Fiction: Six Cordes Métalliques (terminée)

Dans le lycée d'Hinata, la gloire suprême, c'est d'être sélectionné pour participer au grand concours de musique de fin d'année. C'est pour ça que quand Naruto relève aussitôt le défi qu'on lui balance au visage, Hinata marche aussi : monter un groupe et écraser le boy's band de Sasuke aux Portes Ouvertes ? Easy !
Humour / Romance | Mots: 113352 | Comments: 74 | Favs: 33
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NeN (Masculin), le 17/05/2014
Hey ! Merci d'être là !

Avant toute chose, je tiens à préciser que je ne joue pas de rock et qu'en dépit de mes recherches, des erreurs peuvent se glisser dans cette histoire : je présente d'ores et déjà mes excuses aux musiciens que ça risque de scandaliser et les implore de ne pas me laisser dans l'ignorance en me signalant les éventuelles fautes commises.

Voilà, bienvenue, n'hésitez pas à monter le son et bonne lecture bien sûr !




Chapitre 1: Séquence d'intro en sol majeur



— Bienvenue à cette deux centième fête de l'école ! Nous sommes le jeudi 25 octobre, il est treize heures et il fait un temps magnifique !

Dans un dernier effort, Naruto gravit les derniers centimètres de balustrade, enfourche la poutre métallique qui délimite le rebord de la terrasse de la cafétéria puis se retourne en prenant soin de ne pas regarder en bas. Dans son élan, il a oublié qu'il est sujet à un vertige monumental dès qu'il dépasse les cinquante centimètres d'altitude. Mais comme d'habitude, il a agi avant de réfléchir. Faut dire qu'il a souvent tendance à confondre son cerveau avec un muscle comme un autre.

— … Et ne ratez pas le concours de ping-pong organisé dans la salle d'examens du premier étage ! poursuit le haut-parleur, couvrant momentanément le vacarme de la musique.

De là où il est, Naruto a une vue plongeante sur le lycée Senju. Dans la cour principale, juste sous ses pieds, plusieurs centaines d'élèves fourmillent entre les bancs et les paniers de basket décorés de ballons multicolores. Le soleil se réverbère violemment sur les vitres des bâtiments qui referment l'espace, tout un tas de fouillis architectural qui ne saurait mieux exprimer son ancienneté qu'avec le contraste de ses matériaux hétéroclites alternés au fil des époques de construction qui lui sont passées dessus comme un ouragan. Loin en face de Naruto, la tour dressée au-dessus de la salle de spectacle affiche une large horloge indiquant, comme l'a annoncé le type du haut-parleur, qu'il est déjà treize heures.

Tendant le cou, Naruto détaille l'estrade installée sous le passage couvert qui mène au self. Quatre élèves s'y affairent, ajustant leurs instruments entre les piliers de pierre, raccordant des câbles, tandis qu'à côté d'eux les enceintes déversent un flot bigarré de musique pop.

— Sans plus tarder, laissons l'espace sonore au fameux groupe de rock, notoriété de notre lycée, les Hawks !
La musique s'interrompt et c'est une vague de hurlements hystériques qui la remplace : devant l'estrade, une meute d'élèves s'égosille en sautant sur le bitume de la cour. Leurs stars à eux, c'est ces quatre mecs sur la scène, qu'ils acclament comme si Aerosmith avait fait leur première partie.

Ces quatre élèves, il faut être le dernier des bouseux pour ne pas les connaître. Celui qui accorde sa basse en rigolant, près des multiprises, c'est Kiba l'impulsif, à la fois agressif et charmeur. Un vieux bandana rouge autour du cou, il est toujours en train de faire deux choses à la fois comme s'il s'imaginait que la vie était moitié trop courte : il paraît que c'est une faculté féminine mais il s'en fout, il le sait qu'il n'est pas normal et ça lui plaît.

Derrière lui, y'à Neji, le petit prodige de service qui joue du violon électrique comme s'il était né avec. Grand, mince, souple, c'est un silencieux, sauf quand il décide de l'ouvrir et là, d'un accord général, il parle toujours trop. A croire qu'il s'imagine que la voix n'a d'usage utile que lorsqu'elle est utilisée pour attaquer.

De toute façon, Neji, il ne sait s'exprimer qu'avec son archet et son violon en carbone. Il le cale contre son cou, effleure les cordes du doigt, ferme les yeux un instant. Il est bien, il respire, ça se voit, ça se sent. Ses longs cheveux ruissellent dans son dos, une onctueuse marée noire sur l'océan indigo de son pull à col V. Attention, il va s'envoler.

Et il le fait vraiment, sur un signe du batteur : trois, quatre, hop le morceau explose dans un concert de vivats. Ouaiiiis ! Tout le monde a reconnu Metallica, c'est l'hystérie. Lee rayonne derrière ses caisses, il est heureux.

— Je vous aime ! gueule une groupie dans la foule.

— Moi aussi !

Y'à pas grand-chose à dire sur Lee qui ne se voie pas aussitôt. Pareil dedans que dehors, le mec. Simple, limpide, honnête, circulez y'à rien à voir. Ça devient rare, les perles comme lui. Au moins aussi rare que l'informe veste en tweed qu'il a dégoté dieu sait où et qu'il porte fièrement par-dessus un maillot de basket. Les autres membres ont renoncé depuis un moment à freiner son engouement pour une mode qu'il semble être le seul à comprendre : de toute façon, c'est pas dans les groupes de rock qu'on est le plus regardant sur les fringues.

Enfin, au premier plan, le gars qui joue de la guitare électrique devant un micro déglingué, avec le jean moulant et col de chemise soigneusement dégagé, c'est Sasuke Uchiwa et c'est lui que regarde Naruto.

Il est beau, Sasuke, avec sa silhouette déliée et ses traits fins. Il est beau et il le sait. Au début, ça l'emmerdait, mais maintenant, il apprécie toujours le pouvoir que son physique lui donne sans détour. Cette horde de filles devant l'estrade, par exemple, elles ne seraient pas là s'il avait eu la gueule de Quasimodo et il doit bien avouer que leur admiration flatte l'ego. Parfois, pourtant, il se demande si les gens sont vraiment sincères quand ils parlent de sa musique ou s'ils pensent à son corps. Il se dit qu'il ne sera jamais mannequin.

C'est un mec ambigu, ce Sasuke. Egoïste et intransigeant, il ne cherche pas à cacher ses défauts mais les autres lui ont déjà créé un personnage et quoi qu'il fasse, c'est à "Saskay !" qu'il sera associé. Il a décidé qu'il s'en foutait ; de toute façon, il est misanthrope sur les bords.

Il sent le regard de Naruto peser sur lui mais fait comme si de rien n'était, il est habitué. Entre eux deux, c'est comme ça depuis toujours : ils se toisent sans s'approcher, se provoquent sans se chercher, se contournent et se jaugent. Il ne sait plus très bien quand ça a commencé, cette rivalité intense et inégale.

Naruto serre les dents. Il le hait, ce petit con si à l'aise devant son public, lui et ses mèches brunes tombant sur son visage avec un faux naturel renforcé de cire à cheveux. C'est au-delà de la jalousie. C'est le sentiment d'être une météorite divaguant dans l'ombre d'un soleil rayonnant.

Si Sasuke est surnommé "le Pur Beau Gosse" dans les couloirs du lycée, le petit nom de Naruto, c'est "le boulet". Un peu moins classe. Et, comme ils le disent tous, un boulet reste un boulet, donc on s'en fiche un peu, du Naruto, on le laisse s'agiter dans son coin pour s'intéresser aux étoiles comme Saskay ou Kibaaaa. De toute façon, il est trop. Trop gamin, trop incapable, trop lourd. Boulet, quoi.

— On va maintenant vous interpréter une version de Heart Shaped Box, des génialissimes Nirvana, mais c'est vraiment pour faire plaisir à l'enfoiré qui nous a forcé à la répéter jusqu'à ce qu'on puisse plus la voir en peinture…

Ah oui, parce que ce groupe ne serait pas grand-chose sans quelqu’un derrière pour arriver à coordonner tout ça, l’entente entre les membres, l’organisation en béton armé, la gestion des répétitions et du matériel. Ce quelqu’un, c’est le manager, il s’appelle Shikamaru et c'est de lui dont parle Kiba en ricanant derrière son micro. Adossé contre un arbre les bras croisés, il observe le spectacle de loin, comme à chaque fois, et un sourire étire ses lèvres en une mimique satisfaite, un peu fière aussi. Il faut dire que ce n’est pas facile de s’occuper d’un tel quatuor d’ados aussi têtes brûlées les uns que les autres. Il est conscient de l’importance de son rôle et ça lui met une pression de dingue. Le but du jeu, c’est de ne pas le montrer.

Hey ! Wait ! I've got a new complaint…

Forever in debt to your priceless advice…

Noyé dans la foule, il y a un autre visage qui se tient à l’écart, deux yeux blancs derrière des mèches de jais, une tête de poupée de porcelaine appartenant à une jeune fille mal dans sa peau qui cherche encore ce qu’elle est venue faire dans cette foutue vie. Les autres la poussent en avant sans même la voir ; elle recule encore. Elle n’aime pas ça, Hinata, les descriptions de personnages. Elle trouve que c’est trop superficiel : comme si on pouvait définir une personne en quelques adjectifs jetés les uns à côtés des autres, agrémentés d’un ou deux verbe d’action et pimentés d’une pincée de noms communs.

Elle n’a pas tord, la petite Hinata, mais ce qu’elle déteste surtout, c’est les mots qui lui viennent quand elle se prête à l’exercice pour son cas : timide, insipide, inexistante. Alors elle s’agite, nerveuse ; elle ne veut pas qu’on la prenne pour cible et se détourne de la scène avec frustration pour dissimuler sa tristesse. Son regard tombe alors sur Naruto, perché sur le toit du self, et elle se détend soudain.

Ce type-là, il n'a sans doute jamais notifié son existence, mais pour elle, il est la seule raison de continuer à s’accrocher. Elle l’admire sans limite depuis toujours et elle se dit que tous ces gens qui hurlent leur vénération au groupe sur la scène ne savent pas ce qu’ils font. La musique contre la rage de vivre, c’est ridicule. Non ?

Elle a plein de questions qui martèlent son crâne en permanence. Comme elle ne sait pas où chercher des réponses, elle avance un peu à tâtons et fait de son mieux pour ne pas s’égarer. La route est longue et difficile pour Hinata, car elle est seule et son unique lumière est aussi insaisissable qu’un feu follet. Mais elle tient bon, sans trop savoir comment, sans trop savoir pourquoi.

— Merci à tous d'être là cet après-midi ! gueule encore l'autre dans son micro.

La tchatche, c'est toujours pour Kiba. Sasuke a beaucoup de défauts, mais pas l'hypocrisie, alors faire semblant d'être content de parler à ses fans, il passe son tour. Lui, s'il est là, c'est pour la musique.

— Je dédie le prochain morceau à Tenten, l'amour de ma vie. Remettons-nous ensemble, Ten !

La foule s'esclaffe et les visages se tournent vers une jeune fille grande pour son âge, bien campée sur ses jambes au milieu de l'assemblée. Elle ricane dans son pantalon kaki couvert de poches et son t-shirt bariolé. Des avances, elle en reçoit toutes les semaines, alors cette proposition de Kiba, ça la fait doucement rigoler. Il lui envoie un baiser, elle répond d'un doigt d'honneur et il commence à chanter en rigolant.

Tenten, c'est la fille populaire sans le vouloir. C'est pas la plus jolie, pas la plus sympa non plus ; les autres la gavent très vite et son manque total de patience et d'empathie la rendent souvent franchement désagréable, mais elle est vive et sans-gêne et il paraît que c'est ça qui plaît aux mecs. Son sale caractère ne l'empêche bizarrement pas de s'entendre plus ou moins avec tout le monde, mais le copinage c'est pas son truc alors elle doit être la seule ado du bahut à ne pas faire partie d'un groupe particulier. Son espace vital a un rayon de deux mètres dix et gare à celui qui y pénètre sans respecter les lois de son indépendance totale. Comme tous les autres, Kiba s'est rapidement fait éjecter et ça n'a surpris personne, pas même lui.

Elle, son sens de la vie, c'est la batterie. Elle a le rythme dans la peau et le tempo incrusté dans le bout des doigts ; c'est pour ça qu'elle a toujours l'air de marcher en musique et qu'elle ne peut pas s'empêcher de battre les mesures d'un air imaginaire sur toute surface à sa portée. C'est sans doute l'élève la plus douée de l'école dans sa catégorie ; d'ailleurs, elle a ses quartiers généraux dans la salle de musique et elle y passe sa vie. Les cours, c'est un hobby pour ses temps libres.

Sasuke et les autres savent bien que s'ils avaient une telle recrue dans leur groupe, ils pourraient exploser les niveaux et accéder à toute allure aux compétitions départementales, mais elle n'a jamais accepté d'intégrer les Hawks. Indépendante jusqu'au bout des ongles, on vous a dit. Ou alors c'est à cause du nom du groupe qu'elle trouve craignos à mort.

Enfin bref, Tenten, elle rox un max. C'est aussi à cause de ce genre de fille qu'Hinata se sent aussi minable qu'un cafard puant. S'il n'y avait que des thons lobotomisés dans ce lycée, sa confiance en elle aurait sans doute été différente. Dommage.

Parce qu'en guise de thons, il faut qu'elle côtoie des sirènes comme Sakura ou Ino, les deux hystériques au premier rang. Aussi belles l'une que l'autre, aussi vives l'une que l'autre, aussi chiantes l'une que l'autre, c'est le genre de filles qui l'ouvre en permanence et que tout le monde écoute tout le temps, même quand ce qu'elles disent vole vraiment pas plus haut qu'un chewing-gum écrasé sur le bitume.

Hinata se demande souvent sur quoi ça se joue, ce style de popularité. Il y a des centaines d'autres filles plus intéressantes qu'elles dans ce lycée, et pourtant ce sont ces deux cruches qui tiennent le haut du pavé.

Elle sait qu'elle ne les connaît pas plus que ça et qu'elles ont forcément de bons côtés, mais dans le fond, ça la rassure de se dire qu'elles ne sont que superficielles. Comme si ça la soulageait, comme si elle, elle ne l'était pas et donc qu'elle valait mieux.

Style genre, Hinata. Si ça te fais du bien de fermer les yeux…

Come as you are, as you were, as I want you to be…

As a friend, as a friend, as an old enemy…

Take your time, hurry up…

The choice is yours, don't be late


Take a rest, as a friend, as an old memoria


Memoria, memoria, memoria…


*


Les paroles sont encore dans toutes les bouches le lendemain. Impossible d'y échapper pour Hinata : où qu'elle aille, y'à un lycéen surexcité pour les brailler à tue-tête. Memoriiiiiaaa… Comme c'est toujours comme ça dans ce bahut, elle se contente de raser les murs pour rejoindre sa classe et y entre pile au moment où l'éclat d'une dispute prend dix décibels de plus. Paf, elle reçoit l'insulte en pleine gueule :

— T'es trop con !

Hinata a un mouvement de recul, mais c'est une fausse alerte : c'était pas elle, la visée. C'est Naruto, comme toujours.

— J'ai surtout trop raison, réplique celui-ci sans se démonter. Vous jouez toujours les mêmes trucs, à croire que vous avez la trouille de vous lancer dans l'inconnu.

Un concert de reniflements dédaigneux lui répond. La classe est déjà presque au complet, à moitié installée derrière les bureaux individuels. Rassemblés sur le premier rang, Sasuke, Kiba et leur fanclub regardent Naruto insister sans même sortir les mains de leurs poches.

— Faut maîtriser les bases avant d'essayer autre chose, Naruto, soupire Shikamaru dans une honorable tentative de médiation.

— Et les bases, t'es encore loin de les avoir, j'te rappelle, ajoute Kiba.

Pour la médiation, on repassera. Naruto s'enflamme, multiplie ses piques, s'agite comme une puce dans un shaker. Arrêtez de vous prendre pour des dieux, merde ! C'est pas parce que vous avez votre scène pour la fête du lycée que vous jouerez demain à l'Auditorium !

— C'est tout comme, lui rappelle Sakura. S'ils remportent la compète des Portes Ouvertes, c'est eux qui représenteront le lycée en juin.

— Et c'est évident qu'ils la remporteront, intervient Ino avec suffisance. Braille tant que tu veux, ça changera pas que les Hawks sont les meilleurs. T'es juste jaloux parce que t'es incapable de reproduire une mesure sans confondre un do avec un mi bémol !

Le reproche se fiche dans son cœur comme une flèche d'acier. Jaloux, lui ? De quoi ? De qui ? Ils commencent à l'énerver, tous, avec leurs idées préconçues sur ce qu'est la vraie musique et qui peut la jouer. Qu'est-ce qu'elles en savent, ces gourdasses intoxiquées à la J-pop ? Qu'est-ce qu'ils en cognent, ces frimeurs biberonnés au rock alternatif ? Suffit pas d'avoir appris sa leçon pour être un musicien, à la fin, merde !

Naruto sent qu'il va faire une connerie. Il devine que le bouillonnement qui le prend soudain va encore le fourrer dans des emmerdes pas possibles et il sait parfaitement qu'il a toujours tendance à le regretter, quand il parle sans réfléchir, mais là, ça sort tout seul. Il pointe son doigt sur Sasuke qui lève un sourcil : pour info, il a rien dit, lui.

— Je vais jouer aussi, aux Portes Ouvertes… Et je vais t'éclater !

Un moment de silence stupéfait suit sa déclaration de guerre, puis tout le monde explose de rire. Naruto rougit, s'énerve, insiste encore plus. Il n'y a que Sasuke qui ne rigole pas.

— Vous allez comprendre que y'à pas que vous qui savez ce que c'est que la musique ! trépigne l'autre blond.

— Tu oublies un minuscule micro détail de rien du tout, Naruto, précise Kiba qui a failli se chopper une crampe tellement il rigole. Il te faut un groupe pour participer à la compète.

Mais Naruto lève le pouce :

— No problem !

*


— Allez, Tenten, s'te plaît !

Mais si Tenten n'a jamais voulu jouer avec les Hawks, c'est pas pour se coltiner un amateur qui confond encore sa basse avec un manche à balai, même si dans le fond elle aime bien sa persévérance qui frise l'inconscience.

— Naruto, est-ce que j'ai une gueule à vouloir me faire chier sur mes caisses à attendre que t'arrives à plaquer deux accords ? Allez, t'es gentil, démerde-toi plus loin.

Naruto fait volte-face avec une exclamation de dépit. Ça s'annonce plus compliqué que ça, son histoire. Mais la journée est encore jeune et cette salle de perm est pleine à craquer.

— Shino ?

— Oublie-moi, répond d'office le mec sous sa capuche.

— Rah !

Sans se décourager, Naruto remonte encore quelques bureaux et vient se mettre devant Sakura et Ino qui interrompent leur conversation pour le regarder comme s'il avait de la merde sur la tête.

— Les filles, vous voulez pas…

— Tu plaisantes, là, Naruto ?

Evidemment, y'a pas grand-chose à attendre de ces deux groupies. Naruto commence à comprendre qu'il s'est fourré dans une belle galère et se réfugie dans le couloir pour échapper aux ricanements qui fleurissent autour de lui. Puisque c'est comme ça, il jouera seul, s'emporte-t-il en se laissant tomber contre le mur. Et il leur montrera à tous qu'il suffit pas d'avoir une jolie gueule pour…

— Na… Naruto ?

Il lève la tête : il n'a pas vu qu'Hinata s'est approchée. Cette fille est si discrète qu'il remarque toujours sa présence avec deux temps de retard.

— Je… Moi, je veux bien t'aider…

Il lui faut encore un moment pour comprendre ce qu'on lui dit, puis c'est la révélation.

— Sérieux, Hinata, tu veux bien ? s'exclame-t-il en bondissant sur ses pieds pour se jeter à son cou. J't'adore ! Tu joues quoi déjà, du violon ? Tu l'as avec toi, là ?

— Euh… Je joue pas vraiment, en fait, s'embrouille Hinata qui a encore plus de mal à parler maintenant qu'elle est rouge tomate. Mais je peux quand même t'aider… Pour répéter…

Elle peut bafouiller ce qu'elle veut, Naruto s'en fout : il n'est plus tout seul et ça lui suffit pour se sentir invincible. Il la colle toute la journée pour lui énumérer ses idées d'interprétation et ses plans d'action, puis la traîne dans la salle de musique dès la dernière sonnerie retentie sans prêter attention aux coups d'oeils narquois qu'on lui lance. Il n'y a pas une minute à perdre, les autres peuvent bien s'étouffer dans leurs sarcasmes qu'il n'en a plus rien à foutre.

Mais dans la salle de musique, il y a encore Neji et son violon, restés là après le dernier cours. Il y a une chose qui a toujours fasciné Hinata chez Neji : ce gars-là joue comme il respire. Tout semble naturel lorsqu'il a son violon en carbone entre les doigts, tout semble parfaitement évident et il est clair qu'il est plus à l'aise avec les sons qu'il produit qu'avec n'importe quoi d'autre.

Cette fois pourtant, il abaisse déjà son archet et lève les yeux pour les voir entrer.

— Alors c'est vrai ? jette-t-il. Tu vas jouer aux portes ouvertes ?

Naruto ouvre sa grande gueule pour s'enflammer, mais il s'aperçoit au dernier moment que ce n'est pas à lui qu'on s'adresse.

— Il me semblait pourtant que tu avais compris, ajoute Neji. Tu n'es pas faite pour le violon.

— Je…

— S'obstiner alors qu'on n'a aucune disposition naturelle, c'est ridicule. La musique ne se maîtrise pas seulement avec de la bonne volonté, il faut aussi du talent.

Naruto vole au secours de sa petite violoniste en état de décomposition avancé :

— Cette salle est désormais réservée aux Scarecrows, dégage !

— Les Scarecrows, répète Neji avec un brin de surprise face à la provocation non dissimulée que contient le nom du nouveau groupe. Remarque, ça vous va bien.

Il se retourne quand il entend un reniflement amusé près de la porte : Tenten est repérée.

— T'as perdu ton boy's band, Hyûga ? lance-t-elle alors. Depuis quand tu traînes avec les amateurs ?

Neji lui jette un regard noir, mais elle ne quitte pas son sourire en coin, celui qui lui creuse une fossette au milieu du menton et fait pétiller ses yeux, alors il referme son étui et lève le camp. Tenten l'observe partir en ricanant, puis s'approche des deux autres qui sont restés plantés là.

— Euh… Merci, Tenten…

Mais c'est devant Hinata qu'elle s'arrête. Elle dégaine les baguettes qu'elle range toujours dans la poche arrière de son baggy et les fait tournoyer entre ses doigts, fffft, fffft, à toute vitesse. Ses yeux noisette brillent comme jamais.

— On va lui fermer sa grande gueule, à ton couz, lance-t-elle d'un ton de défi.

Et les défis de Tenten, Hinata sait qu'il ne faut pas les prendre à la légère. Elle aurait presque peur pour Neji s'il ne tentait pas de la rabaisser plus bas qu'une merde chaque fois qu'il la voyait. A côté d'elle, Naruto lance le poing en l'air :

— YEAH ! Et maintenant, rock'n'roll, ladies !

*


Ils ont repoussé les bureaux pour libérer l'espace et Tenten s'est déjà calée sur l'un d'entre eux, les pieds sur une chaise. Ses Converses vert fluo attirent tant le regard d'Hinata qu'elle a du mal à se concentrer sur ce qu'elle raconte.

— Bon, déjà, vous y tenez vraiment à votre nom de groupe ?

Naruto s'offusque, confirme que oui, c'est toute l'idée de la chose ! Les Epouvantails contre les Faucons, quoi de plus percutant ? Tenten comprend qu'elle aura du mal à lui faire changer d'avis et laisse voler. Après tout, elle s'en fout un peu sur les bords, et puis il sera encore temps de changer plus tard.

— Okay, c'est bon, ta gueule, lance-t-elle en agitant la main dans sa direction pour interrompre ses récriminations. Tu joues de quoi, Hinata ?

Hinata sursaute, pense en vitesse que décidément, elle est si transparente que même les gens avec lesquels elle pratique depuis trois ans ne retiennent pas son instrument, puis se dépêche de répondre parce que Tenten s'impatiente :

— Du… Du violon. Mais pas très bien, alors je pensais surtout m'occuper de… De…

Mais Tenten s'est déjà retournée vers Naruto et la fin de sa phrase finit lamentablement sur le parquet. Et toi, tête de piaf, de la basse, c'est ça ? Et tu comptais vraiment jouer tout seul ? T'as vraiment un grain !

— Mais on va faire avec. Il nous manque un mélodique, va falloir recruter sinon on est dans la semoule. Vous avez intérêt à être efficaces parce qu'on a du boulot avant de pouvoir monter sur scène sans se faire tuer à coup de navets dans la gueule. Rigolez pas, c'est déjà arrivé.

C'est marrant de voir Tenten prendre la direction des opérations sans rien demander à personne. Naruto ne dit rien, mais Hinata devine que ça ne durera pas. Pour l'instant, cependant, ils ont trop besoin de son expérience pour se permettre de protester. Elle est sans doute la plus apte à gérer tout cet inconnu qui leur fait face. Le prestige de l'âge, aussi.

— Okay, Naruto, tu vas me faire le plaisir d'écouter ça en boucle, lance Tenten en lui jetant son lecteur mp3 dans les mains. J'te le prête jusqu'à demain, s'il a la moindre égratignure, je te fais bouffer ta basse.

Il a déjà enfilé un écouteur et enfoncé la touche "play" : la musique dégringole dans ses oreilles et fourmille jusque dans ses doigts.

— Les Rolling Stones ? Sérieux ?

Evidemment qu'elle est sérieuse, ça se voit au regard sévère qu'elle lui balance avant de se tourner vers Hinata.

— Toi, tu vas sur Internet et tu te farcis tout ce que tu peux trouver comme paroles, peu importe le genre. Si tu joues pas, tu vas écrire.

— Je… Je vais écrire quoi ?

— Le morceau qu'on va jouer aux Portes Ouvertes, banane ! T'es douée en composition, non ? Alors c'est le moment de t'en servir !

— M… Mais j'ai jamais…

Elle a accroché son sac sur son épaule, glissé ses baguettes dans sa poche arrière, ouvert le chemin vers la sortie. Avec Tenten, rien ne traîne jamais.

— Il reste un dernier point, ajoute-t-elle pourtant. Le local de répète.

Exact. C'est bien beau de squatter la salle de musique après les cours, mais s'ils veulent vraiment s'entraîner, il leur faut une pièce à eux. Et les pièces insonorisées, elles sont difficiles à obtenir – trop de monde, pas assez de place. Ça signale une sacrée croisade contre la direction, là.

Hinata n'aime pas trop la façon dont Tenten les regarde en silence, comme si elle attendait qu'ils parlent. C'est un peu : évidemment que le sale boulot vous revient, moi j'ai pas que ça à faire. Naruto hésite moins à rentrer dedans, il prend même les devants :

— On va le trouver !

— J'y compte bien, lâche Tenten, contente que l'un des deux ait enfin compris le message.

Resté seul avec Hinata, Naruto lui glisse un regard suspicieux.

— Tu joues vraiment pas ?

Hinata secoue vivement la tête et ses cheveux virevoltent sur ses épaules. Non non, qu'on ne lui demande pas de sortir son violon. Elle se tape déjà assez la honte comme ça en cours, pas la peine d'en rajouter une couche à côté. Naruto pense déjà à autre chose et ramasse son bordel à toute allure :

— Bon, viens, si on se grouille on peut peut-être encore chopper Shizune !

— Hein ?

— Le local ! On doit trouver un local ! Tous les groupes officiels en ont un.

— Ah oui…

Hop hop, ni une ni deux, les sacs sont attrapés et la salle de musique évacuée. En deux sprints et trois étages, ils arrivent dans le couloir sacré de la direction et se tapissent contre le mur pour reprendre leur souffle. Hinata jette un coup d'oeil anxieux aux alentours, pas un chat en vue, puis Naruto la pousse soudain dans le dos :

— Vas-y !

La surprise est telle que Hinata en oublie de bégayer :

— Hein ? Pourquoi moi ?

— Parce que t'es une fille !

— Et alors ? Vas-y, toi !

— Moi c'est mort d'avance !

— Pourquoi j'y arriverais mieux ?!

— Parce que Shizune pourra rien te refuser ! Elle va voir ta bouille et hop, elle va craquer direct !

C'est quoi cet argument ? panique Hinata. Tout ça va un peu trop vite soudain, il n'en faut pas plus pour la terroriser. Le changement de rythme, c'est quelque chose qu'elle ne maîtrise pas encore très bien.

— Je… Je peux pas ! Je peux pas !

— Mais si tu peux !

Puis la porte s'ouvre en grand et une ombre les recouvre. C'est pas Shizune, perdu : c'est Tsunade-la-grande-directrice-suprême-en-personne. Horreur, malheur, s'épouvante Hinata alors que le mètre soixante-dix gonflé d'importance les toise, les mains sur les hanches.

— Je peux savoir ce que vous fabriquez ?

Naruto saute aussitôt sur ses pieds en tirant Hinata par le bras. Puisqu'ils y sont, autant foncer :

— M'dame, on va gagner aux portes ouvertes, on a besoin d'un local, on monte un groupe !

L'énumération d'informations manque un peu de suite logique, mais Tsunade y remet de l'ordre d'un froncement de sourcil. Son regard impérieux s'attarde alors sur Hinata puis cherche un peu plus loin dans le couloir :

— Quel groupe ?

— Hinata, Tenten et moi ! énumère fièrement Naruto. Il nous manque juste un mélodique, mais on va commencer les répètes maintenant et…

— Hinata, Tenten et toi ? répète la directrice en l'interrompant d'un geste. C'est une blague ?

— Ben… Non.

Tsunade dévisage le duo avec suspicion. Que Naruto décide soudain de monter un groupe, passe encore, mais que la timide Hinata s'y enrôle, c'est déjà plus poussé comme délire. Quant à Tenten, n'en parlons pas…

— Un groupe de quoi ? demande-t-elle, pas encore tout à fait prête à y croire.

— Pour l'instant, de rock ! Mais on va peut-être dériver vers le rock punk ou garage, à voir, parce que…

— Un groupe de rock avec une batterie, une basse et un violon ?

— J'vous disais qu'il nous manquait un mélodique…

Tsunade les fixe encore sans trop savoir s'ils se fichent de sa gueule ou s'ils sont sérieux. Est-ce que ça rime vraiment à quelque chose, cette histoire ? Et puis, aux dernières nouvelles, Naruto n'a pas besoin de distractions supplémentaires, il a déjà du mal à se maintenir au niveau en classe… Plus sérieusement encore, c'est une sacrée responsabilité que d'autoriser officiellement Hinata Hyûga à s'embarquer là-dedans. Quelque chose lui dit que papa Hyûga n'en serait que moyennement ravi.

Mais en même temps, médite la directrice, papa Hyûga, il lui a refilé sa fille sans un regard en arrière. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même si elle se met à fréquenter les élèves les plus défoncés de son lycée.

— S'il vous plaît, m'dame… insiste Naruto avec une nuance de désespoir dans la voix. On veut vraiment le faire.

— Vous savez qu'en général, les demandes de salles se font par écrit auprès du secrétariat, pas en venant se tapir contre ma porte ? informe Tsunade pour se laisser le temps de penser.

Les deux gosses se regardent : non, ils ne savaient pas. Ils ont besoin d'une salle, ils vont voir la direction, ça leur a paru logique sur le coup. Leur simplicité a quelque chose de joliment naïf. Tsunade se sent fléchir. Hinata le devine, alors une bulle d'espoir commence à gonfler en elle et elle saute sur l'occasion :

— On… On sait que c'est bizarre, mais on va y arriver, je veux dire, on va vraiment le faire. Il nous faut juste une salle. S'il vous plaît, trouvez-nous juste une salle.

Là où Naruto n'a pas complètement tord, c'est que peu de gens restent insensibles à ce que peut dégager Hinata lorsqu'elle fait ces yeux-là. C'est vrai qu'elle est mignonne, à sa manière.

— Toutes les salles de répètes sont prises par les cours du soir, rétorque abruptement Tsunade.

Elle fait un pas en arrière pour attraper un trousseau de clés sur le panneau fixé au mur de son bureau et les jette à Naruto en ajoutant :

— Celle-ci, c'est celle de Dippermouth… Je veux dire, d'Asuma. Il n'y vient qu'une fois par semaine, vous n'avez qu'à l'utiliser le reste du temps.

Naruto et Hinata n'en croient pas leur chance. Ils contemplent les clés comme si elles ouvraient la porte de leur Terre Promise et entendent à peine l'avertissement qui suit :

— Si vous dérangez quoi que ce soit, je vous mets de corvée cantine jusqu'à la fin de l'année.

— C'est trop cool !

Naruto se retient de lui sauter au cou et Hinata se confond en remerciements. Un peu embarrassée, Tsunade coupe court aux effusions en les renvoyant à leurs devoirs et referme sa porte sur un dernier "Merci m'dame, vous êtes géniale !".

— Ben voyons, s'exaspère la directrice en haussant les épaules, seule dans son vaste bureau blindé. Bien sûr que je suis géniale.

*


— Vas-y, viens, j'te paye une glace ! Pour te remercier d'avoir rejoint le groupe !

— Hein ? Heu…

— Viens, j'te dis !

Il a enfilé les sangles de son sac et de son étui, zippé son pull à capuche, agite les bras. Hinata finit par le suivre avec le trouillomètre à moins quarante : elle a jamais fait ça ! Elle est jamais allée manger une glace après les cours ! Elle a jamais fait quoi que ce soit après les cours, d'ailleurs !

Mais Naruto a les yeux si bleus, le sourire si grand, la main si largement ouverte qu'elle rejette toutes ses appréhensions de la même façon qu'elle les a rejetées le matin même avant d'aller le retrouver dans le couloir. Après tout, le pas dans le vide, elle l'a fait à ce moment-là, alors au point où elle en est !

Naruto l'emmène à travers la ville, cavale en tête, ralentit quand il constate qu'elle a du mal à suivre puis lui prend son violon des mains pour l'alléger. Ils arrivent finalement devant une échoppe de nouilles et une grosse voix grave les salue aussitôt :

— Dis donc, Naruto, je commençais à penser que tu m'avais oublié !

Hinata franchit le seuil d'un pas timide : Naruto en tape cinq à un homme d'une cinquantaine d'années debout derrière le comptoir, un tablier d'une blancheur impeccable tendu sur son torse. "Ichiraku Ramen", c'est écrit dessus. Le type l'aperçoit et file aussitôt une bourrade complice à Naruto :

— Mais qui est cette ravissante demoiselle ?

— C'est Hinata ! clame Naruto en la cherchant des yeux.

Il la remarque enfin derrière, revient sur ses pas pour la tirer vers le comptoir et la pousse sur un siège. Elle est mortifiée. Naruto poursuit : c'est ma partenaire, on monte un groupe et on va déchirer sa race ! Tu veux quoi, Hinata ?

Hinata balbutie un "comme toi" et se retrouve avec un bâton au citron dans les mains. Naruto bavarde encore, il est intarissable. A croire que cette histoire de groupe a définitivement défoncé son bouton "triple fréquence".

— Tu vois, j'étais sérieux ce matin quand j'leur disais qu'ils prenaient pas de risque. Nous, ce sera autre chose ! Faut un truc dément pour les Portes Ouvertes, genre que personne a jamais entendu… T'écoutes quoi ? Faut qu'on mette nos références en commun !

— Je… J'écoute un peu de tout, se défile Hinata.

Mais ça ne prend pas :

— C'est quoi, ton groupe préféré ? T'as quoi sur ton mp3 ? Fais voir !

— Je… Je l'ai pas, là…

— Argh, dommage ! J'te filerais le mien, oublies pas demain ! Tu penses qu'il faut qu'on définisse quoi, comme programme d'entraînement ? D'ailleurs tu répètes combien de temps par jour ?

— Je, hum… Cinq heures ?

Le chiffre impose enfin une pause dans le débit accéléré de Naruto. Il la regard avec stupéfaction, sa glace goutte sur le sol, Hinata se sent mal. Lorsqu'il se remet à parler, il est plus calme soudain.

— Ah ouais, quand même. Respect.

Ça ressemble à un compliment. Hinata sent son cœur battre à toute allure. Elle ne veut pas savoir s'il est en train de se dire que c'est con que toutes ces heures ne payent pas, alors elle demande :

— Et… Et toi ?

— Je compte pas, triche-t-il.

Il prend enfin conscience qu'un filet de sirop au citron dégouline le long de son poignet et cale sa glace entre ses dents pour attraper des serviettes. Le flacon de sauce soja tombe au passage et ça gicle partout, sur le comptoir, sur le sol, sur son sweat orange et sur le gilet outremer d'Hinata.

Catastrophe. Désolé Hinata, attends, j'vais arranger ça ! Et il frotte, ça s'étale, il finit par faire sauter un bouton en tirant trop fort et panique encore plus. Puis soudain, le rire sort tout seul, juste au-dessus de sa tête : un éclat de cristal, une mélodie scintillante de joie pure, oui, ça vient bien de cette petite bouche si pâle…

Hinata sursaute quand elle comprend que c'est elle, la fille qui rigole parce que l'amusement l'a eue par surprise, et s'étrangle aussitôt. Naruto s'est redressé et la regarde avec un air d'étonnement parfait sur le visage.

— J't'ai jamais entendue rire avant, remarque-t-il avec quelque chose qui ressemble à de l'émerveillement dans la voix.

— Pa… Pardon !

— Pourquoi tu t'excuses ?

Oui, tiens, pourquoi ? se dit soudain Hinata. Pour avoir ri maintenant ou pour ne pas avoir ri avant ? Les deux se valent, après tout. Naruto s'esclaffe sans attendre de réponse et jette les serviettes sales sur le comptoir. Le gilet bleu est dévasté mais ni l'un ni l'autre n'y fait plus attention.

— Ça va être trop cool, Hinata ! On va y arriver, à l'Auditorium !

C'est un peu mettre la charrue avant les bœufs, mais il est si enthousiaste que Hinata n'ose pas le signaler et se contente de profiter du moment. C'est chouette, de manger une glace après les cours. Elle ne pense même pas à son répétiteur qui l'attend depuis déjà vingt minutes, ni à l'engueulade qui patiente avec lui.

De toute façon, l'estime de son répétiteur, elle n'en a pas grand-chose à faire. La seule qui compte, c'est celle de son père, et celle-là, ça fait longtemps qu'elle l'a perdue. Le temps file et défile dans cette petite échoppe de ramens bientôt remplie de clients bruyants et arrive le moment où il faut sérieusement envisager rentrer ; Naruto la salue comme s'ils ne se reverraient jamais et disparaît entre deux voitures.

Restée seule, Hinata se rapproche du front de rue pour s'écarter du flux des passants et allume le lecteur que lui a filé le blond avant de partir. Les titres défilent, parfois familiers, plus souvent inconnus, et elle fouille dans son sac pour en sortir de quoi écouter tout ça.

La musique envahit son casque, ruisselle dans ses oreilles, imprègne son esprit. Elle a reprit son chemin en direction de son quartier d'un pas un peu distrait, à la fois complètement ailleurs et à la fois plus présente que jamais dans cette rue illuminée qu'elle redécouvre sous les accrocs sauvages de AC/DC.

Tout vibre soudain, tout s'anime et tout se révèle. Elle commence à peine à comprendre que sa vie vient de passer à la vitesse supérieure.






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