Fiction: Insanités

Dans le monde ninja, la frontière entre le génie et la folie s'efface à mesure qu'approche l'excellence, poussant ces artistes à s'enfoncer toujours plus loin dans l'art de tuer, inventant de nouvelles techniques, de nouvelles armes et s'y perdant parfois eux-mêmes.
Classé: -16I | Général / Spirituel / Tragédie | Mots: 16958 | Comments: 1 | Favs: 1
Version imprimable
Aller au
Un Gros Lapin (Masculin), le 24/10/2015




Chapitre 2: Konohamaru



Naruto s'étira avec délice avant de se reposer dans son lit, se délectant de sa chaleur et de la douce lumière qui filtrait au travers des volets fermés. C'était sa première grasse matinée depuis plusieurs mois et il comptait bien en profiter. Il se retourna, attrapant un de ses oreillers pour lui faire un câlin, appréciant l'odeur fraîche de la lessive, remerciant silencieusement Ayame d'avoir pris soin de son appartement pendant qu'il était en mission. C'est en bougeant qu'il remarqua qu'il était déjà onze heures passées, mais il n'en avait cure, aussi s'enfonça-t-il une fois de plus sous la couette, prenant garde à ne pas s'appuyer sur son bras gauche qui était enserré dans des bandages. Une autre heure s'écoula lentement, l'adolescent planant joyeusement dans un monde à mi-chemin entre le rêve et la réalité, indifférent aux bruits extérieurs.

Il ne se décida à bouger que lorsque son ventre émit une plainte, lui rappelant qu'il n'avait rien avalé depuis la veille. C'est donc avec une démarche proche de celle d'un zombie que l'enfant soldat quitta son havre de paix pour se diriger vers sa petite salle de bain. La luminosité l'agressa, se reflétant sur le carrelage bleu clair. Naruto dut se frotter les yeux et ne put qu'attendre que la tâche indigo qui s'était imprimée sur sa rétine disparaisse, afin de recouvrer la vue. Il se détailla un bref instant dans le grand miroir qui surplombait son lavabo : son chapeau de nuit à l'effigie d'un renard cachait ses cheveux blonds en bataille, et entre les boutons de sa chemise de pyjama, il pouvait discerner un autre bandage. C'est avec douceur qu'il se déshabilla, son corps groggy par des heures de sommeil salutaire.

Il se retrouva finalement nu dans la pièce exiguë, il n'avait pas froid car la fenêtre de la salle d'eau était restée ouverte toute la matinée, le temps à Konoha étant encore assez doux en cette fin d'été. Naruto redoubla de précaution en délassant les bandes de tissu, retenant une grimace alors que la chair cicatricielle était caressée par la douceur de la brise. Son torse était marbré de nombreuses marques semblables à celles d'un fouet. Une grosse entaille partait de ses omoplates, courait jusqu'à ses épaules, et se divisait en de multiples intersections qui veinaient le reste de sa poitrine. Son bras portait une blessure semblable, elle se superposait à celle de sa poitrine, souvenir du geste protecteur qu'avait eu Naruto quand la lame de Baki l'avait frappé de face.

Les mains du Jounin se serrèrent sur le rebord du lavabo avec hargne, sentiment qui ne le quittait plus Naruto depuis son échec. Il avait dû s'infiltrer à Suna pour en apprendre plus au sujet des mouvements de troupes du village, mais en arrivant, il avait rencontré un garçon plus jeune que lui, un rouquin auquel il n'avait pas prêté d'intérêt. Naruto ne s'était rendu compte que bien plus tard qu'il était suivi par une équipe de ninjas spécialisés dans le combat à distance. Trois Genin et un Jounin lui étaient tombés dessus dès son entrée dans le village, le mettant en difficulté et le forçant à fuir. Ce n'est qu'une fois le désert rejoint que le Shinobi de Konoha s'était permis de souffler, rasséréné et se croyant en sécurité. Seules ses cicatrices témoignaient désormais de l'inconséquence de ses suppositions. L'enfant roux était capable de manipuler le sable et dans le désert, une étendue par définition faite de sable, il avait pu prendre un avantage incommensurable sur le jeune Jounin.

Naruto soupira avant de s'habiller, tentant d'oublier cette blessure à sa fierté, mais ne se départit pas de ses précautions, évitant les mouvements brusques et ne mettant que des vêtements légers. Après tout, il était en permission, il ne risquait pas de recevoir de grosses missions. C'est vêtu d'un short orange et d'un T-shirt noir frappé du sceau des Uzumaki, un tourbillon rouge, qu'il quitta son appartement. Naruto salua le concierge en passant près de la porte et le remercia pour la réparation de sa fenêtre. Le Hokage ne lui envoyait jamais d'oiseaux pour le réveiller, mais des singes qui faisaient la fête sur le balcon et qui détruisaient tout jusqu'à ce que l'enfant consente à se lever. Du coup, chaque fois qu'il recevait un ordre de départ du Hokage, il se retrouvait à faire réparer la fenêtre car cette dernière ne survivait jamais aux facéties des invocations du Sandaime.

« Naruto ? L'accosta Gai Maito quand il se retrouva dans la rue. Ça te dit de venir t'entraîner avec nous ?
— Quoi ? Répondit de façon inintelligible le Jounin, prit de court quand toute l'équipe du spécialiste en Taijutsu lui sauta dessus.
— Allez viens t'entraîner ! S'écria Lee en l'attrapant par le bras, prêt à le tirer vers leur terrain de combat favori.
— Non, répliqua fermement l'adolescent en tentant de se délivrer. Et comment ça se fait que vous soyez là ?
— On t'attend depuis cinq heures du matin ! Se rengorgea le Genin à l'extravagante tenue verte. On savait que tu serais épuisé par ta mission et la récupération de Sasuke, alors on t'a laissé dormir, mais maintenant entraînement ! »

Il s'arracha à l'étreinte de Lee pour toiser l'équipe de Gai, remarquant que Tenten et Neji étaient restés en retrait comme à leur habitude. Ils devaient avoir honte de leur professeur, une fois de plus. Gai était en train de poser, dressant fièrement son pouce et lui offrant un immense sourire alors que sa copie miniature le regardait avec des yeux de chien battu. Les quelques civils qui observaient la scène se détournèrent quand le regard froid de l'Uzumaki se posa sur eux, les forçant à cacher leurs rires.

« Je dois aller manger, asséna le Jounin avant de se détourner, ignorant le cri de détresse que poussa Lee.
— Naruto ! Hurla Gai avec horreur. Si tu ne t'entraînes pas, tu vas devenir gros, et si tu deviens gros, Ayame-chan ne voudra plus jamais de toi !
— C'est Ayame-san pour toi ! Non mieux, ne parle même pas d'elle, se hérissa l'adolescent en refaisant face à ses amis.
— Sinon quoi ? Fit Gai avec une expression sournoise.
— J'vais tellement te botter le cul que même ton reflet ne te reconnaîtra plus...
— Il est tombé dans le piège ! S'alarma Neji en partageant un soupir désabusé avec sa coéquipière, réalisant qu'il était temps d'intervenir. Maître, Naruto rentre d'une très longue mission, peut-être qu'il a juste envie de se détendre ? Vous nous dites souvent qu'il ne faut pas s'entraîner quand on est trop fatigués, on commet des erreurs et quand on commet des erreurs, on se blesse...
— Et si on est blessés, ajouta Tenten, on ne peut plus s'entraîner du tout.
— Taisez-vous les gosses, les coupa Naruto en s'échauffant les poignets, son regard rivé dans celui de Gai. C'est une insulte qui ne trouvera absolution que dans le sang et les larmes, si vous ne voulez pas souffrir, éloignez vous.
— Montre-moi la fierté de la jeunesse, se réjouit Gai en se mettant en garde.
— Je vais t'apprendre le respect, petit chaton de Konoha. »

Ce fut au tour de l'expression de l'adulte de changer, se rembrunissant alors que son sourire disparaissait, ne laissant place qu'à un sérieux mortel. Le vent balaya la rue alors que quelques civils se dépêchaient de s'enfuir, comprenant ce qui allait se passer. Lee se retira avec précaution, essayant de passer inaperçu alors que les deux bêtes sauvages se faisaient face. Tenten attrapa la main de Neji pour le tirer en arrière, dépassée par la bêtise des Jounin de Konoha qui cédaient si facilement à la provocation. Le soleil passa doucement le dernier toit et illumina la ruelle jusqu'à présent plongée dans l'ombre, laissant apparaître Kakashi qui observait l'affrontement futur depuis le tronc d'un arbre. Il tendit doucement un mouchoir en papier, captant brièvement l'attention des deux Jounin et le laissa s'échapper. La tension monta d'un cran alors que le mouchoir faisait de paresseux loopings, se rapprochant doucement du sol.

« Ma parole, qu'ils sont bêtes, chuchota Tenten pour elle-même.
— C'est encore nous qui allons prendre un blâme, se renfrogna Neji à ses côtés.
— Maître Gai va exploser Naruto-kun ! S'extasia Lee en se préparant à suivre le combat qui allait avoir lieu.
— Impossible, répondit Tenten avec douceur. Naruto est bien plus fort que Gai, tout le monde le sait.
— Mais il est blessé, et fatigué, et il n'utilise jamais ses techniques secrètes à Konoha ! Défendit le garçon avec ferveur.
— Naruto n'a pas de technique secrète, s'étonna Neji. Il ne sait que faire des clones et taper encore et encore jusqu'à ce que son adversaire meure.
— C'est ce qu'il veut nous faire croire, contra Lee d'un ton docte. Mais s'il utilisait cette tactique en dehors du village pendant ses missions difficiles, tu crois qu'il en aurait réussi autant ? Il est à plus de deux cents missions de rang A ! Il cache des supers Jutsu de la mort, et il ne les utilisera jamais en pleine rue car elles doivent rester secrètes... Donc, il va être forcé de perdre car Gai-sama n'a rien à cacher lui ! »

Le morceau de papier toucha finalement le sol, et Naruto dégaina son poing pendant que Gai tendait sa main à plat. L'adolescent tomba à genoux, vaincu par la force de la feuille et l'adulte se mit à saluer la foule, fier de sa victoire et prêt à la raconter à tous. Kakashi sortit un petit cahier de sa besace et nota le résultat du combat, avant de s'éloigner d'un pas nonchalant, heureux pour son confrère. L'ancienne génération ne pouvait perdre contre la nouvelle. En tournant au coin de la rue, il adressa un coup d'œil au combattant éploré et ne put s'empêcher de se sentir bien, son entraînement infernal avec Gai avait finalement porté ses fruits.

« Du coup Naruto, en gage de ta défaite, ce sera à toi d'annoncer au Sandaime qu'on a oublié sa commande de thé à la banane.
— Je demande une revanche, j'étais pas prêt !
— Apprends donc le respect petit renard, et nous envisagerons un match retour quand ce sera fait... Sur ce, bonne chance ! »

Naruto se releva, mécontent et s'éloigna dans la honte, ignorant le débat que venait d'engager l'équipe de Gai sur la résolution de ce duel et leurs pronostiques pour le suivant. Neji, d'habitude si taciturne, cachait difficilement sa jubilation face à la défaite de l'autre Jounin. L'enfant était un Hyuga élevé dans la seconde branche de son clan, il était voué à obéir sans poser de questions à ceux de la branche principale. Heureusement, il s'était en partie affranchi de ce contrôle et de ce devoir d'obéissance en devenant le Genin le plus prometteur de sa génération. En combat, il était très loin des aptitudes de Naruto malgré leur seule année de différence, mais il n'en restait pas moins le meilleur adolescent dans sa catégorie. Tenten était spécialisée dans la couverture de ses coéquipiers, elle ne se battait qu'à l'arme blanche et pouvait invoquer des quantités non négligeables de Kunai, et Lee, le dernier larron du groupe, était la copie conforme de son maître. L'enfant avait longtemps été la risée de ses pairs à l'académie car incapable d'utiliser le Chakra, mais avec un long entraînement physique, il avait acquis une maîtrise du Taijutsu forçant le respect.

C'est les mains enfoncées dans ses poches et la tête basse que Naruto pénétra le restaurant Ichiraku, prenant place sur un siège quelconque en attendant qu'Ayame le remarque. Ça ne tarda pas et la jeune fille lui envoya un grand sourire sans quitter sa casserole, elle surveillait le bouillon, comme à son habitude. Son père n'était pas présent dans le restaurant, il s'absentait de plus en plus souvent pour se rendre dans les villages voisins afin de partager ses recettes, il rêvait d'ouvrir d'autres petits restaurants et de fonder sa propre chaîne de distribution. Il comptait sur l'aide financière de Naruto pour y arriver, aussi cela prenait-il beaucoup de temps car l'enfant était rarement payé pour ses missions. Il y avait trois types de missions à aborder quand on était ninja : la chasse de déserteurs qui consistait à arrêter ou tuer ceux qui abandonnaient leur village en échange d'une prime, la réalisation de toutes sortes de tâches sans importance en échange d'une prime également et finalement les missions pour la sécurité du village.

Les missions réalisables en échange d'une prime étaient gradées du rang D au rang A, celles pour la sécurité du village étaient automatiquement classées S et ne dépendaient que du Hokage. Les Genin et Chunin accomplissaient généralement des missions allant du rang D au B, les Jounin se chargeant presque exclusivement du rang A, et finalement il y avait les missions de rang S réservées aux Jounin et aux ANBU. Pour ce genre de missions, il n'y avait qu'une très faible rémunération voire une absence totale de paiement, car les ninjas qui les accomplissaient en revenaient rarement. Naruto s'était spécialisé dans l'accomplissement de missions de rang S, mais il les effectuait sous la couverture de missions de rang A. Chaque fois qu'il quittait le village, il le faisait avec pour objectif officiel une mission de routine et finissait par assassiner des gens dans l'ombre. Son dossier était donc l'un des plus gonflés du village, parfois on inventait même une pseudo mission de rang A pour lui offrir une couverture. Il connaissait ainsi beaucoup de Chunin acteurs qui n'étaient là que pour jouer des rôles pendant des escortes montées de toutes pièces.

De fait, le dossier à son sujet n'était pas représentatif de son mode de vie, puisque la plupart des missions de rang B et A qui lui étaient attribuées n'avaient jamais été réalisées. Comme l'avait dit Hayate le soir précédent, Naruto était un tueur formé par le village dans l'intérêt de ce dernier, au contraire de ninjas comme Kurenai, Asuma, Kotetsu, Izumo ou encore Kakashi depuis qu'il s'était retiré de l'ANBU après de nombreuses années de service. L'Uzumaki ne travaillait pas dans son intérêt propre, mais pour celui de Konoha. Si un jour la rémunération pour les missions qu'il accomplissait devait être décidée, il ruinerait le village en seulement quelques sorties et il en irait de même pour tous les autres ANBU qui évoluaient dans ce genre d'opération à hauts risques. En échange de leur engagement pour le village, on assurait la sécurité de leurs familles, leurs anonymats et finalement une retraite prématurée quand le besoin s'en faisait sentir.

« Quelque chose ne va pas ? Demanda son amie en préparant un bol de Ramen à un client qui était arrivé avant Naruto.
— J'ai perdu contre Gai...
— Encore ? Grimaça Ayame avant de soupirer. Combien de fois faudra-t-il que je te dise que ça ne sert à rien de jouer à des jeux de chance, tu es maudit.
— Il m'avait provoqué !
— Et comme un bon petit enfant colérique, tu as répondu et foncé dans le panneau, critiqua-t-elle sans se départir de son petit sourire narquois qui eut le don d'énerver encore plus Naruto.
— C'est une question de fierté Shinobi, tu peux pas comprendre !
— Moi je comprends que tu vas encore être puni pour quelque chose que tu n'as pas fait, je comprends aussi que tu es bête comme tes pieds. »

Naruto tourna le dos à sa compagne, décidant qu'elle n'était pas digne de son attention et qu'il allait profiter de sa première journée de congé depuis une éternité. Il regarda les gens s'activer près de différents étals et restaurants, bavardant joyeusement, inconscients de la menace qui pesait aux frontières du pays et il se sentit fier. Il était heureux en cet instant, entouré d'une alléchante odeur de Ramen, alors qu'Ayame lui préparait son repas, que le soleil brillait haut dans le ciel et que la paix régnait sur Konoha.

« J'irais voir le Hokage tout à l'heure, il fera pas grand-chose de toute façon, j'ai attrapé Tora hier soir. D'ailleurs le vieux il a payé la note ?
— Non, il a envoyé un de ses assistants ce matin pour dire que tu n'avais pas attrapé Tora, mais que le chat s'était laissé prendre.
— Enfoiré de vieillard, j'vais être obligé de faire une mission de rang D si ça se trouve...
— Y'a le vieux paysan du village voisin qui cherche quelqu'un pour lui retourner son champ avant l'hiver.
— Comment tu sais ça toi ? S'intéressa Naruto en basculant son siège pour la regarder pendant qu'elle cuisinait.
— C'est papa qui me l'a raconté, il offre un bon prix mais personne ne veut prendre la mission au hall... Un truc à propos d'une pseudo fierté Shinobi qui les empêche de faire des tâches ingrates.
— Une fierté Shinobi ? Jamais entendu parler ! S'amusa Naruto, avant d'attraper une paire de baguettes. Dépêche-toi de me donner du Ramen et je vais aller travailler. »

Son bol ne tarda pas, laissant juste le temps à Naruto de chercher une excuse plausible pour Hiruzen. Le Sandaime adorait le thé à la banane, héritage de ses nombreuses années d'entraînement auprès des Grands Singes, aussi voulait-il toujours qu'on en fasse venir plusieurs paquets au village. C'était aux Jounin chargés de la tenue de la liste des fournitures de la salle de détente du quartier des missions de s'en charger. Mais depuis que la tâche avait échu à Izumo et Kotetsu, le groupe se trouvait en véritable situation de restriction budgétaire, ces derniers préférant les abonnements mensuels aux revues de Jiraya qui coûtaient une petite fortune. Inverser la tendance en chassant les deux Chunin aurait pu être aisé, mais personne ne voulait se charger de la tenue des comptes, donc on les laissait faire ce qu'ils voulaient. Et quand venaient les problèmes, tout le monde se rappelait au bon souvenir des copains en invoquant des dettes passées ou en organisant des petits jeux afin de désigner qui devrait annoncer au Sandaime les problèmes de la liste.

Naruto ne laissa pas partir Ayame une fois qu'elle eut déposé son repas, il l'attrapa par son tablier et l'attira à lui alors qu'il se relevait. Il l'embrassa par dessus le comptoir, le contact durant assez longtemps pour que leurs langues puissent se saluer comme il le fallait. Une grand-mère, cliente du restaurant, se racla la gorge visiblement choquée par le comportement des deux jeunes. L'Uzumaki relâcha son emprise sur les lèvres de sa copine pour toiser froidement la vieille femme :

« Quoi ? J'suis Jounin, je fais ce que je veux. Si t'as un problème, bah … sache que c'est pas mon problème, d'abord ! »

Il ne lui prêta plus d'attention et pressa à nouveau ses lèvres contre celles d'Ayame, profitant que son père ne soit pas au restaurant pour se permettre ce genre d'incivilité. Car même s'il se disait Jounin et libre de toutes contraintes à l'égard des civils, Naruto n'aurait jamais osé toucher la fille du gérant en sa présence. Ce n'était pas tant qu'il avait peur de Teuchi, mais qu'il ne voulait juste pas déchaîner sa colère, il savait de source sûre que les personnalités les plus calmes cachaient souvent les plus violents changements d'humeur. Il ne libéra la brune qu'après une longue minute et ramassa son bol avant de partir en courant, lui lançant un salut de la main et criant qu'il reviendrait plus tard. Laissant Ayame en proie à un violent rougissement alors que quelques Chunin se permirent de la siffler quand Naruto fut suffisamment éloigné.

Son repas n'avait même pas encore commencé à refroidir quand il ouvrit la porte de l'office du dirigeant d'un coup de pied, faisant sursauter le vieil homme qui s'était assoupi sur son confortable fauteuil en cuir. Hiruzen regarda l'adolescent avec un œil critique, remarquant qu'il ne portait pas son uniforme et comprit qu'il venait sans doute pour faire la conversation.

« Comment va le petit Uchiwa ? Commença le garçon en s'asseyant sur le canapé qui faisait face au bureau du Hokage.
— Il s'en remettra. Sasuke avait juste épuisé ses réserves de Chakra, comme tu l'avais prédit. Pour ce qui est de sa punition, il va faire une petite centaine de missions de rang D sans Chakra et sans être payé, ensuite on avisera.
— C'est bien, complimenta Naruto en commençant à manger pendant que le Troisième du Nom fourrait du tabac dans sa pipe. J'ai deux trucs à te dire aujourd'hui, vieillard.
— Ah bon ? S'intéressa Hiruzen en fronçant les sourcils, se méfiant des précautions que prenait Naruto.
— Il y a Kakashi qui a oublié de commander le thé à la banane, il a dit qu'il irait t'en chercher un paquet dès que tu lui aurais filé une équipe.
— Je vois... » Marmonna pour lui-même le vénérable dirigeant avant d'inscrire quelque chose sur un papier.

La conversation s'interrompit quand la porte de la pièce fut violemment poussée, un enfant pénétrant dans le bureau en tenant trois Shuriken entre ses doigts. Il fit quelques pas en hurlant :

« J'vais te tuer grand-père ! »

Puis il s'emmêla les pieds dans sa longue écharpe bleue et s'effondra, sa tête frappant le sol avec violence, l'étrange casque qu'il portait absorbant en partie le choc. Il resta étendu pendant quelques secondes, se frottant le front alors qu'il tentait de reprendre ses esprits. Naruto et Hiruzen échangèrent un regard de circonstance avant d'éclater d'un rire joyeux, à l'image de celui qui les avait secoué lorsque qu'Iruka était venu chercher Sasuke le jour précédent.

« Y'a encore du boulot Konohamaru, s'esclaffa Naruto en se tenant les côtes. Encore quelques années et je suis sûr que tu sauras marcher droit, n'abandonne pas !
— C'est toi qui m'as fait tomber ! L'accusa l'enfant en pointant son doigt vers le Jounin. Je t'ai vu !
— J'ai pas bougé de mon canapé, gamin.
— Tu as utilisé une technique ninja !
— Nimpo le retournement de l'écharpe ?
— T'as vu grand-père ? Il utilise des techniques ninjas contre les autres ninjas de Konoha ! Tu dois le punir... S'enflamma le garçon, heureux d'avoir réussi à confondre un traître du village.
— Tu ne viens pas d'essayer de me tuer ? Demanda rhétoriquement le Troisième du Nom. Et Naruto, en t'arrêtant, n'a-t-il pas sauvé la vie de son Hokage ?
— C'était une blague, se repentit le garçon en attrapant son écharpe pour la tordre entre ses mains alors qu'il rougissait de honte.
— Mais tu as raison, Konohamaru-kun, Naruto n'a pas à attaquer les autres ninjas du village, aussi vais-je être obligé de le punir.
— Mais j'ai attaqué personne moi ! Se récria Naruto en laissant échapper son bol de Ramen vide. C'est injuste !
— Il parait évident que tu as utilisé la Technique Interdite, Nimpo le retournement de l'écharpe contre Konohamaru qui est notre futur Hokage à tous, la sanction sera donc sévère et sans appel ! »

Un rire victorieux secoua Konohamaru alors qu'il regardait le Jounin avec une expression sournoise, fier d'avoir réussi à dresser son grand-père contre lui. Avec un peu de chance, Naruto Uzumaki serait condamné aux pires missions du village et ne viendrait plus jamais l'embêter à la sortie de l'académie.

« Je te condamne à une mission d'intérêt général... Le vieil homme se ménagea une petite pause, afin de faire monter la pression sur les deux enfants qui lui faisaient face. Garder mon petit-fils pendant l'après-midi, pour que je puisse m'occuper de ce dossier très important. »

En disant cela, le Sandaime sortit d'un compartiment caché du bureau un petit livre orange sur lequel on pouvait voir un homme en train de gambader joyeusement, comptant fleurette à une jolie jeune femme. Sur la quatrième de couverture du roman était apposé un sigle interdit avec écrit « Aux moins de vingt ans. » Naruto se pinça le nez pour éviter de se vider de son sang quand il se rappela du contenu du magazine alors que Konohamaru s'arrachait les cheveux en réalisant qu'il allait être bloqué avec son adversaire pendant plusieurs heures. Comprenant sa défaite, le Jounin abandonna toute idée de résistance et se rassit calmement, décidé à jouer ses dernières cartes de façon intelligente pour ne pas être totalement dépassé par la situation. Il savait, au fond de lui, qu'Ayame ne lui offrirait pas un soir de plus avant qu'il ne règle l'addition salée qu'il devait à son père.

« Je voulais te demander une mission, commença-t-il avec prudence, vérifiant par la même si le Hokage était disposé à l'écouter, maintenant qu'il s'était plongé dans les affres du Paradis du Batifolage.
— Laquelle ? Répondit mécaniquement le vieil homme en étouffant un rire pervers.
— Y'a un paysan près de Konoha qui veut qu'on retourne son champ...
— Alors vas-y, tu peux. »

Naruto attrapa Konohamaru par l'écharpe avant de le hisser sur son épaule, indifférent au fait que le visage de l'enfant prenne la même teinte bleutée et il sauta par la fenêtre. Il ne voulait pas laisser au Hokage le temps de réaliser qu'il venait de l'autoriser à quitter le village avec son petit-fils. L'atterrissage fut encore moins gracieux que celui du jour précédent, vu qu'il lança l'enfant qui avait failli lui apporter des problèmes, pour atterrir dessus.

« Tu fais moins ton malin, Konohamaru ?
— J'me vengerai, promit le garçon alors qu'une étincelle de colère illuminait son regard noisette.
— Quand tu seras Hokage, tu auras le droit de m'envoyer chercher Tora autant de fois que tu voudras, en attendant, petit étudiant, tu es sous mes ordres.
— Même pas dans tes rêves, j'suis pas encore ninja ! Et y'a rien qui dit qu'on doivent obéir à un boulet qui sait même pas porter une écharpe.
— Pourtant j'suis pas celui qui s'emmêle les pieds avec... Tu te souviens du plancher du bureau, tu veux que je t'y renvoie ?
— Tu m'as eu en traître avec ta technique interdite de déserteur !
— J'ai jamais déserté...
— T'es jamais au village ! Et t'es pauvre !
— Je fais des missions.
— Mais t'es pauvre.
— Ça veut pas dire que je déserte.
— Asuma il a plein d'argent car il fait plein de missions, toi t'es pauvre car tu fais semblant de faire des missions, en fait t'es un mythomane.
— Où est-ce que t'as appris ce mot ?
— Dans un livre, répliqua l'enfant comme s'il parlait à un abruti.
— Tu sais lire ? S'interrogea Naruto. Grande nouvelle... Tu pourras bientôt entrer à l'académie des ninjas, on t'apprendra peut être à marcher, qui sait. »

C'est sans s'en rendre compte qu'ils arrivèrent devant les portes du village, Konohamaru s'arrêta devant une ligne invisible, incapable de la franchir. Naruto n'y prêta pas attention dans un premier temps, se contentant d'avancer en profitant du silence, satisfait d'avoir réussi à cloué le bec au petit-fils du Hokage. C'est en arrivant près des arbres qu'il remarqua qu'il n'entendait plus les pas de son compagnon, il se retourna pour le voir en train d'attendre près d'Izumo et Kotetsu qui faisaient la sieste. D'après leurs dires, ils étaient payés pour s'occuper des gens qui entraient à Konoha, pas pour s'intéresser à ceux qui en sortaient. Mais sous les apparences, Naruto savait qu'ils étaient parfaitement éveillés et qu'ils étaient prêts à arrêter toute menace. L'adolescent attendit, laissant le temps à Konohamaru de réaliser qu'il allait sortir du village pour la première fois, il savait que ça pouvait être étrange de quitter ce berceau de sécurité.

Konoha protégeait ses enfants avec autant de ferveur qu'une lionne protégeaient ses lionceaux, certains disaient qu'on desservait leurs talents en les entourant aussi bien, mais le Sandaime Hokage avait le désir de permettre à chacun d'eux de grandir dans un foyer aimant. Les orphelins de guerre étaient nombreux, les familles recomposées également, aussi le Troisième du Nom avait décidé, en prenant la place de Kage, d'offrir à chacun de ces enfants malchanceux, une chance de grandir et de choisir leurs voies. Il était en conflit perpétuel avec Danzo Shimura, un extrémiste du village qui recrutait dans l'ombre des enfants afin de les entraîner encore et encore, faisant d'eux des armes sans états d'âme, qui n'étaient loyales qu'à sa personne. Hiruzen voulait qu'un sentiment d'amour et d'attachement se tissent entre ses ninjas et le village, il ne voulait pas que l'un des combattants de Konoha se sente étranger dans sa demeure.

Comprenant que Konohamaru n'arriverait pas à se décider seul, Naruto le rejoignit à la porte, s'attirant l'attention des quelques Chunin qui gardaient l'endroit. Pendant quelques secondes, ils chuchotèrent entre eux, cherchant une explication plausible à la présence du dangereux ninja.

« Gamin, t'as peur ou quoi ?
— Bien sûr que non, se révolta Konohamaru en serrant les poings, les pieds toujours plantés dans le sol.
— Parfait. »

Le petit-fils du Sandaime ne vit pas Naruto lever sa jambe derrière lui, les mains dans les poches, s'apprêtant à le frapper violemment. La surprise étreignit l'enfant quand la douleur lui traversa le dos, la force du coup le projeta sur quelques mètres avant qu'il ne s'effondre sur le sol, tremblant.

« T'es un ninja ou une larve ?
— Un ninja, répliqua l'enfant en se relevant, ses muscles se crispant alors qu'il retenait ses larmes.
— Alors tu vas avancer. »

Le Jounin frappa encore l'étudiant, au visage cette fois, arrachant une gerbe de sang et de morve à son nez. Konohamaru ne perdit pas l'équilibre, il se contenta de reculer, s'éloignant doucement du village alors qu'il adoptait une position de garde.

« Tu veux devenir Hokage mais t'as peur du monde qui t'entoure. »

Le Sarutobi ne vit pas le Jounin bouger, mais le poing de l'adolescent tordit son estomac, l'envoyant valdinguer contre un arbre. Aucun ninja de Konoha ne chercha à s'opposer à Naruto alors qu'il avançait calmement vers Konohamaru. Les liens avec le village, le « cordon » comme on l'appelait dans le jargon militaire, avaient parfois besoin d'être coupés violemment. Le petit-fils du Sandaime ne serait pas le premier enfant qui quitterait son foyer en sang, sous la pression de son instructeur. C'était un traitement cruel, tout le monde en convenait, mais il était nécessaire pour faire réaliser à ces enfants soldats, qu'une fois les limites du village passées, ils étaient seuls.

« Alors dis-moi, Konohamaru Sarutobi, est-ce que tu sais marcher ?
— Oui, je marcherai sur ta tombe.
— Prends un ticket gamin, il y a la queue au portique. »

L'enfant se pencha sur le côté, à temps pour éviter une autre attaque de son gardien, et il mit de la distance entre lui et le Jounin, tournant définitivement le dos à Konoha. Oubliant sa peur de l'inconnu pour la remplacer par la crainte de la douleur. Maintenant qu'il avait expérimenté la force des coups de son mentor d'un jour, son corps avait fait son choix. C'est avec des premiers pas mal assurés qu'il s'avança sur la route, retenant une grimace de souffrance à chaque mouvement. C'est en essayant d'ignorer ce tourbillon d'émotions contradictoires que l'enfant se mit à courir sur le chemin de terre battue, se dirigeant droit vers une intersection où Naruto le rattrapa.

« Faut tourner à gauche tu sais ? Signala le Jounin avec calme.
— Bien sûr que je sais où est Taina !
— Alors pourquoi tu vas vers la capitale ?
— C'est peut-être un raccourci.
— C'est à l'opposé, fit clairement remarquer Naruto alors que Konohamaru était de mauvaise foi.
— On pourra pas savoir tant que l'on aura pas essayé ! » Se braqua l'enfant.

Il tira la langue à Naruto, remit de son départ douloureux de Konoha, et s'éloigna en courant, prenant la bonne direction sans pour autant avouer qu'il s'était trompé. C'est avec un plissement des lèvres satisfait que le Jounin se lança à sa poursuite, trottinant tranquillement derrière l'enfant qui n'allait pas tarder à s'épuiser. En passant près d'un champ, l'Uzumaki cueillit un épi de blé qu'il se mit à mâchonner alors qu'il profitait du soleil qui réchauffait la peau claire de ses bras, se demandant s'il ne risquait pas d'attraper des marques de bronzage. L'adolescent avait perdu depuis longtemps l'habitude de se promener sans son uniforme et pendant son investigation dans le désert, il avait porté un très large chapeau qui l'avait épargné des rayons solaires.

Il fallut plus d'une heure de route à cette allure soutenue pour que le petit duo ne rejoigne la ville de Taina. La rapide visite qu'en firent Konohamaru et Naruto émerveilla le plus jeune, ce dernier, habitué à la routine quasi-militaire de Konoha, ne put s'empêcher d'admirer les étals colorés des marchands. C'est en sautillant partout qu'il fit le tour de la place du marché, contemplant des petits miroirs de poche en argent et s'extasiant devant des Katana finement ornementés. Il ne comprit pas les jeux des autres enfants de son âge, ces derniers se courant les uns après les autres pour se toucher avant de partir en courant.

« C'est le jeu du Renard. En début de partie on désigne un enfant qui doit attraper les autres. Quand on est attrapé, on devient le renard, et on a neuf vies, quand elles sont écoulées, on est éliminé.
— Pourquoi ils ne jouent pas à la guerre ? Pourquoi ils ne jouent pas au Hokage contre Madara ?
— Parce qu'ils ne sont pas destinés à devenir comme nous, ce sont des civils, enfants de civils et ils élèveront des civils.
— Ils sont faibles, asséna Konohamaru en reniflant, mélange d'incompréhension et de mépris.
— Non... réfléchit Naruto avant d'offrir une réponse. Ils sont différents, ils aspirent à d'autres choses que nous, ne vivent pas pour le frisson et l'adrénaline... Ils ne sont pas faibles, ils sont justes différents.
— C'est des larves en fait. »

Naruto ne chercha pas à argumenter contre l'enfant, préférant noter les différences entre le village de Taina et Konoha. Les habitations ne faisaient qu'un ou deux étages, la ville était bien plus grande, n'était pas entourée de hautes murailles et il n'y avait que peu de policiers qui patrouillaient. Ces derniers lancèrent au Jounin des regards noirs, le reconnaissant même s'il ne s'était jamais aventuré dans la ville auparavant. Les rues étaient très larges, il n'y avait quasiment pas de ruelles sinueuses, aucun point d'observation et pas de tour de surveillance, les gens souriaient en commerçant, échangeant des rires sonores. De nombreuses filles de l'âge de Naruto stoppèrent leurs conversations pour le regarder passer, détaillant son corps sculptural et cachant leurs rougissements, d'autres plus âgées gloussèrent à son passage et même quelques jeunes mères se permirent de le dévorer du regard.

L'adolescent se sentit mal à l'aise sous ces yeux scrutateurs, lui qui avait l'habitude d'évoluer dans l'ombre ou de ne recevoir que du respect de la part de ses pairs. Être comparé, même mentalement, à un simple morceau de viande, lui était étrange. Il fallait tout de même constater qu'il dénotait avec les hommes qui l'entouraient, ses cheveux blonds en bataille, son regard océan et ses épaules larges le faisaient ressortir parmi une population de travailleurs glabres aux cheveux bruns voire grisonnants. Une femme, dans la vingtaine et souffrant de moins d'inhibitions sociales que les autres, se permit de lui envoyer un baiser avant de lui faire un clin d'œil coquin en voyant son rougissement.

« Je vais tout raconter à Ayame, ricana Konohamaru en se mettant à la hauteur de son guide.
— Tu fais ça et t'es un étudiant mort.
— Et tu seras privé de Ramen à vie...
— Si tu racontes que des femmes en dehors de Konoha me font des clins d'œil, je serais de toute façon privé de Ramen à vie. »

Cela faisait quelques heures que Konohamaru s'escrimait à retourner le champ de navets du paysan qui avait contacté Konoha, la bêche qu'il essayait d'enfoncer dans le sol était plus grande que lui. Ses mains, couvertes de cloques, s'écorchaient sur le long manche alors que du sang ruisselait sur ses coudes, l'enfant s'était mis torse nu et avait retiré son casque pour libérer ses cheveux, haletant sous la chaleur écrasante de cette fin d'été. A la bordure du champ, près d'une haie faite de merisiers, Naruto se reposait tranquillement, continuant de savourer le brin d'herbe qu'il avait cueilli en venant à Taina.

« T'es sûr de pas vouloir d'aide, Maru-chan ? Proposa-t-il en se tournant sur le côté, admirant l'enfant qui souffrait en silence.
— J'ai pas besoin de toi, stupide déserteur sans argent. Je vais montrer à grand-père que je suis digne d'être le prochain Hokage en réussissant cette mission !
— Ça c'est de la volonté ! L'encouragea Naruto en reposant sa tête sur une motte d'herbe qu'il avait assemblée en guise d'oreiller. Pense à accélérer un peu, sinon nous ne serons pas rentrés avant le mois prochain... »

L'adolescent se désintéressa une fois de plus de son compagnon, le laissant trimer seul alors qu'il profitait de son jour de congé, faisant le vide dans son esprit. Plongeant au sein de son propre corps, Naruto explora au travers de ses veines la circulation de son Chakra, suivant les dérivations de son organisme et visitant ses Tenketsu. Se rapprochant doucement de son estomac, il y glissa la main, annulant un Genjutsu qui cachait un sceau en forme de tourbillon. Quand ses doigts effleurèrent les marques d'encre, son énergie se mua et le monde se dissipa, ses perceptions changèrent alors qu'il commençait à chuter dans le néant.

Il se réceptionna avec grâce sur un liquide ambré, flottant à la surface alors que son Chakra se rependait le long de l'onde, lui permettant de marcher sur l'eau. Un théâtre d'ombre se dressa autour de lui, l'enfermant dans une prison aux reflets rouges orangés, alors que des flammes venaient lécher la plante de ses pieds. Une présence se révéla, enfermée dans une cage physique, imposante, immense et glaçante. Les yeux de Kyubi s'ouvrirent avec lenteur. Toisant Naruto avec hauteur, reniflant l'air avec mépris, indifférent et nonchalant. Le Renard géant fit un pas en avant, secouant l'océan calme qui baignait la pièce faiblement éclairée, faisant vibrer les barreaux de sa prison et tiraillant le sceau qui la scellait.

« Tu as perdu ton combat contre l'enfant du désert...
— Tu n'as pas cherché à m'aider pendant que je l'affrontais.
— Tu ne m'as rien demandé, enfant ninja.
— Je croyais que nous avions un accord. »

Un rire guttural raisonna dans la pièce, assourdissant les sons et vrillant les oreilles de Naruto. Les neuf queues de l'énorme créature remuèrent, fouettant l'air de leurs majestés.

« Je ne pactise avec personne... »

Kyubi montra ses dents alors qu'il se jetait sur la porte de la cage, faisant ployer les impressionnants barreaux de fer, feulant et crachant alors que des chaînes de Chakra quittaient le sceau pour le plaquer sur le sol.

« L'heure approche, enfant de Konoha, la destruction si longtemps repoussée connaîtra enfin son avènement.
— Pas tant que je serais vivant...
— Je marcherai sur ton cadavre, enfant.
— Tu n'es pas le premier à me le dire aujourd'hui, et ne seras pas le dernier à me le promettre, observa froidement Naruto en se détournant. Tu connais le deal, prochaine fois que je ferai appel à toi, tu as intérêt à me passer ton Chakra...
— N'oublie pas ma compensation, Uzumaki. »

Naruto s'écarta de la cage, abandonnant la Divinité dans sa prison, sourd au ricanement empli de fiel du Démon. C'est en arrivant à la jonction entre la pièce plongée dans la pénombre et l'obscur couloir qui le mènerait à la réalité, qu'il s'arrêta.

« Ai-je déjà manqué à ma parole ?
— Ce jour viendra, prédit Kyubi en fermant les yeux. Et quand ce jour viendra, je serais là pour te rappeler à ton aliénation. »

C'est fatigué par cet échange que Naruto s'éloigna définitivement, oubliant la pièce sombre dans laquelle reposait la plus grande menace de l'humanité, parquant sa colère et sa rage avec elle. S'efforçant de ne pas penser à Gaara du Désert, l'autre Sacrifice qui avait failli le tuer, nonobstant la non-participation de son propre fardeau, qui s'était délecté de la scène sans jamais intervenir. En ce monde, comme le disait si souvent Kyubi, chaque chose avait un prix, et le tribut de sa puissance devait être assouvi dans le sang et la douleur. Là encore, ça n'aurait posé aucun problème à Naruto, tueur depuis son enfance et combattant confirmé, si seulement le prix à payer avait été celui de son adversaire, jamais quiconque n'aurait pu aspirer à le vaincre, mais en l'espèce, ce que demandait le Renard pour une quelconque aide de sa part, était la chose à laquelle Naruto tenait le plus. Et cela, l'enfant ne pourrait jamais se résoudre à lui offrir, dusse-t-il en souffrir, se maudire, voire en mourir.

Quand l'adolescent renoua les liens avec son corps ankylosé, il remarqua que le soleil se couchait sur la plaine qui entourait Taina. Konohamaru s'était effondré de fatigue, auprès d'une tranchée de terre fraîchement retournée, épuisé mais visiblement satisfait de son labeur. C'est l'âme encore lourde de sa rencontre avec le Démon que Naruto se redressa, fouillant dans sa poche arrière pour en sortir une dizaine de parchemins explosifs qu'il éparpilla sur l'ancien champ. Il se saisit de l'enfant, le portant sur son dos alors qu'il marmonnait sombrement, parlant de remplacer le Hokage maintenant qu'il avait accompli sa première mission.

Le retour à Konoha se fit dans le silence, illuminé par les rayons déclinants de l'astre, l'explosion ne réveilla pas Konohamaru. La terre s'arracha, les racines furent pulvérisées, se retournant dans les airs au fil des impulsions que provoquaient les parchemins disséminés sur le sol. Le Sarutobi, même s'il n'en prendrait pas conscience avant des années, venait d'apprendre quelque chose d'évident sur le monde des ninjas. Il n'existait aucun raccourci dans la quête de puissance, Chunin et Jounin pouvaient bien donner l'impression que tout était simple pour eux, mais il ne fallait jamais oublier, que leurs mains aussi avaient saigné pendant de longues heures d'entraînement. Konohamaru, bien qu'il ne le sache pas encore, venait d'apprendre que l'effort surpasserait toujours la facilité.

Devant les larges portes du village, les attendait le Sandaime Hokage qui fumait sa pipe comme à son habitude. Il observa Naruto s'approcher doucement, ne cessant jamais d'inspirer longuement. Izumo et Kotestu avait installé des chaises longues près du poste de garde, ils profitaient des derniers rayons du soleil en sirotant des sodas bon marché.

« La mission est-elle accomplie ? Questionna Hiruzen quand Naruto arriva à son niveau.
— L'enfant devrait faire une nuit complète ce soir, tu ne risques pas de te faire assassiner pendant ton sommeil, vieillard.
— Là n'était pas la question, Naruto, contra joyeusement le Sarutobi avant de chercher une petite liasse de billets dans sa cape. J'imagine que nous ne nous reverrons pas avant plusieurs jours, Jiraya n'a toujours pas réussi à quitter Oto, tant que je n'aurais pas de ses nouvelles, tu resteras au village.
— Si une attaque se prépare, ne vaut-il mieux pas m'éloigner, pour mettre nos adversaires en confiance ?
— Ce serait une bonne idée, complimenta le Hokage en lui lançant sa récompense. Mais, que tu sois là ou pas, ils attaqueront... En l'état des choses, il vaut mieux que je garde tous mes meilleurs ninjas dans les environs.
— Sont-ils fous ?
— Je ne pense pas, soupira le Troisième du Nom. Mais leur chef l'est sûrement. »

Naruto médita ses paroles pendant un temps, alors que les deux hommes traversaient un Konoha silencieux, l'heure étant venue pour les ninjas de rentrer chez eux. Ils passèrent devant la boutique des Yamanaka, les meilleurs fleuristes du village, et Sakurako se permit de faire un petit signe de la main à Naruto. L'adolescent ne le vit pas, absorbé par ses doutes et ses réflexions, cherchant un moyen de soulager la tâche du Hokage.

« Mizuki et le vol du rouleau des techniques interdites étaient-ils un prélude à cette invasion ?
— Nous l'ignorons encore, Ibiki n'arrive pas à le faire parler.
— C'est étrange, marmonna le Jounin.
— Ne tombons pas dans la paranoïa non plus Naruto. Tirer des conclusions hâtives alors que nous n'avons que si peu d'éléments en main ne pourra que nous desservir.
— Je comprends... »

Les deux hommes passèrent devant Ichiraku sans s'arrêter, Hiruzen en fut le premier surpris, s'attendant à perdre Naruto quand il sentirait le doux fumet de son plat préféré. Mais contrairement à ce qu'avait pensé le Hokage, l'adolescent, portant toujours un Konohamaru endormi, s'était décidé à aller au bout de ce débat. Il voulait savoir ce qui allait se passer, il voulait comprendre pour quelle raison il avait failli finir enterré dans le désert. Son orgueil avait été piétiné au Pays du Vent, Gaara avait balayé les certitudes de ce ninja invincible que Naruto était devenu en se confrontant perpétuellement à l'ombre d'Itachi Uchiwa.

« Alors que faisons-nous ? Reprit-il après quelques secondes d'indécision.
— Pour l'instant, rien. »

Hiruzen Sarutobi veilla à se montrer ferme dans sa réponse, signalant à son élève qu'il ne se passerait plus rien avant que Jiraya ne fasse parler de lui. Le Hokage posa sa main sur l'épaule de l'enfant, la serrant pour lui transmettre sa compréhension, compatissant au trouble qui hantait le Jounin. Dans sa jeunesse, il avait lui aussi été confronté à de très puissants adversaires, il avait couru après des légendes, tentant à chaque entraînement de combler un petit peu plus le fossé qui le séparait de la base de la montagne.

« On attends, et on avise...
— C'est donc ça la guerre ?
— Le début seulement, ensuite nous n'aurons plus le bénéfice de l'hésitation. »

Naruto opina, la mine sombre. Un Chunin qu'il ne connaissait pas, les rejoignit et tendit une petite lanière de papier au Sandaime, ce dernier s'arrêtant pour prendre le temps de lire.

« NCVVCSWG CWTC NKGW RGPFCPV NGZCOGP IGPKP... Une idée de ce que ça veut dire ?
— C'est qui l'expéditeur ? S'informa le Jounin.
— C'est Jiraya-sama, le message a été recraché par une toute petite grenouille, elle ne pouvait même pas parler, l'informa le Chunin qui était resté auprès d'eux le temps de recevoir ses ordres.
— Essayez le code Hélène, c'était son préféré quand il était encore Genin. » Se remémora le vieil homme.

Le Chunin partit sans demander son reste, son physique était relativement commun, de taille moyenne avec des cheveux bruns. Naruto remarqua à sa façon de se déplacer que cet homme n'était plus allé sur le terrain depuis assez longtemps, il n'observait pas tout ce qui l'entourait. C'était sans aucun doute un ninja qui avait servi dans les renseignements avant d'opter pour un poste plus tranquille dans l'administration de Konoha, d'après les quelques rides qu'il avait au coin des yeux, il devait avoir la quarantaine.

« J'avais quelque chose à te dire avant que nous ne soyons interrompu, mais il semblerait que j'ai oublié...
— C'est la sénilité qui approche, vieil homme. »

C'est en arrivant près de la demeure ancestrale du clan Sarutobi que les deux ninjas se séparèrent dans le calme, Naruto abandonnant sa charge au profit du grand-père. Sur le départ, déclinant une invitation à dîner en compagnie du Sandaime, le Jounin fut retenu par un raclement de gorge.

« J'ai entendu dire que tu aimerais bien prendre en charge une équipe de Genin.
— L'heure ne s'y prête pas, Hokage-san... Et puis, nous savons tous deux que je n'ai pas été formé pour faire du baby-sitting.
— Dans quelques années peut-être ? S'enquit le vénérable dirigeant avec espoir et tristesse. Tu ferais un très bon enseignant, j'en suis persuadé. »

Seul le murmure d'un rire répondit au Troisième du Nom alors que Naruto se détournait, y mêlant son affliction, sa peur et son incompréhension alors qu'Hiruzen y voyait les prémices d'un engament futur ainsi que l'espoir d'une rédemption. Par son mutisme, Naruto avait pourtant voulu exprimer un mantra qu'il ne savait définir, mais qui brûlait en lui avec ardeur : jamais il n'enseignerait à Konohamaru, il aimait trop l'enfant pour lui faire subir pareil calvaire.



En note de conclusion, je remercierai toutes les personnes qui m'ont fait part de leur avis sur cette nouvelle aventure. J'ai adoré écrire ce chapitre, l'imaginer et le vivre encore et encore à chaque fois que je trouvais quelques heures de temps libre pour me consacrer à la rédaction. Je tenais à m'excuser de mes absences récentes, la prépa et le rythme de travail à fini par me rattraper. Enfin, ceci étant dit, je suis en vacance alors, sans compter mes diverses dissertations, je devrais trouver le temps d'écrire quelques chapitres.
Au plaisirs d'attraper des reviews frétillantes avec mon nouveau filet magique, je vous souhaite de bonnes vacances.
GrosLapinRouge




Chapitres: 1 [ 2 ] Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: