Fiction: Six Cordes Métalliques (terminée)

Dans le lycée d'Hinata, la gloire suprême, c'est d'être sélectionné pour participer au grand concours de musique de fin d'année. C'est pour ça que quand Naruto relève aussitôt le défi qu'on lui balance au visage, Hinata marche aussi : monter un groupe et écraser le boy's band de Sasuke aux Portes Ouvertes ? Easy !
Humour / Romance | Mots: 113352 | Comments: 74 | Favs: 33
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NeN (Masculin), le 30/03/2015
Salut tout le monde ! Je suis désolée pour l'immense retard de ce chapitre, je me mets tout de suite au prochain... Merci pour vos super commentaires et bonne lecture !

The Rasmus – In the Shadows ; Falling
Little Richard – Lucille
Wham! – Wake me up before you go go
Linkin Park - Enjoy the Silence
Ram Jam – Black Betty




Chapitre 7: Bam Balam



C'est les vacances !

Hinata en serait super heureuse si pour elle, "vacances", ça voulait pas dire une semaine de mission commando pour échapper à son père, à la gouvernante, à Neji, à à peu près toute la maison – quand elle parvient à filer dehors sans s'être fait prendre, c'est sa victoire de la journée. Malheureusement la plupart du temps elle doit se débrouiller pour trouver quoi faire en attendant que la voie soit enfin libre pour se tirer chez Tenten.

Heureusement, elle a Hanabi, maintenant. Elles se redécouvrent, toutes les deux. Elles font leurs devoirs dans la même chambre, discutent musique planquées dans la buanderie, se portent volontaires pour le grand ménage de fin d'année avant même que Hiashi soit obligé de venir les tirer hors de leurs chambres par le col. Il se méfie, d'ailleurs, Hiashi : ses filles sont d'un naturel obéissant, mais de là à se précipiter sur les balais, y'à un grand pas. A croire qu'elles cherchent à faire quelque chose ensemble, même si c'est les vitres. Enfin, il s'en fiche, il est même plutôt content de ne pas avoir à gueuler cette année. Ou alors juste après une personne.

— Neji ! C'est la deuxième fois que je t'appelle ! Si à la troisième tu n'es pas déjà en train de cirer les escaliers, tu peux faire une croix sur ta bourse !

— C'est quoi ce coup bas ? grommelle Neji en poussant la porte de sa chambre.

Il a horreur de faire le ménage. Tout le monde a horreur de faire le ménage. Cette famille a les moyens de se payer des cuisinières et des chauffeurs, alors pourquoi c'est à eux de récurer la maison ? Mais comme il n'a pas vraiment le choix et que son oncle vient de le lui rappeler noir sur blanc, il va chercher les chiffons et jette un regard suspicieux à Hinata et Hanabi qui se sont tues à son approche, du rire plein les yeux.

— Allez, on s'attaque à la cuisine ! déclare Hinata en tirant sa petite sœur par le bras.

Hop hop, les deux filles se sont envolées et Neji est bien obligé de se coller aux escaliers. Pour les Hyûga donc, les vacances d'hiver, c'est un stage de ménage intensif. Et tout ça pour quoi ? Pour un Nouvel An chiant et trop long, passé à écouter parler les adultes sans avoir le droit de décoller de son coussin. Si au moins ils avaient droit au champagne.

Mais en dépit du ménage et des réunions de famille, Hinata se débrouille toujours pour glaner quelques heures tranquilles quand tout le monde est sorti. Elle descend alors dans la salle de musique, branche sa guitare et répète comme elle n'a jamais répété avant. Les Scarecrows sont sur les charbons ardents ces temps-ci et elle doit suer sang et eau pour se maintenir au niveau. C'est comme ça qu'elle se retrouve à gratter avec sa petite sœur une fin d'aprèm, savourant la liberté que leur donne la maison vide.

Hanabi s'est assise à même le parquet, au milieu des partitions éparpillées au sol ; elle a entouré ses genoux de ses bras, posé son violon près d'elle et elle écoute sa sœur jouer un morceau des Rasmus sur sa super guitare violette. Avoir une spectatrice amuse Hinata, d'autant plus que Hanabi a des étoiles plein les yeux et ça lui fait du bien d'être admirée un peu. Alors elle en rajoute, elle prend des poses, fait exprès d'insister sur les distorsions et se réjouit du rire qui jaillit régulièrement de la petite silhouette installée près d'elle.

— Tu as de la chance d'avoir trouvé ton instrument, soupire finalement Hanabi alors que Hinata achève une impro un peu foirée – elle a pas fait exprès cette fois.

— Parce que tu penses que le violon n'est pas ton instrument ? demande Hinata sans cesser de gratouiller. Tu es douée, pourtant.

— Oui, mais je n'ai jamais rien essayé d'autre.

— Tu veux ? propose Hinata en lui tendant sa guitare.

Mais Hanabi rit et secoue ses cheveux dans tous les sens :

— Non, la guitare, c'est ton truc, pas le mien. Ça ne me tente pas.

— Accompagne-moi alors, propose à nouveau Hinata.

Elle désigne les partoches étalées un peu partout. Hanabi hésite, survole la mer de papier du regard, puis prend une feuille un peu au hasard.

No Fear ?

— C'est parti, approuve Hinata.

Hanabi se relève précipitamment, sort son violon de son étui et le cale contre son cou. Elle est toute excitée, elle n'a jamais joué de rock avant. Heureusement, elle a suffisamment de talent pour s'adapter au changement de répertoire et après quelques mesures de prise en main, elle se lance franchement.

Et là, c'est le gros kiff. Ça marche trop bien, elle a l'impression de redécouvrir son violon, les notes s'envolent avec une facilité déconcertante – c'est sûr que c'est moins compliqué que la Neuvième Symphonie de Beethoven. Hinata l'encourage en riant à moitié, son jeu électrique est impeccable et c'est un vrai plaisir de se caler sur ses accords ; Hanabi se défoule comme elle ne s'est jamais défoulée et soudain, sans vraiment l'avoir prévu, elle se met à clamer les paroles placardées sous les mesures de la partition :

[center]Girl
The rain falls down from the northern skies

Like poisoned knives

With no mercy !

Sa voix sort toute seule, sans entrave, sans complexes. Elle qui d'habitude ne quitte pas sa timidité étouffante chante comme si elle s'en foutait du reste, c'est clair et fluide, haut et fort, c'est stupéfiant et inattendu. Hinata en rit de surprise, lance que c'est trop génial, continue ! et se met à chanter en chœur :

No Fear

Destination Darkness !

No Fear

Destination Darkness !

No Fear…

Le résultat n'est pas vraiment juste et les deux filles s'essoufflent rapidement à jouer et chanter en même temps, mais elles sont mortes de rire et se redressent avec la même joie dans le regard. Elles se sentent bien, libres, vraies. Puis elles font volte-face soudain, elles viennent juste de remarquer que quelqu'un a ouvert la porte, mais ouf ! ce n'est pas Hiashi. Quoique c'est peut-être pire en fait : c'est Neji.

— The Rasmus ? reconnaît l'intrus depuis le chambranle contre lequel il s'est adossé.

Hinata opine, elle a toujours du mal à déchiffrer les expressions de ce type. Difficile de deviner s'il va siffler du venin ou se contenter de lever au ciel des yeux désespérés. Mais Neji décroise les bras, referme la porte et les rejoints en récupérant son violon électrique au passage ; en deux gestes, il a branché l'ampli et s'est tourné vers Hanabi.

— Montre la partition, ordonne-t-il devant son air déconcerté.

Les filles comprennent finalement qu'au lieu de se foutre de leurs gueules, il va jouer avec elles et trépignent d'enthousiasme. Hanabi fait pivoter le pupitre, reprend son violon ; Neji vérifie la tonalité de ses cordes, cale son pouce dans son archet en métal et vient se caler plus près pour pouvoir suivre la partition ; Hinata toussote un brin, remet ses doigts en place sur son manche et son pied sur la pédale de distorsion.

— Trois, quatre, énumère Neji en échangeant un regard avec chacune de ses cousines.

Et bam, c'est parti et c'est dix fois mieux que la première version. Le violon électrique déchire l'atmosphère, la guitare pétille avec plus d'énergie que jamais et le Stradivarius de Hanabi vibre littéralement. Ils se balancent en rythme, s'accordent en vrac, s'écoutent en tas. Le morceau s'achève trop vite, trop tôt, ils ont encore de la fougue à revendre et cette soudaine collaboration les rend frénétiques. C'est comme s'ils découvraient un nouveau chemin à travers la jungle. Qui ne s'y engouffrerait pas de toutes ses forces ? Hanabi s'est précipitée vers le sol pour remuer les feuilles volantes :

In the Shadows ?

— Ha ha…

C'est Hinata qui a ri, ce morceau l'a toujours fait marrer. Pourquoi, elle ne sait pas trop – la tonalité peut-être ? Ou alors la couleur, définitivement trop acidulée pour la résidence Hyûga ? Quoi qu'il en soit, elle doute que ce soit du genre de Neji. Mais Neji a pris son hilarité pour de la provocation, alors il s'empare de la partoche avec défi :

— Trois, quatre, ordonne-t-il.

Ni une ni deux, Hinata gratte les accords d'intro et ils entonnent tous en chœur :

— Uhu-uhu ! Uhu uhuuuuu !

Ziuuuum, le violon électrique décolle, la machine est lancée, puis crac refrain, c'est instinctif, ils sont totalement dans l'ambiance et les paroles se répercutent d'une bouche à une autre comme dans un trio prémédité :

— I've been watching !

— I've been waiting !

— In the shadows for my time…

— I've been searching !

— I've been living !

— For tomorrows all my life…
Tout est génial et fantastique, s'émerveille Hinata alors que le morceau continue. Tout, absolument tout. La guitare électrique, The Rasmus, que Hanabi ait voulu essayer autre chose, que Neji soit venu les rejoindre, et même cette chanson, cette chanson si bondissante dont les paroles semblent avoir été écrites pour eux, pour ce trio de Hyûga nés au cœur d'un univers d'excellence duquel il est si difficile de se dégager…
Mais ils vont y arriver, c'est sûr maintenant. C'est terminé l'attente dans l'ombre, c'est terminé l'observation passive et la recherche aveugle : ils ont trouvé désormais, ils se sont trouvés et même s'ils n'ont pas encore toutes les réponses, la porte est ouverte et plus jamais, de toute leur vie, ils ne se laisseront à nouveau enfermer dans cet aquarium.
Parce qu'eux, ils sont des poissons volants !

*


— Neji a joué avec vous ? répète Naruto sans y croire. Neji ?!

— Il devait s'ennuyer, plaisante Hinata en vissant les câbles de sa guitare sur l'ampli du garage de Tenten.

— C'est le miracle de Noël, s'extasie Naruto.

— Le vrai miracle, ce serait qu'on arrive enfin à jouer ce fucking AC/DC sans merdage, coupe Tenten en déboulant avec un pack de canettes de Coca.

— Faut pas trop en demander non plus, lance son grand frère depuis l'autre bout du garage.

— Retourne à ta mob, toi, claque Tenten du tac au tac.

Kotetsu rit sous cape sans cesser de fourrager dans sa boîte à outils. Il a du cambouis sur le nez et sa chemise à carreaux ne ressemble plus à rien. Ce n'est pas la première fois qu'il est là à jouer les mécanos pendant que les Scarecrows font leurs répétitions, alors ils commencent à s'habituer à sa présence. Faut dire qu'il est moins chiant que les trois autres frères de Tenten, tous aussi relous les uns que les autres. Tenten lui envoie une canette, décapsule la sienne et se vautre sur son tabouret.

— On est bons ?

— Ouais, lance Naruto en revenant à sa basse.

La répète commence, entrecoupées de gorgées de Coca et de rugissements de pots d'échappements. Pour la première fois, c'est Hinata qui a lancé le traditionnel "trois, quatre" et sa fougue est telle que Tenten elle-même a du mal à suivre. La guitare électrique se déchaîne, Hinata a mis le volume à fond et percute ses cordes avec tant d'énergie que Naruto et Tenten sont obligés de redoubler de puissance pour pas faire trop mauviette à côté. Hinata n'y fait même pas gaffe, elle est à fond dedans et elle ne pense plus qu'à cette phrase que lui a dite Neji la veille, alors qu'ils enchaînaient les morceaux dans leur salle de musique : "Jouer, c'est être libre. Si la musique t'emprisonne, c'est que tu n'as rien compris."

Elle se dit qu'il a raison, que c'est plus le violon de sa mère, que c'est plus la vie de son père ; c'est sa guitare, c'est sa musique, c'est son truc. C'est elle. Alors elle joue, fuck yeah elle joue, et son cœur bat à toute allure et ses joues sont rouges d'excitation lorsqu'elle plaque le dernier accord d'un riff endiablé. Naruto l'a remarqué tout de suite, mais il ne dit rien et c'est Tenten qui s'exclame en s'essuyant le front du poignet :

— Dis donc, Hina, baby, tu pètes la forme !

Hinata relève la tête, s'étonne, assure que non, pas plus que d'habitude ! Mais Naruto n'est pas con, il voit parfaitement qu'elle est différente et il s'interroge en silence. De toute façon, Hinata, elle est différente tous les jours. Elle suit un chemin bien à elle qui la transforme semaine après semaine, jour après jour, heure après heure, et il n'y a pas de limite à ses changements. Elle a une capacité d'évolution phénoménale et Naruto aurait dû s'en apercevoir bien plus tôt, dès l'instant où elle est venue le retrouver dans ce couloir le jour où il s'est fait rembarré par tout le monde alors qu'il cherchait des membres pour son groupe.

Il en fallait du cran, ce jour-là, pour tourner le dos à son violon, à sa timidité et à ses a priori, pour se jeter tête la première dans un océan d'inconnu. Alors Naruto se demande : est-ce que c'est pour lui qu'elle a fait ça ? Juste pour lui ?

Pour elle aussi, un peu sans doute. Mais tout de même…

— Dites, je me disais qu'on pourrait essayer un peu de Rasmus, on n'a pas encore joué un de leurs morceaux… propose Hinata pendant ce temps.

— Oh, bonne idée, approuve Tenten. J'ai toujours adoré Falling.

F-f-f-falling, chantonne derechef Hinata en recalant sa guitare sous son coude. Down with the sun…

— Ouais, celle-là ! Naruto, t'es OK ?

Naruto se secoue :

— Ouais ouais ! On est partis !

Et le trio reprend, sous le regard amusé de Kotetsu qui brique silencieusement le cadre de sa moto en se disant que décidément, sa sœur a trouvé chaussure à son pied avec ce groupe. Et sans s'en apercevoir, il bat la mesure du menton en chantonnant le refrain en chœur.

*


Et puis c'est la rentrée.

L'anglais, l'histoire, les maths. Le solfège, le chant, les gammes. Les élèves traînent des pieds dans les couloirs, s'endorment en cours et râlent devant les devoirs à faire. A croire qu'il n'y a que les Scarecrows qui ont la pêche : on n'entend qu'eux dans les couloirs, au self, dans la cour. Ils braillent, ils rigolent, ils frappent la mesure, et ça recommence, ils braillent, ils rigolent… C'est comme s'ils étaient les seuls à être en couleurs dans ce lycée rempli d'élèves en noir et blanc, à croire qu'ils sont les seuls aussi à être contents que les vacances soient enfin terminées. Faut dire qu'ils sont en train de chercher quels morceaux ils vont jouer aux Portes Ouvertes et comme ils ont décidé que ce serait un truc qui rock à mort, ils sont dans l'ambiance jusqu'au cou.

Mais c'est pas le même délire pour tout le monde et Hinata s'en souvient lorsque la voix de Kakashi claque soudain en plein cours et qu'elle fait un bond sur sa chaise – elle était en train de réécrire la tablature de sa dernière trouvaille tout en jouant les accords dans le vide de sa main libre.

— Sasuke, tu as toute la journée pour draguer Sakura, alors retiens-toi le temps de mon cours, tu veux ? lance le prof.

— Je la drague pas, je lui gueule dessus ! proteste Sasuke en rougissant de colère, à l'autre bout de la classe.

Mais Kakashi secoue la tête avec affabilité :

— Les hormones, je vous jure…

Quelques rires animent la salle, puis le cours reprend. Depuis sa place, Sasuke se redresse avec mauvaise humeur et à côté de lui Sakura cache sa détresse derrière son cahier de vocabulaire. Hinata les observe du coin de l'œil : tout le monde sait que ça se passe mal entre eux. Le fait qu'ils travaillent un morceau ensemble a fini par se faire connaître et il faut croire qu'ils sont encore loin d'être au point. Quelle idée aussi, de jeter la pauvre petite Sakura entre les griffes du grand méchant Sasuke…

Mais en même temps, songe Hinata, Sasuke, il aurait pu l'envoyer bouler, sa Sakura. Il n'a pas besoin d'elle. Il n'a besoin de personne. Alors pourquoi est-ce qu'il s'acharne ? Hinata se dit que Kakashi n'a peut-être pas complètement tord en parlant d'hormones. Personne n'y échappe après tout… Pas même le sage et raisonnable Shikamaru, d'après ce que racontent les Hawks depuis la rentrée. Une histoire de battle avec Temari pendant les vacances, un truc qui se serait terminé en pugilat mais qui pour eux ne signifiait qu'une chose : leur manager était complètement sous le charme.

— C'est des conneries ! se défendait Shikamaru. Cette meuf est une barge !

Mais comme ses protestations ne font que renforcer les ricanements narquois autour de lui, il laisse systématiquement tomber. Du côté de Tenten aussi, il y a de l'hormone en l'air. Elle ne rate jamais une occasion de rentrer dans le lard d'Ino qui le lui rend bien, à tel point que Hinata commence sérieusement à se demander c'est quoi le problème entre elles et Neji. Parce qu'il est forcément lié à leurs histoires, il n'y a qu'à regarder son expression agacée et exaspérée dès que les deux filles commencent à se crêper le chignon. Kiba non plus n'apprécie pas, il n'a jamais vraiment digéré sa rupture avec Tenten et Hinata se dit, en voyant ce beau bordel, qu'elle fera hyper gaffe si elle décide de sortir avec quelqu'un un jour parce qu'on ne sait jamais combien de temps les conséquences vont nous coller aux basques après.

En attendant, elle est trop occupée avec ses recherches pour s'intéresser longtemps aux déboires des Hawks et affiliés. Naruto lui saute dessus dès la fin du cours et ils récupèrent Tenten en route ; déjà ils parlent tous à la fois :

— AC/DC, ce serait trop prévisible…

— Ouais, mais après on peut quand même prendre un classique, ça marche toujours !

— J'en ai trouvé un cool l'autre jour, attendez…

Et Tenten allume son téléphone, met le son à fond, ouvre Internet et bam, le rock déboule dans le couloir. Les élèves sursautent, s'écartent, rigolent en hochant la tête – encore ces clowns de Scarecrows ! Mais les trois amis s'en fichent, comme d'hab, et sautillent déjà en rythme.

— Ouais, pas mal !

— Puisque vous êtes motivés par les classiques, j'en ai des géniaux en tête, se réjouit Hinata en se rapprochant de Tenten. Met voir Lucille de Little Richard…

— Ah ah énorme ! s'esclaffe déjà Tenten en pianotant à toute allure sur son téléphone. J'ai toujours surkiffé les années 50 !

La musique retentit avec force, le rythme est trop entraînant pour ne pas se mettre à danser et même les passants balancent la tête sans pouvoir s'empêcher de sourire alors que Hinata, Tenten et Naruto avancent en se balançant tout en chantant : Lucille, you won't do your sister's will ? Oh, Lucille, you won't do your sister's will ?

Rien à faire, leur bonne humeur est communicative et les élèves commencent à se retourner, à s'attarder, à claquer des doigts avec eux. Puis le morceau s'achève et le suivant commence, programmé par la playlist du site Internet, et Naruto se met à danser en plein milieu du passage. Il n'y connaît pas grand-chose en rock mais peu importe, il tourne et glisse et fait un pas de twist avant de venir récupérer Hinata qui sautille d'un pied sur l'autre et hop, il l'entraîne dans son délire avec une facilité déconcertante.

Sa main tient la sienne avec une fermeté agréable, elle est chaude et douce, Hinata a l'impression d'être empotée dans un tourbillon et elle rit, elle tourbillonne, passe sous son bras, s'éloigne, revient contre lui, ils font n'importe quoi mais elle ne s'est jamais sentie aussi légère qu'en cet instant. Elle ne pense pas aux autres qui les regardent, à Tenten qui danse toute seule en tenant son portable à bout de bras, à son prochain cours ou à quoi que ce soit d'autre : elle ne pense qu'à Naruto qui la regarde de ses yeux pétillants et à la musique qui remplit son corps d'une joie pétillante que rien ne peut retenir.

Wake me up before you go go, don't leave me hanging on like a yo-yo ! chante quelqu'un quelque part, en rythme.

C'est peut-être Ino, elle a commencé à danser elle aussi, entraînant Sakura avec elle, puis un autre type, puis Lee arrive et se jette dans la mêlée avec une bonne humeur hystérique et le couloir se transforme en piste de danse improvisée. Dieu que c'est beau ! s'extasie Hinata alors que Naruto la fait tourner une nouvelle fois. Dieu que c'est bon !

Shikamaru arrive dans le couloir au moment où quasiment tout le monde saute en chœur sur le refrain et il marque un temps d'arrêt, le temps d'encaisser ce qu'il a sous les yeux. Puis il s'appuie contre le mur, les bras croisés, et contemple la scène avec un petit sourire entendu. Sacrés Scarecrows, pense-t-il alors que Tenten bondit plus haut que jamais et que Naruto fait voltiger Hinata à toute allure au milieu des danseurs. Toujours prêts à mettre l'ambiance. Toujours prêts à réveiller la vie là où elle s'endort. Il aimerait bien être comme ça.

Puis il se dit qu'ils sont un peu dingues d'être aussi joyeusement optimistes, parce qu'ils ont encore du chemin avant de pouvoir se présenter aux Portes Ouvertes, et que c'est assez hallucinant de les voir s'éclater sans arrière-pensée alors que tous les autres groupes du lycée sont en stress permanent pour leurs répètes. Mais en même temps, songe encore Shikamaru, les Scarecrows, quel que soit leur niveau le jour J, ils pourront monter sur scène la tête haute. Parce qu'ils se seront battus de toutes leurs forces pour arriver là, et que peu de monde pourra affirmer comme eux qu'ils ont donné tout ce qu'ils avaient.

Sacrés Scarecrows, répète Shikamaru.

*


Naruto chatonne encore lorsqu'il traverse le couloir du deuxième niveau, après la fin des cours. Il est resté plus tard que les autres dans le studio d'Asuma pour répéter un enchaînement qui n'arrive pas à sortir et le lycée est quasiment vide. Il aime bien quand le lycée est vide, Naruto. Il a l'impression d'être chez lui. Puis une voix s'échappe d'une porte ouverte plus loin, et il se tait pour identifier le deuxième couplet de Bare Grace Misery.

C'est Sakura qui chante, il reconnaîtrait sa voix entre mille. Mais quelque chose le frappe dans ce qu'il entend, dans la façon qu'elle a de forcer, d'essayer trop fort, trop haut – de la peur, c'est de la peur qui imprègne cette voix et qui la rend douloureuse à entendre. Finalement Sakura s'interrompt, il y a un silence puis un soupir. Ce soupir aussi, Naruto le reconnaîtrait entre mille. Alors il avance et pousse la porte.

— Te gêne pas ! s'exclame aussitôt Sasuke, outré de le voir débarquer sans frapper.

Sakura a sursauté. Elle est debout devant un pupitre, Sasuke est assis sur une table avec des partitions à la main et le plafonnier éclaire la scène d'une lueur trop jaune. Naruto grimace un sourire et s'approche d'un pas assuré.

— Vous vous améliorez pas, non ? lance-t-il avec effronterie.

— On t'a rien demandé, Naruto, dégage ! s'énerve aussitôt Sakura.

Elle n'est pas toujours aussi agressive, mais ces temps-ci ça la saoule. Ça la saoule de voir les Scarecrows d'aussi bonne humeur alors que chez elle l'orage gronde, ça la saoule de voir Hinata aussi bien dans ses pompes alors qu'elle pensait qu'au moins celle-là ne serait jamais aussi cool qu'elle, ça la saoule de voir qu'elle, Sakura, est tout simplement en train de devenir l'élève la plus à la traîne du lycée. Alors si en plus Naruto vient la narguer jusque dans ses répétions avec Sasuke…

Naruto a légèrement reculé. Il n'a jamais aimé cette hostilité ouverte qu'on lui manifeste constamment mais qu'il avait commencé à oublier depuis la formation des Scarecrows. Il n'a jamais aimé qu'elle vienne de Sakura alors que lui, il a toujours beaucoup affectionné cette fille, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. Mais en revanche, il a toujours aimé la voir dans les yeux de Sasuke, l'aversion, comme maintenant, parce que venant de lui ça veut dire complètement autre chose.

Ça veut dire qu'il le voit.

Alors Naruto enlève sa basse de son épaule, la pose par terre et s'y appuie nonchalamment, le sourire de retour.

— Pourquoi vous faites du Nightwish ? demande-t-il.

Sasuke fronce les sourcils, ils sait très bien que Naruto sait très bien. C'est Sakura qui répond, elle sort des banalités, dit que c'est l'un des groupes représentatifs des Hawks, que c'est beau, tout ça. Et le sourire de Naruto s'étire encore plus.

— Ouais, mais vous êtes pas les Hawks, informe-t-il. Désolé Sakura, mais t'as pas la voix de Tarja Turunen, et toi non plus Sasuke. C'est un peu con de s'acharner à être quelque chose que vous êtes pas.

Sasuke a déjà ouvert la bouche pour répliquer, furieux, mais un truc dans sa gorge l'en empêche. Il se dit qu'il a raison, ce con de Naruto. Comme souvent. Et ça le gave.

— On t'a pas demandé ton avis, crache-t-il alors.

— Non mais sérieusement, pourquoi vous faites pas un truc moins théâtral ? continue Naruto en regardant les deux chanteurs tour à tour dans les yeux. Moins guindé, moins contraignant. Un truc plus libéré. Plus vous, quoi.

— Et tu propose quoi, puisque t'es si intelligent ? jette Sakura.

Naruto sourit encore, ouvre l'étui de sa basse et va débrancher la guitare de Sasuke pour utiliser l'ampli. Sasuke le regarde faire en plissant des yeux. Il ne sait même pas pourquoi il ne l'a pas déjà foutu dehors à coups de pied au cul. Peut-être parce qu'il se dit qu'au point où ils en sont, Sakura et lui, c'est pas Naruto qui peut aggraver les choses.

— Alors voyons… fait Naruto en se calant sur un bureau, sa basse sous le bras.

— Tu comptes faire quoi avec ce truc ? persifle Sasuke en désignant l'instrument d'un coup de menton dédaigneux. Jouer une mélodie ?

— T'as jamais entendu Kiba jouer seul ? réplique Naruto.

— Si. Ça sert à rien.

— Possible. Mais je m'appelle pas Kiba.

Naruto place ses doigts et tang tang tang, doum doum doum, les cordes métalliques vibrent et claquent et les bulles de son s'envolent dans la classe vide. Sasuke reconnaît le morceau, Sakura aussi, c'est le genre de truc que tout le monde ici connaît par cœur. Enjoy the Silence de Depeche Mode. Il n'y aurait pas pensé.

— On prépare un duo vocal, tête de pioche, s'énerve-t-il. On va pas chanter un truc aussi…

— Ta gueule, coupe Naruto sans cesser de jouer. Sakura, vas-y.

Sakura hésite, jette un regard à Sasuke, revient à Naruto et ses yeux sont si calmes, si confiants, qu'elle s'éclaircit finalement la gorge et entame le premier couplet d'une voix tremblante. Elle part trop bas, mais d'office Naruto reprend la mesure du début pour qu'elle s'ajuste. Le deuxième essai est encore trop bas, Naruto recommence sans un commentaire, il est juste simple et efficace, il l'écoute, alors Sakura sent sa confiance en elle grandir et la troisième tentative est la bonne :

Words like violence, break the silence… Come crashing in, into my little world

Sasuke plisse les yeux, il n'a encore jamais entendu Sakura parvenir à placer sa voix aussi rapidement. Il se demande si c'est parce que Nightwish c'est trop haut pour elle, puis se dit aussi que c'est moins impressionnant, Depeche Mode, et que ça doit aider à ne pas avoir la trouille de se planter. Depuis sa basse, Naruto se tourne vers lui sans cesser de jouer, laissant Sakura finir son couplet, et il lui dit :

— C'est toi qui doit chanter la deuxième voix. T'es ténor, non ? Alors arrête d'essayer de nous faire croire que t'es baryton et laisse Sakura être alto.

— Depuis quand t'es foutu de retenir la différence entre ces catégories ? s'enflamme Sasuke.

Il aurait mieux fait de se mettre à chanter, parce que maintenant le couplet de Sakura est fini et Naruto a suspendu ses doigts. Ils regardent Sasuke, en attente, et Sasuke les regarde, déchiré entre le ras-le-cul et l'étonnement de voir Sakura dix fois plus à l'aise que lorsqu'ils sont seuls tous les deux – tout a l'air plus facile pour elle, soudain. Il fixe ses yeux verts pendant un moment, ils sont pleins d'une supplique muette qui lui va droit au cœur, alors il grimace, se passe une main dans les cheveux, redresse légèrement la tête et le refrain éclate, somptueux de clarté. Parce que Sasuke est doué, parce que sa voix est belle, parce que la mélodie est de celles qui s'envolent et tout est plus léger soudain, dans sa tête, dans son torse et dans ses yeux.

All I ever wanted, all I ever needed, is here in my arms… Words are very unnecessary, they can only do harm…

Naruto reprend sa ligne de basse dès le dernier mot et Sakura enchaîne le deuxième couplet, aux anges. Sasuke les regarde, les écoute, il a l'impression de ne plus être vraiment lui-même et se dit que ce n'est peut-être pas si grave, et comme c'est absolument génial d'entendre Sakura chanter aussi facilement il ne peut pas attendre le prochain refrain et improvise une deuxième voix pour appuyer son chant si profond. Il est hésitant au début, il déchiffre tout bas, puis au fil des lignes il grimpe dans les octaves.

Le duo est enfin calé. Naruto ne fait même plus attention à eux, il se concentre sur sa basse, tout content de jouer du Depeche Mode. Le ciel devient noir à travers les vitres, les voix s'échappent à travers la porte laissée ouverte et Sakura rayonne.

Elle comprend finalement où les Scarecrows trouvent leur optimisme. Quand Naruto est là, rien ne paraît impossible.

Ce type est un magicien.

*


Le vendredi à midi, c'est toujours le foin au self. La plupart des élèves n'ont qu'une ou deux pauvres heures de cours avant le week-end et pour tout le monde, la semaine est déjà finie. Du coup, le vacarme que font les Scarecrows à leur table passe presque inaperçu.

— Je vous dis que ce morceau défonce tout !

— Ouais, mais pas autant que le mien !

— De toute façon c'est moi qui décide, je vous rappelle. Et ce sera Black Betty et rien d'autre.

Naruto et Tenten se tournent vers Hinata, l'un avec sa fourchette en l'air et l'autre avec la bouche pleine de pâtes. Hinata a les bras croisés et le regard décidé, alors ils disent bon, ben OK. C'est plutôt une bonne idée de toujours refiler le dernier mot à Hinata, parce qu'elle est moins impulsive que les deux autres et qu'elle se trompe rarement.

Whoa, Black Betty, bam-ba-lam ! Whoa, Black Betty, bam-ba-lam ! Black Betty had a child, bam-ba-lam… chante déjà Naruto tout en enfournant sa fourchette de coquillettes.

— On a quand même une chance de maboul, lance Tenten en se vautrant sur sa chaise. De pouvoir passer tout notre temps dans le rock.

— Je me demande si ça va durer toujours, songe Hinata.

Elle aperçoit ensuite Neji, Kiba et Lee qui se dirigent vers eux et plisse les yeux : viennent-ils en paix ou pour déclencher la guerre ? Mais Lee se laisse tomber sur une chaise en saluant tout le monde de son habituel ton joyeux, il voulait simplement taper la discute.

— Alors, ça avance ? demande-t-il gaiement.

— Mieux que vous, renvoie Tenten.

— Qu'est-ce que tu en sais ? s'exaspère Neji.

— Oh, j'vous laisse, coupe soudain Naruto en apercevant Sakura plus loin. J'ai un truc à dire à…

Il récupère son plateau et lève le camp sans même finir sa phrase. Personne n'y prête attention hormis Hinata qui essaye de le suivre des yeux mais le perd dans la foule. Qu'est-ce qu'il lui prend tout d'un coup, à celui-là ? Les hormones aussi ? Ce serait pas drôle, vraiment pas drôle… Elle sait pas pourquoi mais ce serait pas drôle du tout du tout…
Des éclats de voix la ramènent à sa propre table : Neji et Tenten sont en pleine joute verbale mais à en juger par leurs sourires agressifs, ça a l'air de les amuser plus qu'autre chose. Hinata a raté le début, ils ont l'air de débattre pour savoir si la version d'origine de Black Betty est de Ram Jam ou de ZZ Top. Hinata se dit qu'elle pourrait les départager facilement puisqu'elle s'est renseigné sur le sujet pas plus tard que la veille, mais elle se dit à quoi bon. Ils ont l'air tellement contents de s'en mettre sur la gueule.

— De toute façon celle de ZZ Top est carrément meilleure !

— Alors là ma grande, tu délires ! On reprend pas si facilement du Ram Jam !

— J'te dis que c'est pas eux qui l'ont écrite !

— OK, on va vérifier.

Ni une ni deux, Tenten a sauté sur ses pieds et relevé le défi. Sans se soucier une seconde des autres, les deux ados lèvent le camp tout en continuant de débattre à grands gestes ; un peu perdu, Lee court machinalement après Neji et il ne reste plus que Hinata et Kiba, plantés là comme des acteurs de second rôle. Kiba froisse son visage plein de fossettes, il n'est pas vraiment ravi, puis il s'aperçoit que Hinata l'observe à la dérobée et lui demande d'un ton abrupt :

— Ils sont ensemble ou pas ?

— Aucune idée, répond Hinata – elle se posait la même question.

D'un même mouvement, ils se retournent vers la sortie du self où le groupe disparaît tout juste. Mystère mystère. Kiba aimerait bien savoir, il est un peu jaloux là, et Hinata est curieuse elle aussi : après tout, il s'agit de son cousin ! Alors ils échangent un nouveau regard :

— On enquête ? propose Kiba avec un éclat espiègle dans le fond des yeux.

— Pourquoi pas, s'enthousiasme Hinata sans parvenir à cacher l'excitation qui la gagne soudain.

Kiba tend sa main et ils scellent leur accord d'un claquement de paume. Une nouvelle équipe est née, attention devant…

Mais l'affaire n'est pas si simple, ils s'en rendent compte assez rapidement au cours des jours suivants. Ils ont beau s'organiser pour les espionner et les surprendre au moment où ils s'y attendent le moins, pas moyen d'avoir des preuves suffisamment concluantes. C'est comme si Neji et Tenten nageaient dans une ambiguïté parfaitement incompréhensible pour le commun des mortels. Du coup, Hinata et Kiba passent des heures à les observer sans rien pouvoir conclure et tuent le temps en discutant.

Et c'est fou comme il suffit de parler un peu pour créer des liens avec quelqu'un. De "le bassiste des Hawks" il est passé à "Kiba" pour Hinata qui n'avait jamais vraiment osé l'approcher jusqu'à présent. Il est bien moins impressionnant qu'il n'y paraît vu de près et ça l'amuse. Elle se dit que Kiba ressemble pas mal à Naruto, tout en étant complètement différent, et elle se demande ce qu'a Naruto qu'elle ne retrouve chez personne d'autre. Peut-il être unique à ce point ? Elle n'en sait rien, mais en attendant elle et Kiba prennent de plus en plus l'habitude de passer du temps ensemble et c'est sympa.

Et du coup c'est un peu pareil autour d'eux : Tenten est plus souvent avec ses amis de troisième année et Naruto traîne régulièrement avec Sakura. Hinata n'a pas bien compris pourquoi, il lui a vaguement expliqué qu'ils parlaient de son duo avec Sasuke mais ça lui paraît louche. Comme Neji et Lee sont souvent avec Tenten et que Kiba est avec elle, Shikamaru se retrouve un peu seul et navigote d'un groupe à l'autre en se sentant loosé sur le coup, surtout que Sasuke a les nerfs ces derniers temps. Il vient souvent déjeuner avec Hinata et Kiba quand tous les autres sont Dieu sait où et un jour, il dit :

— C'est moi où les Hawks et les Scarecrows sont totalement en train de se mélanger ?

— Hein ? Jamais de la vie ! s'exclame Kiba en avalant sa bouchée de purée de travers.

Mais Hinata se dit que Shikamaru n'a pas complètement tord. Est-ce que c'est une mauvaise chose ? Naruto et Tenten lui manquent quand ils ne traînent plus aussi souvent ensemble, mais d'un autre côté ça fait du bien de changer un peu. Et puis si Naruto préfère se faire chier avec Sakura, ça le regarde ! Elle s'en fiche !

N'empêche. Hinata attend les répétitions dans le studio d'Asuma avec impatience maintenant, parce que ça devient les seuls moments où les Scarecrows sont de nouveau réunis. Elle n'en veut pas à Tenten, parce que Tenten a toujours été indépendante, mais elle en veut un peu à Naruto d'être si peu présent tout d'un coup alors qu'elle commençait sérieusement à admettre sa proximité comme définitive. Mais il ne lui avait rien promis, non plus, essaye-t-elle de se raisonner. Absolument rien promis…

— Tu sais, lui dit Kiba un jour qu'ils observent Neji et Tenten étendus dans l'herbe, près du stade. Tomber amoureux, c'est vraiment la plus belle connerie de l'humanité.

Hinata ne sait pas trop quoi répondre.

*


Il est tout seul dans le studio d'Asuma, Tenten est rentrée et Hinata révise en salle de perm. Il en profite pour bosser ce morceau qui le fait chier depuis deux semaines, parce qu'ils vont le faire à la prochaine répète et qu'il n'a pas envie d'être celui qui le foirera dès le premier essai.

Ses doigts dérapent, l'accord se tord de douleur, Naruto grimace. S'arrêter en plein vol le contrarie mais là, il y a quelque chose qui foire sérieusement. Est-ce que c'est un problème de ton ? De rythme ? Il doit manquer un accord quelque part dans cette tablature visiblement bâclée, parce que la triple croche de la deuxième mesure n'arrive pas à sortir. Ne plus jamais se fier à Internet, se jure Naruto en empoignant un stylo.

Il détaille la tablature visiblement fausse sans pouvoir trouver quoi que ce soit à modifier. Il n'a jamais été doué pour l'écriture, c'est à peine s'il sait déchiffrer sans trop de mal alors… Découragé, il repose le stylo sans avoir rien changé et réessaye. La mesure est toujours aussi dégueulasse.

— Je peux savoir ce que tu fais ? claque soudain une voix depuis la porte.

Naruto sursaute si violemment que sa basse a hurlé en même temps. Depuis quand Sasuke est planté là à le regarder jouer ? Naruto est si surpris qu'il n'arrive même pas à trouver une réplique digne de ce nom est il bafouille :

— Je, euh… Je…

— Cette mesure, c'est du si bémol, pas du do, proteste Sasuke en venant arracher la partition de son pupitre. Pas étonnant que t'arrives pas à te caler dessus avec cette tablature !

Il sort un stylo de sa poche, le débouche avec ses dents et ajoute un accord au milieu des notes qui crapahutent sur le papier, puis raye l'une des lignes pour tout rehausser d'un ton.

— Essaye comme ça. Allez, bouge ton cul !

C'est si inattendu de voir Sasuke lui filer un coup de main que Naruto en reste comme deux ronds de flan. C'est quoi ce revirement de situation ? Pourquoi il l'aide, maintenant, celui-là ? Pour le remercier de son intervention avec Sakura ? Pour frimer ? Pour lui rappeler à quel point il est nul alors que lui, il est le grand Sasuke Uchiwa ? Sasuke intercepte son regard interloqué et voit bien le grand "what the fuck" qui se dessine dans son esprit, mais il rebouche son Bic comme si de rien n'était et insiste encore un coup :

— T'attends quoi, la neige ?!

Alors Naruto range la stupéfaction dans sa poche et reprend sa basse. L'enchaînement déboule sans problème. Il n'en revient pas.

— Voilà, c'est pas compliqué, grommelle Sasuke en rangeant son Bic dans sa poche. Tu joues pas assez avec ton instinct, lâche-toi un peu. C'est le seul truc que t'as pour toi alors si tu l'utilises pas…

Sans ajouter quoi que ce soit d'autre, Sasuke tourne le dos et se barre en fermant la porte dans son dos. Naruto fixe le battant pendant un moment, puis un grand sourire s'empare de son visage, ses yeux s'enflamment et son cœur s'accélère. Aussitôt, il recommence à jouer et le son crépite dans la pièce comme un feu d'artifice.

Il a tellement la pêche lorsque Asuma vient lui dire que le lycée va fermer qu'il dévale tous les escaliers en courant. Puis il avise Hinata qui traverse la cour et lui saute dessus :

— Viens à la maison, j'te fais mon super chocolat chaud de la mort !

Comme toujours, Hinata ne dit rien et lui emboîte le pas. Aujourd'hui pourtant, elle n'a pas la moindre envie de le suivre.

C'est compliqué, avec Naruto. Il est comme un soleil ambulant qui rayonne pour tout le monde sans distinction, il distribue ses sourires à tout va et tend des mains dans toutes les directions. Il donne, il donne sans compter et sans rien attendre en retour, il donne plus que ce qu'il ne peut donner et il donne sans regarder à qui. Il sauve les gens, les uns après les autres, tous, absolument tous.

Hinata sait bien que c'est ce qui fait la merveille de sa nature. Elle sait que c'est ce qu'elle a toujours admiré chez lui, que c'est ce qui le rend unique et plus grand que tous les autres. Mais elle sait aussi que c'est une façon de ne pas hiérarchiser tout cet amour qu'il offre par brassées entières, sous différentes formes peut-être, mais toujours de la même valeur. Elle sait qu'il ne fait pas de distinction entre toutes ces âmes, elle sait qu'une fois qu'il aime, dans sa tête, c'est du même amour. Alors elle se dit qu'elle, elle est minuscule dans tout ça.

Elle se dit qu'elle a la même place que tous les autres dans son cœur. Elle se dit qu'elle est même peut-être un peu moins, parce que si Naruto l'a tirée vers le haut au début des Scarecrows en lui donnant sa guitare, il a arrêté depuis longtemps de l'aider. Il n'essaye pas de lui faire voir le soleil comme avec Sakura, il n'essaye pas de la sortir de l'ombre comme avec Sasuke. Il la laisse se débrouiller et s'occupe des autres, de tous ces autres qui ont autant besoin de lui qu'elle.

Alors quand il lui propose de boire un chocolat chaud, quand il l'emmène avec lui pour faire un tour, quand il vient s'asseoir à côté d'elle pour rigoler, ce n'est peut-être rien d'autre qu'une élégante forme d'égoïsme. Parce que Naruto est comme tout le monde : il a besoin des autres pour se sentir exister…

C'est pour cette raison que Hinata n'a pas envie d'y aller, chez lui. Elle n'est plus sûre du sens de tout ça. Elle ne sait plus si elle le suit pour elle ou pour lui. Elle n'a plus aucune idée de ce qu'elle fait là.

Puis il se retourne tout en marchant, il lui envoie un sourire et ses yeux bleus scintillent, et elle se souvient que c'est parce qu'elle l'adore. Alors elle reste, en silence, sans demander ni protester, elle reste simplement pas trop loin et elle grappille les éclats de sa lumière en priant pour que jamais ils ne s'éteignent.

— C'est comment d'avoir une mère ? demande soudain Naruto alors qu'ils arrivent sur le perron de sa maison.

Hinata sursaute. Il aurait pu lui demander l'heure qu'il n'aurait pas changé de ton.

— Euh… C'est… C'est bien.

Brillant, Hinata, songe furieusement la jeune fille en se mordant la lèvre. Ta réponse n'est pas stupide du tout, non non…

— Je ne la vois pas très souvent, en fait, développe-t-elle sous le regard interrogateur et définitivement trop bleu de Naruto. Elle est souvent en tournée avec son orchestre.

— Je vois. Elle sait pour la guitare ?

— Euh… En fait, personne ne sait pour la guitare, s'étrangle Hinata. A part ma petite sœur.

— Et la totalité du lycée, précise Naruto comme s'il n'avait pas conscience d'enfoncer le clou. Tu comptes le dire un jour, à tes parents ?

— Bien… Bien sûr…

Le regard que Naruto lui jette la glace de l'intérieur. Elle a peur soudain, terriblement peur. Pas de l'annoncer à son père, non – pour ça, elle flippera en temps et en heure. Non, ce qui l'effraie brusquement, c'est l'idée de décevoir Naruto. Est-ce qu'il est en train de penser qu'elle est lâche ? Est-ce qu'il se dit que c'est horrible de cacher ça à ses parents ? Est-ce qu'elle vient de baisser dans son estime ?

Elle ne veut pas. Elle ne veut surtout pas. Elle veut que Naruto l'apprécie, qu'il approuve son jeu, qu'il l'encourage à continuer. Elle veut être quelqu'un de bien à ses yeux, pas un cafard rampant incapable d'avouer son hobby à son propre père. Mais au lieu de l'engueuler, Naruto se passe une main sur la nuque.

— Qu'est-ce qui te fait peur ? demande-t-il en la regardant en coin. Que ton père t'interdise de continuer ?

— Euh, je… Oui, peut-être.

— C'est juste de la guitare, signale Naruto.

— Oui mais… Tu sais, les Hyûga ne jouent pas de guitare. On joue du violon, depuis toujours, ou alors on mène des orchestres comme mon père. Le rock, c'est… c'est… Pas pour nous.

— C'est une blague ? s'esclaffe Naruto. Et Neji ?

Hinata se tord les mains.

— Neji, c'est différent. Il… Il a un don, un vrai talent que personne ne peut nier ou renier. Et il n'a jamais déçu personne. Alors que moi…

Naruto se tait. Visiblement, il commence seulement à comprendre que la vie n'est pas super facile pour sa guitariste. Comment aurait-il pu soupçonner une telle chose ? L'univers des Hyûga lui a toujours semblé si beau, si bleu. Scintillant comme du cristal, invulnérable comme de l'acier. Un monument d'éternité et de magnificence.

— Moi, j'ai encore mes preuves à faire si je veux être un jour quelqu'un de bien, poursuit Hinata sans quitter le sol des yeux. En attendant…

Elle s'interrompt et rougit, comme si elle venait seulement de remarquer qu'elle en disait trop. Un silence gêné s'installe, les deux ados regardent ailleurs, Naruto se frotte la nuque. Puis il toussote et affirme :

— Tu sais, tu es déjà quelqu'un de bien.

Hinata le regarde bouche bée, trop sous le choc pour enregistrer l'information immédiatement. Puis le déclic se fait et ses joues s'enflamment encore plus. C'est une véritable éruption volcanique. Naruto est stupéfait.

— Mais… Mais… bredouille Hinata, brusquement au bord des larmes. Mais qui es-tu pour te permettre de me dire une chose pareille, Naruto ?

Alors celle-là, Naruto ne l'a pas vue venir. Il bat des cils, ouvre la bouche, la referme, l'ouvre à nouveau. Effectivement, quel droit a-t-il ?

— Tu… tu ne me connais pas, sanglote Hinata. Tu ne me connais pas !

Et elle pleure encore plus, ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas pleuré comme ça. Complètement perdu, Naruto agite les bras dans tous les sens sans savoir quoi faire, finit par ouvrir la porte et entraîner Hinata jusqu'à la cuisine. Là, il la pousse sur une chaise et s'affaire à lui préparer un chocolat chaud, la laissant calmer ses pleurs en reniflant comme une malheureuse.
Quelqu'un de bien ? se répète-t-elle en boucle. Quelqu'un de bien ? Qui pourrait jamais le lui affirmer en étant juste ? De la bouche de qui pourrait-elle jamais entendre ces paroles en les sachant vraies ? Que Naruto les aient dites avec tant de facilité lui tord le ventre. Il ne se rend pas compte. Il ne se rend pas compte !

Il ne se rend pas compte de combien ce jugement est important pour elle – combien son jugement est important pour elle. Il n'en sait rien, Naruto, il ne l'imagine même pas, il balance ses compliments à la pelle autour de lui sans se douter que plus ils sont dits moins ils ont de valeur et – et soudain – et soudain elle comprend, Hinata, elle comprend – elle l'aime.

Naruto. Elle aime Naruto. Elle l'aime.

Elle ne comprend pas pourquoi c'est maintenant qu'elle le découvre. Elle ne comprend pas comment l'admiration s'est transformée en amour. Elle ne comprend pas quand tout ça a changé. Elle ne se comprend pas, elle ne le comprend pas ; tout ce qu'elle comprend c'est que Hinata Hyûga est tombée amoureuse de Naruto Uzumaki. Oh pitié, pense-t-elle désespérément en serrant son mouchoir contre sa bouche, pitié pas ça… Mais c'est trop tard.

Elle a compris.

— J'suis désolé, dit Naruto en revenant.

Il pose une tasse devant elle et s'assoit. Il a l'air un peu piteux, et décidé en même temps.

— T'as raison, j'ai pas le droit de dire un truc pareil, continue-t-il. Mais tu sais, Hinata, j'espère qu'un jour, je pourrais te le redire et que ce jour-là, j'aurais le droit.

Hinata le regarde, elle sait que ce qu'il vient de lui dire est important, mais elle n'arrive pas à l'assimiler là, maintenant. Elle ne voit que ses yeux bleus, et se demande depuis quand elle pense à eux dès qu'elle regarde le ciel. Elle ne voit que ses cheveux blonds, et se demande depuis quand elle a envie de savoir s'ils sont aussi emmêlés qu'il n'y paraît. Elle ne voit que la peau tannée de son visage et se demande depuis quand elle est curieuse de la sentir sous ses doigts.

Elle est amoureuse. Quelle idiote. Elle n'avait vraiment pas besoin de ça. Non mais quelle idiote !

La porte d'entrée claque soudain, et Naruto bondit sur ses pieds pour accueillir son père à bras ouverts. Hinata entend les voix, les bruits de pas, puis Minato Uzumaki entre dans la cuisine et la salue avec un grand sourire. Il ressemble tellement à Naruto que Hinata en perd les mots. Minato ne s'en formalise pas et se tourne à nouveau vers son fils qui lui raconte la dernière répète des Scarecrows, il a les yeux amusés et le sourire chaleureux d'un père qui est fier de son fils.

Et ç'en est trop soudain. Ce tableau qu'elle a sous les yeux, Hinata ne le supporte plus : elle pense à son père, elle pense à son regard métallique, elle pense à la dernière fois qu'il lui a souri et ne s'en souvient plus et quelque chose l'étrangle comme un câble d'acier resserré autour de sa gorge, alors elle se lève d'un bond, s'excuse et part en courant.
Elle n'aurait pas dû venir, non, vraiment, elle n'aurait pas dû.



Le lendemain, elle va retrouver Kiba au pied d'un arbre dans la cour. Elle laisse tomber sa guitare dans l'herbe, s'effondre à côté et dit :

— Tu avais raison. Tomber amoureux, c'est vraiment la plus belle connerie de l'humanité.

Alors Kiba tend un bras et la serre contre lui sans un mot.






Bon, je suis désolée, ce chapitre est un peu beaucoup déstructuré. Sérieusement, je vais faire le prochain en m'appliquant. Promis !
En attendant merci d'avoir lu et à la prochaine peut-être !




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