Fiction: Luciole

Timide, douce, souriante, gentille, mordue du dessin et de l'architecture… Seiko avait tout pour être aimée par ses semblables. Et elle l'était, jusqu'au soir où tout son joli petit monde s'est effondré, l'entraînant en un rien de temps vers le fond. Néanmoins, bien que perdue au cœur d'une foule haineuse de ce qu'elle est devenue, quelques personnes ont détecté la détresse dans son regard et ont pris l'initiative de faire revivre cette lumière qui s'était éteinte.
Classé: -16D | Général / Action/Aventure / Drame | Mots: 58213 | Comments: 9 | Favs: 4
Version imprimable
Aller au
MlleChouette (Féminin), le 13/06/2016
« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.

——————

Bonne lecture ! :P




Chapitre 12: Cocon - T'en va pas



Forcée à assister à cette scène d'une violence incroyable, un détournement de regard correspond à un coup de fouet supplémentaire. Cette liane embrasée secouant l'air sec s'agite dans les ténèbres. Il passe si proche de Seiko, ce serpent de feu, et vient fendre le vide dans un puissant claquement. La jeune fille, épouvantée, ressent à chaque intonation ces coups de ceinture qu'elle a tant de fois encaissé lorsqu'elle était plus jeune.

— Tu vois où nous mène ton impétuosité ! fait fortement Tsunade.

L'enfant ne connaît pas ce mot. La seule personne qui l'importe est Ibiki derrière cette vitre épaisse, poussiéreuse, marquée d'innombrables rayures…
Elle ne connaît pas ce mot, mais elle en devine aisément le sens. Le souci avec elle, c'est qu'elle a toujours été châtiée sans raison par son père, et en voyant le géant se fait torturer de cette façon, à cause d'elle, elle ne comprend pas…

« Pourquoi »



Ce jour-là, c'était le dernier. Le dernier de ce calvaire.

La branche d'un arbre a frappé violemment contre la fenêtre de l'extérieur, arrachant un cri de surprise à l'enfant, et elle a serré sa peluche contre elle quand l'orage a grondé sourdement accompagné d'un vif éclat de lumière. Puis le noir absolu. Les plombs ont dû sauter. Seiko s'est laissée glisser contre le mur, recroquevillée dans un coin et tremblante de terreur. Puis elle est restée assise là, dans la salle d'études, priant de longues minutes pour que l'orage s'arrête. Elle se donnait du courage en rassurant son ours en peluche qui souriait niaisement, mais c'est tout de même contre lui qu’elle frémissait.
Une lumière est soudainement apparue, celle d'une lampe qui s'agite dans l'obscurité pleine de terreur. La petite enfant a trouvé le temps de se déplacer derrière le bureau après avoir identifié des pas lents. Si l'on venait à la trouver… Quelqu'un est entré sous un tonnerre explosant de rage une nouvelle fois. Sa marche lugubre raisonnait dans cette pièce si sombre… Il est allé rétablir le courant dans cette salle, car avant aujourd'hui, il n'y avait pas de centrale pour nourrir tout l'établissement, faute d'insuffisantes connaissances techniques. Ceci fait, la personne s'est dirigée vers Seiko. Elle na pas cherché à m'enfuir.

— N'est-ce pas la fille du Docteur Matsuda ? a fait l'homme d'une voix enjouée. Que fais-tu ici ?

Seiko ne se souvient pas d'avoir trouvé le courage de répondre ou même de lever les yeux pour voir son visage. Elle se contentait de fixer ses énormes chaussures militaires avec crainte. Il s'est lentement accroupi pour chercher son regard sombre, et c'est ainsi que son visage lui est apparue. Il avait les cheveux gris, courts, qui viraient sur la droite. Le bandeau de Konoha lui servaient de cache-œil pour son œil droit, et le bas d'un visage affiné était masqué. Cependant, son œil gauche semblait sourire.

— Comment t'appelles-tu ?

Seiko a hésité à garder le silence, mais au final, elle a bafouillé :

— S-Seiko, Monsieur…
— Enchanté. Moi, c'est Kakashi. Tes parents ne viennent pas ?
— Je… j'habite pas très loin, j'attends juste que… que la pluie soit finie…

Elle sursauté une nouvelle fois. La foudre venait de frapper le sol non loin de la fenêtre.

— Tu t'es fait quoi à la joue ? s'est-il enquit.
— C'est rien… je suis juste tombée…

Il l'examinait alors avec de brefs coups d'œil quand l'envie lui a soudainement pris de soulever la manche droite du kimono de l'enfant. Mais elle l'a arrêté en posant ma main gauche sur mon bras.

— Non…

Comme sourd, il s'est dégagé sans brusquement et a soulevé le tissu pour découvrir un énorme hématome rouge et bleu.

— Qui t'a fait ça ? s'est-il étonné, gravement.
— Personne, a marmonné Seiko, tremblante. Il faut que je rentre…

Elle me s'est levée sans qu'il l'en empêche et est partie à pas précipités. La pluie avait cessée, la petite fille devait se dépêcher de rentrer avant une nouvelle averse…

Elle est arrivée un peu plus tôt à la maison que d'habitude. Son père était assis sur le canapé, son crâne dégarni posé sur ses doigts de médecin, à fixer le sol de son regard d'ivresse imperceptible. Il ne travaillait pas ce jour-ci, ni le lendemain ; ses horaires ont toujours parue étrangères aux yeux de la gamine. C'était le danger…
Elle a retiré ses chaussures pour les déposer à l'entrée et s'est dirigée droit dans sa chambre en prenant soin de silencieusement fermer la porte.
Mais à peine le petit clic de la poignée déclenché que son nom est hurlé à l'autre bout de l'appartement, la faisant sursauter comme s'il s'agissait de l'orage. Les pas lourds du médecin cognaient contre le plancher qui se pliait sous son poids imposant tandis que la main de Seiko restait crispée sur la poignée. Il a gueulé son nom une seconde fois sur le seuil de sa chambre, puis il a frappé dessus comme le ferait un forgeron sur l'enclume. Il a ordonné à sa fille d'ouvrir, elle a résisté, angoissée à la simple idée de le laisser s'approcher. Dans un même temps, elle prié le retour de Konohana, mais son père a forcé sur la poignée, l'obligeant à la lâcher et à reculer pour ne pas se prendre la porte qui s'est brusquement ouverte sur elle.

L'homme, le géant, le monstre, se tenait là, devant cette pauvre enfant, la pupille dilatée, le visage gravé à coup de hache dans la roche et l'odeur puante que même un humain pourrait flairer et pister sans problème… Elle lâché sa peluche, terrifiée, puis a reculé de quelques pas tandis qu'il s'avançait en marmonnant des mots inaudibles.

— S'il-te-plait, Papa… Ne…

Son corps s'était soudainement retourné en voltigeant sous le craquement de sa nuque pour atterrir sur le lit. Une cuisante douleur sur la joue lui a fait comprendre qu'il venait de la frapper de toute la puissance qu'il conservait dans son bras de gaucher. Seiko s'est tournée vers lui pour le voir s'approcher dangereusement en retirant sa ceinture qu'il enroulait autour de son poing, laissant pendante la boucle métallique.

— Non ! Papa ! S'il-te-plait ! S'il-te-plait ! J'ai rien fait ! S'il-te-plait !

Mais il a levé son bras, balançant le fouet parental en arrière, et l'a rabattu violemment vers le sol. Sur elle…


« Pourquoi »


Ibiki s'est laissé tomber, retenu simplement par une barre de fer longue comme son envergure à laquelle s'accrochent ses larges poignets par des liens solides, lui écartant ainsi les bras pour dévoiler toute sa musculature saillante de bête sauvage. Voilà ce à quoi il est réduit. À un animal. À un ours en cage condamné à subir la cruauté de ses dresseurs.
On lui a fourré du coton dans la bouche qu'il mord avec une virulence traduisant cette souffrance mortelle pour un simple humain.
Seiko se sent terriblement mal… Et à côté d'elle, cette fratrie de vautours la fixe comme pour vérifier si son regard reste bien scotché à la vitre. Au final, les deux policiers qui ont mené Seiko jusqu'ici entrent dans la pièce réchauffée par l'aura de feu, la chaleur des plaies ouvertes d'Ibiki, et son effort surhumain de résistance. Ils entrent, donc, et viennent détacher l'ours des liens qui lui rongent les poignets jusqu'au sang. Ils portent ensuite tout cette masse sur leurs épaules avec une réelle difficulté pour la traîner à l'extérieur de la pièce et l'assoir sur la chaise qui l'a sagement attendu.
La jeune fille s'avance de quelques pas avant d'être fermement retenue par Tsunade.

— Laissez-moi passer, ordonne-t-elle d'une voix presque étranglée.

On sert de l'eau à Ibiki dont la moitié de sa bouteille se déverse comme une cascade sur son menton, venant glisser contre sa gorge, puis sur ses muscles nus.

— Laissez-moi au moins lui adresser quelques mots, insiste Seiko.

La femme la dévisage avec une sévérité à toute épreuve, mais elle a elle aussi un cœur, alors elle accepte de libérer l'enfant des menottes pour enfin l'autoriser à se retrouver face à son protecteur dévoué pour quelques instants.
La fille aux yeux sombres s'est avancée vers le géant haletant dans sa douleur. Il souffre… cela se lit sur son visage comme dans un livre ouvert. La sueur imbibe l'intégralité de son corps, la faisant luire sous les flammes des bougies. Seiko doit reconnaître qu'il est un habitué : il n'a pas hurler une seule fois…
Elle dépose ses doigts affinés par le maniement du crayon sur le visage moite et rugueux de l'homme torturé et l'observe avec un air angoissé.
Le cœur serré, la gorge nouée, elle a soufflé son nom dans un silence respectueux.
Ibiki, épuisé, lève doucement sa main musclée pour la déposer derrière la nuque de Seiko, emmêlant ses doigts épais dans sa chevelure chatouillante.

— Je suis tellement désolée…

Piètre excuse face à ce que vient de subir Ibiki par sa faute, mais c’est dans un geste délicat, rempli d’une affection sans égale, qu’il vient poser le front de sa protégée contre le sien, imbibé d’une sueur froide au contact. Il ne l’a pas entendue, trop occupé à essayer d’oublier ses douleurs, et la savoir indemne, savoir qu’il l’a sauvée de ces si courtes minutes d’atroces souffrances, ça le soulage…
Tsunade, spectatrice d’une scène d’une si belle rareté dans ce décor tellement sinistre, ne reste pas insensible. Encore moins lorsqu’elle fait le rapprochement avec son défunt petit frère. Et alors que les souvenirs si ardemment enfouis, enterrés, remontent à sa mémoire, et alors que sa gorge, à son tour, se noue d’un vieux chagrin, elle s’avance lentement vers Seiko. Seiko qui reste immobile à observer les paupières d’Ibiki, profondément atteinte par la bonté toujours incompréhensible du géant.
Elle sent ses poignets être délicatement rejoints dans son dos par Tsunade, puis la mâchoires glaciales de ces maudites menottes se refermant autour d’eux.

— Tu ne me dois rien, murmure Ibiki.

Il serre avec plus d’affection les cheveux de l’enfant dans son énorme poigne. Soyeux. Ils sont soyeux… C’est seulement quand il la sent se dérober de lui qu’il la relâche lentement. Mais il a vu juste avant quelque chose tomber entre les boucles de l’enfant, une de goutte de pluie qui s’est évanouie sur le dos de sa main libre.

Seiko a fermé les yeux pour libérer cette unique perle cristalline du ciel si noir, dépouillé d'astre, avant de se détacher de son protecteur. Elle quitte ensuite la pièce, encore et toujours attachée, sous une averse respectueuse.



Le Soleil vient finir sa course dans le Pays du Fer quand les quatre shinobi chargés de traquer le Sannin corrompu découvrent enfin la porte du repaire cachée sous un amas de neige pure. Etan a dit vrai, alors… Ils ont cru à un piège, quoique rien n’est encore vérifié…
La seule femme du groupe ouvre silencieusement la trappe d’une telle façon qu’elle masque avec perfection l’horrible grincement que l’on peut imaginer d’une porte en métal épuisée par le temps. Les shinobi ont cherché des heures entières avant de dénicher un simple petit bout de sol qui ne ressemble pas à de la terre battue par les guerre, mais à quelque chose de plus solide et de plus froid.
Les trois hommes entre donc un par un, toujours en silence. Ces shinobi-là font parti de l’élite qui constitue Konoha. Ils sont peu nombreux, mais extrêmement efficaces dans les missions qui requiert de la discrétion à cause d’un entrainement particulier, celui de la vieille-école qui rappelle enfin le véritable sens du mot « ninja ».
La femme réajuste son masque à tête d’animal après avoir touché le sol du repaire. Le silence règne désagréablement, pas un signe de vie. Seule une araignée se promène sur les murs austères. Il fait noir, mais son équipe est habituée. Ils s’avancent sur leur garde jusqu’à rencontrer une porte. Un geste de la main sur la gauche, un geste de la main sur la droite, ils sont en formation de chaque côté de l’entrée. On vérifie s’il n’y a pas un mécanisme piégeur, et on enclenche la poignée.
Rien, une fois de plus, à part se retrouver dans une salle qui semble gigantesque à cause d’un impression de souffle incessant.
Rien ? Grossière erreur ! L’odeur n’en reste pas moins choquante et agressive. On dirait… de la viande froide. De la viande froide laissée à l’air libre. Non, c’est plus que ça. De la viande froide laissée à l’air libre, avec un on-ne-sait-trop quoi de sauce dégueulasse. Le shinobi du clan Inuzuka a l’odorat suffisamment affuté pour décomposer ce terrible parfum. De la viande, ça, oui. Du sang, ça aussi. Et tout un tas de trucs intérieurs. Il faut ne jamais avoir rencontré un cadavre de sa vie pour ne pas reconnaitre la puanteur de la mort, et encore : le bourdonnement incessant d’un essaim de mouche est presque assourdissant…

— Kali’, murmure un des hommes. On ferait mieux de prévenir Hokage-sama.

Les lumières s’allument enfin, comme un mécanisme automatique, pour découvrir du rideau d’obscurité le spectacle macabre, immobile, le massacre de plus d’une centaine de cobayes humains…

— Il a fuit il y a au moins deux jours, poursuit un autre. Le temps qu’on arrive…

Kaliachi retire son masque et recoiffe sa longue chevelure châtaigne de ses mains travaillées par le maniement des armes.

— Ouais, souffle-t-elle enfin. On fouille d’abord, on peut toujours trouver des informations intéressantes.
— Ok.






Ce même soir, Haruka, qui a fêté ses douze ans la semaine dernière, échappe à la vigilance de ses parents pour rejoindre les pavés encore trempés de la pluie de tout à l'heure. Elle s'est hissée à la fenêtre de sa chambre, n'ayant toutefois aucune connaissance dans l'art du déplacement. Mais elle s'est bien débrouillée. Elle a voulu sortir, quitter cette maison remplie de cartons de déménagement, et retrouver sa meilleure amie Eri, à peine plus âgée qu'elle. La jeune brune s'est un peu fâchée lorsqu'elle a appris trop tardivement à ses yeux le départ de la cadette, mais en vérité, malgré ses apparences sévère, elle est prête à tout lui pardonner. Elles ont fixé un point de rendez-vous : les portes du village, pour profiter des dernières heures qui leurs sont offertes.

Les yeux bruns de la fillette de douze ans croisent ceux d'Eri. Elles se sourient, de loin, tandis que la distance qui les sépare se raccourcit, pour enfin se saluer par une bise amicale.

— J'ai plein d'endroits à te montrer, s'enthousiasme l'adolescente de treize ans. Ça serait chouette qu'on puisse tous les faire avant que tu t'en ailles…
— J'espère qu'on aura le temps…
— T'inquiète !

Elles passent alors devant le bureau d'accueil de Konoha auquel sont postés le duo célèbre de récepteurs.

— Ne vous éloignez pas trop loin, les filles, fait l'un. Et ne rentrez pas trop tard !
— Non Monsieur !

Et elles finissent par se plonger dans la forêt qui étreint leur village natal.

L'herbe est frémissante sous le vent de décembre, dansante. Sujette favorite des rois sylvestres qui se dressent sur leur trône d'écorce, elle caresse l'air de ses bras fins.
La principale différence des forêts du Pays du Feu avec les autres du monde, c'est la hauteur de leurs arbres dont les branches côtoient les nuages pour venir gratter le ciel.
Le jour s'exténuant offre ses derniers rayons de lumière aux arbres primitifs dénudés de leurs feuilles. Les deux amies se fraient un chemin dans ce tapis de cheveux d'arbres, donnant de vifs coups de pied pour les faire voltiger, et ainsi, les observer tomber tourbillonnant et rejoindre délicatement le sol.

— Je me demande pourquoi les feuilles jaunissent en automne, déclare Eri.
— Je sais pas non plus. Peut-être parce qu'elles s'assèchent ?
— Tu crois ?
— Ben, la terre c'est marron, dit Haruka. Et quand il y a de grande sécheresse, elle blanchit.
— Non, c'est pas la même chose. Ça doit venir des arbres.
— On regardera dans un livre.

Le silence revient entre les deux adolescentes. Eri voudrait répondre par un ouais assuré, mais elles se sont rappelées toutes les deux qu'il s'agit de leur dernière sortie clandestine…

— Je suis désolée si mes parents ne t'aiment pas, souffle Haruka.
— C'est pas de ta faute… Et s'il décident de déménager, c'est pour ton bien.
— Ils disent que tu es comme Seiko, une mauvaise influence.
— Si je pouvais être aussi forte qu'elle, s'amuse Eri, je pourrai te protéger des vraies mauvaises influences !

Elle s'arrête soudainement dans sa marche pour adopter une position de combat…

— Et paf ! fait-elle en balançant son bras vers l'avant. Un coup de poing dans les dents, et tchak ! Un coup de couteau dans la gorge. Egorgée, la mauvaise influence !

Ça a fait sourire Haruka, à la limite du rire.

— Et après, t'iras en prison.
— Nan, car je m'enfuirai avant qu'on m'attrape !
— Et on te poursuivra, et on te rattrapera, et on te jettera en prison pour mauvaisinfluencide volontaire !
— Tu viendras voir ton héroïne préférée derrière les barreaux ?
— Tous les jours, assure la jeune blonde.

Les deux amies se considèrent un instant, toutes deux souriantes, les yeux dans les yeux pétillants d'un bonheur candide malgré leur passé.

— Cool, fait timidement Eri en reprenant la marche.

Elles marchent encore quelques minutes sans rien trouver à se dire de plus, écoutant le chant de la forêt, observant les vieux arbres tous tellement différents et dont les racines s'entremêlent sous leurs pieds, parfois dépassant de la terre en une boucle pour replonger et disparaître.

— Tu sais, commence tristement la jeune brune, tu vas te faire plein d'amis à Suna. Ça t'aidera à ne plus y penser, alors c'est aussi bien…

Haruka ne répond pas. Elle se contente de donner un coup de pied dans les feuilles encore humides, quand soudain, Eri lui tire brusquement les cheveux.

— Eh !

Et elle s'éloigne en courant. La blondinette regarde son amie lui sourire au loin.

— C'est toi le chat ! crie-t-elle au loin.

Haruka sourit à son tour, joueuse, avant de s'élancer à la poursuite d'Eri.




Au même moment, Tsunade reçoit dans son bureau un homme chargé de la communication accompagné d'un message annonçant que son ancien coéquipier a pris la fuite peu de temps après l'arrivée de l'équipe d'ANBU, et a pris aussi soin de ne laisser aucune trace…
L'Hokage ne sait pas comment réagir : d'un côté, elle a pourtant ordonné que l'on n'entre sous aucun prétexte dans l'antre du serpent, mais il s'agit aussi d'un gain de temps fabuleux…
Aucune trace ?… Elle ne compte pas s'arrêter là. Où a-t-il pu se terrer, encore une fois ?… Il a été mis au courant de l'aveu d'Etan, c'est certain, mais la chasse aux espions n'est pas d'actualité.
Alors elle réfléchit. Un pays où la tension diplomatique est à son apogée. Lequel ?…

Cinq minutes plus tard, Shizune, fidèle assistante de la dirigeante de Konoha, fait éruption dans la salle.

— Vous m'avez demandée, Tsunade-sama ?
— Oui, j'ai besoin d'écrire une lettre au Raikage.

La femme au kimono noir écarquille les yeux. Écrire au pays de la Foudre ?… À ses yeux, à ceux de tout le monde, c'est de la folie…

— Mais… mais… pourquoi ?
— Ce connard s'y est sûrement caché… J'ai besoin d'une équipe de reconnaissance sur le terrain, mais je ne peux pas le faire sans l'accord du village de Kumo.
— Mais…
— Oui, moi aussi ça me fait chier…
— Vous voulez que j'écrive la lettre ? hésite Shizune.
— Non. Aide-moi plutôt à trouver les mots.

L'assistante secoue négativement la tête avant d'ajouter :

— Les Anciens seront sûrement mieux vous conseiller que moi…
— C'est deux rats ? Ils chercheront plus à me contredire qu'autre chose…

La jeune femme se dit que pour une fois, si les doyens du village s'opposent une fois de plus à Tsunade, elle les rejoindra dans leur propos, car bien qu'il s'agisse de mettre la main sur la plus grande menace de Konoha, c'est qu'il faut s'adresser à une nation quasiment cinq fois plus puissante que la leur et dont la tension diplomatique est sur le point de céder…

— Tu m'aides, c'est un ordre, termine l'Hokage.
— Ils demanderons sûrement quelque chose en échange… Ils ont déjà essayé de capturer la mère de Naruto pour Kyubi et Hinata pour son Byakugan, c'est possible que…
— On trouvera une solution, coupe-t-elle en se levant. Viens t'asseoir à ma place.

Tandis que Shizune s'avance d'un pas manifestement pas très assuré, l'Hokage se décale pour lui céder son fauteuil moelleux.

— Raikage-dono, commence Tsunade.
— A… attendez !




Seiko laisse échapper un soupir rempli d'âcreté et de dégoût devant son bol chaud.

— Ce monde, c'est de la merde, lâche-t-elle enfin à Iruka.
— Tu le répètes trop de fois, répond calmement son professeur.

La jeune fille repense à Ibiki, à ce qu'il a subi par sa faute…

« Tu ne me dois rien »

Elle lui doit tout. Absolument tout. Ses excuses ne sont pas et ne seront jamais à la hauteur tout ce qu'il a fait pour elle… Il lui a sauvé la vie, il l'a sauvée de l'horrible sentence… Elle lui doit tout…

— Je ne sais pas comment le remercier, souffle Seiko.
— Ibiki ?
— Oui.

Assis au comptoir du restaurant des ramen, Iruka repose ses baguettes dans son bol bientôt vidé. Il ne reste plus que quelques nouilles, un narutomaki et la sauce.

— De la même façon que j'ai réussi à me faire pardonner.
— Qui vous dit que je vous ai pardonné ? rétorque-t-elle, narquoise.
— Hum…

Iruka réfléchit un instant, puis élancer cette réponse pleine de surprise :

— Je bénéficie peut-être de la précieuse bonté qu'est la vôtre, mademoiselle…

Seiko, rougissante à cause d'une terrible gêne, s'empresse de détourner le regard et se contente de massacrer une moitié d'œuf à l'aide de ses baguettes.

— La preuve, s'amuse Iruka. Tu as enfin fini par accepter mon invitation.
— Ça va, ça va…
— La première fois, tu m'as dit que tu n'aimais pas les ramens.
— Ça va !
— Mais je t'avais déjà vue avec Naruto, ici… une fois…
— Iruka ! s'agace Seiko.

L'homme rit de nouveau avant de reprendre une pincée de nouilles juteuses.

— Moi je crois que tu l'aimes, fait-il la bouche pleine.
— Je m'en fous.
— Tu lui accordes beaucoup d'attention.
— J'ai promis.
— Hein ?

Seiko regarde ce qu'elle a fait de l'œuf, exaspérée. Il ne ressemble plus à rien, dorénavant… Mais elle adore ça, alors elle le saisit difficilement entre ses baguettes, puis le gobe.

— Promis ? insiste Iruka.
— Ma mère m'a défendue de l'approcher, alors je m'en suis éloignée, et j'ai promis de l'aider s'il rencontre une difficulté. Quoiqu'il arrive, qu'importe le prix et le risque…

L'instituteur ne détache pas son regard de sa jeune élève. Son visage au teint matte reste sérieux, pensif, interrogateur…

— C'est pour ça que tu as voulu reprendre ta formation…
— C'est aussi pour ça que je me mettais à côté de lui pendant les contrôles. Je savais que malgré mon niveau, je pouvais l'aider…

Elle termine son bol sur ces mots, avalant les dernières pâtes et buvant le fond du récipient avant de s'essuyer distinctement la bouche du revers de la main.

— Vous savez, Iruka-sensei, fait-elle en utilisant la serviette déposée à côté d'elle pour quelques finissions. Naruto, Ibiki et vous êtes les seules personnes réellement capables de me donner un peu d'espoir dans ce monde de merde qui ne fait que me désespérer de plus en plus. Mais quand je vous vois, ou rien que penser à vous, je me dis que ce monde n'est pas si pourri que ça, et qu'il a un bel avenir…

Son sourire un peu triste vient ponctuer ses belles paroles, et Iruka sent son cœur partir… Ce n'est pas la première fois, et ça ne sera sûrement pas la dernière. Chaque fois que les coins de ses lèvres naturellement rougies s'étirent vers le haut, arrondissant plus ou moins ses joues et plissant son regard taquin, le jeune homme sent naître en lui un sentiment qu'il n'a connu qu'à de rares occasions.
Il sait à quoi il pense, et il se dégoûte lui-même d'éprouver un tel ressenti pour une fille aussi jeune, mais il y a quelque chose chez elle, il ne sait pas encore quoi, quelque chose de singulier, d'unique, que personne d'autre n'a, qui le fait chavirer…
Une luciole vient se perdre près de Seiko, tournoie quelques secondes autour de sa main, puis s'en va illuminer les autres recoins du soir qui embrasse Konoha.



Haruka et Eri se retrouvent seules au milieu d'une forêt tranquille. Elles ne se sont pas perdues, et elles continuent de s'amuser à leur façon par des blagues, des taquineries, des bousculades… jusqu'à se retrouver au pied d'un arbre. Gigantesque. Plus imposant que les autres, et où les flammes du crépuscule viennent embrassé son bois. Contrairement à tous les autres, celui n'a pas perdu ses feuilles. Il s'élève, fier et altier, sur son pilier d'écorce brune pour déployer tout ce qui fait sa majesté au ciel violacé.

— C'est le dernier endroit que je voulais te montrer…

Haruka reste soufflée devant tant de grandeur de beauté… C'est la première fois qu'elle voit quelque chose d'aussi magnifique.

— Quand je touche cet arbre, poursuit Eri en s'avançant, j'ai l'impression de sentir la sève circuler sous son écorce.

C'est ce qu'elle fait. Elle dépose la paume de sa main sur le tronc de l'arbre tandis que son amie la rejoint pour l'imiter.

— Ferme les yeux, et tu verras.

Elle s'exécute, fascinée par cette magie qui semble inconnue aux yeux du monde. Elle n'a pas besoin de se concentrer pour effectivement sentir le sang de l'arbre se mouvoir sous son bois pourtant si épais. Eri l'observe s'extasier devant cette sensation. Haruka reste encore quelques secondes avant de réouvrir le brun de ses yeux d'enfant. Elle sourit timidement à son amie qui n'a pas détacher son regard d'elle, quand soudain, une idée lui vient à l'esprit.

— Tu as toujours ton couteau ?
— Euh, oui, répond la fille aux yeux verts.
— Passe-le moi, je vais marquer notre nom !

L'adolescente de treize ans découvre ses hanches pour dévoiler le canif de son défunt père, et le confie à Haruka qui sourit un peu.

— Fais attention, j'y tiens…
— T'inquiète, rassure la jeune blonde en se baissant. Je le marque là, comme ça, ça n'abîmera pas l'arbre !

Eri l'observe entailler doucement l'écorce durant plusieurs minutes, gravant dans le temps un message d'éternité…

« Haruka et Eri, amies pour la vie »

De simples mots pour une phrase enfantine. De simples mots qui en disent beaucoup et pas assez à la fois. De simples mots, si forts…

— Eh…

Haruka se tourne vers son amie qui la regarde avec de grands yeux aussi verdoyants que les feuilles de cet arbre.

— T'en va pas

Le vent ne souffle plus, plus rien ne se passe, le temps est comme figé…Seule une larme solitaire vient couler le long de la joue d'Eri. Sa voix s'est étranglée, et c'est après un discret soupir, dans un élan du cœur, qu'elle vient embrasser sa meilleure amie avec une tendre maladresse…


Sous ces branches si haut-perchées, sous le feuillage majestueux cet arbre bravant l'hiver, et sur ses racines immenses qui serpentent sous terre, Eri et Haruka s'enlacent avec un entrain saisissant qui laisse silencieuse la forêt enflammée par la somnolence du jour.



Prochain chapitre : Les mots d'Iruka



Chapitres: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 [ 12 ] 13 14 15 Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: