Fiction: Six Cordes Métalliques (terminée)

Dans le lycée d'Hinata, la gloire suprême, c'est d'être sélectionné pour participer au grand concours de musique de fin d'année. C'est pour ça que quand Naruto relève aussitôt le défi qu'on lui balance au visage, Hinata marche aussi : monter un groupe et écraser le boy's band de Sasuke aux Portes Ouvertes ? Easy !
Humour / Romance | Mots: 113352 | Comments: 74 | Favs: 33
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NeN (Masculin), le 03/06/2014
Brad Paisley – Whiskey Lullaby
Miles Davis & John Coltrane – Kind of Blue
Natalia Kills – Wonderland (j'ai pas dit que je mettrais que de la bonne musique…)
Kiss – Love it Loud
The Rolling Stones – Gimme Shelter




Chapitre 3: Sandblast



Neji s'est calé dans l'encadrement d'une fenêtre, son violon blotti contre lui. La pièce est illuminée par la nuit, immense et vide, et sous ses doigts les cordes d'acier frémissent en adagio. Il chante, il chante à mi-voix, sans penser à rien d'autre qu'à son morceau et à ses cordes qu'il pince doucement, tout doucement, pour ne pas brusquer la musique qui se promène sur le parquet.

We found him with his face down in the pillow

With a note that said I'll love her till I die

And when we buried him beneath the willow

The angels sang a whiskey lullaby…


C'est une berceuse, une jolie berceuse triste qui raconte l'histoire d'un amour silencieux, une berceuse qui parle de mort et d'éternité et qui reprend sa mélodie sans paroles entre chaque couplet avec une fragilité si pure qu'elle frissonne entre ses lèvres entrouvertes :

— Da da da, da da da da da da… Da da da, da da da da da daaa….

Et l'histoire se poursuit, enfouissant l'amoureux éconduit dans de lointains échos pour relater le désespoir coupable de cette fille qui ne parvient pas plus que lui à libérer son esprit, for years and years she tried jusqu'à ce que comme lui elle ne cherche le salut dans la pression d'une gâchette contre sa tempe and finally drank away his memory, puisque la vie est courte mais que cette fois, cette fois, c'était bien plus grand que la force qu'elle aurait pu avoir pour se relever ; on l'enterra près du saule et à sa cime les anges chantaient leur berceuse à l'enivrant parfum de whisky…

Da da da, da da da da da da… Da da da, da da da da da daaa….

Puisque la vie est courte mais que cette fois, c'était bien plus grand que…

*


Le filet d'eau coule sur ses mains en chantonnant doucement. Le froid lui fait du bien. Hinata s'est défoncé la pulpe des doigts à force de s'entraîner : elle n'est pas habituée à enfoncer les cordes comme ça, elles sont dix fois plus rigides que celles de son violon, l'acier lui rentre dans la chair.

Faut dire aussi qu'elle n'a pas osé brancher sa guitare, alors elle a joué dans le vide et elle n'a aucune idée de la pression qu'elle doit apposer sur l'instrument. Mais ça attendra le lycée : hors de question de brailler de l'accord dans cette maison aux minces murs de placoplâtre. Autant attendre le dernier moment pour informer sa famille de son changement d'orientation…

La rougeur de ses doigts s'estompe à peine, mais Hinata finit par refermer le robinet et enroule une serviette autour de sa main. La guitare violette est posée sur son lit, scintillante, et elle a du mal à s'en éloigner. Impossible d'y retoucher ce soir pourtant, elle a trop mal et ça ne l'avancerait à rien de se faire saigner.
Ça ne l'a avancée à rien pour le violon.

Pas question de répéter les mêmes erreurs, elle décide, Hinata. Pas question de se traîner des préceptes tordus et des démarches inutiles. Cette fois, cette fois… Elle fait les choses à sa manière. Ça va faire un mois que Naruto lui a refilé cette guitare, un mois qu'elle apprend en autodidacte en s'aidant des tutoriaux qu'elle déniche sur Nicovideo, un mois qu'elle pratique en douce dans la salle de musique déserte du lycée après les cours. Et en un mois, franchement, elle a l'impression d'avoir plus progressé qu'en douze ans de violon.

Ces douze ans, pourtant, n'auront pas été vains : ça l'a même carrément aidée à s'en sortir. Les notes sont les mêmes, le doigté aussi : restait à s'habituer à la posture et à ces foutues cordes qui lui massacrent les doigts. Mais ses doigts… Hinata ouvre les mains et observe la corne qui s'est lentement formée sur sa chair, puis elle sourit. Elle en est fière, plus fière que de quoi que ce soit d'autre. C'est con, c'est juste une croûte disgracieuse plaquée sur le chaton de ses jolis doigts de violoniste. Mais n'empêche !

Ses progrès en guitare électrique, c'est ce qui a illuminé ces dernières semaines. C'est ce qui l'a aidée à supporter les répétitions avec les Scarecrows, toujours aussi laborieuses, les regards des autres et les miaulements insupportables de son violon en cours de solfège. C'est son secret, son super secret de la mort qui tue.

Naruto et elle n'ont pas encore mis Tenten dans le coup. Hinata veut attendre de maîtriser un peu mieux son nouvel instrument, histoire d'avoir l'air de quelque chose avant de venir frimer. En attendant, elle sert de support vocal pour les exercices des deux autres, déterminés à s'accorder envers et contre tout. Naruto galère encore un peu, le rythme de Tenten est toujours trop soutenu pour ses hésitations, mais en même temps ça le force à se bouger le cul et à placer la barre un peu plus haut à chaque jour qui passe.

Ils se battent, se dit Hinata en jetant la serviette sur son lit. Ils s'accrochent. Ça va aller. On va finir par s'entendre. On va finir par s'écouter. Et le groupe trouvera son unité un de ces jours.

Son bras se tend machinalement vers la guitare violette étendue contre son oreiller, mais elle se retient de justesse et va plutôt se caler devant son ordinateur. A force de fouiller le net pour trouver de l'inspiration, elle a fini par constituer un amoncellement considérable de dossiers et ses influences se multiplient sans cesse. Le rock, elle en a déjà vingt giga-octets ; quant aux deux tonnes et demi de musique classique, elles sont reléguées au placard jusqu'à nouvel ordre – place à la nouveauté !

Et la nouveauté, là, c'est la musique électronique qu'elle découvre tout juste. C'est fou comme se décaler de quelques centimètres peut tout changer dans la façon qu'on a d'aborder le monde. Un mois plus tôt, ce style lui évoquait simplement un fatras de sons artificiels uniquement destinés à faire s'agiter les ados branchés sur une piste de danse. Maintenant, elle a découvert Daft Punk et elle rectifie : c'est effectivement un fatras de sons artificiels, mais dieu que ça peut être élégant…

Plus que ça encore : la musique électronique la fascine. Elle lui fait voir un univers futuriste qu'elle n'avait jamais soupçonné, un nouveau monde bleu et brillant, inventif et électrique, dans lequel le son n'a pas de limite. Alors elle se rappelle : la vraie musique, c'est tout ce qui construit quelque chose. Peu importe si c'est du classique, du jazz, du rock ou de l'electro.

Tant qu'elle peint…

*


Tenten fait claquer la bulle de son chewing-gum, rabat sa frange en arrière d'un mouvement ferme du menton et passe la tête dans l'encadrement de la salle des 3-B. Cible repérée, parfait. Ni une ni deux, elle range ses baguettes dans sa poche et passe le seuil en direction de l'élève plongé dans ses devoirs, au premier rang.

— Hey, Sai !

Le type relève la tête puis ajuste ses lunettes à grosse monture noire sur la fine arête de son nez. Il a toujours eu un charme particulier, Sai. Un charme en noir et blanc, rehaussé par les couleurs vives des foulards qu'il enroule quotidiennement autour de son cou trop mince. Tenten a toujours envié sa peau de fille, l'équilibre de son visage, le calme de ses yeux d'encre. Finalement, ce mec, avec son atmosphère inconsciemment distinguée et son impassibilité attentive, c'est un peu son parfait opposé.

Ce qui lui fait penser qu'au fond, Neji et elle, ils se ressemblent plus que prévu. Parce que Neji est bien moins neutre que Sai.

— Tenten, salue-t-il en laissant son stylo en suspension au-dessus de son cahier.

— Dis-moi, t'aurais pas envie de jouer dans un groupe ?

Cash. Elle est comme ça, Tenten : à ne jamais passer par quatre chemins. Le point positif, c'est que ça la rend incapable d'être hypocrite. Sai a levé des sourcils surpris : certes, il joue du violon, et plutôt bien sans fausse modestie, mais de là à ce que Tenten l'imagine dans son petit gang de rock branlant…

— J'ai pas le temps pour ça, Tenten.

— Non, sérieusement ! On a vraiment besoin d'un mélodique.

— Je croyais que tu avais Hinata Hyûga.

— Ouais, je croyais aussi, grogne Tenten.

Que Hinata ne veuille pas jouer du violon au sein d'un groupe n'étonne pas Sai outre mesure. Cette fille, c'est à peine s'il a entendu sa voix deux fois depuis qu'il la connaît, alors qu'elle se produise sur scène… Mais ça ne change rien : il n'a pas l'intention de bousculer sa vie pour intégrer les Scarecrows.

— J'ai d'autres projets, explique-t-il. Navré.

— Navré, mon cul, fulmine Tenten en se redressant. Tu le regretteras le jour où on sera célèbres !

Mais Sai sourit :

— Je serais trop occupé à vous acclamer dans la foule pour avoir des regrets.

Tenten n'apprécie pas la remarque à sa juste valeur, elle a trop les nerfs. Elle laisse là le violoniste et repart en direction du self où Naruto et Hinata sont attablés l'un en face de l'autre, occupés à remuer tristement le contenu de leurs assiettes du bout de leurs fourchettes. Sans un mot, Tenten se laisse tomber sur une chaise et pousse un long soupir.

— Alors ? demande-t-elle ensuite.

— Chou blanc, se désole Naruto.

— Putain… On va jamais y arriver.

Devant elle, Naruto et Hinata échangent un regard furtif : oui, il va bientôt être temps de sortir du placard et de proposer une alternative à leur batteuse. Mais Hinata ravale sa lèvre, elle a la trouille. Ça ne fait qu'un mois, il lui reste encore tellement de chemin à parcourir pour prétendre être une guitariste digne de ce nom…

Tenten se met à piocher dans leurs assiettes d'un air pensif, avalant les beignets d'aubergine les uns après les autres. En fait, ce qui l'embête, c'est autant le fait qu'il leur manque un membre que l'ambiance entre eux, encore bancale. C'est une première qu'elle soit dérangée par ce genre de truc : comme tout le monde sait, Tenten n'a jamais eu besoin de se sentir bien dans une communauté pour vivre. Mais là, c'est pas seulement une bande de potes, c'est un groupe de musique, de collaborateurs, de…

Elle s'en fait pour rien, en fait. D'accord, ils ne sont pas copains comme cochons, mais le simple naturel qui les réunit autour de cette table de self prouve bien qu'ils ont réussi à créer quelque chose depuis le mois dernier. Il leur manque sans doute encore un peu de cohésion, de coopération aussi, et d'expérience plus sûrement…

Tenten avale le dernier beignet de Naruto, déjà revenue à son premier sujet de préoccupation. Elle veut absolument trouver la solution, elle veut continuer à penser qu'elle n'a pas fait une erreur en s'ajoutant à ce groupe si mal parti un mois plus tôt. C'est parce qu'elle y croit encore qu'elle s'en fout des vannes lancées sur leur passage et des regards péteux des Hawks.

D'ailleurs ils arrivent, les Hawks, suivis de leurs deux groupies les plus fidèles. Parfait, la journée peut officiellement être déclarée comme complètement pourrie.

— Tenten ! la salue jovialement Lee. Tu as trouvé ton mélodique ?

— J't'en pose des questions ? râle Tenten alors que le groupe approche.

C'est la dernière fois qu'ils s'installent à cette table. Elle est sur le chemin de la sortie et c'est pas le plus pratique pour éviter les emmerdeurs. S'il n'y avait que Lee, encore, ça passerait : Tenten l'aime bien, ce mec, et c'est réciproque. La fraternité innée entre batteurs, sans aucun doute. Mais il y a aussi…

— Oooh, l'ambiance n'a pas l'air d'être au top, rigole Ino en écarquillant ses grands yeux de vache.

— Ta gueule, blondasse fadasse !

— Est-ce qu'on peut juste continuer notre chemin vers la sortie sans déclencher un conflit mondial ? soupire Shikamaru.

Mais comme d'hab, personne ne l'écoute, et encore moins Ino et Sakura qui sont prêtes à tout pour ne pas perdre la face. Ça rigole pas, la domination féminine. Question d'honneur, ou d'orgueil mal placé plus certainement.

— Jalouse ? lance Ino d'un air dangereux.

— Hein, de toi ? fait Tenten avec un éclat de rire impitoyable. Mais bien sûr ! Allez, t'es gentille, va jouer dans un mixer.

— Dis donc, tu te prends pour qui ? s'enflamme Ino tandis que derrière, Neji et Shikamaru lèvent les yeux au ciel – les disputes de filles, ça les a toujours gonflés.

— Sérieusement, t'as rien d'autre à faire ? réplique Tenten. Allez te coiffer, chercher une corde, te promener sur l'autoroute ?

— T'es vraiment une excitée, toi, remarque Sasuke, plus en observateur qu'en agresseur.

— Un problème, le bourge ? intervient aussitôt Naruto.

— Personne t'a sonné, tocard !

— Vous allez pas vous y mettre ! s'exaspère Shikamaru.

— C'est eux qui ont commencé, proteste Kiba.

— De quoi ? Si vous nous aviez pas ramené votre pétasse de service, rien ne…

— Pétasse toi-même, le garçon manqué !

— Tu sais ce qu'il te dit, le garçon manqué ?!

— Ho, baisse d'un ton, intervient Sasuke que cette histoire saoule à bloc. C'est pas parce que tu te crois la meilleure en batterie que ça te donne le droit de…

— Parce que tu t'imagines être un dieu de la guitare ? Espèce de… de… Francis Lalanne à la manque !

— Dit celle qui chante pas mieux que Frigide Bardot !

— Tu veux jouer à ça, monsieur J'me-la-pète-grave ? Justin Bieber !

— Rebecca Black !

— Booba !

— Diam's !

— Bill Kaulitz !

— Ah non, stop, intervient Shikamaru. Ça va vraiment trop loin, là.

— Il neige, s'émerveille soudain Hinata.

La basse-cour la ferme enfin et se tourne vers les baies vitrées : mais c'est que c'est vrai ! Les premiers flocons de l'hiver tombent doucement à l'extérieur, ravissant les élèves dans la cour en contrebas. Quelques mains se tendent, les visages s'éclairent et cinq mètres au-dessus, le tas d'ados braillards se détend inconsciemment. Lorsqu'ils détachent leurs regards des fenêtres pour en revenir à la scène, la motivation fait soudain défaut.

— De toute façon, vous ne pourrez tenir tête aux Hawks que le jour où vous serez un groupe, balance Ino alors que la troupe se remet enfin en mouvement vers la sortie. Un vrai groupe.

Elle se retourne en faisant voler ses longs cheveux blonds et repart la tête haute. Dans son dos, Naruto et Tenten lui adressent la même grimace inspirée. Connasse.

*


Ils retournent dans leur studio en traînant un peu les pieds. Leurs répétitions sont encore loin d'être productives et en dépit de l'aide d'Asuma qui semble les avoir pris en pitié depuis le jour où il est passé récupérer son saxophone alors qu'ils ramaient sur l'intro de I Was Made for Loving You, ils stagnent. Hinata a laissé tombé la rédaction de sa chanson, c'est plus la priorité, et cherche des morceaux susceptibles de débloquer enfin le combo basse/batterie ; Tenten évacue sa frustration pendant les intercours en tabassant ses livres de maths et Naruto passe ses nuits à faire et refaire ses riffs.

— Bon, c'est parti, clame ce dernier en rassemblant sa motivation – et il en faut parfois. On en était à la première mesure de Under Pressure

Ça, c'est aussi Hinata qui l'a trouvé. Elle n'aime pas trop Queen d'habitude, mais pour le coup ce morceau est un bon moyen de faire bosser sa régularité à Naruto puisque la ligne de basse est ultra répétitive et pour Tenten, ça la force à y aller mollo.

Hinata va allumer le synthé installé dans un coin pendant que les deux autres déballent leur matos. Comme tout le monde dans ce lycée, elle sait plus ou moins se servir d'un piano comme elle sait plus ou moins chanter et c'est vachement pratique pour remplacer le mélodique qui manque. Elle met quelques instants à placer ses mains, puis attend que Naruto commence pour lancer la mesure. Dum dum dum dududu dum, Dum dum dum dududu dum, le riff se met en place dans la pièce, Tenten approuve en marquant les temps du menton et patiente encore un peu avant de se mettre à jouer à son tour.

Dum dum dum dududu dum, dum dum dum dududu dum, dum dum dum dududu dum… C'est de plus en plus harmonieux, Naruto s'est entraîné, ça s'entend. Hinata pianote en imaginant que c'est sa guitare violette sous ses doigts, elle écrit la tablature dans sa tête et rectifie mentalement la position de son coude – elle a tendance à l'ouvrir beaucoup trop. Elle a soudain envie d'envoyer ce synthé sur les roses et de sortir la guitare cachée dans le placard.

— Et merde, jure Naruto lorsqu'il se plante enfin.

— On recommence, claque Tenten du tac au tac.

Et ils recommencent, encore, encore et encore, jusqu'à ce qu'ils craquent et lâchent leurs instruments en retenant une bordée d'insultes. C'est tellement frustrant de marcher au pas alors qu'on a qu'une envie, se mettre à courir. La voix snobinarde d'Ino revient les hanter et ils évacuent leur irritation en se mettant à musicouiller chacun sur leur instrument, gling gling, bang bang, clong clong, jusqu'à ce que Naruto pousse un long soupire qui fait voler sa frange.

— On piétine. On a besoin d'air. D'air neuf.

*


— Fermez pas !

Asuma tient machinalement la porte et percute après coup que ce sont ses trois élèves qui se carapatent en courant, alors il ressort et beugle :

— Vous ne répétez pas ce soir ?

— Non, on fait une pause ! braille Naruto en retour.

— Oh… Bonne idée.

— On sait, m'sieur ! J'ai que de bonnes idées !

Asuma sourit, mais les jeunes sont déjà loin. Il se sent fier d'eux tout à coup : c'est pas évident de comprendre qu'il faut savoir s'arrêter quand on est plongé dans les répètes, et encore moins quand le niveau est aussi inquiétant que le leur. C'est bien qu'ils aient eu la maturité nécessaire pour voir ça.

Tout content, Asuma retourne à l'intérieur et rejoint son studio en sifflotant. Il ne s'est même pas rendu compte qu'il parle des Scarecrows comme s'ils étaient son groupe attitré. Faut croire qu'il s'est autoproclamé mentor.
Sur le trottoir, le petit trio cavale en direction de la vieille ville en prenant à peine le temps d'éviter les passants. Ils finissent par ralentir en arrivant au niveau des premiers bâtiments de pierre séculaire et Naruto prend la tête de la troupe en zieutant à droite à gauche pour être sûr de ne pas se perdre.

— On va où ? demande enfin Tenten en accélérant le pas pour se caler à sa hauteur.

— Dans un club de jazz, c'est par là je crois…

— De jazz ?!

— Il nous faut un avis extérieur, renvoie Naruto en vérifiant que la voie est libre avant d'entraîner les deux filles sur un passage piéton. Rencontrer du monde, sortir un peu de notre école et du rock.

Tenten a l'air prête à protester, mais elle se tait finalement et se contente de faire signe à Hinata d'accélérer un peu. La nuit tombe maintenant, les lampadaires s'allument les uns après les autres le long de rues pavées et les murs humides d'une vielle église se dressent comme une muraille à leur droite. Naruto les emmène dans des venelles de plus en plus étroites, bordées de façades tordues et de pubs aux enseignes en bois, puis il repère enfin ce qu'il cherchait.

C'est un club comme il y en a des dizaines en ville, un petit machin au rez-de-chaussée aménagé en bar et à la cave transformée en minuscule salle de représentation. Il n'y a pas grand monde derrière les vitrines, à peine une serveuse et trois types en costume, mais Naruto ne s'attarde pas et traverse la pièce directement en direction de l'escalier en colimaçon qui descend au sous-sol. Au passage, Tenten attrape un prospectus posé sur le bar et jette un œil au nom du groupe en activité plus bas : Sandblast. Jamais entendu parler.

— C'est qui ces gens ? demande-t-elle alors qu'ils descendent les marches vers la musique qui se fait déjà entendre.

— Un pote à moi, son frère et sa sœur. Ils sont au Conservatoire.

— RIP, commente Tenten.

Naruto ne répond pas et arrive le premier dans la cave plongée dans l'obscurité. Elle est entièrement recouverte de rangées de sièges tous occupés et au fond, sur une estrade inondée de lumière jaune, trois adolescents jouent un célèbre morceau de jazz modal. Hinata tend le cou pour mieux les voir : il y a d'abord un grand type massif, un peu rusteau avec son large nez et ses traits épais, dont les immenses mains de bûcheron volent avec une dextérité inattendue au-dessus d'une énorme contrebasse. A côté de lui, un garçon plus jeune est assis devant un piano noir et sa silhouette souple contraste violemment avec celle plus massive du contrebassiste ; ses cheveux étonnamment rouges brillent sous la lumière des spots et ça perturbe un peu Hinata qui n'a jamais vu une telle couleur. Et enfin, entre eux deux, un peu plus en avant sur la scène, une grande blonde habillée d'une chemise d'homme et d'un jean trop large souffle puissamment dans un saxophone luisant : elle est si concentrée qu'une pellicule de sueur a recouvert son front.

— J'y crois pas, croasse alors Tenten. C'est Temari !

— Tu la connais ? sursaute Naruto.

— Le truc de dingue ! Elle a pas changé d'un pec !

Les spectateurs commencent à se tourner vers eux avec des "chut !" désapprobateurs, alors Naruto entraîne Tenten et Hinata contre le mur pour être tranquilles. Ils se tassent bien et se tournent vers la scène : la musique ondule élégamment entre les voûtes de la cave, c'est nouveau et exotique pour eux, beaucoup plus calme, ça change et ça fait du bien. Hinata se réjouit d'être là soudain, elle n'a pas si souvent que ça eu l'occasion d'écouter du jazz. A côté d'elle, Naruto et Tenten ont recommencé à chuchoter et ils passent tout le concert à s'interroger à voix basse, sous le regard perplexe de Hinata qui pour le coup, se sent un peu exclue :

— Tu la connais d'où ?

— On était dans le même collège, dans la banlieue pourrie vers le centre commercial. Et toi ?

— C'est à cause de mon père… Tu savais que Temari faisait de la musique ?

— Ben, à l'époque où on se fréquentait, elle économisait comme une dingue pour s'acheter un saxo, mais j'pensais pas qu'elle y arriverait un jour… Par contre, Gaara jouait déjà comme un dieu. C'est quoi, du manouche ?

— Non, c'est du modal.

— C'est quoi la différence ?

— Le jazz modal s'appuie sur la musique exotique. Il utilise peu d'accords, ça laisse une grande liberté d'improvisation…

— On dirait la musique qu'ils passent dans les ascenseurs.

La remarque afflige un peu Hinata, mais elle n'a pas le temps de trouver quoi dire puisque ça y est, c'est déjà fini. Les spectateurs se lèvent en applaudissant généreusement, les trois musiciens sourient, la salle commence à se vider et c'est tellement petit que Naruto n'arrive pas à se dégager de son coin de mur avant que la moitié des gens ne soit engouffrée dans l'escalier. Lorsqu'il parvient enfin à écarter deux petits vieux, Tenten le bouscule et se précipite vers la scène :

— Ohé ! Tema !

La saxophoniste relève les yeux de son instrument qu'elle était occupée à démonter, reconnaît Naruto puis remarque la grande brune aux fringues bigarrées qui agite les bras à côté. Deux secondes de bug, puis c'est la révélation :

— Non ! Tenten ?

— Eh ouais ! Salut ma poule !

Les deux filles se rentre dedans et s'étranglent à moitié. C'est les grandes retrouvailles.

— J'y crois pas, t'as encore tes chignons !

— Tu peux parler ! s'esclaffe Tenten en tirant sur l'une des quatre couettes qui pétaradent sur la tête de son amie.

— Ha ha !

Elles se dévorent des yeux, n'en reviennent toujours pas, se bousculent comme deux gamines, puis les deux autres musiciens s'approchent et lèvent la main pour signaler leur présence à Tenten :

— Yo !

Tenten saute sur place, serre brièvement Gaara dans ses bras et échange une drôle de poignée de main avec Kankurô. Hinata essaye de suivre : ils cognent leurs poings en haut, puis en bas, puis jointures contre jointures et achèvent leur petit mouvement en agitant leurs doigts grands ouverts devant leurs sourires béats.

— Putain, comment ça fait du bien de vous revoir !

— Alors, t'as entretenu ton arabe ? rigole Temari en la bousculant pour ramener à elle son attention.

— Tu parles si je l'ai entretenu ! Attends, écoute ça : Lahmou l-jamal, min fadlik.

— Qu'est-ce qu'elle vient de dire ? demande Hinata sans trop savoir à qui tandis que Temari félicite la polyglotte avec de grandes claques dans le dos.

— "Viande de chameau pour moi, s'il vous plaît", traduit posément Gaara. Je ne veux pas savoir pourquoi Temari lui a appris cette phrase.

Naruto peut enfin les saluer à son tour, il présent Hinata, les félicite pour leur show et c'est reparti pour dix minutes d'effusions. Kankurô finit par proposer d'aller chercher à boire et Hinata lui emboîte le pas en profitant de l'occasion pour s'échapper un instant. Elle se sent de trop soudain.

Lorsqu'ils sont tous assis sur le rebord de l'estrade avec un verre de bière glacée, le calme revient enfin. Il n'y a plus qu'eux dans la cave, eux et les instruments abandonnés sous les spots jaunes.

— Et alors ? Pourquoi tu nous présentes ton groupe ? demande Gaara qui se doute bien qu'ils ne sont pas là pour la déco.

— Ah… Mmmh… On voulait vous demander comment vous avez fait, au début.

— Ah… D'accord, comprend aussitôt Gaara.

Il n'a jamais eu besoin de beaucoup pour cerner ce qu'il y a dans la tête des gens. Hinata se tortille, elle est mal à l'aise. Elle se sent de nouveau minuscule face à ce groupe déjà suffisamment bon pour jouer dans les bars.

— Le… Le fait d'être frères et sœurs a dû vous aider, non ? demande-t-elle timidement.

Le trio se regarde, puis ricane.

— Plutôt l'inverse. OK, c'est plus pratique quand il s'agit de se balancer ses quatre vérités, mais par contre, se supporter vingt-quatre heures sur vingt-quatre…

— Non, ce qui aide, c'est la régularité, la persévérance, la prise de distance… Mais ça, vous le savez.

— Il faut du temps pour s'accorder, même quand on se connaît bien, approuve Kankurô. Y'à une différence immense entre jouer seul et jouer avec quelqu'un.

Au tour de Tenten de se tortiller. Elle sait bien que c'est précisément là qu'elle a du mal. Paradoxe, quand on y pense : une batterie, ça joue rarement seul. D'où la conclusion qui émerge de la bouche de Temari :

— Ouais, faut apprendre à faire confiance. C'est loin d'être facile. Mais c'est le seul moyen d'aller quelque part. Dites-vous toujours ce qui ne va pas, et dans la mesure du possible ne vous cachez rien…

Naruto et Hinata échangent un regard par-dessus la tête de Gaara. La guitare violette cachée dans le placard de leur studio d'entraînement revient les hanter. Tenten n'a rien rodé, elle enchaîne déjà :

— Ouais, et ça prend combien de temps tout ça ? Parce qu'on a une deadline en avril, mes chéris…

*


Sandblast est reparti, ils ont cours demain et une dissert d'anglais à finir. Hinata, Naruto et Tenten se retrouvent un peu seuls sur le pavé, avec le club qui ferme ses portes derrière eux et la nuit qui s'épaissit devant eux. En silence, ils regardent les voitures passer plus loin et se demandent comment leur rencontre de ce soir les aidera pour leur propre groupe. Ils ont l'impression que le chemin qu'il leur reste à parcourir est interminable et ça les assomme sur les bords.

Puis Tenten se secoue, bondit du trottoir et se redresse de toute sa hauteur au milieu de la route :

— Vous savez quoi ? lance-t-elle alors. J'pense qu'on a besoin de se défouler un grand coup !

— Carrément d'accord ! approuve Naruto en la rejoignant sur la route.

— Alors tous en boîte !

— Hein ? sursaute Hinata qui était déjà en train de chercher une excuse à sortir à son père pour le retard.

*


Dans le fond, c'est pas con comme idée : une petite soirée rien que tous les trois pour partager un truc sans le poids parfois écrasant de leur musique. C'est d'ailleurs la première fois qu'ils font un truc ensemble en-dehors des répètes, mais cette observation se rassure pas vraiment Hinata et elle bouffe la peau de ses ongles avec encore plus d'ardeur alors qu'autour d'elle, l'agitation s'intensifie.

Ils sont calés dans une file d'attente délimitée par quelques barrières métalliques, en plein milieu d'une rue envahie par la nuit et les fêtards. Devant eux, il y a une porte de secours devant laquelle un mec en pull noir monte la garde et les basses s'en échappent pour venir retentir sur le trottoir, juste sous les pieds de Hinata.
Elle est à moitié écrasée par la foule de jeunes venus trépigner à l'entrée de la boîte et se décale encore un peu pour se rapprocher de Naruto, adossé à la façade décrépite de l'immeuble. A côté de lui, Tenten engloutit une nouvelle rasade de Manzana et se tourne vers Hinata qui tire sur ses vêtements avec nervosité ; elle se plante alors devant elle en rabattant sa frange en arrière :

— Bon, relax, Hina, baby. En boîte, le principe c'est que tu t'en fous de tout. Tu t'en fous de ce à quoi tu ressembles, tu t'en fous de ce que tu es, tu t'en fous de ce que pensent les autres. Tu danses et c'est tout !

Elle lui cale de force la bouteille dans les mains et lui ordonne de boire en prétextant que ça l'aidera à se décomplexer. Hinata avale une gorgée, tousse un peu et en prend une seconde. Elle se dit que c'est pas dégueu, ce truc à la pomme, mais l'idée d'en abuser l'effraie et elle rend la bouteille à Naruto qui en avale un bon cinquième cul sec avant de fourrer le reste dans une poubelle. Il ne reste plus qu'un petit groupe devant eux et Tenten commence déjà à enlever son blouson ; elle adresse un grand sourire au videur qui les fait entrer et pousse Hinata dans le dos pour lui faire passer le pas de la porte.

Hinata a l'impression d'être enfournée dans un brasier. Tout est noir et rouge, il fait chaud et il y a tellement de monde qu'elle ne comprend même pas comment Tenten arrive à s'orienter entre les murs tagués. Elles arrivent pourtant devant un comptoir sur lequel elles laissent leurs affaires et rejoignent Naruto qui les attend plus loin en fourrant leurs tickets dans leur poche alors que les basses reprennent de plus belle ; Naruto et Tenten sautent déjà sur place et se tournent vers Hinata pour la prendre chacun par un bras :

— T'inquiète, on reste près de toi !

La pression de leurs mains sur elle la rassure et elle se laisse entraîner dans un couloir enfumé. Lorsqu'ils émergent dans la salle de danse, la chaleur est encore plus forte que dans le vestiaire ; la masse des corps en ébullition est si dense, la musique si forte et les effluves des parfums si intense que Hinata a l'impression que tout se mêle en une masse confuse et mouvante qu'elle traverse dans un état second.

Naruto et Tenten dansent déjà, aussitôt gagnés par l'euphorie, et elle se sent un peu abandonnée. Un regard à droite, un regard à gauche, oui, elle est bien la seule à rester plantée là sans bouger, alors elle s'efforce de gigoter pour donner le change. Pas très convaincant. Elle ne sait pas quoi faire de son corps, c'est le flou total, puis le salut vient de Tenten qui jaillit soudain et attrape ses poignets pour la faire bouger en même temps qu'elle. Elle est complètement dans l'ambiance, Hinata a l'impression d'être une extra-terrestre et l'observe chanter allègrement par-dessus la musique :

— I don't believe in fairy tales, I don't believe in fairy tales, I don't believe in fairy tales… But I belieeeve in youuu and me !

Son enthousiasme est si communicatif que Hinata se laisse enfin prendre au jeu et se décoince peu à peu. Après tout, personne ne sait danser ici, pas la place de toute façon, alors suffit de se laisser aller et hop, pas chassés, on se déhanche un peu, on imite Tenten, on tourbillonne, on s'imprègne du tempo, pas chassé, pas croisé, c'est vrai que c'est sympa, on fait voler sa chevelure, on pivote, on se trémousse, on saute sur place et on lève les bras, attention, refrain en approche, alors on brandit le poing et on gueule en chœur !

— Take me to Wonderland ! Take me to, take me to, take me to Wonderland ! Take me to, take me to…

— Wonderland, Wonderland, Wonderland !

Tout n'est plus qu'une immense et magnifique explosion. Hinata virevolte, sautille, attrape la main que lui tend encore Tenten et s'envole haut dans les airs. Elle n'a plus envie de s'arrêter, plus envie de ralentir, elle veut juste danser, danser, danser, jusqu'à l'épuisement, jusqu'à tout oublier, jusqu'à se métamorphoser en l'une de ces notes qui retentissent si profondément en elle qu'elle sent son cœur trépider au rythme des basses et elle hurle !

Naruto vient se caler près d'elles lorsqu'un type fait mine de s'immiscer et leur petit triangle bondit avec plus d'énergie que jamais. Ils s'accrochent les uns aux autres, se gueulent des trucs qu'ils n'entendent pas mais putain qu'est-ce qu'ils s'en foutent et braillent et sautent et s'étreignent et les heures s'envolent, la nuit s'évapore et quand l'aube les accueille à l'extérieur, Hinata a l'impression d'avoir fait un long, long voyage en terres inconnues.

Mais la soirée n'est pas finie et ils se retrouvent bientôt à déambuler le long des quais en s'agrippant pour ne pas trébucher, hilares, alors que la ville encore bien endormie résonne autour d'eux.

*


Rlam rlam blam, rlam blam, rlam rlam blam, rlam blam… La batterie martèle comme pas deux, c'est un vrai champ de bataille, Tenten adorerait. Puis la basse rugit, ou alors c'est la guitare ? Hinata a encore du mal à différencier les deux accompagnements. Et le chanteur l'ouvre en grand, déformant ses traits repassés d'un maquillage de clown psychédélique :

Stand up, you don't have to be afraid, get down – love is like a hurricane

Street boy, no I never could be tamed, better believe it !


Pause, pendant une fraction de seconde, puis c'est aussitôt reparti :

Guilty 'til I'm proven innocent, whiplash, heavy metal accident

Rock on, I wanna be President… 'cos I love it loud !

I wanna hear it loud, right between the eyes

Loud, I wanna hear it loud, I don't want to compromise !


Hinata adore. C'est intense, c'est puissant, c'est rrrlaaam et c'est vlam. Bon, les joueurs ont vraiment des gueules pas possibles et leurs fringues ont un peu trop l'air de sortir d'une boutique pour sado-maso, mais la musique, elle déchire grave. Pas étonnant que Kiss soit considéré comme l'un des plus grands groupes de hard rock au monde.

Son pouce survole l'écran tactile de son téléphone et hop, la vidéo est dans ses favoris – elle la téléchargera plus tard. Pour l'instant, un autre encadré attire son attention et un nouveau morceau résonne dans le casque qu'elle a posé sur ses oreilles. Miss Murder, AFI. On tombe vraiment sur tout et n'importe quoi sur Nicovideo. En l'occurrence, c'est un tout.

This is what I brought you, this you can keep

This is what I brought, you may forget me

I promise to depart, just promise one thing

Kiss my eyes and lay me to sleep…


Les deux premières minutes sont éblouissantes, Hinata en reste pantelante. Puis le morceau reprend et son cœur bat plus vite encore ; elle est tellement plongée dans sa vidéo qu'elle ne remarque même pas les Hawks qui font leur entrée. Sasuke, Neji et Shikamaru d'abord, puis Kiba et Lee qui rigolent comme d'hab. Ces cinq-là, c'est rare de les voir séparés. C'est curieux dans un sens, parce qu'on pourrait penser qu'ils seraient les premiers à rechercher un peu de tranquillité – surtout quand on place un Sasuke à côté d'un Kiba. Mais voilà : dès qu'il s'agit des enjeux de leur groupe, ils se soudent les uns aux autres comme des pièces de Lego bariolées.

Peut-être qu'ils mélangent un peu tout, les Hawks. Peut-être qu'ils sont trop dans leur groupe pour penser à eux tout seuls. Peut-être que ça leur reviendra dans la gueule un de ces jours.

Neji avise sa cousine enfoncée dans sa chaise, un énorme casque bleu sur la tête, et plisse le nez quand il constate qu'elle est complètement absorbée par sa musique. Il n'est pas con, Neji, il a bien vu que quelque chose avant changé chez Hinata et comme il sait très bien que c'est encore différent de son intégration aux Scarecrows, il se méfie. On la lui fait pas, à lui.

Hinata ne voit pas qu'il l'observe, elle relance la même vidéo puis souffle distraitement sur le bout de ses doigts sans quitter l'écran des yeux. Elle a l'air concentrée. Elle a l'air concernée.

— Salut les stars ! babille Ino quand ils ont rejoints leur coin de classe.

Sakura la suit en fidèle chien de poche, toute joyeuse dans sa nouvelle jupe à fleurs, et le niveau sonore grimpe encore sans que Hinata n'émerge de sa musique. Une masse de cheveux ondulés surgit soudain dans l'encadrement de la porte, dégringole sur une épaule et rebondit mollement quand une main impatiente les repousse en arrière. C'est Kurenai et ses yeux rouges qui profitent du retard d'Asuma pour sonder la pièce à la recherche d'un visage en particulier et les quelques élèves errant dans le faisceau de son regard écarlate s'écartent vite fait. On traîne pas dans le passage, avec cette prof.

Sasuke a deviné que c'est eux qu'elle cherche et attend sans bouger d'être repéré. Kurenai a la particularité d'avoir les cordes vocales constamment enflammées par une laryngite chronique, ce qui durcit sa voix et la rend capable de produire des notes d'un ton normalement inaccessible pour une femme. Les rumeurs racontent que c'est pour ça que Dippermouth a totalement craqué sur elle, mais Sasuke s'est toujours dit que ça n'avait franchement rien de sexy. C'est impressionnant, d'accord, mais niveau glamour on repassera…

Au pire ils s'en foutent, Kurenai n'est pas vraiment là pour assouvir les fantasmes inavoués d'une horde d'ados pré pubères : avec deux autres profs, elle se partage les cours de chant obligatoires et dieu sait à quel point cette matière est importante dans ce bahut. Et surtout, Kurenai, c'est l'irremplaçable mentor des Hawks.

C'est elle qui vient régulièrement les écouter pour les conseiller, les corriger, les engueuler, leur indiquer le chemin à parcourir et quels morceaux sont à leur portée. C'est elle encore qui leur fout des pieds au cul quand ils râlent d'avance à l'idée de refaire le même passage pour la centième fois et que même Shikamaru n'en peux plus ; c'est elle qui cale leurs voix, ajuste les partitions pour leurs instruments, rectifie leurs tonalités et leur apporte des pizzas lorsqu'ils restent bosser jusqu'à pas d'heure.

Au début, ils ne s'étaient pas vraiment attendus à ce qu'on la choisisse pour être responsable de leur groupe, ils espéraient plutôt Kakashi ou Asuma, mais les voies de l'administration sont impénétrables et en deux ans, ils ont eu l'occasion de comprendre qu'ils avaient une sacrée chance d'avoir cette prof.
Parce que Kurenai fait partie des meilleures.

— Vous, lance-t-elle en pointant un doigt impératif sur le groupe rassemblé au premier rang qu'elle a enfin dans le collimateur. Je vous veux tous les six dans mon studio à dix-huit heures pétantes.

Les Hawks ne peuvent qu'opiner en ravalant leur salive. C'est plutôt rare que ce soit Kurenai qui fixe les répétitions. Elle va encore leur faire bouffer leurs partitions. La prof est déjà repartie, elle a pas que ça à faire, et Shikamaru soupire en pensant à dix-huit heures. Pour une fois, il n'est pas pressé que les cours se terminent.

Tenten déboule soudain, plus vive que jamais, balaye la salle d'un regard circulaire, tire la langue aux Hawks puis repère Hinata et va aussitôt se jeter sur la place vide à côté d'elle en arrachant son sac de ses épaules.

— Hey, Hina, baby ! Ça claque ? Moi j'te dis pas la gueule de bois, j'ai l'impression qu'un mec est en train de jouer du Kiss à fond la caisse contre ma boîte crânienne !

— Oh, ben ça tombe bien parce que justement… commence Hinata en levant son téléphone.

Mais un bruit de chute retentit bruyamment et tout le monde se tourne pour voir Naruto s'étaler comme une merde au milieu du passage. Sa guitare vole sur le parquet, son sac s'écrase à côté et les autres sont déjà prêts à exploser en moqueries mais Tenten est plus rapide : elle éclate de rire.

— Bah alors, Naruto, t'a oublié ton pied droit au vestiaire ?

— J'ai surtout zappé mes putains de lacets, renvoie le mec en se relevant déjà.

— T'es vraiment qu'un boulet !

C'est tellement inhabituel de voir Naruto se faire charrier sur le ton de la rigolade que les élèves regardent le petit trio des Scarecrows se marrer bêtement sans trop savoir comment réagir. Naruto récupère ses affaires et vient s'affaler de l'autre côté de Hinata qui lui fait remarquer qu'il a aussi oublié de fermer sa braguette et ils se tordent de plus belle sur leur bureau.

— Ils ont fumé quoi ce matin ? demande Kiba à voix haute.

Les Scarecrows n'entendent pas, ils sont déjà lancés dans une grande discussion enthousiaste :

— J'me disais, faut qu'on revoie Under Pressure en essayant de le faire de plus en plus vite !

— Hein ?

— Ouais, ça nous entraînerait à changer de rythme ! Du genre, à la fin de la troisième mesure, paf, on accélère et…

— OK, on est partis ! beugle Asuma en entrant en coup de vent, des partoches en vrac sous le bras. J'espère que vous avez bossé vos accords ! Je veux deux volontaires dans l'arène tout de suite, Sasuke et Naruto, voilà, merci de vous proposer !

Les deux appelés sursautent, ils n'ont rien proposé du tout, c'est quoi c'te blague ? Mais Asuma claque des mains, alors ils se dépêchent de sortir leurs instruments et hop hop, on s'installe au milieu de la pièce, c'est ce qui s'appelle du volontariat forcé. Ça y est, ils sont branchés, ils relèvent la tête et réalisent soudain qui ils ont en face d'eux. Un courant d'air froid traverse soudain la salle de cours. Malaise.

— Allez, allez, on va pas attendre la neige ! les presse Asuma comme s'il y avait le feu au lac.

— Essaye de pas être trop mauvais, pour une fois, crache Sasuke entre ses dents en plaçant ses doigts le long de son manche.

— Ferme-la, ça fait courant d'air ! réplique Naruto en se mettant à jouer sans l'attendre.

Il part tellement vite que Sasuke est obligé de se jeter dans la mesure pour le rattraper. Naruto a bossé ses accords, c'est clair et net. Il les a même foutrement bien bossés, est obligé de constater Sasuke. Alors il redouble d'énergie et pince ces cordes avec plus de hargne que jamais – hors de question que ce boulet le coiffe au poteau !

Statufiée sur sa chaise, Hinata regarde le duel sans trop savoir quoi penser. Les autres aussi sont inhabituellement silencieux, comme si tous sentaient la tension brusquement abattue sur le parquet. Sasuke et Naruto jouent furieusement, rageusement, en se foudroyant du regard entre deux accords, sans comprendre qu'une basse et une guitare, c'est pas fait pour s'opposer mais pour s'accompagner. Parce qu'elles sont complémentaires.

Non, ils ne comprennent pas encore. Ils ont toujours été un peu cons sur les bords, de toute façon. Mais après tout, ils ne sont encore que des ados…

— On a encore du boulot à faire, observe Tenten en aparté.

Parce que la musique, ça ne se fait pas avec des giclées de bile.

*


Hinata se dit qu'elle devrait le rappeler à son crétin de cousin, le coup des giclées de bile. Parce que lui, putain, impossible de l'arrêter ! Suffit qu'ils se croisent dans un couloir pour qu'il se sente obligé de lui rappeler qu'elle n'est une merde parmi les merdes.

— … Hiashi aurait aimé savoir où tu étais toute la nuit. Je sais bien que tu n'as plus aucune importance dans cette famille, mais de là à se comporter comme la dernière des débauchées…

Comme si son père se souciait de ce qu'elle pouvait bien faire de ses nuits. Il s'en fout, son père ! Il l'a giclée du système, son père ! Alors que Neji arrête avec ses leçons de morale à deux balles !

— Déjà que c'était une belle connerie que d'entrer dans ce groupe de rock… Si au moins tu savais manier ton violon suffisamment bien pour les cours…

Et ton violon à toi, tu veux savoir où je te le mets ?! Hinata inspire, expire, elle se sent en colère et c'est une sensation qu'elle n'a pas éprouvée depuis longtemps. Elle a beau être un cafard rampant, elle a quand même un minimum d'honneur. Et l'honneur d'un cafard, ce n'est pas rien.

— Ça commence à bien faire, déclare-t-elle alors en enfonçant un doigt dans le torse de son abruti de cousin. Je suis peut-être pas faite pour le violon et les cinquièmes symphonies, mais tant pis, Neji ! Parce que tu vois, il existe aussi des poissons volants.

Neji ne comprend tellement rien qu'il reste bouche bée. Pourquoi elle lui parle de poiscaille, celle-là ? Mais elle se détourne sans prendre la peine d'expliquer ce qui traverse son esprit dérangé et il n'en tire qu'une conclusion : ce timbré d'Uzumaki commence à déteindre sur sa cousine.

Hinata s'éloigne sans un regard, Neji peut bien aller se faire cuire une gaufre avec son talent et sa langue de vipère. Elle, elle a une répète qui l'attend et c'est avec des gens trop cool ! Alors elle sifflote un air débile d'un groupe débile de bubblegum dance, un truc qui fait :

So if we all come together, we know what to do

We all come together, just to sing we love you

And if we all come together, we know what to do

We all come together just for you…


Elle s'arrête à temps pour ne pas que Tenten et Naruto entendent une telle daube, mais ils sont déjà occupés à se chamailler dans le studio d'Asuma. Elle aurait pu arriver en chantant du Tokio Hotel qu'ils n'auraient pas cillé. Hinata se glisse discrètement derrière le synthé et attend un ressac dans le combat de boxe pour proposer de commencer la répète. Evidemment, c'est pas vraiment plus brillant que les fois précédentes et elle devine qu'il faudra plus que les bonnes paroles de Sandblast pour faire d'eux un vrai groupe.

Et alors qu'elle pianote pauvrement sa mesure dans le capharnaüm le plus total, elle remarque soudain un détail complètement incongru : au milieu des élastiques et des bracelets de plastique multicolores, il y a une ruban de cuir brun autour du poignet de Tenten, un ruban gravé d'une ribambelle d'adorables petites fleurs qu'une fille de son genre serait la dernière à arborer. C'est vrai, quoi : Tenten, c'est une brutale, une rentre-dedans, sans grâce ni poésie. Ces quelques marguerites viennent foutrement chambouler l'image qu'en a toujours eu Hinata.

Elle la regarde d'un œil nouveau et plus rien n'est pareil alors qu'elle gueule pourtant comme d'habitude, qu'elle frappe Naruto comme d'habitude, qu'elle se vautre sur sa chaise comme d'habitude. Pour la première fois, Hinata se dit que Tenten fait tout de même un peu trop de bruit pour être honnête.

Elle force. Ça lui parait soudain tellement évident que Hinata se demande comment elle a pu se laisser berner autant de temps. Tout se vacarme, toute cette extravagance, toute cette surexcitation… Sans être faux pour autant, ils sont sacrément amplifiés. Hinata se demande alors : de qui cherche-t-elle à se faire entendre comme ça ?

— J'te dis qu'on n'est pas au point ! T'es toujours pas foutu de pas te louper sur l'enchaînement de la deuxième mesure, tête de piaf !

— Mais j'vais m'entraîner ! J'ai déjà réussi la première !

— T'attends quoi pour bouger ta viande, alors ?! Et toi, Hinata, tu crois que le morceau va se jouer tout seul ?

Hinata sursaute et reprend sa partition sans même réaliser l'importance de sa découverte. En une simple observation, elle vient de percer la plus solide armure que pouvait endosser Tenten pour cacher celle qu'elle est vraiment. Il lui manque encore une ou deux infos pour vraiment comprendre, du style que Tenten est la petite dernière d'une fratrie de quatre frères envahissants, mais voilà, l'essence même de sa personnalité est révélée : elle cherche à se faire entendre.

Dans un sens, c'est le cas de tout le monde, pas vrai ? C'est sans doute pour cette raison que ça ne choque pas tant que ça Hinata sur le coup. Même si bon, elle, elle a plutôt cherché à se faire oublier dans la vie. Mais finalement, ça aussi, c'est du passé. Sinon, elle ne serait pas là avec une guitare planquée dans le placard et cet air résolu sur le visage.

Désormais, elle aussi, elle veut se faire entendre.

Naruto s'est éloigné de Tenten en se massant l'épaule. Il a beau comprendre l'énervement de cette dingue, ça commence à lui porter sur les nerfs. Il se glisse près de Hinata et lui enfonce un coude dans les côtes :

— Dis-lui !

— Chuut !

Mais c'est trop tard : Tenten s'est retournée et les regarde d'un air méfiant.

— Quoi ?

Naruto encourage Hinata d'un signe de tête enthousiaste, la pousse en avant. Elle trébuche, se raccroche à l'ourlet de son gilet, grimace. Mais en même temps, peut-être qu'elle est prête. Peut-être que Tenten saura l'aider aussi. Peut-être qu'il est temps qu'elle trouve sa place dans ce groupe, sa vraie place.

— Je… Je joue, maintenant.

Les sourcils en antenne de papillon de Tenten s'élèvent, haut, haut, haut. Elle jette un regard à Naruto – alors il était dans la confidence, le salaud ! – puis revient à Hinata et ouvre la bouche. Hinata se dépêche, vite vite, préciser avant qu'elle demande où est son violon, prendre un pas d'avance :

— De la guitare électrique.

Là, Tenten l'ouvre grand, clouée sur place. Elle se tourne une nouvelle fois vers Naruto qui hoche la tête à toute allure, rayonnant, puis secoue ses mèches brunes.

— Tu te fous d'ma gueule ?

— Naruto m'a donné sa guitare en octobre. J'ai appris.

— En un mois ?

— Ce… C'est pas encore ça, bien sûr…

— Montre, ordonne Tenten.

Prévisible. Hinata inspire un grand coup, traverse la salle et sort sa navette spatiale du placard. Naruto a déjà tiré l'ampli sur le parquet, c'est bon, c'est branché, vas-y, joue ce que tu veux… Hinata s'interdit de réfléchir, place ses doigts et hop, plongée dans la musique, en route vers une destination cosmique, au volant de l'espace… Back in Black.

Pas parce que c'est le morceau qu'elle a le plus travaillé. Pas parce que c'est le plus facile non plus. Pas parce qu'il serait plus susceptible qu'un autre d'épater Tenten, non : juste parce que c'est son préféré parmi tous ceux qu'elle a eu l'occasion de pratiquer.

La tablature défile dans sa tête, les doigts bougent tout seuls, les accords s'enchaînent. Devant elle, Naruto frappe le rythme du pied et chante les paroles en play-back : Back in black, I hit the sack, it's been too long… I'm glad to be back !

Bon, y'à pas les distorsions alors ça rend forcément pas comme l'original, mais quand même, y'à un air de ressemblance. Hinata s'arrête au bout de quelques mesures et le silence revient sur la pièce, écrasant. Ils regardent Tenten, silencieuse, immobile, interdite, et le verdict commence à se faire un peu trop salement attendre pour être honnête. Puis elle l'ouvre enfin :

— Tu sais que des gens s'exercent des années avant d'en arriver là ?

Hinata hésite : c'est un compliment, ça ? Mais Naruto lui assure que oui en brandissant les poings en l'air. C'est gagné, Hina !

— Ouais, enfin, c'est pas encore du Angus Young, tempère Tenten sans pour autant parvenir à cacher l'excitation qui la gagne peu à peu. Tu t'y es vraiment mise le mois dernier seulement ? Y'à d'autres morceaux que tu connais ? Non, attend, j'oubliais : what the fuck ?!

— C'est dingue, hein ? gueule Naruto.

— Hinata Hyûga joue de la guitare électrique !

— Ouais !

— Hinata Hyûga joue de la guitare électrique ! répète Tenten encore plus fort, comme pour y croire enfin.

— Et en plus elle déchire sa race !

— Mais tu te rends compte ?! braille Tenten en secouant Naruto par le col. Ça veut dire que le groupe est complet ! On n'a plus besoin de recruter un putain de quatrième membre !

C'est l'euphorie. Hinata s'émerveille d'être à l'origine d'un tel débordement de joie : elle a vraiment fait ça ? Simplement avec sa guitare spatiale ? Ouah. Déjà les deux autres se jettent sur elle pour une étreinte étouffante secouée de rire et de cris. On va y arriver, on va y arriver ! Les Scarecrows en force !

Personne ne voit Sakura qui s'est arrêtée dans l'encadrement de la porte en entendant le vacarme. Elle ne dit rien non plus pour l'instant, elle se contente de regarder la scène d'un air hébété en se répétant l'exclamation de Tenten en boucle : what the fuck ? Sérieusement, what the FUCK ?

— Hé, hé, dites, trépigne Tenten en se dégageant du câlin groupé. Vous savez quoi ? Faut que ça reste secret ! Imaginez la surprise le jour des auditions !

— Oh ouais, énorme !

C'en est trop pour Sakura qui se met à rigoler comme pas possible. Pas de bol, leur super secret est déjà percé ! Les autres se retournent d'un bloc et elle a du mal à reprendre son sérieux pour se défendre :

— Vous en faites pas, assure-t-elle. Je le dirais à personne.

Ses yeux pétillent, son rire à peine chassé creuse encore ses joues. Elle a l'air vraiment sincère, sur le coup, c'est à s'y laisser prendre.

— T'as intérêt à tenir parole, sale groupie, la menace aussitôt Tenten en brandissant une baguette dans sa direction. Sinon je t'enfonce ça entre les deux yeux !

— Du calme, s'inquiète la sale groupie. Je le dirais à personne, c'est vrai. Moi aussi, je veux voir la tête des autres aux Portes Ouvertes.

Le trio la scrute encore une seconde avant de se risquer à lui faire confiance. Sakura leur envoie alors un clin d'œil et s'évapore dans le couloir en pouffant. Hinata fait de la guitare électrique ! l'entendent-ils se répéter à elle-même avec incrédulité.

— Bon, même si elle tient pas parole, ça reste méga cool, affirme Tenten en jetant un regard mauvais au couloir désormais vide. Faut qu'on revoie tout, qu'on reparte à zéro ! Tout de suite maintenant !

— Yes !

*


Pour fêter ça, ils sont partis plus tôt pour aller se fourrer dans un pub du quartier latin, pas très loin du club de jazz. Ils ont commandé des frites parce qu'ils ont la dalle et la conversation explose sans cesse : c'est excitant d'avoir un nouvel élan comme ça.

— Bon, si on commençait un truc complètement nouveau ? lance Tenten en élevant encore la voix pour faire taire Naruto. Du genre Gimme Shelter des Rolling Stones…

— C'est comment déjà, ça ?

— Attends, ça fait… Da da dum daa dum…

Là où Sasuke n'avait pas tord l'autre jour, c'est que Tenten chante comme un pied. Elle le sait bien alors elle se met plutôt à taper le rythme avec sa fourchette : cling cling cling, son verre tinte joyeusement dans le pub bondé.

— Oh, je… Je crois que je vois, se souvient soudain Hinata. La ligne de basse fait quelque chose du genre…

Elle cherche les notes une seconde, puis se met à fredonner en claquant des doigts. Naruto sourit, ça lui revient aussi, il frappe la table du plat de la main pour marquer les contretemps. La mélodie est légère et bondissante, ça leur fait du bien. Tenten attrape son couteau pour percuter le rebord de son assiette et Hinata varie ses claquements de doigts en frappant son plexus de la main droite un temps sur deux, cling clac paf pam rla, à eux trois ils modèlent un drôle de truc qui les fait rigoler et poursuivre de plus belle.

— War, children, it's just a shot away… It's just a shot away…

Cling clac paf pam rla, cling clac paf pam rla rla, ils s'amusent tellement qu'ils se dandinent sur leurs chaises sans même s'en rendre compte. Les autres clients du pub leur jettent des regards amusés par-dessus leurs épaules, ils n'y font même pas gaffe et s'écroulent sur leur table en se tordant de rire. Ils commencent vraiment à se sentir bien, tous les trois. Même si la musique ne suis pas encore, c'est plutôt encourageant.

— Et si on y retournait ? jette Tenten. En boîte ?

— Encore ?

— On n'en fout, on n'a pas cours demain ! Week-end, mes chéris ! La liberté totale ! Et vous savez quoi ? J'appelle Sandblast !

Hinata se passe les mains sur le visage pour cacher son sourire, elle sait qu'elle va céder et le pire, c'est qu'elle ne le regrettera même pas. Si ça continue, son père va vraiment finir par lui demander des comptes.

Et alors ? se lance-t-elle soudain alors que Naruto engloutit ses frites et que Tenten grimpe sur sa chaise pour avoir du réseau. Qu'il le fasse si ça lui chante. Elle, la vie l'appelle à grands cris !




C'est un peu le bordel, ce chapitre. Le rythme s'accélère dès le prochain maintenant que ça y est, Hinata a sa place en tant que guitariste officielle, et on verra un peu plus les Hawks désormais ! Merci d'avoir lu !



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