellation…

— Avez-vous la moindre idée de ce qu'il se passera si le monde apprend qu'un pouvoir comme le vôtre existe ?… Nous sommes continuellement en guerre malgré la quiétude de notre ère, et vous vivez dans une époque où chaque pays s'occupe d'augmenter sa puissance militaire. Je suis navré de vous apprendre qu'avec ce que vous hébergez, il vous est impossible de ne pas prendre position.

Il marque une pause, comme pour s'assurer de ne pas être interrompu, puis reprend :

— La Racine vous offre une couverture grâce à l'anonymat. Ayez l'intelligence de vous en servir pour le bien notre nation, et commencez par tuer cet homme.

Les ordres sont clairs et elle ne peut pas s'y déroger. De toute façon, Danzo a entièrement raison, sur toute la ligne… Elle doit reconnaître qu'il n'y a pas d'autres choix de devenir un monstre dans un monde monstrueux… pour survivre.
Il n'y a pas à insister, Seiko se tourne vers le prisonnier qui est resté jusqu'alors silencieux, et qui, sous son regard cette fois-ci apitoyé, se remet à gémir et à supplier.

— Je… je vais pas pouvoir le faire seule…
— 0.12.4.20 vous montrera comment faire.

Elle l'entend à peine s'approcher dans son dos, et elle sent une main dénuée de chaleur cueillir avec délicatesse la sienne crispée autour du manche du kunai.

— Comme ça, fait le shinobi en pointant l'arme contre la gorge humide de la victime. Et ici.

Seiko ne peut s'empêcher de fermer les yeux, et sentir glisser la lame dans la chair, c'est comme si on l'atteignait en plein cœur. Elle a retenu son souffle, impuissante face à son propre mouvement…

Lorsqu'elle réouvre les yeux, Seiko a toujours la poigne accrochée au kunai planté dans la gorge de l'homme. Elle a l'impression de le sentir respirer… Alors elle dégage l'arme et la lâche brusquement, provoquant un fort bruit qui vient percuter ses tympans.
Le silence retombe sinistrement dans cette pièce qui empeste la mort…

— Bien, brise la voix de Danzo. La prochaine fois, ne fermez pas les yeux.

Et avant de quitter la salle, il ajoute :

— Gardez en tête que personne n'est innocent. Tout le monde a un rôle à jouer dans l'horreur de ce monde…

Et il s'en va. Sûrement avertir Tsunade que quelqu'un d'autre s'est pris le pied dans la racine.
En regardant l'homme dont le buste tient misérablement en place grâce aux cordes qui l'entourent, Seiko se remémore les dernières paroles d’Iruka.

« N'éteins pas ta lumière »



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