Fiction: C'est Lui... (terminée)

Alors qu'elle se voyait contrainte de laisser partir ce qu'elle pense être l'homme de sa vie un an plus tôt, Sakura décide de tout plaquer à l'aube de ses 19 ans afin de le rejoindre. Cependant, les choses ne sont jamais aussi faciles et alors même qu'elle laisse sur le carreau sa meilleure amie en instance de rupture, elle découvre que son Sasuke n'habite pas seul, loin s'en faut. Entre rêves, illusions, espoirs et déchéance, Sakura va devoir s'accrocher à un amour à bout de souffle
Classé: -12I | Drame / Romance | Mots: 42930 | Comments: 20 | Favs: 17
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Beverlyy (Féminin), le 20/05/2013
Suite à la publication de cette fanfic sur Fanfic-fr.net, je me décide à la mettre sur WoN histoire de mettre un peu à jour mon recueil :). Un SasuSaku qui m'a été largement demandé suite à Une Putain de Vie Sentimentale et que j'écris avec plaisir, lentement mais sûrement !

Bonne lecture !




Chapitre 5: Erreurs fatales



J'avais passé la nuit contre son épaule, cherchant la chaleur humaine qui me manquait en l'absence de Sasuke. Je savais à mon réveil que j'avais vraiment merdé. Je venais de partager un lit avec Kiba, le colocataire de Sasuke, j'avais dormi dans ses bras, comme une gamine cherchant du réconfort.

Une fois de plus, j'avais été ridicule.

Lorsque le jour me sortit de mon sommeil, ma tête était posée contre l'un des oreillers, innocemment. Comme si rien ne s'était produit en somme. Kiba avait quitté la pièce et je frissonnais en repensant à sa douce étreinte, ses bras puissants et rassurants.

J'avais trompé Sasuke.

Je m'étais levée d'un bond, giflée par la triste réalité. Je contemplais le lit, l'air dégoûté. Je venais de passer une nuit avec Kiba, dans ce lit, dans notre lit. Je me disais bien que plus jamais je ne pourrai y remettre les pieds.

Je refoulais mes larmes. C'était idiot au fond, je n'avais rien fait de si terrible. Je n'avais fait que dormir près de lui... Mais j'avais aimé ça. J'avais aimé cette douce sensation, celle de sentir sa main caresser mes cheveux, le contact de sa peau, la tendresse que Sasuke ne m'apportait pas.

Je déconnais complètement.

Il fallait que je me ressaisisse. Il ne s'était rien passé, rien du tout. Je devais y croire, dur comme fer. Je me dirigeai vers la salle de bain et m'y enfermai. J'entrai dans la douche encore toute habillée. Un jet d'eau glaciale frappa mon corps de plein fouet et la douleur me permettait de me calmer les nerfs. En deux trois jours, je venais déjà de commettre l'irréparable. J'étais vraiment une idiote, une imbécile complète. J'étais venue bille en tête de recommencer mon idylle avec Sasuke et voilà que je me jetais dans les bras d'un autre, qui plus est de Kiba. J'étais écœurante, tout simplement écœurante.

Sasuke ne me le pardonnera jamais...

Jamais...

Je perdais le fil. L'eau continuait à jaillir, mais je ne sentais plus rien. Une voix résonnait dans ma tête, comme pour me sermonner. J'entendais à la fois Sasuke, Ino, Shikamaru... Sans même pouvoir les distinguer. Je voulais désespérément revenir à cette époque... Cette époque merveilleuse où nous étions tous réunis, heureux et unis. Je n'arrivais pas à me convaincre que tout était fini, que rien ne serait comme avant. J'avais fait un choix, mon cœur s'était déchiré à l'idée de quitter Ino. Mais pourtant, Sasuke m'attendait. Nos promesses, nos rêves et nos espoirs de vie commune... Rien n'était plus important que ça. Même si cela impliquait laisser derrière moi une partie de mon âme et de mon passé, je n'avais même pas hésité une seule seconde.

Et pourtant, j'étais toujours dans le flou.

-Sakura ! Putain, qu'est-ce qui te prend !?

"Sasuke... Oh non, il sait. Il est au courant..."

Mais cette voix n'était pas celle de Sasuke. Lorsque j'ouvris les yeux, Kiba était au dessus de moi, trempé, l'air de se trouver en face d'une mourante. Je reprenais peu à peu mes esprits tandis que la totalité de mon corps était assailli par la douleur. La douche gouttait encore et la fumée était omniprésente. J'en avais du mal à respirer.

-Sakura ! Tu es complètement tarée !

Kiba continuait de s'égosiller mais je n'arrivais même pas à lui répondre. Il avait de toute façon raison. J'étais tarée, et toute cette histoire l'était. J'avais fait tout ce chemin, j'avais attendu une longue année à trimer comme une forcenée, j'avais enfin retrouvé Sasuke et j'avais tout gâché. Une nuit, une petite nuit où je venais de perdre mon objectif. C'était aussi fatal que de perdre de vue l'arrivée pour un sportif. Et voilà que je me retrouvais aux vestiaires plus tôt que prévu, à m'ébouillanter pour me convaincre que je n'avais pas encore perdu la partie.

Ma peau me faisait un mal de chien. Un seul coup d'œil me suffit à me rendre compte que j'étais devenue rouge écrevisse. Mes vêtements encore trempés commençaient à refroidir et j'avais l'impression de porter une seconde peau moite et glacée. Je sentis que l'on me portait aussi facilement que si j'avais été faite de papier. Les bras de Kiba étaient encore plus réconfortants à cet instant et je voulus m'en extirper pour échapper à cette pensée complètement décalée. Si Sasuke me voyait... S’il nous voyait... S'il savait...

...Je mourrais.

J'étais allongée depuis environ vingt minutes. A vrai dire, j'eus l'impression que ma position verticale avait duré des heures. Je me redressai, me rendant compte que cette sensation désagréable de peau dégoulinante avait disparu. Je me retrouvai dans une de mes robes, sous ma couette, comme si je venais d'émerger d'un sommeil de cent ans comme la belle au bois dormant. Mais je n'avais pas le temps de fabuler. Je parcourais ma chambre, ne prêtant pas attention à mon épiderme douloureux, prévoyant de rassembler mes affaires aussi vite que possible, lorsque la porte s'ouvrit avec fracas.

-T'es enfin debout !

Kiba se tenait sur le seuil, un bol fumant à la main. Le regarder m'était insoutenable et je me remis aussi sec à balancer mes fringues dans le premier sac qui m'était tombé sous la main. Je ne fis même pas attention au punk qui en profita pour poser le thé sur la commode et m'attraper vigoureusement le poignet.

-Qu'est-ce que tu fous Sakura ?
-Je... rentre chez moi...
-Quoi !?
-JE RENTRE ! JE RENTRE CHEZ MOI !

J'avais hurlé, la voix entrecoupée de sanglots. J'essayais de me débattre, en vain. Je ne faisais qu'accentuer la douleur. Je ne sais pas ce qui me faisait le plus souffrir. Mon cœur ? Mon corps ? Ou les deux à la fois sans doute.

La pression sur mon poignet s'atténua et je sentis les mains de Kiba se poser sur mes épaules. Je ne pris même pas la peine d'essayer de m'en défaire, je savais par avance que je n'y arriverai pas. Lorsqu'il me fit pleinement face, son regard dur et perçant me pétrifia. C'était comme s'il n'avait pas besoin de parler. Ses iris sombres s'en chargeaient.

-Sakura, tu te rends compte à quel point ton comportement est stupide ?
-Qu'est-ce... QU'EST-CE QUE TU EN SAIS !? SASUKE... J'AI...
-Qu'est-ce que tu as fait au juste, hein ? Tu peux me le dire ?
-On a... On a passé...
-Oui, on a passé une nuit ensemble. Je ne t'ai pas touchée, je n'ai même pas essayé de t'embrasser. Tu n'as fait que pleurer dans mes bras le plus innocemment du monde.
-Mais... Mais...
-Mais quoi ? Tu voudrais abandonner c'est ça ? Tu veux repartir chez toi après seulement deux jours juste parce que ton Sasuke joue les ministres ? Parfait ! J'te raccompagne à la gare et basta !

Je m'étais remise à chialer, m'étouffant de mes propres sanglots. Ses paroles m'assénaient une dizaine de gifles. Il ne s'était rien passé, mais mon cœur en avait décidé autrement. Je ne savais même plus où j'en étais. J'aimais Sasuke mais c'était comme s'il avait loupé le coche, comme s'il avait manqué à sa parole d'être toujours à mes côtés. J'étais enfin revenue dans sa vie et je passais après son travail. Je n'avais pas enduré cette année pour rien... Non je n'avais pas enduré cette année...

-Arrête de faire l'enfant.

Kiba se leva, prit mon sac où s'entassaient mes vêtements et le balança dans le placard.

-Écoute, je ne sais pas grand-chose sur Sasuke et toi. Votre relation ne m'intéresse pas, donc je m'en carre complètement, mais le fait est que vous ne vous êtes pas vus depuis un an, pigé ? Alors tu peux être impatiente, déçue qu'il ne prenne pas de temps pour toi, dégoûtée même, mais tu ne gagneras rien à t'enfuir. Sois patiente et ouvre ta gueule le moment voulu. Sasuke est un crétin malgré sa grosse tête. L'administration okay, mais les relations sociales, ça n'a jamais été ça. Bats-toi Sakura, montre-moi que tu n'es pas qu'une carpette aux pieds de monsieur le marquis. Fais-moi plaisir et reprends ta place de petite amie.

J'avais eu l'impression d'entendre Ino. Ce discours aurait très bien pu sortir de la bouche de ma meilleure amie, je n'y aurais vu que du feu. Kiba avait raison, de toute évidence, même si je m'obstinais à être dans le faux. J'étais résolue à me montrer forte, je ne faisais que le contraire, que des conneries. Je ne pouvais rien ajouter de plus, de toute manière, je n'avais rien à objecter au punk qui se tenait encore face à moi, l'air parfaitement stoïque.

-Allez, prépare-toi, on sort.
-Je... Non Kiba, je ne peux pas sortir comme ça...
-Qu'est-ce que tu racontes ? Contente-toi de t'habiller, je t'invite à manger une glace. Profites-en, j'roule pas sur l'or.
-Raison de plus pour...
-Ne m'oblige pas à te traîner par la peau des fesses, j'aime pas torturer les nanas. Allez, ça te fera du bien.

Il était sorti de la chambre, me laissant là parmi les quelques fringues encore éparpillées au sol. Je n'avais pas d'autre choix que de les enfiler, camouflant le plus possible ma peau encore rougie de brûlures. Je faisais peine à voir, l'air d'être resté trop longtemps en plein cagnard. Le fond de teint me sortit d'affaire et un peu de maquillage m'aida à me faire paraître un peu plus pétillante. Je pouvais au moins sortir sans risquer de passer pour une rescapée d'une mauvaise séance d'UV.

J'enfilais mes escarpins lorsque mon pied buta contre la commode. Quelle gourde. Je n'étais plus à une connerie près ceci dit. J'entrepris de remettre le meuble en place lorsqu'un faux mouvement me fit me cogner contre mon guéridon. Un bruit de verre brisé déchira mon âme, me laissant deviner l'horreur qui venait de se produire.

Mon cadre était à terre, baignant dans une mare de verre pillé et de souvenirs détruits.

_

Kiba m'attendait sur le palier, l'air plutôt impatient. Je ne voulais pas lui donner l'impression que cette sortie était la dernière chose qui me faisait envie, alors j'avais exhibé un sourire assez convaincant. Je m'étais décidée à ne rien dire à propos du cadre, il valait mieux éviter le sujet Sasuke pour aujourd'hui. Je m'étais contentée de le ranger dans le tiroir, prenant soin de balayer tous les débris compromettants. J'allais penser à autre chose et attendre ce soir. Cette fois, ma décision était prise, j'allais parler à Sasuke, lui confier mes craintes et mon angoisse, j'allais m'en débarrasser et me sentir enfin mieux, soulagée.

Prenant soin de me vider l'esprit et de profiter de cette journée, j'avais entrepris de demander où est-ce que le punk m'emmenait d'un si bon pied. La réponse éveilla ma curiosité.

-Tu verras bien, c'est une surprise.

Il avait appuyé sa tirade d'un clin d'œil.

-J'espère que ce n'est pas un magasin punk ?
-Qu'est-ce que tu as contre ça ?
-Est-ce que j'ai l'air de vouloir me faire une crête rose fluo ?
-Ca te rendrait peut-être plus belle !
-QU'EST-CE QUE TU INSINUES ? QUE JE SUIS MOCHE ?
-Hey, c'est pas moi qui viens de le dire !
-GRRRR !!
-... Pffah hahaha !

Il avait éclaté de rire, spontanément. Faussement énervée, je comptais bien poursuivre mon rôle jusqu'au bout.

-Qu'est-ce qui te fait rire !?
-Hahaha ! Excuse-moi, c'est nerveux.
-Ah ?
-Ouais, j'veux dire... Ca fait du bien de t'entendre gueuler.
-C... Comment ça !? JE GUEULE !?
-Ouais, comme un putois. Comme la première fois où je t'ai vue, espèce de baveuse !
-JE NE BAVAIS PAS !
-Non, tu ronflais.
-JE... Oh et puis merde ! Je laisse tomber !
-Tu abandonnes, froussarde ?
-JE NE SUIS PAS UNE FROUSSARDE !
-En tout cas, je préfère ça que de te voir pleurer.

J'allais répondre, mais les mots furent prisonniers de ma gorge. Je baissai les yeux, un peu honteuse. Il est vrai qu'il avait supporté mes pleurs comme personne. Il aurait pu craquer, m'en foutre une durant ma crise d'hystérie, ou tout simplement me laisser à mon sort. Il ne m'avait pas lâché, pas une seconde. J'avais trouvé du réconfort dans ses bras, mais lui seul m'avait rappelé à quel point l'amour que j'éprouvais pour Sasuke pouvait m'emmener loin. Il ne tenait qu'à moi d'en choisir le sens. Soit j'allais plus haut que les étoiles, soit je sombrais plus profond qu'au centre de la Terre.

Kiba m'avait montré le ciel cette nuit là où il s'était confié à moi. Je n'avais pas le droit de retomber.

-Merci.
-Hein ?
-Merci Kiba... Merci pour tout.

Il abandonna son air surpris pour affubler son visage d'un sourire éclatant, laissant voir ses deux crocs dignes d'un vampire. Je me sentais aussi bête et fragile qu'une héroïne de romans pour ados. Mais j'avais un protecteur, tout comme dans le scénario de ces derniers. Je savais ce qu'il me restait à faire et finalement, j'étais loin de détester Kiba au fur et à mesure qu'il se découvrait à moi. Sous ses airs de rebelles impolis et capricieux se cachait exactement le même cœur que celui de Pein. Ils étaient façonnés dans le même moule, même si je devinais que seul Kiba aurait pu endurer un passé pareil et rester encore positif.

Moi, je serais devenue dingue.

_

On s'arrêta devant un café un peu spécial, qui ne collait d'ailleurs pas au paysage. Si ce village à fleur de montagne évoquait une douce campagne reposante où une bande de bureaucrates passait leurs vacances à éplucher des fiches de compta, l'établissement en question faisait plus rock à gogo des nineties. La façade était noire, striée de bandes rouges. Les tables en triangles recouvertes de graffitis offraient un petit coin de paradis pour une clientèle peu disparate. Des gothiques aux chaussures ridiculement hautes et aux vêtements aussi sombres que dentelés, des métalleux aux cheveux longs et aux innombrables bracelets cloutés ainsi que des punks plus dans le style de Kiba. Autant dire que je me sentais comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, tout à fait à l'aise.

Kiba fit signe au serveur qui l'accueillit avec une poigne de main. Il fit un clin d'œil appuyé à mon punk de compagnie lorsqu'il me vit arriver à ses côtés. Je passais pour une poule de luxe, quelle aubaine ! Une fois notre commande passée, nous nous étions installés à la terrasse, à la table voisine d'un couple bien décidé à s'examiner mutuellement les amygdales.

-Je me sens tout à fait à ma place ici.
-Attends d'avoir goûté leurs cocktails !

Peu convaincue, je le fus encore moins lorsque le serveur revint vers nous, agitant ses longs cheveux bruns. Il posa deux verres remplis d'un liquide rouge sang sans oublier de poser ses yeux translucides par dessus mon décolleté. Une vraie tête à claques comme je les aime.

Pour ne pas taper une crise, j'entrepris de goûter le fameux breuvage sponsorisé par mon cher punk et je fus bien forcée d'admettre qu'il avait raison. Le mélange était exquis. Je devinais une bonne dose de vodka, du sirop de framboise, du jus de fraise bien frais, de la purée de groseilles et un petit quelque chose en plus...

-Du Tabasco.
-Quoi ?
-La touche épicée est ce qui donne à ce cocktail toute sa saveur, quelques gouttes de Tabasco. Ce mélange s'appelle "Larmes de sang".
-C'est très... "Dark".
-Hey, ne te moque pas !

J'avais fini mon verre d'une traite. Kiba m'en avait commandé rapidement un autre et nous bavardions de tout et de rien. Il me racontait ses déboires à la fac, ses derniers concerts, les commérages sur ses amis. Je n'aurais jamais deviné son côté pipelette. Maintenant qu'il était lancé, on ne pouvait plus l'arrêter, surtout lorsque le sujet Oroskulett vint s'immiscer dans la conversation.

-Si tu voyais Orochimaru sur scène ! Ce mec déchire ! Il est tellement classe et puis, faut dire que le groupe ne serait rien sans lui ! C'est lui qui enflamme le public ! Ce mec a même défoncé son micro sur scène en le faisant exploser avec des pétards du quatorze juillet ! Il est incroyable !

En écoutant Kiba déclamer sa passion pour le fameux chanteur, j'avais exhibé un sourire radieux. Son euphorie était quasiment contagieuse, sans parler des mélanges alcoolisés qui n'arrangeaient rien. Au bout du quatrième verre, Kiba avait entrepris de jouer du air-guitare avec le pied de sa chaise, amusant même nos voisins de table qui avaient arrêté de se bécoter. Je riais tellement que mon verre faillit me glisser des mains. Je me sentais bien, comme si la mésaventure de ce matin était passée aux oubliettes. Je reprenais une dose d'alcool, histoire de conserver cet état de béatitude.

Ce ne fut que lorsque Kiba se figea, l'air d'avoir avalé une brique que mon sourire disparut.

-Sa... Sasuke.

Il avait bégayé comme si ce mot venait de lui écorcher la langue. Je ne comprenais pas ce qui venait d'arriver. Mes éclats de rire venaient de mourir dans ce qui me semblait être un passé étonnamment lointain lorsque mes yeux se posèrent sur un couple assis à la terrasse du café d'en face.

Sasuke était en plein tête à tête, mais pas avec moi.

_

J'avais observé la scène, interdite. "Chez Richard". Café français, typiquement dans les goûts de Sasuke. Et la fille qui l'accompagnait... Le symbole du raffinement et de la classe. Même saoule, je pouvais le constater. Et le constat était bien amer.

Elle était tout simplement sublime, le genre de nana qui vous fout une tonne de complexes. Elle semblait grande, fine, élancée, avec un visage de porcelaine et de longs cheveux bruns et ondulés comme s'ils venaient de passer entre les mains d'un grand coiffeur. Elle portait un tailleur que je devinais être hors de prix, assorti à un sac Chanel, rien que ça. Pour parfaire le tableau, elle avait des yeux magnifiques, deux grands rubis soulignés de noir. Elle puait la classe, tout simplement, et la jalousie associée à l'alcool eurent raison de moi.

Sasuke s'esclaffait, comme si Madame perfection venait de sortir la plaisanterie du siècle. Il était particulièrement beau aujourd'hui, comme si ce rendez vous avait été prévu de longue date. Pff, quelle gourde, bien sûr qu'il était prévu de longue date. Son costard avait l'air de sortir de l'emballage, ses cheveux étaient impeccables, son sourire ravageur... Il avait vraiment tout pour mettre n'importe quelle fille à ses pieds, à commencer par moi.

J'étais de toute façon clouée sur ma chaise, à observer le spectacle comme un vulgaire pion au sein du public anonyme. Je me tâtais. Devais-je aller interrompre cette mascarade ? Ou au contraire m'en abstenir ? Dans mon état, réfléchir n'était même plus de mise. J'étais comme prise entre deux feux : l'action et la passivité. Si je laissais passer ça, il me faudrait me perforer la langue pour m'empêcher d'hurler. Si j'y allais, je risquais le scandale public et je me devais d'en assumer les conséquences.

Je me tournai vers Kiba. Lui aussi n'en revenait pas. Cela me confirmait au moins que je n'étais pas folle à lier, que je voyais bien ce que le reste du monde pouvait voir. Sasuke attablé avec cette fille, partageant un café et des éclats de rire dans une ambiance romantique à souhait. Une image qui me donnait simplement envie de vomir.

Je ne pouvais plus rester assise. Je m'étais levée d'un coup, n'assumant pas le tournis dû aux Larmes de sang. Ce n'était pas le moment de flancher. Je ne pouvais de toute façon pas contenir ma rage et ce fut, je pense, le seul moteur qui me conduisit jusqu'à la table des tourtereaux. Kiba à mes côtés, aussi éméché que moi, je pense que nous étions le duo explosif des alentours. Je n'étais pas au mieux niveau présentation, mais qui s'en soucierait après avoir vu l'homme de sa vie minauder avec la réplique de Miss Univers ?

Lorsque mon ombre avait obscurci la scène, Sasuke se tourna vers moi, l'air stupéfait. Il ne s'attendait pas à me voir ici, bien sûr. Il s'attendait sûrement à ce que je déprime à la maison, ou que je lui fasse encore un repas qu'il ne prendrait même pas la peine de goûter. Au final, je me faisais l'effet d'être trahie, d'être comme une pauvre femme au foyer qui, à force d'attendre le retour de son mari, se voit forcée d'aller le chercher dans un bar à putes. Si tant est que ce coin de paradis ressemble à une boîte à tapin, j'avais au moins la certitude que Sasuke n'était pas là que pour le plaisir de siroter un café.

-Sa... Sakura ? Qu'est-ce que tu..
-ALORS COMME CA TU AS TROP DE BOULOT !?

J'avais hurlé avec toute la puissance dont mes cordes vocales disposaient. Tous les autres clients m'observaient, sans compter le serveur estomaqué ou encore Miss Monde qui semblait abasourdie. Seul Kiba restait impassible, faisait mine de contenir un flot d'injures à balancer à la tête de son colocataire. Il devait bien être mon dernier allié face au monde, du moins le seul à être dans le même état d'ébriété que moi.

-Attends ! Sakura, laisse-moi t'expliquer...
-M'EXPLIQUER QUOI ? QUE TU COUCHES AVEC ? QUE C'EST AVEC ELLE QUE TU M'AS TROMPÉE PENDANT UN AN ? Merci de m'avoir remplacée mademoiselle ! Merci INFINIMENT ! Au moins, tu n'es pas resté SEUL durant cette période horrible où j'ai crevé, trimé, bossé comme une acharnée pour te retrouver ! TU T'EN BRANLES de toute manière ! Il n'y a que toi, toi et TOI ! Ta petite personne qui ne prend même pas CINQ MINUTES pour la fille qu'il aime ! ESPECE DE SALOPA...

Il avait mis sa main sur ma bouche, me stoppant net. J'eus une envie folle de lui mordre la paume, mais je n'en eus pas la force. Les larmes menaçaient de faire leur apparition et sûrement Kiba l'eut compris car il éloigna Sasuke pour m'amener près de lui. Il fusilla ce dernier du regard, lui laissant comprendre qu'il n'aurait plus l'occasion de se jouer de moi. Cette marque d'attention ne fit qu'accentuer dangereusement mon envie de chialer.

-Sasuke, je ne pensais pas que tu serais une ordure à ce point. Faire ça à Sakura, alors qu'elle t’attend depuis hier.
-Kiba, cette histoire ne te concerne pas. Mêle-toi de ce qui te regarde.
-CA ME REGARDE ENFLURE ! Ce n'est pas toi qui l'a vue pleurer toute la nuit, qui s'est inquiété pour elle ! Tu étais où !? HEIN !? AVEC CETTE FILLE ?

Sasuke poussa un long soupir et se rassit. Il reprit le dossier rouge posé sur un coin de la table et fit un sourire à sa compagne. J'eus envie de lui arracher les yeux, tant ce signe de connivence en plus de tout le reste eut le don de me rendre malade.

-Je pense que nous continuerons cet entretien plus tard mademoiselle Yuuhi.
-Bien sûr. Je pense que notre compagnie se passera aisément de vos services.
-Je comprends, vous m'en voyez navré.
-Nous le sommes également monsieur Uchiwa. Bonne journée.

Le temps venait de se figer. C'est ce que je crus, mais en réalité, ce ne fut que mon cœur qui me donna l'impression de se ratatiner dans ma poitrine. Sasuke s'était tourné vers moi, m'adressant un regard assez perçant pour me transformer de statue de glace. La jeune femme venait de tourner au coin de la rue et ce fut à ce moment précis que Sasuke se leva, dossier sous le bras. Kiba semblait aussi tétanisé que moi. Il ne me lâcha pourtant pas.

-Je crois bien que je viens de rater une affaire. Merci beaucoup à vous deux.

Il avait laissé un billet au serveur, lui glissant quelques excuses à l'oreille, puis s'en alla sans un mot.

Lorsque le temps reprit son court, je m'aperçus à quel point mon cœur venait de se briser.

En mille morceaux.



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