Fiction: Six Cordes Métalliques (terminée)

Dans le lycée d'Hinata, la gloire suprême, c'est d'être sélectionné pour participer au grand concours de musique de fin d'année. C'est pour ça que quand Naruto relève aussitôt le défi qu'on lui balance au visage, Hinata marche aussi : monter un groupe et écraser le boy's band de Sasuke aux Portes Ouvertes ? Easy !
Humour / Romance | Mots: 113352 | Comments: 74 | Favs: 33
Version imprimable
Aller au
NeN (Masculin), le 16/06/2015
BO du chapitre :

Puppetmastaz – Do the Swamp
Tomcraft – Like a roller / The Noize
The Offspring – Staring at the Sun
Rihanna – Please don't stop the music
Etienne de Crecy – Binary




Chapitre 10: One zero



— Neji, Neji, lance-moi ta chevelure !

— T'es con, siffle Neji en se penchant par-dessus le rebord de la fenêtre.

— Je viens te sauver, ma princesse ! continue Tenten en écartant les bras d'un air théâtral.

— Dégage !

Il a déjà disparu à l'intérieur, il lui aurait claqué la fenêtre au nez que ça aurait été pareil. Tenten peste sur son bout de pelouse, siffle encore, jette une poignée de gravier sur la belle façade blanche et ne réussit qu'à faire en sorte que Neji ferme bel et bien sa fenêtre. Tenten s'apprête à balancer un pot de fleurs sur sa vitre quand une voiture noire et luisante passe le portail dans un crissement.

— Merde, revoilà le sorcier, jure Tenten en plongeant dans les buissons.

Heureusement, Hiashi ne l'a pas vue. Faut croire qu'il ne voit pas grand-chose, celui-là. Il sort de sa voiture, claque la portière et s'engouffre à l'intérieur de la maison sans se douter de rien ; la porte d'entrée est à peine refermée que Tenten jaillit du massif de buis, fonce vers le mur, s'accroche à la gouttière avec détermination et se hisse comme elle peut. C'est plus compliqué que ça en a l'air, elle n'a jamais été une grande sportive et cette putain de gouttière est super glissante, mais elle s'acharne et parvient après de rudes efforts à grimper d'un mètre. Déjà morte, elle fait une pause et souffle sur sa frange pour la dégager de ses yeux.

— Bon, encore quoi, cinq mètres ? évalue-t-elle alors en levant le nez. Bon sang, si j'avais une échelle…

Puis soudain, une fenêtre s'ouvre juste à côté d'elle et la tête de Hinata apparaît dans l'encadrement.

— Heu… Tenten ?

Les deux filles échangent un regard. Tenten sent qu'elle a l'air con accrochée à sa gouttière, elle toussote un peu et décide finalement de faire comme si tout était normal.

— Hum, salut Hina, baby, ça farte ?

Ç'en est trop pour Hinata qui explose de rire.

— On a des escaliers, tu sais.

— Mmmh, pas con.

Tenten tend une jambe pour trouver pied sur le rebord de la fenêtre de Hinata et dégringole à l'intérieur. Comme c'est la première fois qu'elle entre dans sa chambre, elle jette un regard curieux autour d'elle, avise rapidement les piles de CD, les bouquins, les rideaux fleuris, les peluches et les affiches des plus grands concerts de sa mère, puis se consacre à nouveau à son objectif initial. Hinata la rappelle de justesse avant qu'elle ne fonce dans le couloir :

— Attend ! En échange, je veux que tu me dises si oui ou non vous êtes ensemble, tous les deux.

Tenten trébuche, se retourne, passe une main dans sa frange.

— Ensemble, ensemble… C'est un grand mot.

— Tenten, allez !

— Enfin, Hina, baby ! Si j'le savais moi-même, je serais pas là à essayer de forcer la porte de ton abruti de cousin !

Hinata est un peu décontenancée, ça l'avance pas beaucoup ça, mais elle admet que Tenten n'a pas tord et la laisse partir en rigolant d'avance en imaginant la tête de Neji dans trois secondes.
.

.

Vautré à même le sol dans le couloir de sa belle maison, Naruto a les pieds sur une pile de livre et la tête calée sur un dictionnaire. D'une main il pianote des notes imaginaires sur le parquet ciré, de l'autre il fait rebondir une balle de tennis contre le plafond, et dans sa tête il se dit qu'il aimait ça avant, le tennis, et qu'il devrait peut-être s'y remettre. Parce que la basse a fini par prendre toute la place dans son quotidien, et maintenant qu'il s'arrête deux minutes pour réfléchir, y'à plein de trucs qu'il a laissé tomber sans même s'en rendre compte.

Le tennis, déjà. La natation aussi, il y passait trois soirs par semaine au collège. Et puis la lecture. Bon, c'était essentiellement des bandes dessinées, mais c'était cool. Et la photo aussi, la photo ! Il en avait tellement fait depuis que sa mère lui avait offert un appareil argentique pour ses douze ans !

Peut-être que c'est une erreur, pense-t-il alors, la balle rebondissant toujours entre le ciel et la terre. Peut-être que c'est pas dans le rock qu'il a un avenir. Si ça se trouve, il est en train de s'engager corps et âme dans une lubie passagère. Bon, une lubie qui dure depuis quelques années quand même, mais voilà… A quoi est-ce qu'on reconnaît une vocation ? se demande Naruto. Comment savoir si une passion comme la basse, ça peut devenir un métier ? Est-ce qu'il aimerait toujours autant ça, jouer, s'il doit le faire tout le temps, pour gagner sa croûte et plus juste pour le plaisir et le défi ?

Tapam, tapam, tapam, la balle vole et cogne et revient entre ses mains. Puis soudain Naruto la rattrape et ne la relance pas ; il se lève d'un bond, shoote sans faire exprès dans un tas de livres d'art, enjambe le boxon et fonce dans sa chambre ouvrir le placard dans lequel il met tout son bordel qui sert plus. C'est là qu'il a trouvé sa guitare violette, celle qu'il a donnée à Hinata, se souvient-t-il tout en soulevant des cartons pour retrouver ses raquettes de tennis. C'est cool qu'elle serve désormais, au lieu de moisir dans ce placard en bordel plein de souvenirs endormis. Et c'est cool que ce soit Hinata qui l'ait.

Naruto récupère enfin ses raquettes et enfile un t-shirt de sport en pensant que ouais, Hinata et sa guitare violette, c'est l'une de ses meilleures inspirations. Quand il prend deux minutes pour réfléchir, il se dit putain. Hinata faisait du violon moins de six mois plus tôt, et maintenant elle maîtrise sa guitare comme si elle lui avait toujours appartenu. Putain. Cette fille est hallucinante. Il l'aurait jamais cru. Pour lui, Hinata, c'était juste une gamine timide qui osait même pas lever la main en cours, encore moins lui adresser la parole. Et maintenant, putain ! Elle est dans son groupe !

— Tu sors ? s'étonne Minato en voyant passer son fils, une paire de baskets à la main et deux raquettes de tennis sous le bras.

— Ouais, j'vais plafonner quelques balles, informe rapidement Naruto en attrapant son blouson.

— Avec qui ?

— J'trouverais en chemin. A ce soir !

Minato agite une main et regarde partir son rejeton, à la fois intrigué et content. C'est la première fois depuis une éternité que Naruto fait autre chose que de la musique. Non pas que ça le dérange, Minato, que son fils fasse de la musique, mais il sait d'expérience que ce n'est jamais bon de se focaliser sur une seule activité.

Dehors, Naruto a filé le long du trottoir sans même savoir où aller. Il a dit qu'il trouverait quelqu'un en route, mais à ce qu'il sache, Hinata bosse chez elle et Tenten est en week-end chez ses grands-parents avec ses abrutis de frères. C'est en faisant ce petit inventaire qu'il se dit qu'avant de créer les Scarecrows, il n'avait pas vraiment d'amis en fait. Il n'était que Naruto le boulet, celui qui confondait sa basse avec un manche à balai et qui crachait sa jalousie à la gueule des Hawks comme un chihuahua qui provoque un berger allemand.

Mais les choses ont changé maintenant… Elles ont même tellement changé que Naruto décide de bifurquer à droite et trace direct vers la propriété des Uchiwa. Il la connaît, Sasuke est son voisin depuis qu'ils sont sortis du ventre de leurs mères et il se souvient encore des fois où ils rentraient dans le même bus en se fusillant du regard par-dessus les têtes des autres passagers. Mais ça aussi, ça a changé.

Le haut portail en fer forgé est ouvert, alors Naruto ne se gêne pas, avance jusqu'à la porte d'entrée et sonne deux fois d'affilée. C'est Mikoto qui lui ouvre, elle le reconnaît, elle était amie avec sa mère dans le temps, et elle lui adresse un grand sourire.

— Naruto, ça fait tellement longtemps ! Mon dieu que tu as grandi.

— 'Jour m'dame, claironne Naruto en épaulant sa paire de raquettes. Est-ce que Sasuke est là ?

Mikoto a un regard intrigué, mais elle se retourne et appelle son fils en lui disant de prendre ses tennis. Sasuke a obéi par réflexe, mais quand il découvre Naruto sur le seuil, son visage se froisse immédiatement.

— Cap de me battre au tennis ? lance Naruto sans lui laisser le temps de l'envoyer bouler.

— Parce que tu sais jouer ? rétorque Sasuke. C'est nouveau.

— Un seul moyen de le savoir, le défie Naruto.

Sasuke s'apprête à balancer qu'il n'en a rien à foutre et qu'il a autre chose à faire, mais sa mère le pousse dehors en lui mettant son sac de sport dans les bras :

— Amusez-vous bien, les garçons.

Puis elle ferme la porte, les laissant plantés sur le perron comme des cons. Sasuke ravale sa colère, épaule son sac et se résigne à se tourner vers Naruto qui arbore un grand sourire un peu inquiétant.

— Le perdant devra jouer en public un morceau choisi par le gagnant, challenge-t-il.

Les lèvres de Sasuke s'étirent en un sourire plein de défi. Il n'a jamais su ne pas répondre à une provocation de Naruto.

— Au milieu du self à l'heure de pointe, ajoute-t-il comme condition.

— Tenu.

Et les deux garçons quittent l'enceinte de la propriété d'un pas vif.
.

.

Coincée entre deux de ses frères sur le canapé miteux de sa grand-mère, Tenten évacue sa frustration dans les petits-fours. Autour de la table basse, ses grands-parents, son père, sa mère et le reste de ses frangins discourent sur l'état des pommiers du verger et sur le tapis, les quatre chats et demi de son grand-père tournent autour de l'assiette d'Apéricubes en miaoutant avec espoir.

— … Je suis sûre qu'il y a un chevreuil dans le coin, tous les écorces ont été mangées la nuit dernière, blablate sa grand-mère.

— Faut mettre des pièges, propose Casse-Couille en reprenant une chouquette. Tu veux que je m'en occupe ?

— Ouais, vous avez du fil barbelé et de l'acide ? approuve Casse-Pipe.

— Seigneur, souffle la grand-mère en posant un bras sur l'épaule de son fils. Tes enfants sont toujours aussi inquiétants.

— On s'y habitue, assure le papa.

— Ou pas, grogne Tenten depuis son canapé.

Les réunions de famille, ça l'a toujours gavé. C'est pas qu'elle aime pas ses grands-parents, ils sont plutôt marrants avec leur tendance à l'anticonformisme et leur obsession pour les pommiers et les chats unijambistes, mais elle aurait bien aimé passer sa journée ailleurs. Genre avec Neji, chez qui elle avait enfin réussi à s'infiltrer. Enfin, au moins elle aura eu le temps de lui balancer ses quatre vérités à la gueule avant de devoir rejoindre la voiture familiale pour ce charmant après-midi dans le trou du cul du monde.

Discrètement, elle rafle une poignée d'Apéricubes et les jette sous le canapé. Les chats se précipitent aussitôt entre ses jambes et Tenten enfonce un coude dans les côtes de Casse-Gueule pour se refaire une place entre les coussins, ses pensées à mille lieues des pièges à chevreuil. Hyûga Neji. Il lui en aura fait baver, celui-là. Plus que tous les autres réunis. Est-ce que c'est pour ça qu'elle ne décroche pas ? Si elle l'avait eu comme elle avait eu Kiba, par exemple, ils seraient peut-être déjà séparés à l'heure qu'il est.

Mais voilà : on ne choppe pas Hyûga Neji comme on choppe un Kiba. On le choppe plutôt comme on choppe un bus de justesse, ou une balle au vol, ou une grippe : sans vraiment maîtriser l'action, sans vraiment la comprendre aussi. Et sans l'avoir vraiment prévu.

P't'être bien que c'est ça qui met Tenten en vrac ces derniers temps, parce qu'elle, elle a beau être d'apparence foutraque, ne jamais faire ses lacets et être capable de mélanger trois langues dans la même phrase, elle maîtrise sa vie. Logique, sinon elle serait absolument incapable de faire de la batterie. Alors Neji et son imprévisibilité, c'est clair que ça fout la merde dans sa petite organisation personnelle.

L'un des chats saute soudain sur ses genoux, c'est celui qui a trois pattes et la moitié de la queue, Tenten le laisse bouffer son toast au saumon sans moufter. Elle regarde sa famille, ses grands-parents révolutionnaires, ses parents moitié artistes, moitié tarés, Kotetsu et sa passion pour les vieilles bécanes et son enfoiré de petit copain cynique, Casse-Couille, Casse-Gueule et Casse-Pipe et leur incapacité à se comporter comme des êtres humains civilisés à tel point que Tenten a quasiment oublié leurs vrais prénoms, et elle se demande si c'est à cause de tout ça si elle et Neji, ça pédale dans la semoule. Est-ce qu'elle est trop bizarre pour lui ? Est-ce qu'il lui faut une meuf plus normale ? Genre cette pétasse d'Ino ?

— Hé miss, lui glisse Kotetsu sur sa droite.

Il pousse Casse-Gueule pour s'asseoir à côté d'elle en lui mettant une assiette de thon sur les genoux. Le chat à trois pattes est trop refait, il se jette sur la bouffe sans vergogne et bientôt les autres rappliquent pour se joindre au festin. Autour d'eux la conversation se poursuit, et l'aîné de la famille passe un bras sur les épaules de la benjamine avec un sourire compréhensif.

— Les Scarecrows ou un mec ? demande-t-il.

— Gnh, répond sombrement Tenten.

— Allez va, la console Kotetsu en lui donnant une légère secousse. Il finira bien par comprendre qu'il a besoin d'un brin de folie dans sa vie.

— T'es tellement rassurant, Kotetsu…

— Et toi, ma chérie ? lance soudain la grand-mère qui a fini de parler des déboires du garde-chasse ivrogne et boiteux. Comment ça se passe, l'école ? Tu fais bien tes devoirs ?

L'assemblée des frères explose d'un grand rire qui coure tout autour du salon. Les parents ont une mimique résignée et dans le canapé, Tenten se demande si elle peut planter un cure-dent dans le premier bras fraternel à sa portée sans être privée de sortie.

— Les devoirs et Tenten, c'est un peu comme la salsa et le tango, s'étrangle Casse-Couille.

— J'révise pour les Portes Ouvertes, réplique Tenten en le fusillant du regard. On va participer à la compète de l'Auditorium.

— De quoi ?

— Tous les ans, l'Auditorium fait un concours entre toutes les écoles de musique de la ville, explique le père de la smala. Il a lieu à la fin de l'année, y participer ouvre de nombreuses portes et l'entrée est très sélective. Les lycées et conservatoires organisent des présélections lors de leurs portes ouvertes afin d'envoyer leurs meilleurs éléments.

— Mais c'est merveilleux ! Douée comme elle l'est, notre petite Tenten va être choisie d'office.

Les ricanements reprennent autour de la table basse, même les chats ont l'air de se foutre de la gueule de Tenten qui fulmine intérieurement – quelle plaie d'être la seule à faire de la musique dans cette famille ! Mais le grand-père la regarde très sérieusement, et de sa voix grave qui impose le silence, il affirme :

— Tenten ne se contentera pas d'être choisie pour participer. Elle va gagner.

Et là, Tenten se dit que ses grands-parents sont peut-être barges, mais putain qu'est-ce qu'elle les adore.
.

.

Shikamaru lève le bras et secoue sa montre pour signifier aux deux boulets de l'autre côté de la rue qu'ils sont à la bourre et qu'ils font chier. Loin de se presser, Sasuke et Neji traversent la route d'un pas flegmatique et rejoignent leur manager en répondant à peine au salut de Lee et Kiba qui l'encadrent.

— Alors après le rap, c'est le jazz maintenant ? lance Neji en levant un sourcil, toisant la façade du club devant lequel Shikamaru leur a donné rendez-vous.

— Je vous ais dit qu'on devait se diversifier, réplique Shikamaru en leur fourrant des billets d'entrée dans la main. Et pour info, Sasuke, tu pues la mort.

— J'reviens du tennis, grogne Sasuke en regardant son billet. Désolé de pas m'être parfumé pour aller voir ta copine souffler dans un tube en cuivre.

Lee le pousse pour entrer avec un soupir exaspéré et le groupe se retrouve à descendre un escalier en colimaçon pour émerger dans une cave voûtée et bondée. Sur la petite estrade au fond, les Sabaku ont déjà commencé à jouer, alors ils s'installent le plus discrètement possible et sitôt assis, Sasuke et Neji reprennent leurs remarques plaintives à mi-voix.

— De toutes les meufs il a fallu que tu choisisses une fan de jazz…

— On devrait être en train de répéter…

— Vos gueules, merde !

Les deux chieurs se la ferment et se glissent dans le concert avec mauvaise foi. Pourtant, la musique reste de la musique et ils en sont douloureusement conscients. Ce qui les pousse à admettre que ouais, le jazz c'est pas si mal et d'accord, Temari gère au saxophone.

Ils retrouvent les Sabaku à la sortie et Shikamaru emmène tout le monde boire un verre sous prétexte qu'il est temps d'échanger un peu sur les différences et les similitudes de leurs deux types de musique, dans un intérêt purement culturel bien sûr. Evidemment, il n'y a que Lee pour prendre ça au sérieux et pendant qu'il assomme Kankurô de questions, les autres quittent la table pour aller danser sur la piste aménagée au centre du bar.

Pas d'humeur, Neji s'est barré pour aller se chercher à boire et remarque que Gaara est resté assis lui aussi. Que quelqu'un puisse exister en toute légitimité dans cette boîte sans pour autant camper sur la piste le rassure et il lui tend une bière tout en se laissant tomber sur le banc d'en face.

— Tu ne danses pas ? demande-t-il.

— Quoi ? gueule Gaara pour couvrir la musique.

Neji répète, Gaara comprend enfin, hoche la tête en signe d'approbation et ajoute quelque chose qui disparaît à travers les basses assourdissantes. Au bout de quelques phrases, Gaara en marre de s'égosiller et vient se caler sur le même banc que lui.

— Je n'ai jamais compris le paradoxe, marmonne-t-il alors. Ce genre de club est fait pour rencontrer des gens mais la conversation est tout simplement impossible.

Neji objecte que c'est parce que les gens sont censés venir ici d'abord pour danser, après seulement pour faire connaissance. Mais oui, paradoxe quand même. Et sinon, comment ça avance avec Sandblast ?

— On a un nouveau contrat, explique Gaara. Un bar dans le quartier latin…

— Oh.

— Et vous, les répètes ? J'ai du mal à vous imaginer, à vrai dire. Est-ce que Tenten est vraiment capable de se concentrer suffisamment longtemps pour bosser un morceau du début à la fin ?

— Tenten n'est pas dans notre groupe, signale Neji qui se dit que c'est quand même con, parce que putain, ils ont essayé de la faire venir des centaines de fois.

— Ah oui, se souvient Gaara. Les Scarecrows.

— C'est ça, confirme sombrement Neji. Je ne sais pas comment ils s'en seraient sortis sans elle.

Gaara sourit soudain, et les spots soulignent les traits de son visage d'une lumineuse éclaboussure rouge. Il est beau, de près. Vraiment beau.

— Oui, on dit souvent ça d'elle.

Neji devine qu'il ne parle pas seulement de musique. Après tout, lui aussi était au collège avec elle et les Sabaku : l'histoire, il la connaît.

Ça avait commencé en deuxième année, s'il se souvenait bien. Temari avait eu le malheur de voir en Tenten une amie fidèle lorsqu'elle était arrivée à Konoha pour la rentrée scolaire. Tenten connaissait la ville et le collège comme sa poche, elle ne tenait jamais en place, trimballait tout un tas de peluches miniatures accrochées à son sac à dos et c'était la seule qui lui avait souri lorsqu'elle s'était retrouvée face à sa classe inconnue, elle la nouvelle qui parlait à peine leur langue.

Avec Tenten, tout démarrait au quart de tour. Une semaine à peine après qu'elle l'eût prise sous son aile, Temari savait déjà dire "je reprendrais bien des pâtes", "j"aime le Nutella" et "casse-toi, c'est ma place". Deux semaines après, elle parvenait à suivre la quasi-totalité des conversations et un mois plus tard, elle était bilingue.

Une ère un peu spéciale avait débuté alors, avec l'infernal duo Tenten – Temari en plein centre. Neji se savait pas comment ces deux filles avaient réussi à se retrouver dans autant d'emmerdes en si peu de temps, mais si une chose était sûre, c'était que Tenten avait une influence désastreuse sur les gens qui la côtoyaient de trop près. A cause d'elle, Temari avait été impliquée dans des situations dont le ridicule était à peine concevable.

Neji savait que Temari s'était souvent demandée comment cette fille arrivait à l'embarquer dans ses délires qui tournaient tous mal d'une façon ou d'une autre. Elle avait beau être prévenue, dès que Tenten arrivait avec cette lueur pétillante dans le fond de ses yeux, celle qui voulait dire "j'ai une super idée", Temari se disait que cette fois, non, elle ne marcherait pas. Et à chaque fois, elle cédait, par amitié, par tentation de l'aventure ou peut-être parce qu'au fond, elle commençait elle aussi à être dérangée et ne pensait déjà plus comme quelqu'un de normal.

Ç'avait été un drame lorsqu'elles avaient été séparées pour le lycée. A l'époque, les téléphones portables ne couraient pas les rues et le contact s'était peu à peu perdu à travers l'irrégularité des mails. Et puis, ni l'une ni l'autre n'était du genre à verser dans la sensiblerie, alors elles avaient rangé leurs bons souvenirs dans un coin de leur tête et s'étaient concentrées sur l'avenir.

— C'est bien qu'elles se soient retrouvées, commente Gaara en jetant un œil à sa sœur sur la piste. Temari est en pleine forme en ce moment.

— Ouais, enfin, c'est surtout grâce à Shikamaru, grogne Neji.

Gaara se crispe un moment, puis hausse les épaules et fait remarquer :

— C'est principalement grâce à Tenten qu'on s'est fait une place si vite à Konoha. Et, bon… Elle nous a manqués.

Là-dessus, il porte son verre à sa bouche et le vide d'une traite. Neji se tait. Il pense. Et quand Neji pense, pas question de venir le faire chier. Il n'y a que Lee pour oser, et le pire c'est qu'il y arrive, et que Neji se retrouve entraîné sur la piste à grimacer devant la musique pop au beau milieu des membres de son groupe qui se trémoussent allègrement.

Putain de Hawks. Parfois, il se demande s'il a vraiment choisi le bon groupe dans cette histoire. Puis il entend le grand rire de Lee, le soupir fatigué de Shikamaru, voit les yeux pétillants de Kiba, la moue renfrognée de Sasuke, et il se dit que même si s'était trompé, il ne changerait pour rien au monde.

Les Hawks, c'est son groupe. Sa famille de chieurs. Sa horde de dégénérés. Et c'est très bien comme ça.

Et là, soudain, alors qu'un boulet le bouscule et qu'une connasse lui marche sur le pied avec ses talons aiguille de dix centimètres, Neji réalise qu'il a finalement toujours recherché ce brin de folie indescriptible qui fait défaut à sa vie ordinaire. Et que si les Hawks sont pas mal dans le domaine, la reine c'est Tenten.

C'est Tenten…
.

.

— Woah woah woaaah ! s'exclame Kotetsu au beau milieu d'une mesure. J'veux bien essayer de couvrir le massacre avec mon moteur, mais y'à des limites !

Hinata et Naruto jettent un regard plein d'appréhension vers Tenten qui a plaqué ses mains sur son visage, ses baguettes encore glissées entre ses doigts. Ils se sont arrêtés nets.

— Allez-y, continuez sans moi, soupire Tenten sans même émerger de ses mains.

— Mais c'est…

— J'peux pas jouer si vous jouez pas juste vous-même ! Tu vois le problème, tête de piaf ?

Un grand silence emplit le garage. C'est vrai qu'une batterie, ça peut difficilement se caler sur des fausses notes. Ça a besoin de régularité, de précision, de stabilité. C'est paradoxal quand on pense que Tenten est loin de correspondre elle-même à ces qualificatifs alors qu'elle est parfaitement capable de les appliquer dans son jeu.

— J'fais c'que j'peux ! proteste tout de même Naruto.

— C'est pas assez !

— Y'à jamais rien qu'est assez pour toi, Tenten !

— J'vais pas m'excuser d'être meilleure que toi !

Les répètes sont compliquées, en ce moment. Y'à toujours un truc qui va pas et Hinata a du mal à voir si c'est juste Tenten qui l'a mauvaise ou si c'est vraiment eux qui sont aussi nuls. Faut dire que les Portes Ouvertes commencent à être bientôt et que la pression monte sourdement.

Kotetsu brique silencieusement le cadre de sa mob, désireux de se faire oublier sans pourtant en perdre une miette. Naruto et Tenten s'arrachent les cheveux pendant un moment encore avant de se détourner en se massant les tempes, puis Naruto pivote :

— Hinata ?

Hinata sursaute. Elle n'est toujours pas habituée à être considérée comme le jury dans ce trio, mais Tenten aussi la regarde en attendant son avis sur la question, alors elle rassemble son courage et dit ce qu'elle pense :

— Je crois que… Qu'on joue trop souvent tous ensemble. Enfin, je veux dire… Moi, je n'ai pas le niveau pour progresser tout en jouant en groupe. Il y a des choses que je ne peux faire que toute seule, des gammes, des essais, des exercices, et…

— La gamine a raison, intervient Kotetsu. Jouer en groupe, ça sert à affirmer ce que vous apprenez déjà par vous-mêmes.

— Qu'est-ce que t'y connais ? grogne Tenten.

— Fais pas ta chieuse, proteste Naruto. Tu peux pas attendre de nous qu'on ait rattrapé le niveau des troisièmes années.

— Eh ben d'accord, allez jouer de votre côté ! On laisse tomber le groupe, je m'en branle !

Les sourcils de Hinata se froncent. Cet aspect de Tenten est particulièrement énervant, cette façon qu'elle a de toujours partir dans les extrêmes sans jamais chercher de compromis.

— Ce n'est pas ce qu'on veut dire, Tenten, précise-t-elle avec patience.

Puis quelqu'un apparaît devant la porte ouverte du garage et l'engueulade s'interrompt : c'est un type de l'âge de Kotetsu, un beau garçon au visage fluide et aux magnifiques yeux noirs taillés en amandes onctueuses. Il jette un œil à l'intérieur, enlève les mains des poches de son blouson et se glisse entre la voiture et les trottinettes pour rejoindre Kotetsu. Il a un casque de moto bleu acier sous le bras.

— C'est quoi ce souk ? interroge-t-il.

— Tenten est entrée dans un groupe, résume Kotetsu.

— C'est une blague ?

— Personne t'a sonné, Izumo, aboie Tenten en jetant ses baguettes sur ses caisses.

— Toujours aussi avenante, ta frangine, lance le dénommé Izumo à Kotetsu qui soupire d'un air approbateur.

— C'est de famille.

— Allez tous vous faire foutre.

La sentence est tombée, Tenten s'arrache de son tabouret et lève le camp : la répète s'arrête là. Abandonnés dans le garage, Hinata et Naruto échangent un regard puis se tournent vers Kotetsu qui s'adresse à eux :

— N'en attendez pas trop de Tenten non plus, leur dit-il. C'est déjà beaucoup pour elle que de se plier aux exigences d'un jeu en groupe. Vous pouvez pas le savoir, mais elle est déjà beaucoup plus patiente qu'un mois plus tôt.

— Ouais, ben c'est pas encore gagné, grommelle Naruto en débranchant sa basse.

— Que veux-tu, elle a grandi avec quatre grands frères, lance Kotetsu. Ça forge le caractère.

Hinata et Naruto se retrouvent donc seuls sur le chemin du retour, à marcher d'un pas un peu découragé le long de la rue qui dégèle lentement. Ils savent que leur baisse de morale est passagère, parce qu'il en faut plus pour les décourager et que Tenten n'est pas rancunière – elle ne peut pas avoir que des défauts. Mais pour l'instant c'est pas la joie.

— T'es pressée ? demande soudain Naruto alors qu'ils arrivent à un croisement.

— Hein ? sursaute Hinata. Non, pas vraiment…

— Ça te dit, on traîne ensemble ?

— Pour répéter ?

— Non. Pour faire autre chose.

Hinata dévisage Naruto, il a son air impénétrable qu'elle ne sait jamais comment lire, elle se sent à la fois stressée et heureuse. Ça fait une éternité que Naruto ne lui a plus proposé de faire un truc avec elle, comme la fois où il l'avait emmenée manger une glace ou boire un chocolat chez elle. Elle pensait qu'il n'en avait plus rien à foutre.

— Qu'est-ce que tu veux faire ? demande-t-elle alors.

— Et si on…

Mais une sonnerie stridente l'interrompt au vol et Hinata fait un bond sur place : c'est son portable. Elle décroche en catastrophe, se fait enguirlander par Hiashi, raccroche et lève des yeux contrits vers Naruto qui a déjà compris.

— Je… Je dois rentrer, explique quand même Hinata d'un ton misérable.

— A demain alors, fait Naruto à voix basse en repartant déjà.

Il a l'air déçu et résigné. Deux trucs que Hinata ne voit pas souvent chez lui.

Ça lui tord les entrailles.
.

.

La semaine suivante au lycée, c'est l'effervescence comme d'habitude. Les potins, les "paraît que Sasuke et Sakura…", les "Kakashi fait une interro surprise" et les "putain encore des brocolis à midi". Tout le monde vit sa vie, les Hawks conspirent non stop pour choisir leurs morceaux des Portes Ouvertes et au niveau des Scarecrows, ils ont un peu de mal à recoller les morceaux après leur dernière répète catastrophique dans le garage de Tenten. En fait, ils en sont carrément à s'éviter.

Contre toute attente, leur situation ne passe pas inaperçue pour les autres et Hinata intercepte souvent des murmures sur son chemin, des théories et des suppositions, et elle se demande depuis quand le reste du lycée fait tant attention à leur existence. Il y a même une fille qui vient lui demander, pendant le déjeuner de mercredi, si les Scarecrows concourent toujours aux Portes Ouvertes.

— Euh… fait Hinata qui n'en est plus très sûre maintenant qu'on lui pose la question.

Par réflexe, elle glisse un regard en direction de Naruto, assis une table plus loin. Il la voit, ouvre la bouche puis se mord les lèvres. Ils ne savent plus. Ils ne se sentent pas prêts. Leur groupe est encore en train de se faire la gueule. Ils sont dans l'un de ces moments où tout semble foutu, et ça, tout le lycée peut le constater. Alors Sasuke se lève de sa chaise, écarte sa mèche de devant son visage d'un revers de pouce et s'appuie contre une table en lançant haut et fort :

— Vous abandonnez ? Le seul truc étonnant, c'est qu'il vous aura fallu tout ce temps pour le faire.

Les yeux de Naruto lancent des éclairs. Sasuke lui renvoie un regard noir. Que Naruto n'essaye même pas de répondre le rend furieux.

— Vous n'aviez aucune chance, crache-t-il alors, décidé à éveiller une réaction, quelle qu'elle soit. Aucun talent. Aucune volonté. C'était bien la peine de faire tout ce foin.

— La ferme, grogne Naruto entre ses dents en lui tournant ostensiblement le dos.

Sasuke s'énerve davantage. Le self est devenu silencieux autour d'eux. Hinata aperçoit soudain Tenten qui entre tout juste, près des salades, avec d'autres troisièmes années, et elle espère soudain qu'elle s'intéressera à la scène. Parce qu'en dépit des accrochages, ils restent un groupe, et que Tenten, c'est un tiers de ce groupe. Ce qui les concernent la concerne aussi.

— "La musique rassemble les gens", poursuit Sasuke, impitoyable. C'est ce que vous disiez, non ? Plutôt con que ça marche pas au sein de votre propre groupe. Si vous vous effondrez au moindre coup dur, c'est pas plus mal que vous arrêtiez là. Réessayez quand vous tiendrez sur vos jambes… bande d'amateurs.

Un liquide froid coule soudain sur la tête de Sasuke qui sursaute : juste derrière lui, Tenten est en train de vider le contenu de sa canette de jus d'orange sur ses cheveux soigneusement ébouriffés à la cire. Très calme, elle repose la canette sur un plateau qui traîne et lance sereinement :

— Merci, Uchiwa. Tu peux aller te faire shampouiner, maintenant.

— Putain, ça colle, ta merde ! glapit Sasuke en secouant ses cheveux.

— Les Scarecrows, répète, maintenant, ordonne Tenten sans lui prêter attention, déjà occupée à passer entre les tables.

Elle arrive à la hauteur de Naruto et Hinata, les empoigne chacun par un bras et les force à se lever pour la suivre. En quelques instants, ils sont dans les escaliers et Tenten marche si vite qu'ils ont du mal à suivre.

— Cette fillette de Sasuke, tellement prévisible, lance-t-elle sans se rendre compte qu'elle parle toute seule. N'empêche que je me demande pourquoi… M'enfin peu importe, il a raison ce con… Faut juste qu'on retrouve les rails… Dépêchez-vous, derrière !

— Tenten, qu'est-ce que tu racontes ? s'énerve Naruto en redoublant d'allure.

— Les Hawks ont besoin de nous, déclare Tenten avec un grand sourire un peu inquiétant.

— Quoi ?

— Ils ont besoin de nous pour être les meilleurs. Pour gagner.

Hein ?

— Allez, activez, on a une audition à réussir !

— Pourquoi est-ce qu'on comprend toujours qu'un tiers de ce qu'elle dit ? proteste Naruto à l'intention de Hinata qui n'en sait rien.

Ils finissent par arriver dans le studio d'Asuma où ils ont déjà remis leurs instruments sans jamais y toucher depuis le début de la semaine et Tenten claque la porte dans leur dos. Sans attendre, elle se tourne vers les deux autres et leur fait face, se balançant d'avant en arrière sur ses talons.

— Bon, désolée pour l'autre jour, dit-elle rapidement. Tous les groupes s'engueulent, ce serait pas normal que le nôtre y passe pas. Désolée aussi pour vous speeder autant mais c'est pas facile de se forcer à ralentir pour attendre les limaces, okay ? Ah, et aussi, j'ai des Cheerios.

Elle sort un paquet de céréales de son sac et l'agite devant eux. Naruto et Hinata se regardent : d'après ce qu'ils ont compris, Tenten vient de leur présenter ses excuses. Elle continue de secouer le paquet, tchac tchac tchac font les céréales, alors Hinata sourit la première.

— C'est bon pour moi, assure-t-elle.

Elle se tourne vers Naruto en même temps que Tenten. Il a pas l'air trop jouasse.

— OK, cède-t-il cependant, mais si ça recommence je réclame le droit de te frapper.

— Ouais, s'tu veux, concède rapidement Tenten. Bon, trêve de sentimentalisme, on s'y met !

Elle ouvre la boîte de céréales, enfourne une poignée de Cheerios dans sa bouche et fourre le paquet dans les mains de Hinata avant de traverser le studio pour rejoindre sa batterie. Naruto plonge la main dans le paquet à son tour, puis se souvient d'un truc qui anéanti aussitôt ce qui restait de sa mauvaise humeur :

— Putain j'ai totalement oublié ! Ramenez-vous, va y'avoir du spectacle !

Et sans plus de précision, il empoigne son ampli, se jette hors du studio et retourne au self à toute blinde. Tenten et Hinata le rejoignent complètement essoufflées au moment où il répète à Sasuke, toujours assis à sa table avec son groupe :

— … un défi est un défi, monsieur je-suis-une-fillette-Uchiwa.

— Mais de quoi il parle, Sasuke ? s'énerve Kiba.

— Je sais pas non plus mais Naruto a raison, intervient Lee en tapant du poing sur la table. Un homme ne revient pas sur sa parole, Sasuke !

— Oh putain ! craque Sasuke en envoyant valser sa serviette avec une humeur de chien.

Il se penche, tire sa guitare de sous la table et la branche sur l'ampli que Naruto pousse vers lui d'un air triomphant. Puis il prend son temps pour faire ses réglages, ajuste sa pédale de distorsion, puis ne peut plus retarder l'échéance et relève la tête en direction de Naruto.

Please don't stop the music de Rihanna, déclare celui-ci haut et fort.

— Tu te fous de ma gueule ?!

— Tiens, coupe Lee qui a déjà récupéré la partition sur Internet.

Sasuke le poignarde du regard alors qu'il pose son portable bien en évidence sur la table et se résigne à mettre ses doigts en place sur sa guitare. Il tâtonne un moment, le temps de découvrir le morceau, puis c'est parti : la musique enfle et résonne dans le self, coure le long des tables, se glisse sous les chaises et explose contre les murs. Les élèves se sont interrompus dans leur déjeuner pour profiter du concert improvisé et deux tables plus loin, Ino et Sakura se sont levées pour mieux voir. Déjà qu'entendre ce morceau intégralement interprété à la guitare électrique, c'est pas courant, mais alors Sasuke qui joue du Rihanna, c'est carrément un truc qu'on ne voit qu'une fois dans sa vie.

Et il joue bien en plus, ce con, et les filles commencent à chantonner en chœur, et Lee bat la mesure, et Kiba est mort de rire, et Sakura et Ino quittent leur table pour se mettre à danser sur le carrelage. Puis Tenten s'empare des couverts de Neji pour fracasser la ligne de batterie sur la vaisselle, et Naruto l'accompagne en frappant du pied, et Hinata complète des mains, et les cuistots se balancent à droite à gauche derrière le comptoir en agitant leurs louches pleines de sauce tomate, et les professeurs ouvrent des yeux ronds depuis leur table du fond.

Il n'y a bien que les combo Scarecrows / Hawks pour retourner une ambiance comme ça, se disent Asuma et Kurenai.

Puis le morceau prend fin, les filles gueulent joyeusement une dernière fois please don't stop the music ! et Sasuke baisse sa guitare en assassinant Naruto du regard.

— Je te hais, crache-t-il.

— Ça me va, rétorque Naruto.

Il lui fait un signe de la main ironique puis tourne les talons, entraînant Tenten et Hinata à travers le self encore survolté. Sasuke est ensevelis sous les moqueries et les applaudissements à armes égales, il est rouge pivoine et il donne l'impression qu'il va planter le manche de sa guitare dans le torse du premier con qui s'approche, mais Naruto le laisse à sa galère et se retourne vers les deux filles dès qu'ils sont dehors :

— Hey, j'me disais ! Faut qu'on pense à une tenue de scène pour les Portes Ouvertes !

Tenten et Hinata relèvent les mêmes yeux étonnés. Elles n'avaient pas pensé à ce détail.

— J'imaginais qu'on se pointerait fringués comme d'hab, explique Tenten.

— Hein ? Trop pas ! conteste Naruto. On est un groupe, faut qu'on soit visibles !

— Quoi alors, en rockers ? Super original.

— Meuh non ! Un truc plus personnel !

— Un t-shirt avec le nom du groupe ?

— Trop facile, laisse ça aux p'tits joueurs comme les Hawks. Non, écoutez, j'me disais… On est les Scarecrows, pas vrai ?

Hinata ne comprend pas tout de suite où il veut en venir, avec son air tout émoustillé, mais Tenten, elle, rigole déjà.

— Tu veux qu'on déboule sur scène déguisés en épouvantails ? Pour le coup, ça doit être du jamais vu.

— Alors ça vous branche ?

— Carrément !

Naruto se tourne vers Hinata. Elle bafouille :

— Euh, euh… J'ai rien pour m'habiller comme ça, moi…

No problem ! lancent Naruto et Tenten en même temps. On s'en occupe.

— D'a… D'accord, alors je vais… Euh… Réfléchir à un symbole commun.

La proposition augmente encore d'un cran l'enthousiasme des deux autres qui, pour le coup, n'y avaient pas pensé. Ouais, un blason ! Trop bonne idée ! On compte sur toi alors !

C'est comme ça que Hinata se retrouve à retourner sa chambre à la recherche de l'inspiration du siècle. Comment représenter leur groupe à travers un simple accessoire ? Des lunettes de soleil ? Un dossard ? Un maquillage particulier ? Ça ne va jamais, pas assez subtil, pas assez "eux"… Puis elle trouve lorsqu'elle renverse un carton de vieux vêtements. Un patchwork, bien sûr, s'émerveille-t-elle en dépliant les tissus colorés. Quoi de mieux pour représenter l'assemblage bariolé et parfois déchiré mais toujours reliés qu'ils sont ?

Sa nuit de couture et les nombreuses piqûres d'aiguille associées sont récompensées par les exclamations ravies de Naruto et Tenten lorsqu'ils découvrent leurs nouveaux foulards le lendemain. La diversité des étoffes leur plaît immédiatement et Naruto attache aussitôt le sien autour de son cou avec jubilation.

— Trop cool, approuve Tenten qui a préféré l'enrouler parmi la masse de bracelets qui orne son poignet.

Et ils se remettent à leurs répètes, parce qu'ils sont boostés à bloc, parce que voir Naruto reprendre du poil de la bête les électrise tous, parce qu'ils se sentent cool et heureux, et y'à rien de mieux pour faire du rock à fond la caisse.

Alors Hinata joue sur son vaisseau spatial violet, elle voit Tenten qui explose ses toms, elle dévore Naruto des yeux, elle se repaît de la musique comme si c'était son oxygène à elle, et elle se dit ouaaah, mais quelle bonne idée j'ai eue l'autre jour, quand j'ai décidé de rejoindre Naruto dans le couloir et de faire partie de son groupe.

Parce que vraiment, les Scarecrows… peut-être bien qu'ils sont chiants parfois, mais quand même, ils sont inimitables. Et Hinata ne demande rien de plus.
.

.

Deux jours plus tard, l'excitation est mise en sourdine et le studio d'Asuma a complètement disparu sous un océan de partitions.

Assis par terre et à moitié ensevelis sous les recueils musicaux, Hinata, Tenten et Naruto abaissent en même temps les listes qu'ils ont en main et poussent un soupir parfaitement coordonné. Puis ils se regardent, en silence, puis Naruto pose sa feuille au milieu de toutes les autres.

— Bon, fait-il. Faut qu'on se décide.

Hinata et Tenten opinent : il a raison. C'est cool de s'entraîner en naviguant de morceau en morceau, d'artiste en artiste, de style en style, mais maintenant ils doivent absolument arrêter un choix sur trois morceaux précis et les bosser à fond pour les Portes Ouvertes. Ils n'ont plus le droit à la ballade expérimentale.

— J'propose qu'on en choisisse un chacun, poursuit Naruto en jetant un coup d'œil à ses collègues. Et qu'on s'adapte afin que tous les morceaux nous correspondent à tous.

— Ça peut être une tactique, approuve mollement Tenten. T'as déjà une idée ?

— Ouais mais… Mmmh… Hinata, tu commences.

Hinata lui lance un regard, se dit que décidément, elle est toujours celle qui pose la base dans ce groupe, et passe une main dans la mer de papier qui l'entoure pour se donner le temps d'une ultime réflexion. Des morceaux, elle en a plein en tête. Pas facile de trouver celui qui collera parfaitement au groupe entier et à la compétition des Portes Ouvertes. Il faut plus qu'un truc sympa, il faut LE truc. Celui qui impressionnera leurs profs. Celui qui leur ouvrira les portes de l'Auditorium.

— Je pensais à… commence-t-elle lentement. Peut-être… Link Wray ?

— Encore ? gémit Tenten qui n'a jamais pu oublier la galère qu'a été Bull Dawg à maîtriser.

— Oui, mais un truc comme Shawnee peut avoir beaucoup d'effet, argumente Hinata. C'est un morceau plutôt lent, qui tranchera avec ceux que vous avez en tête, qui permettra de faire une halte dans notre prestation tout en montrant qu'on sait être réguliers et rigoureux dans un rythme poussif…

Naruto et Tenten s'observent, songeurs. Hinata voit juste quand elle dit que les morceaux qu'ils s'apprêtent à proposer sont du genre trépidants : c'est pas une mauvaise idée d'imposer un changement de rythme au milieu. Finalement, Tenten opine et se lève pour écrire le titre au tableau.

— Okay, on a une proposition. Naruto ?

— Alors moi, c'est plutôt un truc qui secoue, prévient Naruto en fouillant dans les partitions pour retrouver celle qui l'intéresse. En fait, j'en ai même deux, non, trois…

— T'avais dit UN titre par personne !

— Faut juste choisir ! Donc moi c'était Hell Song de Sum 41, ou Pretty Fly ou Staring at the Sun des Offspring.

Les titres imposent un silence dans le studio. Hinata réfléchit à toute vitesse, mais Naruto ajoute déjà pour se justifier :

— J'me disais qu'on n'avait pas vraiment bossé le chant jusqu'à présent, et comme c'est un peu tard pour espérer être des bêtes d'ici les Portes Ouvertes, autant prendre un truc qui gueule et nous permet de se concentrer sur la musique.

— Pour le coup, c'est sûr que ça gueule, The Offspring, fait remarquer Tenten en ajoutant les morceaux à la liste du tableau. Mais je suis pas sûre pour Staring at the Sun. Si l'idée c'est d'avoir un truc polyvalent, avec des décrochages et tout ça, Pretty Fly et Hell Song sont plus stylés.

— Vire la dernière alors.

— Adjugé, fait Tenten en effaçant Staring at the Sun. Bon, et moi aussi j'en ai plusieurs.

Elle pose sa craie sur le tableau et ajoute I Love it Loud de KISS et Wipe Out de Surfaris. Hinata et Naruto lisent en hochant pensivement de la tête. Les deux morceaux sont très différents l'un de l'autre, mais ils comprennent d'un regard échangé lequel ils préfèrent tous les deux.

I Love it Loud, déclarent-ils d'un même ensemble.

Tenten a un petit sourire furtif et vire Surfaris d'un revers de manche. Reste à choisir parmi ceux de Naruto. Ou en trouver un autre.

— Est-ce que ça le fait de jouer ces trois trucs à la suite ? se demande Tenten en reculant d'un pas pour mieux voir sa calligraphie merdique.

— J'pense qu'il faut garder celui de Hinata, intervient Naruto. Ou en trouver un du même genre. Parce que c'est le seul truc vraiment inattendu. KISS et Sum 41, c'est quand même des classiques méga classiques.

— Je valide, confirme Tenten. Mais on a quand même besoin de faire un classique, c'est ce qu'ils attendent de nous. Si on résume, il nous faut un classique, un morceau "prise de risque" et un truc fun que personne ne s'attendait à entendre.

— Alors admettons que I Love it Loud est notre classique, réfléchit Hinata, que Link Wray ou autre chose du même style est notre prise de risque… Si on prenait quelque chose de totalement décalé pour le truc fun ?

— Du genre ?

— Du genre… Un morceau d'un autre style qu'on jouerait façon rock.

Tenten et Naruto échangent un regard, c'est osé comme projet, ça demande du temps et de la maîtrise mais c'est sûr que c'est ce genre de tentative qui les démarquera des autres groupes. Et puis ils ont envie de faire confiance à Hinata : avec le recul, c'est d'elle que viennent la plupart des bonnes idées de ce groupe.

— On pourrait taper dans, mhhh… pense toujours Hinata à haute voix en soulevant les partitions à pleines mains. Le rap, ou l'electro bien sûr… Ou encore une vieille référence remise au goût du jour, comme les Beatles…

Tenten et Naruto attendent, la laissent réfléchir, et Hinata continue de parler toute seule. Elle est celle qui a les références musicales les plus variées du groupe, ils s'en remettent entièrement à elle pour le coup.

— … Vous avez entendu le remix de We Will Rock You du groupe 5ive ? Il est vraiment intéressant, ça ne devrait pas être irréalisable de faire le notre… Mais c'est peut-être encore trop classique, alors voyons, du Daft Punk ? Du David Guetta ?... Le truc c'est que Naruto a raison, on n'est pas vraiment calé en chant, donc il faut plutôt un morceau instrumental…

— Tu sais quoi, Hinata ? coupe Naruto. On te laisse gérer. Tu trouves un truc, tout nous l'expose et on valide ou pas.

Tenten approuve d'un signe et Hinata accuse le choc. Elle sait que c'est plutôt une marque de confiance, mais elle a aussi l'impression qu'ils lui refilent le sale boulot sans vergogne. Comme les deux autres considèrent la décision comme acquise et sont déjà en train de plier leurs affaires, elle la ferme et rassemble ses partitions en déroulant déjà des listes dans sa tête.

Et si elle l'écrivait elle-même, ce morceau ? pense-t-elle soudain en s'arrêtant dans son rangement.

L'idée enfle dans sa tête, se déploie comme une magnifique montgolfière qui fait rêver, puis se réduit lorsque Hinata remet les pieds sur terre. Elle n'aura jamais le temps de composer un morceau entier et de l'apprendre aux autres d'ici un mois. Dommage, parce que plus elle y pense, plus c'est la composition qui l'intéresse. Mais ce sera pour une prochaine fois… Alors elle range l'idée dans un coin de sa tête et replie ses recueils de partitions d'un geste déterminé.

Elle trouvera. Elle trouvera LE morceau. LEUR morceau.
.

.

Quand Neji entre dans la cuisine ce soir-là, il y a déjà Hiashi installé à la table au milieu d'un vrac de papiers administratifs et de programmes de tournées. Comme il est plongé dans son agenda et que ce qu'il y lit n'a pas l'air de le réjouir, Neji se faufile discrètement vers le frigo avant de repartir aussi furtivement, une bouteille de lait à la main. Mais Hiashi l'interpelle sur le pas de la porte :

— Ah, Neji, attend une seconde… Quelle est la date des Portes Ouvertes de votre lycée ?

Neji fait marche arrière :

— Le 23 mars, répond-t-il.

— C'est bien ce qu'il me semblait, marmonne Hiashi en replongeant dans son agenda. C'est d'un rare timing, Mei sera rentrée à temps…

— Vous comptez venir ? s'alarme soudain Neji.

— Bien sûr.

Hiashi est occupé à noter l'événement dans son carnet, il ne remarque pas Neji qui reste planté là la bouche entrouverte à réfléchir à toute vitesse. C'était pas prévu, ça, que Hiashi assiste à leur représentation. Mei encore moins, mais ça c'est pas le pire. Non vraiment, est-ce que ces deux-là vont apprendre que leur fille fait du rock en la voyant monter sur scène une guitare à la main ?

Neji voit d'ici le drame planétaire. Les cris de protestation. L'indignation. La salle de concert à feu et à sang.

— Et, euh… commence-t-il sans trop savoir comment s'y prendre. Vous êtes sûrs ?

— Enfin, Neji, ce n'est pas la première fois qu'on vient vous écouter jouer, s'impatiente Hiashi qui est passé au planning des tournées du printemps.

— Oui, je sais, mais… Vous, euh… vous savez que je ne serais pas le seul à jouer ?

Hiashi fait distraitement "mh mh", forçant Neji à pousser plus loin son tâtement de terrain :

— Et, hum… Vous savez, il y a tous les styles, dans cette représentation.

— Neji, coupe Hiashi sans même relever la tête de son agenda, si tu essayes de me dire que Hinata y jouera de la guitare électrique, je suis déjà au courant.

La mâchoire de Neji se décroche d'un coup. Pendant une fraction de seconde, il se demande si Hinata en a déjà parlé à son père, mais il est certain que non – l'autre jour encore, elle se demandait comment aborder le sujet. Alors comment Hiashi a pu être au courant, putain ?

— Je ne suis pas idiot, soupire Hiashi en abaissant son carnet, comme s'il avait entendu la question non formulée. Sa chambre est remplie de partitions de rock, elle a de la corne aux doigts et j'ai retrouvé l'emballage vide d'une corde métallique dans la salle de musique.

— Ça aurait pu être à moi, objecte Neji qui se retient de faire remarquer à Hiashi que tout aussi intelligent qu'il se prétend être, il n'a tout de même pas vu la guitare que Hinata avait dans les mains cette fois où il a fait irruption sans prévenir.

— J'ai reçu un mot du lycée, précise Hiashi en lui jetant un regard en biais.

— Oh.

— Vous devez avoir l'autorisation des parents pour jouer aux Portes Ouvertes, vous l'aviez oublié ? Des histoires de droits d'image, parce qu'il y a toujours des journalistes. Donc oui, je suis au courant, et oui ça fait longtemps.

Neji accuse le choc d'un mouvement d'épaules. Il est plutôt amusé maintenant. Et dire que Hinata s'arrache les cheveux tous les soirs en se disant qu'elle ment à ses parents…

— Et, euh… demande-t-il cependant. Ça vous va ?

Hiashi relève la tête une nouvelle fois. Son visage est impénétrable.

— Ça… On en parlera après la représentation.

Ouais, bon, se dit alors Neji. Peut-être que Hinata peut continuer de s'arracher les cheveux.
.

.

Sasuke sonde la rue du regard, il la connaît bien. Boomslang a toujours répété dans le hangar de Juugo et faut croire que Kerosene a persévéré dans la tradition. Du coup, Sasuke a un peu l'impression d'avoir remonté le temps quand il se retrouve face à cette immense porte en métal taguée des pieds à la tête. Il reconnaît son propre graph, un super serpent à deux têtes qui ondule entre les notes de musiques multicolores, puis s'avance et pousse la petite porte aménagée sur le côté.

Si l'extérieur n'a pas bougé, l'intérieur du hangar est complètement différent. A l'époque, ils jouaient sur un vieux tapis, entre deux sièges défoncés et trois caisses retournées ; maintenant, Kerosene a réaménagé les lieux et ça ressemble à un espèce de salon en deux parties. De l'autre côté des canapés à ressort, c'est un vrai studio, avec des projecteurs et des micros pour les enregistrements. Au milieu des pupitres, Karin, Suigetsu et Juugo sont occupés à s'accorder et lui jettent un coup d'œil :

— T'es vraiment venu ! se réjouit Karin en levant les bras.

— Content de voir que t'as pas oublié le chemin, ajoute Suigetsu d'un ton mordant.

Juugo se contente de lui sourire doucement. Il y a des affiches de groupes partout sur les murs et une bouteille de Coca sur la table basse. Sasuke a conscience d'être entré dans un endroit qui ne lui appartient plus, et pourtant il se sent de retour chez lui. Il se dit alors que c'était une bonne idée, de renouer avec son ancien groupe. Ça le change un peu, déjà, et puis c'est aussi une façon de réparer ce qu'il a démoli dans le passé.

— Sympa, la déco, observe-t-il en rejoignant le coin studio.

— C'est Karin, elle a géré. Alors, tu viens gratter avec nous ?

Sasuke hausse les épaules : pourquoi pas. Il installe sa guitare, se cale sur une caisse de limonade et regarde le petit groupe délibérer en pinçant distraitement ses cordes pour passer le temps. Il réfléchit à leurs différences de parcours, se demande ce que serait sa vie s'il était resté, ce que serait la leur aussi. Son départ les a tous forcés à s'adapter et à se dépasser, et Sasuke se doute que Kerosene n'aurait pas aussi bien percé s'il avait continué à les pourrir comme il avait commencé à le faire avant qu'il ne les largue.

Mais Kerosene n'a pas encore d'avenir, parce que Kerosene est un bon groupe mais il lui manque ce qu'avait Boomslang et qu'ils ont perdu dans la transition : un leader.

Sasuke pense. Il se demande s'il a vraiment sa place dans les Hawks, il se demande si c'est vraiment ce qu'il veut faire, la guitare, ou même le chant. Son problème, finalement, c'est qu'il a trop de talent. Difficile de choisir quand on peut tout faire, difficile de voir ce qu'on préfère.

C'est pour ça qu'il pense souvent à Hinata, et qu'il n'arrive pas à s'en foutre comme de sa première chaussette alors que dans le fond, c'est qu'une énième fille de sa classe. Parce que Hinata, elle a trouvé son chemin au milieu de tous ces croisements. Elle avait le choix elle aussi : elle aurait pu continuer dans le violon, dans les études, dans plein de choses, mais elle a su voir quelle direction était la sienne.

Peut-être bien que la guitare électrique n'est que le prélude d'une histoire complètement différente, peut-être que Hinata n'en fera pas sa carrière ni l'œuvre de sa vie et que demain elle se découvrira une passion pour la flûte à bec, mais y'à aucun doute sur le fait que c'est la première pierre sur laquelle elle construira tout le reste. Découvrir la guitare, c'est pour elle comme de s'apercevoir qu'elle a des ailes et pas des nageoires comme le reste de sa famille.

Sasuke, lui, c'est plus compliqué puisque c'est le schéma exactement inverse : il a toujours su qu'il avait des ailes, ET des nageoires, ET des griffes ET des crocs ET des… Il peut aller partout, n'importe où, n'importe comment. Mais c'est difficile de décider d'une unique destination dans ce contexte.

En fait, c'est difficile d'avoir le choix.

Puis Kerosene commence un morceau, et Sasuke se met à jouer aussi, et quand Sasuke joue, il ne pense à rien d'autre.

C'est ce qu'il préfère.





Bon, les choses vont s'activer dans le prochain chapitre, parce que les portes ouvertes approchent et que tout ce beau monde a encore plein de trucs à régler avant. En attendant merci d'avoir lu et à la prochaine fois !



Chapitres: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 [ 10 ] 11 12 13 Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: