Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 10/09/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.




Chapitre 14: Papillion - Équipe au complet



Tsunade dépose sur son bureau comblé de paperasse, dans un bruit soudain, le bandeau de Konoha constitué d'une plaque métallique inscrivant le symbole du village clouée à un tissu sombre.

— Tu es officiellement une kunoichi. Félicitations.

Seiko considère l'Hokage qui lui sourit faussement, puis baisse son regard sur cet objet exécrable qui git au milieu de documents administratifs.

— Tu peux le prendre. En vue de tes compétences, j'ai réfléchi à t'assigner à l'équipe 9 : celle de Gaï Maito avec Neji Hyuga, Tenten et Rock Lee.

La jeune fille observe les adultes présents dans la pièce à tour de rôle, passant par Shizune, puis par un vieil homme couvert de bandages qui s’appuie sur sa canne, et enfin, s’arrêtant sur sa supérieure.

— Beau collier, Tsunade.
— Hein ?

Elle penche avec légèreté la tête sur le côté, souriante sarcastiquement.

— Wouf-wouf ! imite-t-elle.

La dirigeante de Konoha recule dans son fauteuil, contrariée par son impertinence, et se demande bien comment Iruka et Ibiki se sont liés d’affection pour cette petite peste qui ne manque pas de culot !

— J'imagine bien que tu aurais préféré que ce soit Iruka qui te le remette, mais…
— Mais vous l'avez envoyé à la mort, coupe froidement Seiko. En toute bonne âme et conscience.

Tsunade, qui tolère avec une grande difficulté ces airs de je-sais-tout, la fusille de son regard ambré en pinçant ses lèvres maquillées de rouge.

— Il y a des choses que tu n'es décidément pas prête de comprendre, rétorque-t-elle sèchement.
— Non… Et c'est parce qu'Iruka comprenait ces choses qu'il n'a pas bronché face à cette mission-suicide…
— Ce qui s'est passé n'était pas prévu.
— Les Dieux soient loués ! s’exclame Seiko avec une allégresse caricaturée. Je préfère savoir une imbécile aux commandes plutôt qu'une tarée. Hein, Tsunade… sama.

Rester sur la défensive ne plait en aucun point à la dirigeante, mais elle doit reconnaître que la gosse frappe plus fort qu'à son habitude… Cette-dernière s'avance en renvoyant le clone qu'elle a invoqué pour se saisir du bandeau frontal et le suspendre par les pincettes devant Tsunade.

— Beau collier, répète-t-elle sans sourire.

À son tour, elle la fusille du regard en fourrant l'objet dans sa poche, puis tourne les talons sans manquer de faire claquer la porte derrière elle.
L'Hokage soupire tristement derrière son bureau imposant, se frottant le visage de ses mains. Elle est si fatiguée…

— Tsunade-sama, l'interpelle son assistante une fois le silence revenu. Ne vous préoccupez pas de…
— Non, l'arrête-t-elle. EElle a raison de me tenir responsable de la mort d’Iruka…

La jeune femme se contente d'observer avec un certain détachement sa supérieure.

— Je peux te le dire : être Hokage n'est pas de tout repos.
— Non, en effet…
— S'occuper de toute cette paperasse est une chose, fait-elle dans un mouvement de bras dégagé. Protéger un village en est une autre, mais c'est aussi avoir des morts sur la conscience, et les proches endeuillés sont toujours là pour rappeler nos erreurs, comme… des fantômes… Le deuil n'est rien d'autre que le spectre des regrets, Shizune.

L'Hokage reclasse les papiers dans des dossiers, les ouvrant, les refermant, modifiant leur contenu…

— Elle est peut-être même plus humaine que n’importe qui ici…

Elle poursuit son rangement sous le regard sceptique de son assistante tandis que le vieil homme qui doit atteindre la soixante-dizaine considère la porte que Seiko a brusquement refermée. On ne dirait pas qu’il réfléchit, et pourtant, sous ses bandages qui lui recouvrent la moitié du visage, quelque chose cogite…



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Lui dire merci… c'est tout ce que Seiko aurait voulu pour compléter ses adieux avec Iruka, mais elle n'a même pas eu le temps de le regarder, même pas eu le temps de toucher son visage comme elle a fait une fois, qu'aujourd'hui, sous ce ciel d'hiver, c'est sa main froide qui s'est déposée sur le cercueil d'ébène.
Ombre légère qui sillonne les rues de Konoha sous un ciel assombrit par la surcharge de nuages, Seiko, occasionnellement vêtue de noir, se rendre au point de rendez-vous de l’équipe 9. Elle escalade un bâtiment avec son agilité travaillée aux entraînements d’Iruka jusqu’à atteindre le toit.

— Pile à l’heure !

Seiko se retourne sans se presser pour faire face à son équipe spécialisée dans le Taijustu.

— Tu es Seiko Matsuda, avance l’adulte accoutré dans une combinaison verte. L’équipe 9 te souhaite la bienvenue !

L’enfant se contente de dévisager d’une manière destructrice son nouveau mentor qui perd peu à peu son sourire.

— Mes… Nos condoléances pour Iruka…
— Merci, je suppose.

La deuxième personne à recevoir les coups de son regard est le jeune garçon de son âge, quoiqu’un peu plus âgé, héritant du même style que son mentor, à savoir son vêtement d’un vert pauvre et d’une coupe au bol affreuse, en plus d’un air dandin qui orne son visage barré d’énormes sourcils.

— Moi, c’est Rock Lee ! lance-t-il joyeusement. J’adore le riz au curry, mais que quand il est un peu épicé… Pas trop. Mais ce que j’adore le plus, ce sont les entraînements intensifs ! Je veux prouver au monde que même un ninja ne pouvant utiliser de ninjutsu est capable de surpasser les autres ninja seulement avec le taijutsu


Seiko l’observe avec plus d’intérêt. Il a l’air si sûr de lui qu’il en est pitoyable…

— Ninja désigne les personnes capables d’utiliser le ninjustu, répond-elle posément. C’est une belle cause, que tu défends, mais elle n’a pas sens.

La gamine s’est attendue à savourer la décomposition du visage de Rock Lee. Surprise, mais sans plus, elle détourne son regard du jeune garçon déterminé à prouver sa valeur sur le membre de l’équipe suivant.

— Et toi, Seiko ? semble inviter Gai avec un soupçon de froideur. Pourquoi tu as choisi de reprendre tes fonctions ?
— À défaut de moisir dans un orphelinat, ment-elle.
— Pourquoi tu n’as pas choisi l’orphelinat, marmonne l’enfant au Byakugan.

Seiko lui jette regard assassin qui pourrait détruire sans effort le cœur d'un être sensible…

— Je me serais bien passée d’une équipe comme la vôtre.
— Tu n’es pas bien loin de Sasuke…
— Pardon ?
— Neji, reprend Gai. S’il-te-plait…

L'adolescent aux yeux lunaires croise les bras et détourne son regard de Seiko… Méprisant…

— Hum ! s’exclame soudainement Tenten afin de briser le silence. Moi, je voudrai être comme Tsunade-sama. C’est une femme admirable, respectable, honorable… Et super forte !

L’orpheline préfère cette fois-ci tenir sa langue avec plus d’effort, alors elle repose son regard noir sur Gai.

— Je ne suis pas venue pour des présentations, j’espère…
— Non, répond-il de sa voix forte. Nous avons décidé aujourd'hui de travailler l'esprit d'équipe qui est extrêmement important au sein d'une équipe !

Seiko biaise ses lèvres et tente d'évaluer le degré d'efficacité de cette fameuse équipe avec un mentor tel que celui-ci.

— Pour ça, poursuit-il, rendez-vous sur terrain d’entraî…

Déjà parti. Suivit de près par Rock Lee.

— Il ne s'est même pas laissé le temps de finir sa phrase, s'exaspère Tenten.
— Comme d'habitude, fait Neji en haussant les épaules.

Seiko croise les bras en regardant le jeune Hyūga suivre le magnifique duo en combinaison verte qui se dirige vers le nord.

— Bon, euh… On se retrouve là-bas ? Ne tarde pas trop…
— C’est ça…

Tenten n’ajoute rien. Elle préfère se taire et se rendre au point de rendez-vous, laissant seule Seiko sur le toit du bâtiment.



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Dotée d’un visage d’ange qui masque son sombre passé, Haruka a réussi à s’intégrer à Suna au bout de seulement quelques jours et a rejoint une classe de civils dans laquelle elle s’est fait quelques amis, mais aucun pour combler le vide dans son cœur. Elle n’aime pas réellement ce village, le jugeant trop austère par rapport à Konoha. Il semble entièrement construit dans du sable, sans ornement, monochrome… Et puis, il y fait atrocement chaud. Lorsqu’elle a demandé à ses parents la raison pour laquelle ils ont choisi de vivre à Suna et pas ailleurs, ils se sont contentés de lui donner une fausse vérité :

« Parce que le pays du Feu et du Vent sont en bonne entente. Ici, tu n’as rien à craindre »

À son village natal, Haruka n’a jamais subi de persécutions, même après que son secret soit dévoilé. Les regards des autres, elle les a surmonté sans difficulté, et ce, grâce à Eri. La fillette a bien compris qu’il s’agit de s’éloigner le plus possible de Konoha, de laisser les mauvaises choses là-bas et de repartir à zéro, entourés de personnes ignorant les atrocités qu’elle a vécu. Pour oublier…
Sa meilleure amie lui disait que fuir ses souvenirs est le meilleur moyen d’être rattrapée par le passé et qu’on finit de toute façon par construire quatre murs qui se referment lentement sur soi.

— Mademoiselle Haruno.

Haruka a sursauté en levant un regard surpris sur son professeur.

— Cessez de parler avec votre voisine.
— Je ne lui parlais pas, marmonne-t-elle.
— Bah, vous la regardiez.
— Non plus…
— Alors vous regardiez dehors.
— Je vous écoutais.
— En regardant par la fenêtre ? sourit-il.
— Je vous écoutais, répète-t-elle avec agacement.
— Vous m’écoutiez en regardant par la fenêtre, c’est ça que vous être en train de me dire ?

La jeune fille juge sans interêt de tenir davantage tête à un homme qui force autant, et puis, cela se voit dans son regard qu’il est près à lui demander de répéter ce qu’il vient de dire, alors autant ne pas le brusquer. Elle choisit de garder le silence…

L’heure passe, et il est temps pour elle et sa classe de rentrer chez soi lorsque la sonnerie qui met fin à la journée scolaire hurle comme une chèvre égorgée dans l’établissement. Elle sort par la cour, comme tout le monde, entourée de ses nouveaux amis qui lancent des vannes auxquelles elle se force à sourire. Les meilleures plaisanteries ne l'amuse plus autant. Seuls ses délires enfantins et complètement dénués de sens avec Eri osent remplir ses yeux de petites étoiles, parce que, voilà : c’était Eri…

— Eh Haruka, ça te dit qu’on fasse du shopping ce weekend ?
— Je suis pas trop shopping, répond-elle posément.
— T’es un peu garçonne, tu devrais affirmer ta féminité. J’ai vu de super chaussures en rentrant chez moi hier, et j’ai pensé à toi ! Viens, s’il-te-plait !
— Ok, ok.
— Ouais !

Suna.
Suna ou la cité de sable, perdue quelque part d’un désert, engouffrée dans une fosse, où le vent souffle encore plus puissamment qu’à Konoha, logée au milieu d’un pays fuit par les oiseaux, car il n’y a pas d’arbres pour leur permettre de s’épanouir. C’est un fait : Haruka est un oiseau de feu dont le sable emporté par le vent éteint ses jeunes braises.



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Gai recule d’un pas rapide quand son disciple favori manque de le pulvériser avec le balancement de sa jambe, puis le renvoie comme il est venu d’un puissant coup de poing dans le ventre.
Il est entouré de ses élèves qui se placent prudemment sur leur garde.

— Il va falloir être plus efficace, lance l’homme avec virulence. Ça fait près de vingt minutes que vous y êtes…

Seiko jette un coup d’œil sur le parchemin qui pend à la ceinture du mentor, puis observe le ciel d’un bleu magnifique. Son regard se baisse sur l’herbe gelée où les ombres s’étirent démesurément, et soudain, elle comprend enfin.

— Eh, Neji, interpelle-t-elle. Je pensais que tu étais le cerveau de cette équipe, mais tu n’as même pas une toute petite idée pour nous sortir de là ?

Il ne répond pas…

— Je parie que Naruto est plus vif d’esprit de toi… Va falloir que je me mette à réfléchir pour tout le monde, maintenant !

La légère grimace de Tenten ne lui échappe pas, alors elle poursuit :

— Tu veux être comme Tsunade, mais c’est plutôt mal parti, car elle, elle est intelligente et indépendante. Là, tu attends sur les autres pour faire le boulot, comme d’habitude, je parie…
— La ferme, crache la concernée. Tu débarques dans l’équipe, et j’ai l’impression que t’essayes de tout chambouler…
— Vous n’êtes déjà pas très bons.
— Putain, mais personne ne t’a appris le respect ?
— Personne n’a eu le temps, ouais… Car les deux personnes susceptibles de m’apprendre quelque chose ne sont plus de ce monde.

Seiko a la particularité de s’énerver par une simple pensée, et c’est exactement ce dont elle a besoin en ce moment-même.

— Dommage pour toi, répond froidement Tenten.

Elle l’a cherché, et elle l’a trouvé, ce brin d’émotion, ce pincement au cœur. C’est à elle, dorénavant, de l'amplifier de manière suffisante pour attirer les nuages. Elle n'est pas vêtue de noir par hasard. Elle est vêtue de noir parce qu'elle revient tout juste des obsèques d'Iruka, et en ce moment, son cœur est fragile. Il ne suffit d'un rien… Il ne suffit que d'une seule remarque, une seule pensée pour l'atteindre, elle qui, autrefois, semblait si lointaine du monde des émotions.
Le ciel s'est assombri en l'espace d'une dizaine de secondes, interpellant les trois autres shinobi. Néanmoins, le seul à mesurer les conséquences de cette altération du temps, c'est Gai. Lui qui a jusqu'alors compté sur les ombres de ses élèves qui se tiennent dans son dos pour les avoir à l'œil, il se retrouve en partie aveugle… Grand maître du taijustu, ses sens se sont développés au fil du temps afin de repérer de n'importe quelle manière son adversaire. La vue, bien évidemment, l'ouïe, et une sorte de sixième sens qui lui permet de ressentir une présence plus ou moins proche. Sous sa tenue ridicule, Gai Maito reste un des shinobi les plus redoutables grâce à son taijustu.
Rapide.
Puissant.
Endurant.
En somme, invincible…
Ou du moins, dont les points faibles se dissimulent extrêmement bien sous sa façade de grand bonhomme bâti à chaux et à sable.
C'est pourquoi Seiko tente une discrète approche afin d'évaluer elle-même les performances de son nouveau mentor, mais rien y fait, il l'a entendue… Elle recule alors, se replaçant à sa place.

— Vous avez une bouche, une voix, une langue, des dents, des mains dotées de cinq doigts chacune et des yeux, rappelle-t-il. Servez-vous en pour communiquer !

Seiko a profité de son manque d'attention pour s'élancer sur lui avec la ferme intention finir cet exercice qui lui pourrit le plaisir de vivre. Mais elle ne fait pas long feu : Gai s'esquive simplement, la laissant passer devant lui et contre-attaque de suite avec un violent de pied dans le dos qui l'envoie balader près de Rock Lee.

— Com-mu-ni-quez ! articule Gai. Que ça vous plaise ou non.
— Ça va ? semble s'inquiéter le jeune garçon à la coupe au bol.
— Ou… ouais…

L'orpheline jette un coup d'œil sur Neji qui échange quelques mots avec Tenten. Celle-ci acquiesce d'un mouvement de tête, puis se place avec son coéquipier Hyuuga derrière leur mentor de façon à former une ligne droite avec le reste de l’équipe.

« Appâts »

C'est le mot silencieux de Neji articulé par le mouvement de ses lèvres et qui désigne Rock Lee et Seiko.

— Il a dit quoi ? chuchote l'adolescent.
— Que vu ta tronche et ma réputation, nous jouons le rôle d’appât…

Elle fusille l'Hyuuga du regard, n'acceptant que difficilement de recevoir des ordres, surtout venant d'un gosse tel que lui.

— Petit con, laisse-t-elle échapper tout haut.

Gai soupire. C'est une manière comme une autre de communiquer son désaccord avec la décision prise…

— Tu prends à droite, murmure Rock Lee. Je prends à gauche.

Seiko agite son épaule pour dégager le jeune garçon de son oreille comme elle ferait pour une vulgaire mouche qui oserait bourdonner trop près d'elle. Toutefois, elle se tient prête à lancer une offensive coordonnée.

— Maintenant ! lance Neji.

Rock Lee s'élance en premier, suivit de près par Seiko qui vire sur la droite. Le jeune garçon engage le combat par un violent coup de pied vers l'adulte, mais celui-ci le stoppe net à l'aide de son bras.

— Seiko !

Elle arrive. La gamine feinte habilement un coup de poing pour venir frapper de sa jambe derrière le genou de Gai, le déstabilisant d'une quelque manière. Rock Lee en profite pour lui balancer son tibia dans l'abdomen. Neji et Tenten entrent en scène, se déplaçant discrètement dans le dos de l'adulte, cependant, ce-dernier a très bien su discerner le jeu de ses élèves, et c'est maintenant qu'il décide d'inverser les rôles. Alors il repousse Rock Lee d'un vif coup de pied dans le torse, puis se retourne vers l'Hyuuga afin de l'affronter. Neji esquive la première frappe et contre la suivante, mais la fille aux chignons ne peut pas le défendre : ils sont tous deux bien trop rapides pour elle…

— Lee, souffle Seiko. Tu peux tenter une approche ?
— Je… je vais essayer.
— Ok, laisse tomber.
— Je dois essayer !
— Nan, laisse !

Elle n'est pas d'une humeur à ravir, néanmoins, ce qu'elle s'apprête à faire, elle c'est le moment de le réussir… La gamine fixe le ciel en direction du soleil, et tandis que les coups pleuvent entre Neji qui est en difficulté majeure, et Gai qui ne donne pas du sien, elle se concentre sur ses sens et sa volonté…
Soudain, une brusque rafale vient balayer le terrain d'entraînement, ne déstabilisant que l’Hyuuga.

— La vache ! s'écrie Rock Lee.
— Neji ! appelle l'invocatrice d'armes. Tiens bon !

Seiko essaie vainement de contenir cette puissance, alors elle tente de la déplacer, au loin…

— Fait chier…

Elle qui a jugé l'encouragement de Tenten trempé dans la tendresse de la guimauve, elle doit reconnaître qu'effectivement, Neji doit tenir encore quelques secondes.

— Tenten, le Soleil !

Elle se retourne vivement pour faire face à l'astre diurne qui libère progressivement son éclat des nuages obstructifs.

— J'ai compris !

Se tenant derrière Neji, elle bondit dans les airs en déployant un large rouleau qui vient couvrir le Soleil tandis que Seiko parvient à faire taire la clameur du vent.

— Gai-sensei ! interpelle l'invocatrice d’armes.

II a le malheur de lever son regard vers elle qui apparaît dans un contre-jour, et d'un ample mouvement, elle cède le passage aux rayons du Soleil. Gai, aveuglé, détourne la tête dans une grave plainte, et c'est ainsi que Tenten en profite pour le bombarder d'une volée de kunai et de shuriken.
Il trouve toutefois le temps de reculer. Mais de trop, laissant le rouleau à la portée de Seiko qui le lui arrache de la ceinture.
Il se retourne, surpris, pour faire face à son sourire rempli de son arrogance particulièrement détestable.
Ses cheveux formant une multitude de boucles noires couvrent son œil gauche, puis retombent sur ses épaules…

— Qu'en dites-vous ? fait-elle en lançant le butin dans son autre main.

Elle arrange sa tignasse un peu décoiffée par sa rafale en la secouant doucement.

— On a gagné ! s'enthousiasme Rock Lee. Gai-sensei, promettez-nous de faire plus difficile la prochaine fois !

Mais Gai-sensei est étrangement trop occupé à observer le regard de sa nouvelle élève. Cette noirceur opaque… Il n'a jamais rien vu de tel. En fait, il ne s'agit pas d'une simple noirceur, il s'agit de ténèbres. Il s'agit des Ténèbres.

— Gai-sensei… ?

Bizarrement, il se sent frémir lorsqu'il se détache de la pupille indistincte de Seiko.

— Ouais ! se reprend-il. Il y a des bons points comme des mauvais. Neji, toi qui est chef d'équipe, retiens que tes camarades n'ont pas de rôle prédestinés et encore moins définitifs, alors il faudra te parer à tout renversement de situation. Le fait que tu aies été en difficulté constante lors de notre combat, c'est parce que tu n'étais pas préparé. Néanmoins, tu ne t'es pas trop mal battu et ta pensée de diviser l'équipe en ces deux parties n'était pas mauvaise.

L’Hyuuga hoche docilement la tête en signe de compréhension.

— Tenten, tu as vite compris l’idée de Seiko et tu as su quoi faire en plus. En revanche, j'aimerais que tu prennes plus d'initiatives… Rock Lee !

Le jeune garçon se redresse soudainement.

— Gai-sensei !
— Je suis déçu ! scande l'homme. Tu as régressé depuis la dernière fois !
— Mais…
— Pas de mais qui tienne ! Je veux que tu te ressaisisses !
— Oui, Gai-sensei !

Il ponctue sa réponse en courbant l’échine.

— Enfin, Seiko. L'idée d'éblouir l'ennemi par le Soleil est intéressante. Néanmoins, même si c'est toi qui a pris le rouleau, soit un peu plus active, et surtout… surtout ! plus aimable avec tes coéquipiers. C'est important.

L'enfant reste soufflée par ce conseil.
Plus active ?…
Plus active !
Il a dit : « plus active » !
Elle n'en revient pas…

— Je n'ai pas besoin de te préciser pourquoi.
— Je ferai un effort, crache-t-elle.
— Bien…

Gai n'est pas convaincu par cette réponse bien trop sèche, et il le fait clairement savoir par un regard au coin sur ses autres élèves.

— Pour ponctuer correctement ce petit exercice d'équipe, vous allez me faire… cent cinquante tours de ce magnifique terrain à vous quatre !
— Quoi ! braille Tenten.
— Et comme vous êtes tous d'adorables petits anges, poursuit-il en déposant sa main sur l'épaule de Seiko, plus vous en ferez, moins vous en aurez à faire. C'est dans l'intérêt de vos coéquipiers !
— Gai-sensei, c'est une idée de génie pour renforcer nos liens !

L'orpheline se dégage vivement de la poigne de son mentor en laissant échapper un sévère grondement.

— Pas de marche ! À petite foulée si vous voulez, mais si j'en vois un seul marcher, j'augmente le nombre de tours et j'en annule trois pour chacun d'entre vous.
— Pourquoi vous me regardez quand vous dites ça, déplore la jeune fille aux chignons.
— Si j'en regarde un, je regarde tout le monde. Des questions ?

Seiko observe un instant Gai. Ce gars-là est complètement timbré… Peut-être pas plus qu'elle ne l'est, mais il ses valeurs sont tellement accroché à l'esprit d'équipe qu'elle imagine facilement plusieurs âmes occupant le cerveau de l’adulte.

— Oui, moi, fait-elle brusquement.
— Je t'écoute !
— Vous êtes combien dans votre tête ?…

Le vent cesse de souffler dans un instant de mutisme plombant le terrain d'entraînement. Le petit rû autrefois très agité garde le silence imposé par le gel de l'hiver tandis que Neji fixe Seiko d'un air abasourdi. Comme tout le monde, en fait, car personne ne comprend le sens de sa question.

— Ce qui compte, plus que le nombre de personnes qu'il y a dans la tête, c'est le nombre de personnes qu'il y a dans le cœur.

La gamine sursaute. Elle croirait entendre Iruka…
L'iris noire de Gai se recouvre d'un voile de tristesse. Lui qui est si joyeux, dont la gaieté rayonne autant que le Soleil à midi tapant… il semble qu'un mauvais nuage vient obscurcir son âme. Autour de l'équipe 9, les arbres agitent doucement leurs branches mises à nues sous une légère brise d’hiver.

— Bien, tranche le professeur. Vous êtes prêts ?
— Non ! répond vivement Tenten.
— Alors allez-y !



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Tsunade fixe avec une sévère intensité le vieil homme qui se tient droit devant son bureau. Un silence de plomb pèse dans cette pièce imbibée de la chaleur d'un radiateur. Regards soutenus par deux fortes personnalités, le duel perdure…

— Quoiqu'il en soit, prononce sinistrement le vieillard, tu ne pourras jamais la gérer. Elle est trop sauvage.
— Parce que tu penses que tes méthodes peu orthodoxes ressouderont le problème ?
— C'est une enfant de l'ombre, Tsunade. Sa place est dans les ténèbres.
— Il n'y a pas trente-six chemins, rétorque-t-elle, ni même deux. Seiko n'obéit qu'à elle-même, elle n'a rien à faire dans la Racine.

L'homme secoue doucement la tête en signe de négation et trouve à sourire.

— J'ai mes raisons pour l'avoir laissée à Gai Maito, devance la femme. Cesse de voir tes intérêts en premier lieu.
— L'intérêt est celui de Konoha, répond-il solennellement. Et son esprit s'accorde parfaitement à celui de la Racine, contrairement à ce que tu penses.
— Tu déshumanises tes hommes !

Tsunade s'est brusquement levée en frappant avec virulence son bureau du poing.
Impressionnante…
Un pas en arrière ne serait pas jugé lâche, mais ce vieil homme aux bandages, lui, n'a même pas sourcillé. Appuyé sur sa canne, il dévisage l'Hokage d'une façon déplaisante qui laisse entrevoir des pensées antipathiques.

— Tu les réduits à l'état de choses en commençant par remplacer leur nom par leur matricule, et ensuite, tu les dénudes de sentiments et d'émotions. Je ne peux pas te laisser faire ça sur elle.
— Elle n'a même pas le sang humain, sourit-il doucement. Comment veux-tu que je la déshumanise ?

L'Hokage ne cache pas sa surprise dans sursaut de consternation. Voilà qu'il se permet de fouiller dans les rapports médicaux de Konoha…

— Elle n'échappera effectivement pas à la matricule, reprend-il. Mais ses émotions sont, d'après ce que tu m'as dit, primaires à ses capacités. Je n'y toucherai pas, parce qu'elles force sa force, mais aussi parce que ça serait inutile.
— Comment ça ?
— Je te l'ai dit : son esprit s'accorde avec celui de la Racine…

Le silence se rassied sur son trône de marbre tandis que le calme agonise dans la poigne de Tsunade réputée pour tempérament particulièrement colérique. Elle grimace de désagrément avant de se laisser tomber sur son large fauteuil en cuir.

— Seiko n'est pas façonnée pour se prélasser au Soleil comme les feuilles d'un arbre, poursuit-il. Elle est faite pour œuvrer dans les ténèbres, sous la terre… Tu le sais parfaitement.
— Danzo, crache-t-elle. Écoute-moi attentivement…
— Non, Tsunade, c'est à toi de m'écouter. Je suis en droit de vouloir recruter Seiko au sein de la Racine, car elle n'appartient ni à toi, ni à moi, mais au pays. J'aurai pu me passer de ton avis : je ne t'en parle que par courtoisie.

La femme soupire face à ce cynisme.

— Ce n'est plus au Daimyo de décider comme il y a dix-sept ans, répond-elle avec autorité. Je te rappelle que les shinobi ont des droits. Seiko choisira, mais tu n'as surtout pas intérêt à la contraindre…

Le bureau de l'Hokage est conçu et aménagé pour faire ressortir une ambiance conviviale et diplomatique entre chef de village et invités, néanmoins… l'atmosphère qui y règne actuellement est aussi glaciale que l'hiver sévissant le pays. Le silence s'éternise entre ces deux regards de plomb. Tellement intense qu'il en devient assourdissant, sifflant dans les tympans des deux grandes personnalités.
Danzo a un léger mouvement de mâchoire, presque indistinct, qui vient traduire son agacement.

— J'espère que tu ne me menaces pas, Tsunade…

De sa canne, il frappe le sol, provocant un bruit sec, puis résonnant. C'est ainsi qu'il décide ponctuer cet entretien, marquant le point final. Il recule d'un pas en jetant son regard désapprobateur sur l'Hokage pour ensuite tourner les talons vers la sortie.


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Gai voit bien que Seiko ne clôturera pas son vingtième tour. Elle a chaud, mais elle a aussi froid de l'intérieur. L'air glacial entre en elle, l'envahit… Tellement qu'elle en respirerait de la glace, et son corps chauffé par ses muscles d'enfant peine à maintenir la cadence. Elle constate que Rock Lee l'a dépassée une énième fois.
Chaque pas est si lourd…
Petite foulée assassine, ses jambes la font si souffrir que la douleur se ressent aussi dans son crâne. L'air gèle sa trachée et rafraîchit son haleine tandis que son front perlant semble se cristalliser.
La mécanique de son corps ralenti contre sa volonté. Seiko a franchit ses limites depuis un bon bout de temps, peut-être même qu'elle les a repoussées, mais là, elle s'en désole, elle ne peut faire davantage…
Alors elle s'arrête brusquement, à tomber à la renverse, s'appuyant sur ses mains empoignant ses genoux. Elle crache l'air glacial de ses poumons tandis que ses jambes semblent complètement tétanisées.

— Ne t'arrête pas maintenant, Seiko !

Seiko étouffe un sale juron en regardant derrière elle, toujours tête baissée, le gamin en vert se rapprocher d'elle à grands pas. Elle refuse de lui parler, de recevoir de ses encouragements.

— Courage !

L'enfant se redresse, à la fois nerveuse et éreintée… mais elle sent son sang redescendre d'une façon si soudaine qu'elle titube sur place, s'obligeant à s'agenouiller.
Gai a vu juste : elle a à peine dépassé la moitié de son vingtième tour alors que ses coéquipiers ont franchi le seuil du vingt-cinquième… Il s'approche de son élève à terre en commandant aux autres de poursuivre leur course, puis, une fois à son niveau, il lui tend une main bienveillante.

— Attendez, souffle-t-elle, toujours essoufflée.
— Respire normalement.

Il se déplace pour laisser passer Neji au teint considérablement écarlate.

— Tu n'aurais pas de problèmes d'asthme ? s’enquiert-il.
— Nan…

Seiko tente d'appliquer son conseil, couvrant les fougueux battements de son cœur.
Plusieurs fois…

Voilà…

Elle s'y retrouve.

L'enfant se relève, esquivant l'aide proposée par son mentor. Le paysage est parsemé de tâches noires qui apparaissent et disparaissent de sa vision, mais il ne tourne plus ni ne divague.

— Seiko, il faut que l'on parle…

Elle jette son regard sévissant sur l’adulte.

— C'est à propos de ce que tu sais faire, murmure-t-il pour rester discret. On peut… s'éloigner un instant ?

Visage sérieux sous une coiffure ridicule… Seiko lui rirait au nez si elle n'était pas si intriguée par le sujet de cet entretien. Alors elle le suit, silencieuse, en retrait du parcours consigné pour l'exercice d’endurance.

— Euh, commence Gai. Voilà : Tsunade-sama m'a tenu au courant pour ce que tu sais faire, mais elle m'a défendu d'en parler et elle m'a dit de te transmettre le message.
— Pourquoi ? C'est classé secret-défense ?
— En quelques sortes… Je trouve ça ridicule, car Rock Lee, Tenten et Neji ont besoin de te connaître pour que vous puissiez efficacement travailler ensemble.

Seiko croise les bras avant de répondre :

— Je pense quand même qu'il faut en parler aux personnes concernées. Iruka savait. Il l'a sûrement dit à Ibiki. Shikaku l'a appris et a transmit l'information à Tsunade. Qui d'autre, à part vous, est au courant ?
— Une rumeur explique les phénomènes météorologiques qui n'ont pas lieu d'être.
— Comme ?…

Gai soupire…

— Comme la fois où la foudre s'est abattue cinq fois au même endroit en quelques secondes.

Seiko sursaute, puis baisse les yeux sur le sol.

— C'était toi ?

Il s'agissait justement de son dernier entraînement avec Iruka…

— Oui… Je… je n'arrivais pas à atteindre mes cibles… et… je me suis énervée…

La gorge nouée, elle passe son index sous son petit nez rond. Gai n'a pas pensé voir aussi vite sa nouvelle élève émue, et ça le gène…

— Je suis vraiment désolé, fait-il d'une voix maladroite. Tu veux en parler ?
— Les autres ont le droit de savoir, élude-t-elle. C'est important.
— Hein ?… Ah, euh… J'en parlerai à Tsunade-sama…

Seiko acquiesce d'un léger mouvement de tête en avalant sa salive, puis attend que Gai mette fin à l’exercice de manière imprévue. Il reporte le nombre de tours de chacun, les additionne… Et c’est dans un sourire radieux qu’il félicite les jeunes shinobi.



__________________________________________




L'élève du défunt, celle qui l'avait frappé par sa foudre, se classe pour une fois dans le même lot que tout le village. Iruka n'était pas qu'un simple shinobi, on le sait. Il était l'érudit, le sage de Konoha, ce qui déroge forcément au stéréotype du vieillard reclus dans sa cabane perdue au fin fond d'une forêt à porter un jugement sur la communauté. Non… Lui, il était le vrai sage, toujours à se tenir proche de ceux qu'il aime, à transmettre son savoir, ses compétences, sans la moindre grimace, avec ses défauts tout aussi humains que ses qualités.

Seiko n'a pas hérité de cette sagesse, et c'est seulement à sa mort qu'elle se rend compte de cette opposition. Il est le jour et elle est la nuit, il est la lumière et elle est l'ombre, cependant, l'un ne peut exister sans l'autre. Il n'y a pas d'ombre sans lumière…

Atrocement, Iruka lui manque…

Il lui arrive souvent d'avoir des absences, où son regard d'un noir anormalement intense se fige en un point du décor, sur un détail de sa vie, durant de longues heures. Elle oublie ainsi le temps et tout ce qui l'entoure…

C'est dans ces moments-là, quand ses pensées ne sont pas trop envahies par la réalité, qu'elle ne bouge plus et semble ne plus respirer.
C'est dans ces moments-là, depuis le jour où elle a appris son décès, qu'elle reste ainsi, assise sur son lit, les genoux contre sa poitrine, sur une chaise, à table, ou devant un miroir, qu'elle pense à lui.

Un bruit l'a fait sursauter.
La fenêtre…
Derrière la vitre de sa chambre dégoulinante sous une pluie battante, elle distingue un masque blanc sous une capuche sombre. Deux orifices pour les yeux, un museau d'animal, des marques rouges en guise d’ornements… Elle n’a le temps que de reconnaitre le visage de la Racine avant de le voir traverser en un clin d’œil sa fenêtre.

— Eh, souffle-t-elle en se levant.

Pas plus que cette onomatopée, une fatigue anormale vient la rasseoir sur ses draps et lui fermer avec douceur les paupières pour la bercer dans les bras de l’inconscience.



Prochain chapitre : Le pied pris dans la racine
Muahaha…………


._.




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