Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
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MlleChouette (Féminin), le 16/06/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.

___________

Dernier chapitre de cet arc. Enjoy. :3




Chapitre 13: Cocon - Les mots d'Iruka



Depuis qu'Iruka est au courant des réelles motivations de Seiko, les entraînements deviennent de plus en plus ardus et efficaces. Elle manie avec une certaine aisance l'épée fine et le sabre, et elle est maintenant capable de se déplacer sur l'eau et sur les murs, seulement pour une courte durée, car la maîtrise de son chakra reste assez vague. C'est pour cette raison que son premier clone réussi n'est apparu qu'après une semaine et demi d'exercices intensifs, mais il faut garder à l'esprit que c'est à force de persévérance que l'on finit par obtenir ce que l'on cherche, et Seiko, le mot persévérer, elle le connaît.
La jeune fille n'est toujours pas capable de partir en mission, car elle exprime encore d'énormes difficultés à viser correctement avec les shuriken, et encore davantage avec les kunai. En fait, elle déteste ça, et elle estime mieux s'en sortir avec des couteaux de lancer, ce qui revient à la même arme. La seule différence repose sur la polyvalence du kunai et sur son double tranchant. Mais, décidément, Seiko ne l'aime pas du tout, pour ne pas dire qu'elle en a peur…

— Raté, raté, raté et encore raté ! s'énerve l'enfant en se dirigeant vers les cibles.

Elle décroche les shuriken plantés dans les arbres avec une quelque frustration qui anime sa force, puis recule une énième fois avant de se remettre en position. Elle arme, souffle comme lui a enseigné Iruka, et rabat son bras avec virulence dans la diagonale. À côté.

— J'en ai marre ! blâme-t-elle.
— Commence par te calmer, consigne son professeur.
— Les cibles sont mouvantes, ce n'est pas possible d'être aussi nulle que ça !
— Ne dis pas n'importe quoi…

Seiko s'assied par terre, en tailleur, puis croise les bras, la tête rentrée dans les épaules.

— Tu fais quoi ?
— Je me calme !
— Ah.

Le professeur regarde sa montre qui affiche presque dix-huit heures, puis lève la tête vers le ciel découvert de tout nuage. Quand soudain, l'orage gronde dans son dos. Il lance un regard surpris derrière lui, tandis que Seiko fixe méchamment les cibles, les mains crispées autour de ses bras. Elle retient avec fermeté son souffle, quand la foudre déchire le ciel pour faire voler en éclat un des disques de bois, suivit d'un second éclair et d'un troisième qui pulvérisent tour à tour deux autres cibles dans un vacarme assourdissant, un quatrième, et enfin, un dernier pour la cinquième cible.

— Bah voilà ! s'exclame joyeusement Seiko dans une voix couverte par le rugissement du tonnerre.

Iruka, qui a coupé sa respiration, se permet de souffler seulement quand le calme revient…

— Tu sais, j'ai un cœur. Ne refais plus ça sans me prévenir…
— Oh, s'apitoie-t-elle d'une façon caricaturale. Je vous ai fait peur ? Mes excuses, sensei…
— Tiens, fait-il en lui lançant un sabre d'entraînement. Au lieu de te foutre de moi, montre plutôt ce que tu vaux à présent au katana !

Seiko manque de le rattraper adroitement sous le regard un peu déçu de son professeur.

— La ferme, marmonne-t-elle en se relevant avec son arme dans les mains.
— Mais j'ai rien dit !
— Vous pensez trop fort…

Iruka, bien qu'irrité par l'attitude de son élève, choisit de se mettre à son tour en garde et de laisser passer ce dérapage. Il s'avance, prudemment, tandis que Seiko recule. Elle se déplace sur la gauche, et lui sur la droite.Elle arme enfin, mais il ne lui laisse pas le temps d'attaquer qu'il fuse sur elle pour lui asséner une puissante frappe latérale qu'elle réussit à parer sans trop d'effort. La jeune fille contre-attaque rapidement par une coupe transversale qu'Iruka esquive d'un pas sur la gauche.

— Pas mal, juge-t-il dans son mouvement.
— À l'Académie, on vous voyait toujours à l'écart à noter les compétences et les faiblesses de chacun, répond posément Seiko. J'ai toujours été curieuse de savoir ce que vous valiez réellement.

Elle accompagne ces derniers mots de son sourire espiègle avant d'enchaîner avec une attaque qu'il ne voit pas venir. Il trouve néanmoins le temps de l'éviter d'un pas maladroit en arrière. Manquant d'équilibre, elle en profite pour s'avancer dangereusement et lui faire un rapide croche-patte. Il chute sur le dos, roule sur le côté pour échapper une nouvelle fois à l'épée en bois de son élève et se relève pressement.
C'est vite vu : Seiko est une attaquante…
Iruka se jugeant trop sur la défensive, choisit d'inverser les rôles en attaquant directement. Il bondit vers la jeune fille, et elle n'a pas le temps de se laisser impressionner qu'elle esquive la tranche horizontale de son professeur. Ils se retournent simultanément pour se retrouver face à face, mais il l'empêche de riposter en attaquant de suite, jouant sur la rapidité. Elle pare son coup en se servant de sa main gauche posée sur la lame de son sabre, et se voit obligé, sous l'averse de coups d'Iruka, de bloquer ou de dévier. Il ne lui laisse même pas le temps de contre-attaquer, voire même d’esquiver…

— Trop lente ! signale-t-il dans une énième frappe.

Elle recule sous la force de son professeur, épuisée…

— Souviens-toi que tu as des jambes…

Et c'est sur ces mots qu'il la désarme, une encore une fois…

Seiko halète, épuisée de son combat, mais aussi de sa journée. Les mains appuyées sur ses genoux, elle laisse échapper des nuages de buée naissant de la chaleur de son haleine et du froid de l'hiver qui sévit le pays.

— Tu as encore des progrès à faire, poursuit le jeune homme balafré.

Trop essoufflée pour répondre, elle se contente d'hocher lentement la tête.

— Hum, fait-il. Tu voulais savoir ce que je vaux réellement… Mais garde en tête que je n'ai pas tout donné.
— Oui, bien sûr, souffle-t-elle entre deux grandes respirations.

Celle d'Iruka est aussi remarquable, mais bien moins que son élève, et il réussit à la réguler sans trop de difficulté.

— Mais tu as beaucoup progressé depuis la dernière fois, Seiko !

Enfin, c'est au tour de la jeune fille de retrouver la fréquence normale de sa respiration.

— C'est cool à entendre…
— On en a fini pour aujourd'hui, déclare l'instituteur. En ce qui concerne livre que je t'avais demandé de lire…
— Il me reste quelques pages. Je vous le finis pour demain, sans faute.
— Sans faute, hein ? C'est important.
— Oui…

Plutôt bonne lectrice, elle comprend sans réel effort tout ce qu'elle lit, mais elle n'a jamais exprimé de passion pour les bouquins. Elle préfère les bandes dessinées, à vrai dire. C'est plus… amusant.

— Tu peux rentrer, si tu veux.

Elle acquiesce d'un hochement de tête, accompagné d'un sourire, mais elle semble hésiter…

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Un merci, peut-être ?… Oui, un merci. Mais elle ne sait pas le dire, elle ne sait comment. C'est tout bête, pourtant : seulement deux syllabes à prononcer. Juste deux…

— Non, murmure-t-elle enfin. Rien…

Elle considère un instant le regard sombre d'Iruka, puis, dans un dernier élan, elle tourne les talons pour enfin s'éloigner. Seiko n'a juste pas osé.





La nuit d’hiver a noirci le jour depuis bien longtemps quand Tsunade fait appel au jeune instituteur célèbre pour son efficacité pédagogique. Elle a en fait reçu, après de longues négociations, l'accord du Raikage pour enquêter sur le Sannin corrompu. Au bout de trois jours de recherches intensives et à la suite de la fermeture des frontières du pays de la Foudre, les équipes de reconnaissance ont enfin finit par dénicher trois repaires visiblement tous habités, et c'est ce soir-là que l'Hokage décide d'envoyer une troupe de six shinobi expérimentés pour chaque endroit.
Tsunade donne l'autorisation d'entrer dans son bureau quand elle entend frapper à sa porte. Iruka pousse les pans de l'entrée afin d'apparaître sur le seuil de la pièce.Il prend soin de les refermer derrière lui et s’avance vers elle. La femme patiente quelques secondes devant la bonne conduite du jeune homme qui évite respectueusement son regard, avant de cueillir des nouvelles de l’entraînement de Seiko.

— Tout se passe très bien, déclare-t-il. Elle progresse d’une manière satisfaisante, maîtrise assez bien son chakra et commence à entrer peu à peu dans l’expertise du maniement du sabre, mais elle exprime des faiblesses dans les attaques à distance. Elle est aussi capable de créer un clone quasi-parfait.
— Des signes particuliers du comportement ?
— Non, rien d’alertant.
— Quant à son pouvoir ?…
— Elle essaie de le contrôler, ce n’est pas facile pour elle. C’est une enfant très émotive…

Tsunade soupire d’une manière exaspérée derrière ses mains croisées au niveau du bas de son visage.

— C’est ce que j’ai cru comprendre… Bien, Iruka. Vous faites du bon travail. Une dernière question : comment allez-vous ?

Le jeune homme ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil surpris sur sa supérieure. Il bouge nerveusement sur ses jambes, les sourcils légèrement froncés et le regard fixant les fenêtres qui donnent une vue panoramique sur Konoha.

— Je… vais bien.

Elle bascule dans son fauteuil, s’offrant ainsi un air négligé surtout lorsqu’elle commence à faire tourner de droite à gauche son siège à l’aide de son pied.

— Tant mieux, lâche-t-elle. Car vous partez ce soir pour le Pays de la Foudre.

Le cœur d’Iruka a fait un bond dans sa poitrine et ses lèvres se serrent d’une soudaine angoisse. Il manque bien de protester, ayant pour seul argument en tête l’entraînement de Seiko, mais bien éduqué, il s’oblige à se taire… De toute façon, il comprend le choix de Tsunade.

— J'ai besoin de vous sur le terrain, insiste-t-elle clairement en remarquant sa désapprobation silencieuse. Vous êtes le seul à avoir connu Sasuke avant le massacre des Uchiwa.
— Je comprends.
— Très bien… Voici les instructions : Jiraiya s'est porté volontaire pour vous accompagner. Il sera donc avec vous, tout comme une équipe d’ANBU, car il y a une probabilité presque totale que vous croisiez le Diable, là-bas… Mais surtout, Iruka, ne vous confrontez pas à lui, et ce, même si vous pensez pouvoir le tuer.

Elle marque une pause, puis reprend :

— Le but premier est de le handicaper en lui ôtant ce qu’il désire, la raison auxiliaire de cette mission est de soustraire Sasuke à son emprise. Vous comprenez ce que cela signifie ?

Le visage d'Iruka reste froid. Bien sûr, qu’il comprend ! Et rien de tout cela ne lui procure le moindre ravissement…

— On ne peut pas satisfaire les caprices de Naruto au péril du village, poursuit-elle. Vous savez pertinemment que c’est le seul moyen d’arrêter ce fléau rampant, autrement, tant que Sasuke est en vie, il continuera jusqu’à ce qu’il obtienne le Sharingan, et à partir de là… je n’ose même pas réfléchir aux conséquences. J’espère seulement ne pas avoir à le faire, Iruka… Vous êtes là pour empêcher un bain de sang. Parlez à votre élève, raisonnez-le, vous en êtes capable.

Tsunade soupire longuement et ferme ses yeux ambrés pour échapper un instant à la réalité…

— S’il est trop parasité, fait-elle d’une voix forte en rouvrant ses paupières, ne vous en voulez pas de ne pas avoir pu le sortir de là.

Le jeune instituteur retient avec fermeté ses arguments. À sa place, Seiko lui aurait tout craché à la figure…

— Préparez-vous bien, vous partez ce soir. Rendez-vous à vingt-deux heures aux portes du village.

Mais il n’est pas cette enfant, il n’a pas ce cran légendaire. Alors il se contente de courber docilement l'échine avec toutes ses pensées tournées vers son élève. Il ne réfléchit même pas aux enfants auxquels il a promi de revenir leur faire cours une fois l’entraînement de l’orpheline abouti, ni même à Naruto dont il est le tuteur et dont il a toujours espéré revoir le bleu de ses yeux. Non, personne de tout ceux-là. Il pense à elle et à son le sourire qui le hante depuis bien des jours…Il se redresse enfin pour pivoter sur lui-même et se diriger vers la sortie.

— Un instant, Iruka.

Il se retourne alors pour croiser le regard de la femme habité d'une discrète inquiétude. Assise derrière son bureau, les coudes posés sur cette table d’un bois brut, peint en couleur rouge, et sa bouche fine encore et toujours cachée derrière ses doigts croisés, elle l’observe avec un certaine intensité.

— Je peux vous faire confiance pour revenir enseigner à Konoha ?

Sa voix, quoiqu’un peu grave pour une femme, est d’une tiédeur surprenante. Le jeune homme observe l'Hokage dont le visage est encadré de mèches blondes ondulant avec légèreté le long de ses joues.

— Oui, répond-il simplement.

Il lui lance un sourire au coin. Faussé, certes, car il n'a jamais été bon comédien, mais c'est une manière pour lui de se rassurer. C'est sur cette esquisse des lèvres qu'il quitte la pièce en refermant doucement la porte derrière lui.





Debout derrière son plan de travail, Seiko attend patiemment que l’eau bout dans la casserole en coupant en rondelle des poivrons qu’elle a choisi avec soin au marché d’hier. Bien qu’elle semble s’y prendre aisément avec un couteau, la cuisine n’a jamais été une partie de plaisir pour la jeune fille, même après des années de pratique…
Trop concentrée sur sa corvée, la sonnerie de l’interphone la fait glapir. Elle dépose le couteau en grommelant pour se diriger vers sa porte d’entrée et presser un interrupteur.
À l’extérieur, Iruka patiente dans le froid quand une voix grésillante sort de la machine :

« C’est qui » fait froidement son élève.
— Iruka. J’ai besoin de te parler…

Silence.

« Ok, entrez »

La porte se déverrouille sous un son détestable pour laisser le passage au jeune professeur. La cage d’escalier est modeste quoique très bien entretenue. Sous ses pas, les lampes s’allument automatiquement afin de faire des économies d’électricité, et au fur et à mesure qu’il monte les marches, elles s’éteignent une à une. Il ne met pas bien longtemps pour accéder à l’appartement de son élève dont la porte est légèrement entrouverte. Il se permet de la pousser pour se plonger dans un agréable odeur de viande mijotante aussi envahissante que la chaleur d’une eau sur le feu et la lumière bienveillante d’un hall d’entrée. Il s’avance timidement vers la cuisine après avoir pris soin de refermer la porte derrière lui et trouve son élève, les cheveux attachés, à verser des morceaux de légumes dans une marmite à l’aide d’un couteau de cuisine.

— Euh…

Il hésite…

— Seiko ?…
— Oui, oui ! s’agite-t-elle en déposant l’ustensile sur la table. Deux secondes, j’arrive.

Iruka sursaute lorsqu’il remarque que son bandeau frontal couronne toujours son visage. Il l’enlève précipitamment et le range dans sa poche quand son élève vient enfin se présenter à lui.

— Vous… voulez quelque chose ? sourit-elle en remarquant l’embarras de son professeur.

Elle note aussi le sac qu'il tient dans sa main droite, mais n'y prête pas plus d’attention.

— Juste te parler…
— Thé ou café ?
— Te parler, répète-t-il.
— Thé, ou café, insiste Seiko.
— Un verre d’eau suffira…

Elle hausse les épaules en détachant ses cheveux.

— Ok. Bougez pas.

Il la regarde s’éloigner vers la cuisine. Iruka crevait de froid cinq minutes avant d’entrer dans cet appartement, et maintenant, ses joues et le bout de son nez rougis reprennent leur teinte initiale.

— Tadam ! s’écrie Seiko en revenant avec un verre rempli d’eau. Tenez, spécialité de la maison.
— Merci, sourit-il en prenant le récipient.

Bien que sa main effleure celle de son élève, elle, contrairement à lui, ne semble pas s’en gêner et lui propose plutôt de venir s’installer dans son salon. Iruka trouve son aise sur le canapé plutôt que sur le fauteuil habituellement adopté par Ibiki, puis dépose son verre sur la table basse.

— Alors, fait l’enfant en tirant une chaise jusqu’à elle. Vous vouliez me dire quoi ?
— Que l’entraînement de demain est annulé.
— Ah ? s’étonne-t-elle. Pourquoi ?
— Je… je pars en mission pour quelques jours.

Elle ne semble pas déçue pour afficher un certain sourire chaleureux. — J’attendrai. — Justement, Seiko, c’est là où les choses se complexe… Je ne devrai pas te dire ça, mais… Enfin, je…Le visage de la jeune fille, jusqu’alors jovial malgré sa sombre personne, se détend pour laisser froncer doucement ses sourcils noirs.

— Je pars chercher Sasuke, laisse-t-il enfin tomber.

Elle ne bouge pas. Aucun mouvement dans cette atmosphère déplaisante qui semble s’être soudainement refroidie… Aucun mot, juste un silence perturbé par l’affreux tic-tac régulier de l’horloge et le grésillement de la viande sur le feu.

— Pourquoi ? brise Seiko.Iruka la regarde, perplexe.
— Pourquoi aller le chercher ? complète-t-il.
— Pourquoi vous ?
— Ah, euh… Parce que personne d’autre ne connaît Sasuke comme moi je le connais.
— Vous voyez dans quel état est Naruto ? s’énerve-t-elle.
— Jiraiya-sama et une équipe d’ANBU seront avec moi, assure-t-il.
— Ça se voit que vous-même n’avez pas envie d’y aller…
— Peut-être…
— N’y allez pas, Iruka.

Le jeune professeur ne sait pas quoi répondre à cet aveu d’intérêt qui l’atteint droit au cœur, mais refuser une mission est impensable de la part d’un shinobi, et Seiko le sait parfaitement. La lumière du salon parait si triste ! On dirait que le soleil s’est égaré dans la nuit… Il regarde son élève dont les yeux, bien que face à la lampe, ne reflètent rien, et c’est à ce moment-même que lui avouer tout ce qui pèse sur son cœur lui démange les lèvres. Ça cogne violemment, avec un rythme régulier, dans sa poitrine, dans ses tempes, partout en lui…

— Écoute, je…

Il se retient, enchaîne son fol amour à l’intérieur de son gosier, et c’est à cet instant précis, sous le regard dévastateur de Seiko qui l’anéantit de toutes part, qu’il comprend…

— Je pars dans un quart d’heure…

C’est insensé. Cette différence entre ces deux personnalités, ce gouffre béant qui les sépare à distance incalculable, cette incompatibilité totale, sur tous les points… tous ! Ils sont si différents, tellement qu’ils s’opposent comme l’ombre et la lumière. Et paradoxalement, c’est cette opposition qui fait d’eux des êtres semblables par leurs extrémités.

— J’aimerai t’apprendre une dernière chose avant de partir. Tu m’accompagnes dehors ?

Seiko n'aime pas ça. Elle déteste ça. La jeune fille observe le visage d'Iruka qui semble s'attrister de jour en jour et ne parvient pas à déterminer pourquoi… Ce n'est cependant pas ce qui la préoccupe le plus pour le moment.
Toutefois, elle acquiesce d'un hochement de tête avant de se lever, puis va éteindre le feu et recouvrir la casserole et la marmite. Elle revient seulement pour décrocher son long manteau d'hiver tandis qu'Iruka quitte le confort du canapé en ayant à peine touché à son verre d'eau et rejoint enfin son élève dans le hall d'entrée. Il lui sourit chaleureusement, ravi de pouvoir sortir avec elle avant son départ.
Lorsqu'ils se retrouvent à l'extérieur, dans la froideur de la nuit mordante, ils ne savent pas vraiment quoi se dire, ni qui commencera et ni comment engager la discussion. Seiko, elle, n'a pas grand chose à lui faire part. Elle lui a déjà assuré qu'elle est prête à toucher deux mots à Tsunade, mais il a rétorqué que cela n'est pas nécessaire, et que de toute façon, il sait qu'il pourra servir une fois sur les lieux.

— Iruka, fait-elle après de longues minutes de marche silencieuse. Pourquoi vous n'êtes pas venu quand Tsunade m'a séquestrée pendant cinq jours ?
— Les visites étaient interdites, répond-il en toute simplicité.
— Ah… c'est pas ce qu'on m'a dit.
— Ça ne m'étonne même pas…

Ils soupirent tout les deux en laissant échapper un nuage de buée qu'une brise glaciale emporte dans les ténèbres du village. Seiko fourre ses mains dans les poches de son long manteau d'un vert sombre quand une luciole vient s'amuser à tournoyer auprès d'elle. Elle la regarde défiler près de son visage, puis s'éloigner tranquillement, comme elle est venue.

Les lucioles… ces étoiles vivantes de Konoha, des petits soleils qui se déplacent dans les ténèbres et qui disparaissent une fois que le jour se lève.

Le professeur et son élève arrivent enfin aux portes du village où attendent au loin une vingtaine de shinobi. Parmi eux, Seiko reconnaît la chevelure blanche de Jiraiya qui reflète la lumière d'une Lune presque pleine.

— Vous voulez que je vous regarde partir, s'offense l’enfant.
— Je tenais à ce que tu m’accompagnes.

L'air est glacial… L'instituteur se place devant la jeune fille et s'agenouille afin de ne pas dépasser sa petite taille.

— Regarde…

Il a refermé une de ces lucioles dans ses mains délicates, puis, après de courtes secondes, il se permet de les entrouvrir. Ses paumes s'imprègnent d'une lumière d'un vert pâle qui ne se reflète toujours pas dans les yeux de Seiko.

— Ibiki a su voir juste à ton sujet lors de l'affaire Yui, mais pas moi…

Elle pose son regard qui n'exprime aucune émotion sur son professeur, et pourtant, il se passe bien des choses dans ce coffre de sentiments.

— Il n'a pas cessé de me dire qu'au fond de ce cœur si noir et si opaque brille un tout petit joyau. Je ne l'ai pas cru tout de suite, mais maintenant, j'en suis totalement convaincu.

Les yeux sombres d'Iruka pétillent au milieu de cette nuit dépourvue de toute chaleur d'espoir. Un vent vient tristement jouer dans leurs cheveux, caresser avec langueur les arbres mourants de Konoha, et s'enfuir vers les nuages noirs qui recouvrent le ciel obscur.

— C'est plus une faveur qu'une leçon, déclare-t-il en effectuant un léger mouvement des mains.

Seiko recentre son attention sur cette sage luciole dont la lumière clignote faiblement dans le creux des mains de son professeur.

— Fais-moi plaisir, Seiko. Quoiqu'il arrive, n'éteins pas ta lumière…

Le petit insecte aux yeux noirs s'agite un peu et parcourt les phalanges de l'homme habituées à tourner les pages d'un livre…

— Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit, poursuit-il. Persévère, encore et encore, toujours… Et tu ensoleilleras le monde.

La luciole secoue avec légèreté ses ailes brunes et prend enfin son envol sous l'œil attentif de Seiko.
Cette-dernière s'apprête à prononcer le nom de son professeur, mais il ne lui laisse pas le temps en se levant de suite et en déposant sur son front un baiser chaleureux. Surprise et rougissante, Seiko n'ose plus faire un quelque mouvement, et son regard reste alors figé sur le torse de l'homme vêtu de son fameux gilet vert. Il lui caresse avec une tendre affection le haut de la tête tandis que l'enfant ferme ses yeux pour les protéger de ses mèches assaillantes. Et lorsque la main d'Iruka se retire doucement de sa chevelure, lorsqu'elle ressent un appel d'air, un vide soudain dans son cœur, un silence plombant, elle réouvre ses paupières légères… Il avait déjà disparu.

Elle lève son regard vers les portes de Konoha. Plus personne…

Elle regarde sa montre. Vingt-deux heures passées…

Elle observe de nouveau, droit devant elle, l'allée principale qui mène à l'extérieur du village. L'obscurité du ciel embrasse les arbres noirs du pays du Feu dénudés de leurs feuilles, comme carbonisés par le brasier de l'hiver. Ce qu'il fait froid, soudainement, dans le fond de son cœur…

Seiko se doute bien que c'est la dernière fois qu'elle voit Iruka, qu'il ne reviendra pas. Elle le sent, elle le sait, ses intuitions ne mentent jamais. Lui aussi, d’ailleurs.








Toute cette nuit, dès vingt-deux heures, il a neigé abondamment. Au petit matin, les enfants jouent dans les larmes blanches du ciel. La détresse de Seiko qui a tenté de trouver le sommeil leur profite pleinement… Les plus agitées sautent et crient dans sa rue, les plus calmes comme elle, elle a été, se contentent de créer des bonhommes de neige de leurs mains emmitouflées dans des gants habituellement de trop grandes tailles pour leurs petites menottes. Certains aussi s'amusent à courir comme des fous avec les bras tendus en arrière et leur manteau ne tenant que sur leur tête grâce à la capuche, telle une cape ridicule. Enfin. Ça leur plaît… Après tout, il n'a pas neigé depuis plusieurs années.

Seiko n'est pas sortie pendant près de quatre jours, refusant tout contact extérieur et en vient même à envoyer valser Ibiki. Pourquoi ? Parce qu'elle attend Iruka. Elle l'attend, encore et encore. Elle n'a pas grand chose à faire, alors elle dessine et termine les livres de son professeur… juste au cas-où.
Car l'espoir ne s'est pas éteint. Espoir infime, certes, mais existant et persistant. C'est d'ailleurs grâce à lui qu'elle continue de se nourrir.

Un jour, ou une nuit, durant ces quatre levés du Soleil ou de la Lune, elle a senti quelque chose en elle se déchirer, s'effondrer, s’évanouir…
Mourir. Les deux derniers jours, encore, son cœur lui disant non, mais sa conscience lui disait si. Jusqu'à ce qu'elle sorte enfin pour remplir ses placards, histoire de ne pas crever de faim.
Cependant, Konoha n'est plus pareil. Les enfants sourient toujours, mais je jouent plus. C'est calme. Seiko ne sait pas s'il s'agit d'une impression ou plutôt d'un fait, mais le vent ne souffle plus.

Tristesse écrasante.

Les arbres morts perdent leur écorce, la souplesse de l'herbe disparait comme sa verdoyante couleur, tout devient blanc. Gris. L'hiver donne au village un aspect plus fantomatique que lors des années précédentes.


C'est vide.


Les nuages eux-même perdent de l'altitude et la rivière qui traverse Konoha ne coule plus. Figée.

C'est ce quatrième jour-là que Seiko apprend le retour de Jiraiya et des équipes envoyées au Pays de la Foudre.
Il manque Sasuke. Ils manquent quelques personnes…

Il manque Iruka.

Jiraiya s'est dirigée vers elle, a fouillé dans son kimono et lui a remit un papier avec un regard rempli de compassion. Il s'est excusé, sincèrement, en posant une main délicate sur son épaule, puis il est reparti.

« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde

N'éteins pas ta lumière

Iruka »

La jeune fille serre le papier tellement fort contre sa poitrine qu'elle le froisse, tentant d'une certaine façon d'imprimer dans son cœur, de graver dans ce fameux joyau ces derniers mots, ces dernières paroles, à ne jamais oublier.

Jamais…



Prochain arc : Papillon.
Car il faut se relever. :3




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