Fiction: Le choix d'Itachi

Quand Tsunade la convoqua dans son bureau, Sakura s'attendait à tout sauf à la mission qu'elle reçut. Elle ignorait qu'en se lançant une fois de plus sur les traces de Sasuke, ce ne serait pas le cadet des Uchiha qu'elle trouverait... Mais l'aîné. Prise entre la vérité sur le massacre Uchiha, un patient récalcitrant à soigner et la Quatrième Guerre qui menace, Sakura devra faire ses choix - en tant que kunoichi... et en tant que femme. UO, Itachi/Sakura, romance lente !
Classé: -12I | Général / Action/Aventure / Romance | Mots: 4837 | Comments: 1 | Favs: 2
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Ari05 (Masculin), le 02/09/2015
Bonjour à tous ! Cette fanfiction est déjà écrite et publiée sur d'autres sites. Je peux donc vous assurer un rythme de publication constant : un chapitre par semaine.

J'ai voulu écrire une fanfiction Itachi/Sakura qui soit réaliste : pas d'amour au premier regard, pas de Sakura faible qui doit être protégée par Itachi... Mais deux shinobi puissants qui se respectent et apprennent à se connaître dans un monde de violence où la guerre menace.

Bonne lecture !




Chapitre 1: Ignorance - Une mission indésirable



Pour beaucoup de civils, le bureau du Hokage était le cœur du Village caché de la Feuille, l’endroit par lequel tout transitait. Ils avaient raison, bien sûr - au grand regret de la Godaime Hokage.

Tsunade savait que le Troisième, sous ses airs de grand-père indulgent, avait été un bourreau de travail doublé d’un paranoïaque inégalé. Un peu de paranoïa était nécessaire à tout bon ninja, certes, mais il y avait une limite à ne pas franchir : Sarutobi Hiruzen l’avait observée, traversée, puis était revenu la piétiner sur toute sa longueur avant de repartir. Oh, ce n’était pas nouveau pour la Sannin - elle avait été la victime de Sarutobi-sensei pendant toutes ses années de genin, après tout.

Voilà pourquoi elle, plus que tout autre, se morigénait-elle durant ses beuveries, aurait dû se douter qu’il y avait anguille sous roche. Pour que Jiraiya refuse le poste et la boule de cristal du Sandaime qui allait avec (capable de montrer n’importe quel endroit dans un rayon de deux kilomètres du village, y compris les douches des dames, pas moins !), il devait forcément y avoir un énorme problème qui tomberait sur les bras de la première andouille prête à coiffer le chapeau.

En lieu de bras, c’était sur un bureau que le problème était tombé, incarné par une pile de paperasse en attente depuis la mort du précédent occupant.
Tsunade avait commandé un calendrier et commencé à rayer les jours jusqu’à la retraite.

« Allons, Tsunade-sama, reprenez-vous !
- J’aurais dû… savoir… marmonnait une Hokage ivre morte, affalée sur la table du bar où les clients faisaient très attention à ne pas la regarder.
- Aucune personne saine d’esprit n’aurait pu le savoir, affirmait Shizune. »

Le barman lui jetait un regard qui signifiait qu’à son humble avis de civil, la blonde n’était pas exactement saine d’esprit, avec tout le respect que j’vous porte, Hokage-sama.

Non, aucune personne saine d’esprit n’aurait pu imaginer qu’un seul homme centralise autant l’administration d’un village entier, jusqu’à distribuer personnellement même la plus insignifiante mission de rang D et vérifier que les commerçants ne fraudaient pas les taxes lors de ses jours de repos. L’honorable Sandaime, que son âme repose en paix, avait eu beaucoup de qualités, mais visiblement pas celle de déléguer.

Par conséquent, les premières réformes de la Godaime n’avaient pas été de modifier le cursus de l’Académie, accélérer la reconstruction du village ou même augmenter les fonds de son cher hôpital ; non, elle avait passé le plus clair des premières semaines à nuancer celles de son prédécesseur.

Les fonctionnaires du village avaient appris plusieurs choses au cours de cette période.

« Non, je n’ai pas besoin de lire toutes les demandes de mission ! Si le client veut faire assassiner un daimyo, prévenez-moi, mais les Genins envoyés aux moissons, ça m’intéresse autant que mon premier verre de saké !
- Mais… Hokage-sama était très intéressé par ces documents ! Je veux dire, l’ancien Hokage-sama…
- Eh bien je suis Hokage et je m’en fo…
- Tsunade-sama !
- … fiche, merci, Shizune. »

« Oui, je veux et j’exige de participer à l’attribution des Jounin sensei aux nouvelles équipes, et je superviserai personnellement les choix de mes subordonnés. Et en effet, je tiens, comme mon honorable prédécesseur, à leur donner moi-même leur première mission.

(L’homme en face d’elle avait poussé un soupir de soulagement : le ton d’Hokage-sama était calme et conciliant, ça voulait dire qu’elle était de bonne humeur, pas vrai ? Fuis, pauvre fou ! avait couiné un Tonton paniqué.)

- Mais je n’ai pas besoin, avait poursuivi la blonde Sannin, de les convoquer pour les trente-quatre autres !
- M… Mais… Ho – Hokage-sama, s’il y avait un risque ?
- Un risque ? avait souri la femme, une veine battant dangereusement sur sa tempe. En repeignant les clôtures ? DEHORS ! »

Quant aux lettres que ce fichu Sarutobi envoyait en guise de service après-vente, ça dépassait toutes les bornes. Ce n’était pas parce que les ninjas de Konoha avaient eux-mêmes escorté la mariée jusqu’à la demeure de son époux qu’il fallait se fendre d’une lettre de félicitations !

(« L’ancien Hokage le faisait, vous savez, pour entretenir les bonnes relations avec les clients.
- Vous connaissez les lettres standardisées ? Venez ici, vous allez apprendre. »)

Par les Kamis, comment ce vieux pervers trouvait-il le temps de gérer toute cette paperasse ? Même avec l’aide de Shizune, vingt-quatre heures n’y auraient pas suffi. Il devait y avoir un secret – des clones d’Ombre, des assistants cachés dans les murs, quelque chose – mais Tsunade ne l’avait pas percé. Au lieu de ça, elle avait renvoyé avec pertes et fracas les secrétaires dans leur bureau à la fin de la première semaine et avait exigé des résumés. Les genins avaient subi le même traitement : pour aller récupérer une cinquante-cinquième fois Toza le chat, c’était dans le Hall d’attribution des missions D, deuxième étage sur votre gauche. Oui, Hamatachi-san, c’était un changement définitif. La Hokage avait appuyé énergiquement son point de vue et, quelques kunai dans le mur plus tard (elle avait demandé à ce qu’on ne répare pas les craquelures provoquées : l’effet lui plaisait beaucoup), ses subordonnés filaient droit.

Ainsi s’était écrit un nouveau chapitre de la Légende de Tsunade, sortie vainqueur de son combat contre les Fonctionnaires de Konoha. Le bruit avait rapidement couru dans les Cinq Puissances, transmis par les inévitables espions dont recelait chaque village caché. D’après les rumeurs, l’exploit figurait à présent dans les Bingo Books étrangers, à côté de remarques plus banales – « créatrice du Byakugô, technique de régénération ultime, force dévastatrice, Cinquième Hokage, kunoichi de rang S »…
La rumeur voulait que la Mizukage ait requis des cours particuliers en la matière. Le Raikage avait envoyé ses félicitations.

Dorénavant, avait-elle décrété avec fermeté (la fermeté, avait compris Tsunade depuis bien longtemps, gagnait en poids quand on l’accompagnait d’une accumulation visible de chakra dans son poing), seules les missions A ou S devaient systématiquement être remises par la chef du village. Un Jounin partait en mission B pour se reposer après trois rangs A de suite ? Il pouvait aller récupérer son rouleau dans le hall, comme les Chûnins.
Elle était dictatrice militaire, pas baby-sitter.


* * *



Ce fut donc avec une légère surprise que Haruno Sakura se vit redirigée du hall d’allocation des rangs B et C vers le bureau de son Maître, deux jours après son retour d’une mission diplomatique au pays de la Foudre.

Quand elle ouvrit la porte sur le visage sombre de la Hokage, Sakura comprit pourtant que des battements de cils ne suffiraient pas pour sa prochaine mission. L’appréhension commença à la gagner quand Shizune lança sur les murs un Genjutsu qui les protégerait des oreilles indiscrètes.

« Shishou, Shizune-sempai, dit-elle en saluant les deux femmes.
- Sakura, répondit Tsunade d’un ton fermé. Tu pars demain en mission de rang A au pays de l’Herbe pour enquêter sur le massacre d’un clan allié.

Sakura attendit en silence pendant que son Maître fouillait dans le bureau. Quand Tsunade lui lança un rouleau, elle canalisa machinalement son chakra dans une main. L’énergie cinétique du projectile qui lui frappa la paume aurait envoyé un civil s’écraser contre le mur, calcula-t-elle rapidement, et le pauvre innocent y aurait fait un trou en forme de phalanges. Tsunade-shishou n’était décidément pas d’humeur joyeuse. S’armant de sa posture la plus professionnelle, Sakura descella le rouleau et commença à lire.

Tonton poussa un couinement de soutien en la voyant pâlir progressivement.

- Prépare-toi pour dix jours, poursuivit la Hokage d’un ton dur. Tes frais chez le coiffeur et le tatoueur sont déjà couverts, vas-y juste avant de partir. Officiellement, la mission est un rang B, tu es chargée de neutraliser les yakuza qui ont agi sans montrer l’implication de Konoha. En cas de besoin, fais-toi passer pour une cousine éloignée du clan massacré.

Sakura se concentra sur les instructions de Tsunade. Rester professionnelle et neutre ; ne pas laisser les sentiments prendre le pas sur la mission.

Ne pas penser à son ancien coéquipier et à ce qu’elle venait de lire sur ce rouleau.

Sasuke-kun, qu’as-tu fait ?

- J’insiste, reprit Tsunade en attrapant la bouteille de saké à moitié vide – l’absence de réaction de Shizune face à ce geste en disait long –, sur le secret de cette mission. En particulier envers Naruto.
- Oui, Shishou, répondit Sakura en hochant la tête d’un geste militaire.

La kunoichi se mordit la lèvre pour arrêter le flot de pensées parasites – pense à tout à n’importe quoi mais pas à ce que tu as lu sur ce rouleau – et inspira.

Le regard que Tsunade posa sur elle était hésitant, un fait rare pour la Sannin. Sakura crut y décerner une forme de pitié. Un instant, elle voulut attraper cette étincelle de compassion, mais la ninja en elle brisa cette impulsion. Elle avait travaillé dur pour acquérir l’estime des deux medic-nins ; elle ne céderait pas maintenant.
Même si Sasuke avait toujours été son point faible.

- Si tu apprends que la Team Taka n’est pas loin, déclara la Kage, fuis. Considère que Karin t’a repérée. C’est compris ?
- Oui, Shishou. »


* * *



« Sakura-chan ! »

Sakura entendit le cri plusieurs secondes avant l’impact.

Elle aurait pu esquiver. Les medic-nins suivaient un entraînement poussé dans ce domaine – et ce n’était pas comme si elle manquait de place, en plein milieu d’une large rue presque déserte, à cette heure du soir. Mais l’autre solution paraissait tellement plus amusante.

Ce fut donc un poing rempli de chakra qui saisit Naruto à l’estomac quand il tenta de l’enlacer.

« Naruto ! fulmina la Jounin, l’autre poing sur la hanche, alors que son ami se pliait en deux, un bras tendu tragiquement vers elle. Ne. Me. Saute. Pas. Dessus !
- Maaaiiiis, Sakura-chan ! protesta le blond. Baa-chan m’a dit que tu allais partir en mission pendant au moins deux semaines !
- Ça s’appelle être un ninja, Naruto, siffla-t-elle en réponse.

Quel démon avait pris Shishou de prévenir Naruto au lieu de la laisser faire ?

Le blond répondit en levant ses yeux larmoyants vers elle. On voyait presque des cœurs flotter autour de lui.

- Deux semaines, c’est long… Et si tu venais avec moi à Ichiraku ce s…
- Na-ru-to… »

Elle laissa traîner la dernière syllabe, un sourire dérangé étirant ses lèvres, pendant que la mine de chiot perdu de son coéquipier passait à quelque chose comme « Sauvons nos fesses et fichons le camp ».
Puis Sakura fit craquer ses jointures et Naruto s’enfuit courageusement (non sans crier qu’il lui dirait au revoir avant son départ et qu’elle ne pouvait pas partir sans lui dire au revoir, même elle n’était pas aussi méchante !).

La Jounin attendit que son coéquipier soit trop loin pour l’entendre, puis dissipa le genjutsu qui augmentait son aura menaçante et vérifia que personne ne l’observait depuis une fenêtre. Alors seulement, elle éclata de rire.

Elle riait encore quand une sensation infime lui chatouilla l’estomac.

Ses sens s’étendirent immédiatement. La kunoichi en elle reprit le contrôle d’une main de fer. Elle se replia sur elle-même, utilisant son rire pour masquer la position de défense que son corps surentraîné adopta : pied droit reculé, mains devant le visage comme pour cacher son hilarité, la kunoichi attendit que l’inconnu se révèle.

Quand un homme atterrit souplement sur le sol, elle ne manifesta pas de surprise, se contentant de se tourner vers l’arrivant. Son for intérieur débita rapidement toute la collection d’insultes héritée de Tsunade-shishou – ne pouvaient-elles pas profiter d’un instant de relâchement avec leur meilleur ami ? Ou bien était-ce une spécialité des ANBU que de venir pourrir la vie de gentils Jounin innocents ?...

Sa diatribe s’arrêta net quand elle comprit qui était l’ANBU. Sakura sentit ses molaires crisser ; la main gauche du ninja n’arborait pas le gant métallique des ANBU, et sa peau si pâle, trop pâle, était teinte par le soleil couchant d’un orange doré. Il n’y avait qu’une seule personne dans ce fichu village qui ressemblait autant à du papier de riz.

« Tu fais des progrès, Mocheté, la félicita Sai derrière son masque. »

Sakura laissa son sourire retomber. L’irritation qui l’envahissait se mêlait de nostalgie, et en avoir conscience l’irritait encore plus. Elle ouvrit la bouche, s’apprêtant à interpeller sèchement son ancien coéquipier…
Puis Sai enleva son masque de sa main gantée. Sakura pensa qu’il aurait aussi bien pu le garder ; un visage si parfaitement neutre n’avait rien à enlever à la porcelaine, aussi froid et sans vie.
C’était de la mauvaise foi, bien sûr. Sa neutralité même en disait plus que le ninja de la Racine ne voulait en avouer, et ses yeux noirs ne savaient pas mentir.

Pendant un instant, l’air entre eux sembla se remplir de regrets et de souvenirs ; la jeune femme sentait le poids des non-dits peser dans son ventre comme une boule d’encre trop sombre.

Que faisait-il là ? Venait-il pour la mission ? Shishou l’aurait prévenue si elle avait eu un partenaire, et Sai n’était pas le plus approprié pour ce qu’elle devait faire. Un ordre de Danzô ? Le vieux hibou aurait pu apprendre le véritable but de la mission de Sakura tout seul ; ce n’était un secret pour personne qu’il avait son propre réseau d’espions.

Mais pourquoi envoyer Sai pour lui parler, après des semaines de silence ? Et, surtout, pour dire quoi ? Elle n’allait pas pourchasser Sasuke, simplement confirmer qu’il avait été vu. Si Danzô voulait s’assurer qu’elle échoue, il n’avait qu’à tuer les témoins…

Sakura força son esprit à arrêter les spéculations. Non, Sai devait être là pour une autre raison.

Peut-être regrette-t-il, suggéra une petite voix qu’elle aurait préféré ignorer.
Eh bien pas elle, avait décidé Sakura : ce n’était pas bien, ce qu’il y avait eu entre eux, leur… relation. Dans un autre monde, à une autre époque, peut-être, et même là, Sakura ne serait jamais vraiment sûre qu’elle aimait sincèrement cet handicapé social. Il ressemblait juste trop à Sasuke pour son propre bien.

De toute façon, elle l’avait bien dit à Sai : elle n’était pas une expérience. Et elle n’accepterait jamais d’être moins importante pour lui que Danzô. Jamais.

Ils avaient rompu sept mois plus tôt, se souvint Sakura. Au début de l’automne. Naruto lui avait transmis le dessin au crayon d’un arbre d’automne perdant ses feuilles, et une ombre avait dansé dans les yeux verts de la kunoichi. Ça en disait beaucoup, que même le blond le moins délicat et le plus possessif du village n’ait pas posé de questions. Sakura n’avait demandé d’aide à personne, refusant toutes les propositions bien intentionnées de ses amies. Dans un village caché, on ne pouvait cacher ses états d’âme bien longtemps : le mot s’était répandu que l’apprentie de la Hokage sortait d’une déception amoureuse. On savait aussi que le prétendant était un shinobi talentueux – il le fallait, pour que son identité n’ait pas été découverte. La médic avait demandé à Naruto de ne pas révéler ce qu’il avait deviné, et elle avait fait son introspection en privé.

La réalité s’était imposée sans douceur : ç’avait été une erreur de partir dans cette relation. Un amant qu’on ne pouvait pas assumer après six mois de coucheries n’était pas l’homme qu’on voulait pour son futur. Il n’y avait rien d’autre à en dire, vraiment ; elle avait commis une erreur, lui aussi, et maintenant ils s’en étaient tous deux remis.

Sakura s’accrocha à cette certitude, ses poings se serrant sans qu’elle le réalise, le pli de ses lèvres devenant plus dur. Il n’y avait toujours personne aux fenêtres.

Peut-être Danzô cherchait-il à la manipuler. Dans tous les cas, que le vieux grigou ait un intérêt ou non à cette conversation, il devait au moins ne rien avoir contre ; Sai ne serait jamais venu lui parler s’il pensait que cela nuirait aux intérêts de son maître. Donc le thème serait sûrement professionnel, mais sans rapport avec la mission qu’elle allait mener : peut-être quelque chose requérant son talent médical ?

« Joyeux anniversaire, Sakura. »

Si elle avait été sur une chaise, elle en serait tombée.
En sept mois, Sakura avait oublié le don de Sai pour dire les choses les plus imprévues. Sérieusement, qu’était-elle censée répondre à ça ? Vaguement désespérée par le manque de sens théâtral du jeune homme, la médic se raccrocha à une réponse facile.

« Mon anniversaire est dans deux semaines, Sai.
- Oui, mais tu ne seras pas revenue de ta mission d’ici là.

Le soupçon revint dans son regard. Où voulait-il en venir ?

Ce fut avec circonspection qu’elle accepta la grande enveloppe blanche qu’il lui tendait. Danzô ne serait pas assez fou pour lui transmettre quelque chose de compromettant en plein milieu du village, n’est-ce pas ?
Mais il n’y avait toujours personne aux fenêtres.

Sakura fit courir une étincelle de chakra médical dans le document. C’était une vieille astuce que les étudiants du cursus médical de Konoha se transmettaient de maître en élève.

Quand se déclenchent les jutsu piégés ? avait demandé Shizune-sempai avec un sourire de connivence, un soir après leur service à l’hôpital.
Quand ils perçoivent un chakra étranger, avait sagement récité Sakura.
Et si tu leur injectes du chakra médical à la place ?
Sakura n’y avait jamais pensé. Est-ce que le chakra médical était étranger ? Techniquement oui, mais elle savait bien que ce n’était pas aussi simple – sinon, les patients inconscients qu’elle soignait auraient rejeté cette énergie étrangère.
Ils… ne se déclencheront pas ? avait-elle conjecturé avec espoir. Si cela fonctionnait, elle aurait une astuce utile à ajouter à son arsenal, de celles qui peuvent vous sauver la vie quand vous recevez un colis piégé.
C’est exact. Et le sourire maternel de Shizune avait empli la jeune Sakura de fierté.
La technique n’était pas infaillible, mais Sakura se sentit tout de même plus rassurée en ne sentant rien de suspect dans le document. Lentement, elle ouvrit l’enveloppe.

Elle en tira une seconde enveloppe, tout aussi blanche et un peu moins grande. Des traits noirs bougeaient sur le côté, un Sai miniature au sourire aussi énervant que l’original traçait quelques kanjis. Ne l’ouvre pas avant le vingt-huit mars. Puis l’encre revint dans son pinceau et il continua à écrire. Mon livre dit que beaucoup de femmes sont incapables de résister à la curiosité, donc je ne pense pas que tu y arriveras.

Sakura se força à prendre une longue inspiration, se rappelant que déchirer le petit dessin ne ferait pas payer la version grandeur nature – et qu’en plus, cela équivaudrait techniquement à essayer d’ouvrir l’enveloppe. Elle ne lui donnerait pas cette satisfaction. Châ !
Mais quand Sakura rentra la lettre dans son paquet, un carré de papier épais attira son regard. Elle plongea la main dans l’enveloppe.
C’était un ticket repas des plus banals dans un petit restaurant apprécié des shinobi. Elle-même y avait mangé plusieurs fois après une mission, mais jamais avec Sai. Surprise, Sakura releva la tête.

Sai avait laissé son sourire hypocrite déformer ses traits. Dans sa main découverte levée à hauteur de visage, il tenait un ticket jumeau.

Il m’invite au restaurant ?

« Non, répliqua immédiatement la Jounin.
- Pourquoi ?

Faisait-il exprès d’être aussi obtus ?

- Tu le sais.
- Est-ce à cause de Danzô-sama ?

Le regard dur de Sakura en disait assez.

- Accepte, s’il te plaît.
- Je refuse de passer derrière D… Shimura-sama, déclara sèchement la kunoichi.
- Je sais. Accepte, s’il te plaît, répéta Sai.

Sakura plissa ses yeux rendus vert forêt par la lumière déclinante. Le sourire de Sai déclina jusqu’à n’être plus qu’une légère courbe des lèvres, plus vraie qu’aucune des expressions qu’il montrait d’ordinaire.

- Accepte, répéta-t-il une troisième fois, sa voix plus grave.
- Je ne passerai pas derrière Shimura-sama.
- Je sais.

On aurait dit une mauvaise pièce, réalisa Sakura. Elle ne savait pas ce que Sai voulait dire – la seule hypothèse vaguement crédible restait hautement improbable, quant au reste… Il ne valait même pas la peine d’être mentionné.

Ce fut la curiosité légendaire des ninjas qui la perdit.

- D’accord, accepta-t-elle avant de se retourner vivement, essayant de se convaincre que la rougeur sur ses joues était due à l’irritation.

Elle ne savait pas à quoi jouait Sai – son ancien amant, un membre de la Racine – mais elle trouverait.
Et avant ça, lui rappela la part professionnelle de son esprit, elle découvrirait ce que Sasuke avait fait.


* * *



La lune pleine se reflétait sur l’eau noire du marais.

Quelques bulles perçaient la surface à intervalles réguliers ; leurs cercles concentriques allaient se perdre dans les plantes hautes qui formaient la végétation principale de l’endroit.

Un crapaud poussa un appel morne au loin. Une autre gonfla les joues et lui répondit.
Ce fut son dernier geste : dès que le croassement se fut envolé, sa tête fut transpercé par une aiguille ninja. Mais au lieu de s’effondrer comme u cadavre normal, ce corps-là commença aussitôt à se dissiper dans un nuage de fumée. Une sphère de chakra se matérialisa immédiatement, empêchant la fumée de se répandre et d’alerter d’éventuels espions.
Lentement, la bulle se rétrécit. Elle grésilla quand la fumée perdit sa blancheur surnaturelle pour redevenir un simple morceau de chair, humide et visqueux. Il fallut attendre que le cadavre se fût entièrement reconstitué pour que l’étrange jutsu s’annule.

Uchiha Itachi saisit le bout de l’aiguille et la leva jusqu’à ses yeux. Il observa quelques secondes, parfaitement immobile, ses Sharingan tournoyant avec une certaine indolence.

« Une invocation, déclara-t-il en tendant vers son compagnon le cadavre rouge sang. »

Kisame sortit des herbes hautes pour entrer dans la lumière. Son sourire de requin dévoilait des rangées de dents pointues quand il approuva d’un signe de tête, peu intéressé par les lignes de symbole courant sur l’animal ninja.

« Notre proie se cache ? »

Itachi hocha la tête. Le sourire de Kisame s’élargit ; l’instinct de la chasse faisait briller ses yeux d’un plaisir anticipé.
Sans un mot, les deux hommes se tournèrent vers les bulles qui continuaient à percer l’eau. Itachi resta immobile, l’ourlet de sa cape immaculé malgré la boue du marécage.

Trop vite pour que l’œil humain le suive, Kisame rejoignit le milieu des roseaux. Sous la lumière crue de la pleine lune, sa peau bleu pâle striée par l’ombre des tiges évoqua étrangement un noyé dans une cellule de prison. Il évalua en professionnel la distance qui le séparait des bulles, levant un doigt devant son visage pour améliorer l’estimation. Contrairement à un shinobi habituel, il ne se tenait pas au-dessus de la surface de l’eau ; ses pieds s’y enfonçaient légèrement, les sandales ouvertes permettant au marais de venir en lécher la plante calleuse.
Kisame retint un frisson. Son corps hybride lui permettait de ressentir ce qui perturbait la surface de l’eau. Oui, aucun doute : leur proie était là. Sur son dos, Samehada, sa fidèle Epée, se tortilla d’impatience.

Les bulles disparurent. Kisame forma quatre sceaux, une joie prédatrice brillant dans ses petits yeux.

Les bulles réapparurent avec une intensité accrue.

Itachi sentit le flot de chakra sous la surface, luttant désespérément pour combattre la prison aquatique qui venait de se refermer. Il ne fit pas un geste : l’homme-requin attrapa le manche de Samehada et, murmurant des mots d’amour à sa précieuse amie, l’enfonça dans sa prison.
Une bulle unique éclata, plus grosse que les autres.

« Nous devons l’attraper en vie, rappela Itachi. »

Kisame poussa un grognement. Un flot de petites bulles refit surface. Le nukenin se releva et fit lentement sortir son épée de l’eau : la prison qui retenait leur victime s’éleva en même temps, comme accrochée à la pointe de Samehada, apparaissant progressivement dans l’air nocturne.
Le corps à l’intérieur semblait inanimé. Seule la poche d’air autour de son nez et le gaz carbonique qui s’en échappait révélaient qu’il était encore en vie. Sa capuche couvrait presque le bandeau métallique qui proclamait son allégeance, trois vagues identiques à celles qui ornaient le front de Kisame ; la chaude tenue qu’il avait préparée pour le voyage flottait, rendue inutile par l’eau qui l’entourait. Son visage avait dû être attirant, autrefois, observa froidement Itachi. Peut-être l’était-il encore, selon les étranges critères du Village de la Brume sanglante. Exhibait-il fièrement la cicatrice qui boursouflait sa joue gauche ? Itachi remisa la question dans un coin de son esprit acéré. Cela lui servirait. On leur avait donné le descriptif physique de la victime et une brève liste des informations qu’ils devaient en extraire, ainsi qu’une évaluation sommaire de ses capacités, mais il y avait une limite au crédit que les contacts d’Akatsuki pouvaient dépenser en informations sur une future proie.

Ce n’est pas comme si ces informations avaient été vitales, après tout. Face au duo de nukenins, un simple Jounin n’avait aucune chance. Kisame avait suivi la piste de l’homme avec une dextérité qui rappelait plus le chien que le requin, aidé par la forte affinité Suiton de leur victime. La présence d’un crapaud ninja montant la garde n’avait fait que confirmer que l’homme ne les avait pas semés. Quant aux bulles, la difficulté était de les repérer, puis de comprendre leur signification : une fois que l’on les voyait pour ce qu’elles étaient, l’air rejeté par le shinobi dissimulé sous la surface, il suffisait simplement d’être un maître en Suiton plus talentueux pour retourner le jutsu contre son utilisateur. Evidemment, face à l’un des Sept Epéistes de la Brume, ce n’était qu’une formalité.

L’homme, constata Itachi, aurait fini par céder à l’orgueil s’il avait continué sa carrière. Il n’aurait pas cette occasion.

Il songea un instant à le forcer à reproduire cette technique – créer une bulle sèche dans un marais avec une consommation en chakra suffisamment basse pour la conserver toute une nuit, cela suscitait son intérêt. Son affinité personnelle, le feu des Uchiha, l’empêcherait probablement de maîtriser totalement le jutsu, mais Kisame aurait pu le reproduire en moins de quelques minutes.
Itachi finit cependant par rejeter l’idée : les réserves considérables de Kisame rendaient la faible consommation de la technique inintéressante et, comme il l’avait pensé plus tôt, s’enfermer soi-même en comptant sur son propre talent pour résister au cas où l’ennemi vous repérerait, ce n’était qu’orgueil naissant.

« Itachi-san ? »

La prison d’eau flottait toujours paisiblement, le corps évanoui tournoyant au rythme d’un courant interne. Samehada ronronnait joyeusement sur le dos de son maître ; quant à Kisame, il ne cachait pas l’attente qui imprégnait son langage corporel.

« Donne-le-moi. Je te le rendrai au matin.

Kisame masqua sa surprise, mais pas assez vite pour échapper à l’œil de son coéquipier. Une compréhension passa entre les deux hommes, puis s’évanouit ; la lune se refléta brièvement sur le bandeau protecteur du ninja prisonnier.

- Itachi-san, commença prudemment l’homme-requin, pourquoi ne pas utiliser le Tsukuyomi ?

Pourquoi ne pas activer l’une des plus horribles techniques des Uchiha, la torture de trois longs jours en cinq secondes, assez pour briser bien plus fort que ce Jounin et en extraire ce que l’organisation voulait savoir ? Pourquoi ne pas ensuite laisser Kisame s’amuser avec ce qui resterait de l’homme ? Pourquoi ne pas régler cette situation sur place, en moins d’une minute ?
Les trois tomoe du Sharingan continuèrent à tournoyer calmement dans les pupilles rouges du déserteur de Konoha.

- Mon Mangekyô doit être épargné. »

Kisame évalua la phrase, puis hocha la tête. La raison lui paraissait valable ; de sanglantes rumeurs concernant le second Uchiha, le petit Sasuke, couraient parmi l’élite shinobi, et le temps était proche où Sasuke viendrait réclamer la vie de son frère. Itachi voudrait offrir à son cadet un combat digne de ce nom.
Kisame laissa la prison d’eau s’écouler doucement dans le marais d’où elle sortait, jusqu’à ce que son coéquipier puisse effleurer le cou de leur victime d’une main presque tendre. Le sang dans la jugulaire battait à un rythme faible, lent, caractéristique d’un état plus profond que le sommeil. Satisfait, Itachi passa le corps trempé sur son épaule, indifférent à la froideur qui traversait ses vêtements. En un instant, il avait laissé la nuit claire avaler sa silhouette.

Epargner son Mangekyô : une raison valable, mais étrange, se dit Kisame quand tout sensation de son partenaire se fut évaporée. Itachi n’avait eu aucun problème à utiliser Amaterasu contre un puissant chasseur de primes, l’autre jour. Pourquoi rechignait-il à employer le Tsukuyomi ?...

Kisame songea à confronter Itachi directement. Il renonça bien vite à cette idée : le garçon n’aimait pas qu’on tente de lui arracher ses secrets. Sagement, Kisame décida d’attendre. Il était doué pour attendre.

Une dent acérée accrocha l’éclat de la lune.




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