Fiction: Coule sur le ciment (terminée)

"..papa m'a laissé un mot sur la table dans lequel il me souhaite une bonne journée. Il y a aussi une grande tasse de café brûlant et un pain au chocolat, comme tous les matins."
Drame | Mots: 1564 | Comments: 2 | Favs: 3
Version imprimable
Aller au
Tété-chan (Féminin), le 02/12/2012
OS affreux, ne le lisez pas si vous êtes dans un bon mood et encore moins si vous êtes dans un mauvais mood !



Chapitre 1: Coule sur le ciment



J'ouvre mes yeux, grands comme des cavernes. Des gouttes de lune parsèment mon lit, mes bras et mon visage. Je me redresse trop vite en position assise et ma chambre se met à tanguer autour de moi. Je prends ma couette, m'enroule dedans, puis me dirige vers la cuisine, papa m'a laissé un mot sur la table dans lequel il me souhaite une "bonne journée ma chérie". Il y a aussi une grande tasse de café brûlant et un pain au chocolat, comme tous les matins.
Depuis l'accident de maman, papa ne me regarde plus.
Il me fuit, part toujours quelques minutes avant que je me réveille et rentre tard pour ne pas avoir à dîner à la même table que moi. Mon père est un lâche qui n'ose pas poser les yeux sur moi, sa fille unique, de peur de voir que je suis le portrait craché de la femme qu'il a aimé.
Mêmes yeux verts d'eau.
Même chevelure aux nuances rosées.
Mêmes fossettes quand je souris.
Même petit corps si fragile.
Mon reflet dans le miroir ne fait qu'appuyer ces faits, il me renvoie le visage de ma mère jeune ! Pour mon père, je ne suis donc plus une personne à part entière, je suis juste la chair et le sang de maman. L'amour de sa vie. Cet aspect de moi -de loin le plus frappant au premier coup d'oeil- lui rappelle qu'elle ne reviendra pas, qu'elle est définitivement morte. POUR TOUJOURS.
Et lui, ça le tue. Ça le tue de vivre sous le même toit que cette copie conforme de sa femme décédée. Ça le tue parce que je ne suis pas maman. Je suis juste sa fille, son enfant, son unique enfant, son bébé même, non ? Rien de bien important en somme.
Papa me reproche l'accident de maman. De toute façon, à chaque fois que mon étourdie de mère faisait une connerie, c'était de ma faute. Mon père l'adorait trop pour pouvoir m'accorder un peu de son amour. Depuis qu'elle est morte, des choses ont changé, mais papa ne me donne toujours pas l'affection qu'il me doit. Papa pense que c'est à cause de moi si maman s'est tuée en voiture, c'est obligé qu'il le pense. Parce que si je n'avais pas eu d'accident, je ne serais pas tombée dans le coma et ne me serais donc pas soudainement réveillée en hurlant le prénom d'un garçon que personne ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam -même pas moi pour tout vous dire.
L'hôpital a passé un coup de fil angoissé à ma mère qui a pris le volant alors qu'il faisait un putain de temps de chien, la suite, vous vous en doutez. Elle a grillé un feu à un carrefour, le camion n'a pas eu le temps de freiner, elle est morte sur le coup. Elle n'a pas souffert d'après le médecin qui s'est occupé d'elle, elle n'en a pas eu le temps. Tout ce qu'elle a ressenti sur le moment, c'est une peur panique monstre.

"MAMAN TU ME MANQUES !"

L'eau tiède de la douche coule sur moi comme une rédemption et m'apaise. La nuit recouvre encore Paris de son manteau et un crachin glacé chante sur l'asphalte. Je sors de la salle de bain emmitouflée dans un peignoir vert bouteille quinze fois trop grand pour moi, et mon cafard. L'appartement est spacieux et froid. Tout ce dont j'ai envie à cet instant c'est de chaleur, de quelqu'un à mes côtés lorsque je m'endors et toujours là à mon réveil.
Je m'habille au hasard, enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et dévale les six étages après avoir claqué la porte.
Il est 7h20 quand je franchis le pas de l'immeuble, le boulevard est étrangement calme et vide. La vie semble s'être mise sur pause, on entend juste la pluie crépiter sur les trottoirs. Cette musique me berce et me confère une sensation de plénitude. Je plante une clope entre mes lèvres et me dirige vers Jules Joffrin tranquillement. J'ai oublié de prendre un parapluie comme d'habitude. Je pense qu'inconsciemment je fais exprès de ne pas en prendre parce que j'adore la pluie parisienne. Mais je chope la crève à chaque dois. Ce soir je serai aux portes de la mort croyez-moi.
Blague à part, la bouche de métro est devant moi, je jette ma cigarette consumée aux trois quarts et m'engouffre sous la terre.
Il est 7h29, j'ai encore raté le métro, il y en a un qui a été plus vif que moi, un gros bonhomme aux traits serpentins qui a sauté dedans comme si sa vie en dépendait.
Je vois des cas comme celui-là tous les matins. Je ne comprend pas pourquoi tous ces gens sont si pressés. Moi, je prends le prochain.
Je vais tout au bout du quai, en face de l'affiche du nouveau film de Mattéo Garonne, que j'ai très envie de voir d'ailleurs.
Les personnes qui affluent sur le quai me lancent des regards soupçonneux, juste parce que je suis toute seule, tout au bout, et que j'ai l'air blasée de la vie. Arrêtez de vous torturer l'esprit les gars ! Je me place juste en face de ma sortie, je ne vais pas me suicider.. Sérieusement, vous me voyez - MOI - me jeter sur les rails ? Moi qui suis toujours la première à pester contre les suicidaires qui ralentissent chaque jour le trafic sur la ligne 13 ? Non ce n'est vraiment pas mon genre de faire un truc comme ça.
Je monte dans la rame, prends ma place habituelle et ouvre Mont-Oriol (le roman le plus chiant de Maupassant). Il me reste quelques pages à lire, j'ai une dissert' dessus dans une demie-heure. Janis Joplin me berce, sa voix éraillée m'emmène directement à San Fransisco. Je relève la tête quelques secondes, on est déjà à Saint-Georges, quatre stations se sont écoulées comme dans un rêve. Mon arrêt va bientôt pointer le bout de son nez : Saint-Lazare et les centaines de personnes stressées qui ne voudraient pour rien au monde attendre le prochain train. Je les connais ces gens-là, ils vont presque m'empêcher de descendre pour pouvoir s'entasser les plus vite possible comme du bétail dans la rame. Ce sont des animaux, rien de plus, et moi je ne fais qu'évoluer à travers eux sans m'occuper ni de l'un ni de l'autre.
Je regarde devant moi et mon horizon est vide.
J'ouvre la première porte du wagon, me faufile entre tous ces gens qui, comme prévu, se précipitent contre moi. Dieu, ce que les parisiens sont insupportables !
A l'instant où je sors filtres, feuilles et tabac pour me rouler une clope en arpentant les longs couloirs de saint-laz', je reçois un texto de Naruto. Naruto c'est mon meilleur ami. On se connait depuis un an et demi maintenant, on a vécu des choses horribles ensemble qui nous ont lié à tout jamais. Il me dit dans son message qu'il m'attend devant la bulle. Je ne peux m'empêcher de sourire, c'est notre petit rituel du matin, le seul sur lequel je ne crache pas. Je finis de rouler ma cigarette rapidement en pensant à Sasuke.

Sasuke est mort.
Sasuke me manque.
Sasuke, pourquoi tu ne t'es pas réveillé ?

Tiens, revoilà le mec bizarre de Jules Joff ! Il est planté au milieu du passage, juste devant les escalators, et arbore un rictus béat. Il fait peur merde. On dirait un de ces psychopathes qui tuent des enfants dans le thriller du mardi sur TF1.
Je traverse la place souterraine et le contourne sur plusieurs mètres, il ne m'inspire vraiment pas confiance cet homme, il ressemble à mon oncle Orochimaru -un malade qui a essayé de tuer ma grand-mère- mais en plus gros.
Je monte les marches quatre à quatre, trop pressée de mettre une distance de sécurité entre cet individu et moi.
Je ne l'ai pas vu ouvrir son énorme parka pour dévoiler sa ceinture d'explosifs.
Je ne l'ai pas vu appuyer sur le bouton rouge.
Je n'ai pas vu son corps se désintégrer, ni ses tripes s'envoler, ni son sang gicler.
J'ai juste senti une puissante déflagration me propulser en avant, mon corps brûler, mon coeur accélérer violemment, une douleur insupportable broyer chaque parcelle de mon corps.
Je coule sur le ciment.
Je ne me plaindrai plus jamais.
Je ne serai plus jamais méchante.
Je ne me mettrai plus jamais en colère.
Je ne ferai plus jamais pleurer quelqu'un.
Promis, juré, craché !
Mais par pitié, que quelqu'un abrège mes souffrances ! Tuez-moi ou sauvez-moi, peu importe, mais par pitié, faites en sorte que ça s'arrête. Et dites à Naruto d'aller en cours, j'en ai marre qu'il arrive en retard à cause de moi. Il doit m'attendre devant la bulle à l'heure qu'il est. Vous ne pouvez pas le rater, c'est un grand blond solaire aux yeux bleus comme un ciel d'été, les plus beaux yeux que je n'ai jamais vus, même la plus belle chose qu'il m'ait été donné de voir..
Dites-lui simplement d'aller au lycée, que c'est Sakura qui lui ordonne. Il ira je pense.

Naru.
Si je rejoins Sasuke, je lui dirais que tu l'aimes, promis !
Toi, je te demande de continuer à vivre. Et si tu n'as plus la force de le faire pour toi, fais le pour Sasu et moi.
Et surtout, n'oublie pas que je t'aime s'il-te-plaît.
Saku.



voilàààà je suis horrible (:



Chapitres: [ 1 ] Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: