Fiction: C'est Lui... (terminée)

Alors qu'elle se voyait contrainte de laisser partir ce qu'elle pense être l'homme de sa vie un an plus tôt, Sakura décide de tout plaquer à l'aube de ses 19 ans afin de le rejoindre. Cependant, les choses ne sont jamais aussi faciles et alors même qu'elle laisse sur le carreau sa meilleure amie en instance de rupture, elle découvre que son Sasuke n'habite pas seul, loin s'en faut. Entre rêves, illusions, espoirs et déchéance, Sakura va devoir s'accrocher à un amour à bout de souffle
Classé: -12I | Drame / Romance | Mots: 42930 | Comments: 20 | Favs: 17
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Beverlyy (Féminin), le 14/06/2013
Suite à la publication de cette fanfic sur Fanfic-fr.net, je me décide à la mettre sur WoN histoire de mettre un peu à jour mon recueil :). Un SasuSaku qui m'a été largement demandé suite à Une Putain de Vie Sentimentale et que j'écris avec plaisir, lentement mais sûrement !

Bonne lecture !




Chapitre 8: Pour un espoir.



Lorsque je m'étais trouvée face à la vitrine du bijoutier lors de ma première excursion en ville, cette chevalière en or m'avait marquée. Ce n'était pas parce qu'elle était magnifique, ou même hors de prix, mais bien parce qu'un petit S était gravé sur le dessus. C'était un signe et j'y croyais aussi fort qu'il était possible de croire. Je croyais en mon âme sœur, en Sasuke et j'emmerdais ceux qui ne juraient que par le hasard. Rien n'arrivait pas hasard et cette bague en était la preuve car je comptais sur elle pour voir Sasuke à nouveau mien.

Nous voir réunis à nouveau.

Ce matin-là, comme les sept précédents, j'étais passée devant cette vitrine, admirant le bijou qui scintillait dès les premières lueurs du jour. Je m'arrêtai quelques minutes pour la contempler, histoire de me dire que mon avenir se trouvait à portée de main, que cette semaine avait un sens et mes efforts un but. Aujourd'hui, c'était le grand jour et j'étais restée beaucoup plus longtemps devant chez le bijoutier. Je savais que j'allais y entrer, que j'avais enfin de quoi mettre mon destin en route, après une semaine affreuse.

Une semaine faite de sacrifices.

_


Kiba m'avait fusillée du regard après l'annonce que je venais de lui faire. Il n'avait visiblement plus rien à ajouter face à ma détermination qui sonnait comme un dernier espoir. Bien sûr que je savais ce que cela voulait dire. Mannequin lingerie, poses suggestives, photographe libidineux, femme objet... Mais comment faire autrement ? C'était le seul moyen pour moi de tenter mon dernier coup de poker et la partie risquait d'être serrée. Car, plus que tout, l'enjeu était de taille.

L'enjeu, c'était Sasuke.

Le restant de ma journée avait été consacrée à appeler le patron, à confirmer les séances photos et le montant de ces dernières. Le mec se nommait Kisame, la trentaine d'après son timbre de voix et une assurance toute singulière. Les questions avaient fusé les unes après les autres, sans qu'il ne me laisse le temps de prendre une pause. Âge, mensurations, pointure, expérience dans le milieu, traits du visage...

Lorsqu'il eut enfin fini, il me confirma un rendez-vous pour le lendemain aux studios SensualSuiton. Rien que le nom promettait pour la suite. Je le remerciai et raccrochai sans même apercevoir Kiba qui s'était posté en face de moi, les bras croisés et l'air on ne peut plus sérieux.

- Tu ne reculeras pas, hein ?
- Kiba.
- Sakura, tu n'es pas obligée de faire tout ça.
- Si, et puis je l'ai décidé, tu ne vas quand même pas me dire ce que je dois faire !
- Je devrais ! Tu es pire qu'une gamine !
- Répète !?
- Gamine.

Je rageai contre le punk et l'abandonnai dans la chambre de Pein. Il me suivit jusque dans la cuisine où j'avais attrapé un yaourt et commençais à l'entamer.

- Sakura, tu ne te rends pas compte de ce que ça signifie !
- Bien sûr que si je m'en rends compte, Kiba ! Mais je n'ai pas d'autre choix.
- C'est bien quatre cents feuilles qu'il te faut ?

J'avais lâché ma cuillère lorsqu'il me balança sa carte de crédit sur la table. Mon regard passait successivement du rectangle plastifié à ses iris sombres. Il n'avait pas quitté son air sérieux une seule seconde.

- J'ai eu ma paye. J'ai toujours un loyer de retard à rembourser à Pein mais je lui expliquerai.
- Tu... Tu...

Il se tenait droit devant moi, sans me quitter des yeux. Ma main tremblait sans que je puisse la contrôler. Le pot de yaourt avait volé en un instant, atterrissant sur le mur d'en face. Quelques éclats lactés avaient éclaboussé le visage du punk complètement abasourdi.

- TU ES MALADE !?

J'avais hurlé, ma voix résonnant dans toute la cuisine. J'avais pris la carte et la lui tendait, le souffle court.

- Kiba, tu ne peux pas me demander d'accepter un truc pareil !
- Pour... Pourquoi pas !? C'est toujours mieux que de faire ce boulot dégradant !
- Ecoute, j'sais pas si c'est une intention féministe noble qui t'anime ou autre, mais je ne peux pas t'extorquer quatre cents balles que tu as eu un mal fou à gagner !
- Peu importe ! On s'en cogne de ça !
- Moi je ne m'en cogne pas ! Cet argent je vais le gagner pour Sasuke et je ne pourrai pas lui donner son cadeau en face si je sais que je n'ai pas bossé pour le lui offrir.

Kiba avait repris sa carte bleue du bout des doigts, l'air honteux.

- Désolé...
- Non, Kiba... Je te remercie mais ça va aller.
- Alors, laisse-moi au moins t'accompagner jusqu'au studio photo demain.
- Je suis d'accord, si tu n'essayes pas d'assassiner le patron.
- Tu as ma parole d'homme.

Il avait esquissé un sourire à la fois doux et résigné. Je savais qu'il se faisait du souci pour moi, mais je n'étais plus une gamine. J'étais faible, pas forcément résistante, mais je savais me démener pour les personnes qui me sont chères. Et pour Sasuke, j'allais donner le meilleur de moi même, même si cela consistait à me trémousser devant l'objectif en lingerie fine.

_


Le lendemain, Kiba avait recouvert son air bougon. Devant notre tasse de café respective, le silence enveloppait tout l'espace, rendant l'atmosphère lourde, pesante. Je n'osais pas le briser, de peur de m'attirer les foudres d'un punk à moitié réveillé et me contentait de touiller le liquide sombre d'un geste lent et régulier. J'avais connu meilleur petit déjeuner.

Je ne savais pas trop ce que je ressentais. Excitation ? Peur ? Stress ? Un peu de tout mêlé. Pas facile de vous dire que vous allez devoir vous mettre à moitié à poil devant un parfait inconnu pour gagner de quoi reconquérir l'homme de votre vie. En soi, la situation était tellement paradoxale que je m'imaginais en spectatrice de ce chantier, me tapant le front à répétition comme pour m'assurer que ce que je voyais était bien réel. J'étais une geisha des temps modernes. Cette pensée seule pouvaient encore me réconforter lorsque je sortis de l'appart', Kiba à mes côtés en parfait body-guard.

Sauf qu'en réalité, une geisha reste toujours une fille de joie, peu importe sa noblesse et son raffinement.

Et je n'avais rien d'une fille élégante. J'avais jeté un coup d'œil à mon reflet dans une vitrine sombre. Mes quelques jours ici avaient creusé mon visage, le rendant encore plus longiligne qu'à l'ordinaire. Mes yeux étaient moins éclatants, les cernes menaçaient de violacer. J'avais attaché mes cheveux histoire d'avoir une coupe présentable. Autant dire que c'était raté puisque quelques épis jouaient les rebelles et refusaient de se soumettre à l'élastique. Et au niveau du corps, le constat n'était pas plus réjouissant. Corpulence normale, limite trop mince. Un peu de poitrine, pas de fesses bombées ni même un beau déhanché, simplement des cuisses fermes témoignant de mes années de gymnastique rythmique au lycée.

Pourtant, ce Kisame avait l'air intéressé au téléphone, malgré ces précisions. Je me demandais bien ce qu'il cherchait. Une nana qui avait le profil type de "Miss tout le monde" certainement. C'était peut-être plus vendeur ou du moins, je n'avais que cette hypothèse sous le bras, n'y connaissant quasiment rien. Je me rendais compte à quel point je n'avais pas grandi, j'étais encore une petite fille. Tout ce que je savais, c'était jouer les serveuses dans un fast-food et suivre mes études de littérature, ce que j'avais fait durant un an déjà. Si on me montrait des nanas défilant sur un podium en petite tenue, je n'imaginais jamais la situation en coulisse. On vous donne à voir un spectacle, vous regardez, point barre. Vous n'imaginez pas que le politicien qui fait son discours électoral s'enfile un rail de coke ou encore que la gentille concierge d'immeuble attend en réalité le moment où vous êtes sortie pour appeler les flics en vous dépeignant comme une racaille de premier ordre qui fume du chite dans les escaliers.

Nous étions arrivés devant le studio, un immense bâtiment dont la façade grise n'inspirait pas les meilleurs sentiments. L'enseigne était en forme de bouche charnue et sensuelle, d'un rouge éclatant. Le genre de trucs qui témoignent de la présence d'un sex shop et qu'on imagine aisément s'illuminant de néons qui vous agressent la rétine. J'étais restée interdite devant mon nouveau lieu de travail et Kiba siffla longuement avant de cracher son venin.

- Une espèce de maison close, charmant.
- Kiba...
- Oh mais je n'ai rien dit. Bon, on y va ?
- Tu... veux m'accompagner à l'intérieur ?
- Tu crois quand même pas te pointer à un entretien de mannequinât sans un maquereau ?
- Arrête tes conneries d'accord, c'est sérieux.
- Je n'ai pas dit l'inverse. Alors après vous princesse.

Il m'avait fait une courbette ridicule en me tenant la porte. Je savais que son numéro de clown trahissait une inquiétude toute particulière mais je n'avais pas besoin qu'il me protège. J'avais décidé d'être ici, peu importe le lieu ou l'ambiance, ce qui importait était mon objectif. En traversant le long corridor tapissé de rouge à l'image des marches du festival de Cannes, je sentis mon pouls s'emballer. J'étais nerveuse, rien de mal à ça. Cette sensation s'accentua de plus belle lorsque je vis les tableaux aux murs : des mannequins aux mensurations parfaites, en sous-vêtements de dentelle raffinée ou de soie colorée. J'avais l'impression de ne pas du tout être à ma place et je sentais le regard de Kiba posé sur moi, comme s'il voulait deviner mon malaise.

Une fois face à la grande porte de bois laqué donnant sur le bureau du patron, j'eus un moment d'hésitation. Avant même que je ne me décide à frapper à la porte, Kiba avait pris les devants et ouvert le battant dès que la voix rauque que j'avais entendu au téléphone la veille nous invita à entrer. Je m'étais attendu à voir un homme au physique parfait et au sourire de pervers mais il n'en fut rien. Un sourire carnassier, de longues canines, le teint grisâtre comme celui d'un malade cardiaque en phase terminale et de petits yeux engoncés d'où brillaient une lueur malfaisante. Le genre de requin des affaires, un mec qui passerait facilement pour le roi de la pègre.

Il nous indiqua deux chaises en souriant, sans me quitter une seconde des yeux. Kiba prit cette attention comme un défi et je vis ses sourcils se froncer lorsqu'il prit place. Quant à moi, je n'osais même pas bouger un orteil.

- Mademoiselle... Haruno. Quel plaisir de vous rencontrer enfin.
- De même.

Il s'amusa de me voir raide comme un piquet et reprit la consultation de ses fiches.

- Un mètre soixante-sept, cinquante-deux kilos...
- Je... Je préférerais que vous n'énumériez pas ça en présence de mon ami s'il vous plait.
- Tiens donc, votre "ami" ? Je présume qu'il s'agit là de votre petit ami.

J'étais devenue cramoisie. Kiba ne baissa pas les yeux, une lueur combative au fond de ses prunelles. Il semblait avoir engagé un combat visuel des plus violents avec tête de requin et était bien décidé à remporter la victoire.

- C'est exact, c'est ma petite amie.
- Qu...
- Excellent ! Vous allez donc pouvoir travailler ici vous aussi !
- Parfaitement ! ... Hey, ATTENDEZ ! Quoi !? MOI !?

Le boss s'était levé, visiblement très content d'avoir un petit couple de mannequins prêt à l'emploi. Kiba semblait être tombé des nues tandis que j'observais la scène, stupéfaite.

- Vous avez l'air plutôt grand... Un mètre quatre-vingt ?
- Hey attendez ! Je ne suis pas celui qu'il vous faut !
- Mais si, bien au contraire ! Vous êtes bien le petit ami de cette jeune femme et c'est exactement ce qu'il nous faut ! Nous avons besoin d'un couple pour faire la promotion de notre ligne de sous-vêtements pour hommes et femmes. La tendance est le duo, la proximité des corps, la sensualité d'un couple assorti jusqu'aux dessous qu'ils portent ! Et je suis friand de tendances.

Il avait souri comme un commercial à qui l'on venait d'annoncer sa promotion. Je maudissais intérieurement Kiba d'avoir ouvert la bouche et il devait faire de même d'après son air déconfit. Maintenant que le patron détenait l'idée, il était clair que je ne pourrais plus espérer toucher l'argent sans que le punk ne joue les petits amis devant l'objectif. C'était fou, alors même que je voyais le bout du tunnel, que j'espérais que mes galères s'arrangent, les choses ne faisaient qu'empirer.

- Ecoutez monsieur...
- Hoshigaki.
- Que... Mais... C'est vous... Hoshigaki... Kenji ?
- Non, je nomme Kisame. L'homme dont vous parlez, c'est mon père, jeune homme.

Kiba semblait avoir avalé trois tonnes de plomb. Il était parfaitement immobile, comme s'il venait de se prendre un choc de mille volts. Hoshigaki, ce nom me disait quelque chose. J'étais certaine de l'avoir entendu, il n'y a pas si longtemps...

- Très bien, j'accepte.
- Que... QUOI !? KIBA ! Non attendez ! Je peux très bien m'adapter à un de vos mannequins de l'agence et...
- Non, c'est décidé ! Jeune homme, vous faites un très bon choix, vous serez rémunéré à même tarif que cette demoiselle ! Je vous laisse aux bons soins de mon assistante Shizune. Elle saura vous indiquer les loges et la partie studio.

J'avais protesté vivement, mais il nous avait congédiés sans prendre en compte mes objections. Une fois dans le couloir, une petite femme brune en tailleur nous guida jusqu'à une grande pièce pourvue d'une immense rangée de miroirs, de trois penderies et d'une multitude de poufs colorés. Elle nous indiqua les ensembles à porter, un bac pour mettre nos effets personnels et la salle voisine où attendaient les maquilleuses. Une fois l'assistante sortie, je me tournai vers Kiba, passablement furieuse.

- JE PEUX SAVOIR CE QUI T'A PRIS !?
- Sakura...
- Que tu t'inquiètes pour moi je veux bien, OKAY. Mais que tu prétendes être mon petit ami !? Et puis je suis condamnée à faire ces photos avec toi ! Si Sasuke tombe dessus !? TU Y AS PENSE !?
- Je pense qu'il n'aurait pas été très heureux de te voir avec un inconnu non plus à ce prix-là.

Il marquait un point. J'avais ravalé ma bile, préférant ne pas m'attarder sur cet aspect-là du problème. A quoi il jouait !? Je savais que cette histoire ne lui plaisait pas, mais de là à prétendre être mon petit ami et en plus accepter de jouer les modèles lingerie à mes côtés... Il ne m'avait pas tout dit, c'était évident.

- Ce mec est le fils de Kenji Hoshigaki.
- Et ? Qu'est-ce que ça peut faire qu'il soit le fils de...
- Kenji Hoshigaki a acheté ma sœur.

Je venais de recevoir une brique en pleine face. Acheté ? Il avait "acheté" sa sœur ? Hana ? Celle qui s'était suicidée suite au refus de sa mère de réaliser son rêve et de reprendre l'entreprise familiale en tant que vétérinaire canin, Kiba m'en avait parlé le soir où nous avions passé la nuit ensemble. Mais qu'est-ce que cet Hoshigaki venait faire là-dedans... A moins que...

- On ne se donne pas la mort simplement pour un rêve foutu en l'air.

Kiba m'avait regardé intensément. Je pus lire au fond de ses yeux tout ce que je n'avais pas pu distinguer dans la pénombre cette nuit-là. La colère, la rage, le feu ardent de la rancœur la plus vive. Il souffrait depuis des années et ses fantômes le hantaient. Hana, sa sœur, son suicide, son spectre à jamais auprès de lui et bien entendu, celle qui avait tout fait basculer...

- Ma mère avait vendu Hana.
- Mais... Comment ça... "Vendu" ?
- C'est aussi simple que le mot lui-même. Elle avait vendu ma sœur à cette famille, à la famille Hoshigaki. Au départ, c'était en tant que bonne à tout faire, mais Hana a découvert la vérité... Et moi aussi.

" Après son suicide, j'ai compris, j'ai compris que ma sœur n'avait pas pu se tuer pour une raison aussi simple. Un rêve anéanti ne restait qu'un rêve, aussi précieux soit-il, il ne décide pas à se mettre la corde autour du cou. Lorsque j'ai vu ma mère péter les plombs cette nuit-là, que je me suis enfui de chez moi pour rejoindre Pein, je n'ai jamais oublié ce pour quoi j'allais me battre. Je voulais savoir pourquoi, avoir une réponse, la vraie réponse, celle qu'Hana m'aurait donnée. J'avais confiance en elle, je savais qu'elle avait laissé une trace, un indice, un signe... Et Pein me le révéla, quelques mois après.

Il était arrivé un matin, l'air grave, avant que je parte bosser. Il m'avait jeté une enveloppe sur la table. Poussiéreuse, pleine de tâches, on aurait dit qu'elle venait de subir le passage d'un troupeau de buffles. Trop occupé pour y prêter attention, j'avais continué à me préparer pour éviter d'être en retard pour la troisième fois de la semaine. Pein n'avait pas bougé.

- Tu devrais lire, ça risque de t'intéresser.
- J'ai pas le temps Pein, j'suis à la bourre. Si c'est encore une facture, j'te paye ça dès que j'ai mon chèque.
- Regarde au moins le nom du destinataire.

J'avais posé mon peigne, en rogne, prévoyant déjà le savon que me passerait le chef si j'étais en retard lorsque mon sang ne fit qu'un tour. L'enveloppe était franchement crade mais on y déchiffrait facilement une écriture fine et allongée, l'écriture d'Hana. "Pour Kiba", ces simples mots me soulevèrent le cœur.

- Qu'est-ce que ça veut dire Pein... ?
- Lis, tu comprendras.

J'avais lu la lettre bien sûr. J'avais reconnu le style si particulier de ma sœur, je pouvais presque l'entendre parler au fil de ma lecture, sa voix fluette résonnant en mon esprit.


Mon cher petit frère,

Je sais que lorsque tu liras ces mots, je serai déjà partie... Pour un grand voyage comme on aime à dire. Je ne veux pas que tu gardes une mauvaise image de moi, que tu te dises que je t'ai abandonné sans même une explication. Tu as le droit de savoir Kiba, tu as le droit de comprendre et je n'écrirai ces mots qu'à toi seul.

Malgré la peine que m'avait causé le refus de notre mère d'être vétérinaire et de m'occuper des chiens de l'entreprise, j'ai voulu persévérer. J'ai pensé à toi petit frère, je me suis dit que tu n'aurais pas abandonné, tu te serais battu. Alors j'ai accepté mon sort et me suis dit qu'à la moindre occasion, je partirai et t'emmènerai avec moi. Mais je me suis rendue compte que mon sort était bien plus triste que ce que j'avais imaginé.

Je n'ai jamais pu t'en parler, je n'ai jamais pu te faire part de ce que j'ai vécu. J'imaginais ta réaction, ton cœur écorché si j'avais partagé avec toi mon quotidien. J'ai laissé mon cœur se glacer sans pouvoir y faire quoi que ce soit, seule mère savait à quoi était dû ce changement.

J'étais devenue officiellement la bonne à tout faire des Hoshigaki. Kenji Hoshigaki, le chef de famille, était censé être mon patron. Officieusement, il l'était, à tous les niveaux.

J'étais devenue sa propriété. Il m'a achetée à notre mère, et peu cher. Je ne gagnais pas de salaire, j'étais son esclave. Il était patron d'une grande société d'import-export spécialisée dans le poisson. Officiellement encore une fois. En tous les cas, mon rôle était de divertir les gros clients, de me plier à leurs volontés lorsqu'ils venaient rencontrer Monsieur Hoshigaki. De les "combler" disait ce dernier. D'être... la raison qui leur ferait signer un gros chèque.

Un soir où je n'avais pas fait mon travail correctement, Monsieur Hoshigaki m'a frappée à coups de pied. Il frappait son chien bien souvent, mon seul compagnon d'infortune là où je me trouvais. Il l'avait remarqué car il avait exigé que je relâche l'animal pour qu'il le corrige. J'ai refusé. Il me frappait mais je ne voulais pas qu'il lui fasse du mal. Au final, j'ai pensé qu'il s'était lassé de cogner et j'ai lâché ma prise. Une seconde d'inattention. Il avait été cherché son fusil dans la remise et avait tiré à bout portant. Les éclats de chair venaient de m'éclabousser et j'avais hurlé jusqu'à en vomir sur le plancher. J'ai eu peur qu'il me tue à mon tour, peur qu'il m'achève et qu'on ne retrouve de moi que mon crâne fracassé contre le mur. Mais il n'avait rien fait. Il avait levé son arme, m'avait montré la porte et était parti, sans rien dire.

C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que je ne serai plus jamais libre. Plus jamais. J'étais condamnée à être la chose de cet Hoshigaki, de cet homme horrible et répugnant. Mère s'en fichait, elle n'affichait rien, me laissait partir même sous mes supplications. Je voulais t'en parler, te le dire, te dire à quel point je souffrais. Mais... Je n'ai jamais pu. Et maintenant... J'en suis là. J'ai déjà la corde en main et le stylo en marche, prête à un aller sans retour.

Je suis désolée Kiba, désolée de ne te l'avoir jamais dit. Je suis désolée de m'en aller aussi vite, comme ça, mais je ne peux plus continuer ce chemin à tes côtés. Je sais que tu t'en sortiras, que tu es plus fort que moi et peut-être que tu réaliseras ton rêve, comme si j'avais l'occasion de réaliser le mien. Ne laisse personne te posséder, savoure au maximum ta liberté et n'oublie jamais que tu n'es pas seul. Je suis là pour te guider, plus près que tu ne l'imagines.

Je t'aime petit frère.

Hana.


J'en avais pleuré, au point que le papier s'imbibe de mes larmes. Je voulais tuer cet enfoiré, lui foutre le canon de son arme dans la bouche et presser la détente, sans état d'âme. Ma mère ne m'inspirait plus que du dégoût, de la hargne. J'avais ce mélange explosif, celui de la peine associée à la rage, un cocktail qui amène à la vengeance pure et simple. Ces connards, ils l'avaient assassinée, sans regrets.

Je m'étais levé d'un coup mais Pein avait pris les devants et m'avait fait signe de me rasseoir. D'un air parfaitement serein, il tartinait une biscotte de beurre, comme si l'on discutait de la pluie et du beau temps.

- Je sais ce que tu comptes faire Kiba et c'est inutile.
- QU'EST-CE QUE TU EN SAIS !? C'EST MA SŒUR ET CES ENFLURES... CES CONNARDS...
- ... Sont morts.
- Que... Quoi ?!
- Je voulais te l'annoncer. C'est pour ça que j'ai été chez toi. Ta mère est décédée, overdose. Visiblement, elle carburait aux anti-dépresseurs et à l'absinthe, mauvais mélange. J'ai trouvé Kuromaru qui hurlait à la mort, prostré dans sa niche. Je l'ai confié à un centre vétérinaire, un de mes potes va s'en occuper, c'est un chien vachement bien dressé qui pourra être très utile à une agence de secours en montagne. De plus, c'est grâce à lui que j'ai retrouvé cette enveloppe. Hana l'avait cachée au fond de sa niche. Apparemment, elle l'aimait beaucoup cette bestiole.
- Et... Ce Kenji Hoshigaki ?
- Lui ? Il est mort depuis quelques mois. Il était du genre à vivre dangereusement. Règlements de comptes entre gros patrons, trafic et j'en passe. Il s'était fait une spécialité d'ailleurs dans ce milieu. Le trafic de nanas.
- De... Nanas ?
-Ouais, Hana n'était pas la seule. Il achète des filles.

Pein venait de craquer la biscotte entre ses mains.

- Je ne te fais pas de dessin. "

J'avais admiré le profil de Kiba tout au long de sa tirade. J'en avais les larmes aux yeux et le souffle coupé. Je ne savais même plus quoi dire, même plus quoi faire. Je voulais m'en aller, tout ceci ne rimait plus à rien. Je faisais tout ça pour une bague, pour un espoir et je n'avais pas pris conscience de la réalité, du pétrin dans lequel je m'étais fourrée. Kiba m'avait suivie, sans hésiter une seconde.

- Kiba, arrêtons ce cirque, partons d'ici...
- Non.

J'allais répliquer, mais il ne m'en laissa pas le temps. Il m'avait lancé mon ensemble de lingerie et m'avait souri, comme si ces révélations n'avaient jamais eu lieu.

- Je t'ai dit de ne pas abandonner, alors je n'abandonnerai pas non plus. On va faire ces photos, quitte à passer pour deux cons qui jouent au parfait couple de cover magazine. Cet argent servira à raviver ton espoir, c'est la seule chose qui importe.
- Kiba...

La porte s'ouvrit et Shizune nous fit signe qu'il était temps de passer au maquillage. Nous nous étions changés en vitesse et je voyais Kiba à moitié nu. Gênée, je tournai la tête pour ne pas attarder mon regard. Le seul homme que j'avais vu nu dans ma vie était Sasuke et je n'étais pas forcément à l'aise à l'idée que j'allais devoir être serrée contre un autre que lui. Mais je ne pouvais plus reculer et le fait que ce soit Kiba ne me déboussolait pas totalement. Après tout, je ne faisais rien de mal, nous ne faisions rien de mal.

C'est avec cette pensée en tête que je suivais le punk jusqu'au studio photo.

La première séance était la plus dure, le patron était venu nous avertir avant que le photographe, un vieil illuminé à la longue crinière blanche et aux mains baladeuses, nous donne les directives.

- Je veux voir en face de moi un couple heureux dans un quotidien quasi-parfait ! Toi, prends-la dans tes bras. Mets une main sur sa hanche... Parfait, parfait ! Je veux voir de l'amour dans vos yeux ! Miss, rapproche ta jambe, colle-la à celle de ton amant ! BIEN ! Ne bougez plus et regardez vous passionnément.

J'étais complètement collée à Kiba, son torse nu contre moi. Sa main tenait fermement ma hanche et je m'efforçais de rester le plus calme possible. Peine perdue, mon cœur se fracassait contre ma poitrine tandis que je devais garder mes yeux fixés sur son visage. Il me regardait aussi, l'air implacable et pourtant, je lisais au fond de ses prunelles sombres les mots d'encouragement dont j'avais besoin. J'avais souri, spontanément, au plus grand bonheur du photographe qui tenait sa réplique de couple parfait.

_


Durant cette semaine, Kiba et moi n'avions pas reparlé d'Hana, ni même du patron. Sasuke n'était pas rentré, pas même pour prendre ne serait-ce que ses affaires et je m'en inquiétais autant que je m'en réjouissais. Au final, j'essayais surtout de ne pas y penser. Je me contentais de passer devant la bijouterie en sa compagnie et de m'y arrêter quelques minutes, de faire les photos avec lui, le photographe nous demandant toujours plus de charme, de complicité et de sensualité. Nous faisions ça naturellement, à force de photos, de thèmes, de changement de décor. Je sentais à chaque fois le parfum suave de Kiba, quasi entêtant et m'imaginais mon personnage. Je n'avais rien de la femme que je laissais transparaître sur les photos, amoureuse et sûre d'elle, belle et rayonnante. Non. J'étais simplement perdue.

Le cœur à vif.

Lorsque le dernier jour arriva, que j'eus le chèque en main, j'étais enfin arrivée à mes fins. Je n'étais pas aussi heureuse que je l'avais espéré mais j'allais au moins pouvoir mettre le prix qu'il fallait à la reconquête de mes espoirs. Je savais que je n'avais pas été la seule à faire des sacrifices. Kiba m'avait soutenue une fois de plus, sans jamais broncher. Voilà pourquoi j'avais décidé de lui rendre la pareille, lui montrer à quel point j'étais reconnaissante.

Après la séance tardive, j'avais prétexté un oubli dans le bureau du patron. Je savais qu'il n'aurait certainement pas envie de me suivre, mais il s'y sentirait forcément obligé étant donné qu'il était hors de question pour lui de me laisser seule avec le requin. Une fois dans la large pièce fonctionnelle, Kisame nous invita à prendre place et Kiba resta de marbre.

- C'est quoi ce plan ? On a le chèque, vous voulez quoi de plus ?
- Discuter.
- Je ne discute pas avec les fils de pute.
- Kiba...
- Sakura, allons-nous en.
- Je me permets de vous rectifier mon jeune ami : Un fils d'enculé. Mon père était un enculé, je l'admets.

Kiba fit volte face, comme pour jauger l'homme qui venait de prendre la parole. Ce dernier l'invita de nouveau à s'asseoir, il s'exécuta.

- Vous avez raison et je me souviens de vous. Ou plutôt de votre sœur. Vous lui ressemblez.
- Épargnez-moi vos discours émouvants.
- J'ai l'intention de faire court. Je suis le fils d'un connard nommé Kenji Hoshigaki. Ou plutôt étais. J'ai toujours été dans l'ombre de mon père et j'étais comme vous, m'a-t-on dit, refusant de reprendre les affaires familiales.
- Et qui vous a dit ça ?
- La jeune fille ici présente.

Il m'avait fusillé du regard. Je m'y attendais mais je savais que la suite le calmerait. Kiba vivait depuis trop longtemps avec ses démons, la rancune jamais éteinte, comme un poison qui prenait d'assaut tout son être.

- Hana, votre sœur, a été la seule personne à se soucier de moi. Lorsque mon père me frappait, elle essayait toujours de s'interposer, quitte à prendre des coups à ma place. Elle me protégeait et me disait qu'elle essayait d'en faire autant avec une personne qui lui était chère, pour qui elle aurait donné sa vie et ses rêves.

Kiba ne disait plus un mot. Kisame n'avait plus cet air sûr de lui et carnassier qu'il arborait d'habitude, il semblait métamorphosé, les traits tirés de chagrin.

- Je l'aimais beaucoup. Elle m'avait promis qu'un jour moi aussi je serai libre de vivre ma vie comme je l'entends. Lorsque j'ai su qu'elle était morte, j'ai cru crever de tristesse, comme si on venait de m'arracher le cœur et de le foutre à terre. Mon père s'est même moqué une dernière fois d'elle en la dénigrant, en disant qu'elle lui avait coûté bien trop cher pour le peu de service rendu. Au final, lorsqu'il est décédé à son tour, je n'ai même pas versé une larme et j'étais loin, libre de ce tyran qui ne m'a rien apporté au cours de ma vie. Hana avait été ma source d'inspiration jusqu'au bout, la sorte de personne qui fait office de mère parce qu'elle apparaît comme votre dernier recours, votre dernier espoir, l'espoir d'avoir ne serait-ce qu'un peu de tendresse, le peu que vous n'ayez jamais eu.

Les petits yeux du patron devinrent humides et je devinai que Kiba s'empêchait de pleurer pour ne pas perdre la face. Kisame avait sorti un cadre ouvragé et le tendit au punk. Une femme souriait sur la photo, un petit chien dans les bras. Les deux tatouages rouges sur ses joues et ses cheveux d'un brun pétillant ne laissaient aucun doute sur le lien de parenté.

Hana esquissait un sourire tendre, figée sur papier glacé. J'eus l'impression que Kiba le lui rendait.

Lorsque nous avions quittés le studio, Kiba m'avait serrée dans ses bras et cette fois les rôles étaient échangés.

C'était lui qui pleurait sur mon épaule.

_


Mes pensées s'estompèrent lorsque j'entrai dans la bijouterie. L'intérieur était clinquant, comme pour crier au monde entier qu'il s'agissait d'un repère de fortunés. Un mec en smoking fit son apparition, de longs cheveux bruns ramenés en une queue de cheval et un regard limpide, presque surnaturel. Il me fit une révérence, comme un valet prêtant allégeance à une reine et je devinai mes joues s'empourprer.

- Mademoiselle, que puis-je faire pour vous ?
- Oh et bien...
- Ne dites rien. C'est cette chevalière n'est-ce pas ? Je vous ai vu vous arrêter plusieurs fois pour l'admirer.
- Oui... Elle est très belle.
- ... Oui. Absolument.
- J'aimerais l'acheter.
- Oh... Bien sûr. Patientez ici, je vais faire le nécessaire.

Je m'étais assise sur l'un des fauteuils en velours et avais patienté une dizaine de minutes. Lorsqu'il revint, il me tendit l'écrin et je procédai au paiement. Il avait cependant l'air mal à l'aise, comme tourmenté.

- Il y a un problème ?
- Oh... Non, pas le moins du monde Mademoiselle. Je peux vous demander, en toute indiscrétion, veuillez par avance m'en excuser, à qui comptez vous offrir cette chevalière ?
- ... A l'homme de ma vie.
- Quelle délicate attention. Voudriez-vous peut-être faire changer l'inscription dans ce cas ?
- Non, surtout pas.

J'avais pris l'écrin et la pochette et lui adressai un sourire rayonnant.

- C'est justement pour cette inscription que j'ai voulu cette bague.
- Je vois...
- Merci beaucoup, au revoir.
- Au revoir mademoiselle, prenez soin de vous.

Je n'avais pas perdu de temps et était sortie de la bijouterie. Je n'avais même pas remarqué le vendeur sur le pas de la porte, qui me regardait d'un air sombre. Si j'avais fait plus attention, j'aurais peut-être entendu ses dernières paroles, la signification de cette inscription, de ce fameux S. S comme Sasuke... Ou plutôt S comme...

"Solitude".



Chapitre 8 ! Et une annonce spéciale : Une nouvelle fiction est en prévision ! Un groooos projet, une fiction qui sera longue, pleine de romance, de drames, de musique et bien entendu, de personnages et de pairings aussi bien classiques qu'originaux !

Bref, j'espère que ce chapitre vous aura plu ! Le prochain arrivera un peu plus tard, peut-être avant le lancement de ma prochaine fiction ! :) Merci pour votre lecture et votre soutien !




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