Fiction: Les condamnés

La Bataille de Sekigahara d'octobre 1600 s'est terminé il y a des mois. Les fuyards attrapés par les forces Tokugawa sont ramenés dans la bourgade de Konoha, où les villageois se tiraillent la peine de ceux qui ont jeté la honte sur leurs noms. Les héritiers claniques sont sauvés, tandis que les deux malheureux, Uzumaki l'infortuné et Uchiha le damnés, attendent leur peine attachés au saule de la place.
Drame / Romance / Spirituel | Mots: 16662 | Comments: 8 | Favs: 4
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Abey (Féminin), le 12/12/2012
Voilà la Libération, la fin du calvaire pour nos deux prisonniers!
Du moins pour l'instant.

Voilà un lien pour comprendre les heures de l'époque: http://fr.wikipedia.org/wiki/H
Enjoy! ;)




Chapitre 6: La fille de l'ombre



La fille de l’Ombre

Dans les montagnes environnantes du village de Konoha se cachaient nombre d’animaux de mauvais sort ; les protecteurs d’Inari, les renards tant craints, se transformaient en jeunes femmes attirantes pour amadouer les voyageurs ; les tanukis qui courent les sentiers pour porter fortune et prospérité, agitaient parfois leurs imposants testicules, faisant trébucher les riverains sur les chemins caillouteux ; les loups affamés qui n’attendaient qu’un égarement pour se remplir la panse.

Mais il persiste un être qui suscitait les peurs les plus vives : car si par malheur un Homme se voyait rencontrer les yeux d’un sanglier sauvage, rien ne lui garantissait qu’en s’enfuyant les bras en l’air, il pourrait sauver ses gambettes.
Le village de Konoha jouissait d’une certaine aubaine, car aucun sanglier ne se fit voir dans la région depuis plus d’un siècle. Seul un, connu de tous, vivait parmi même les habitants du village.

A son heure –l’heure du sanglier, lorsque la nuit s’imposait au ciel, et que les grillons chantaient déjà-, le même être têtu et dangereux revint sur ses pensées. Gambadant dans les ruelles vides, l’âme solitaire de cet être craint et rejeté se demanda si rester dans ce village qui, le temps passant, se voyait déjà devenir une grande agglomération où l’importance de la situation était de plus grande importance, lui serait bénéfique.
Comment un être à ce point craint pouvait-il vivre en paix dans ce remou urbain que devenait Konoha ? Quand bien même cette âme aidait le temple où sa personne était vénérée parfois –car le sanglier était Avatar-, elle ne se sentait pas mieux que parmi la foule accusatrice. Alors la nuit elle sortait sans but et marchait. Car ici, il y avait bien une chose qu’elle aimait ; marcher dans les ruelles peu fréquentées -il y avait toujours quelque chose à y découvrir.

Sans s’en rendre compte, son corps fatigué se voyait longer les berges de la rivière Kamo, et bientôt le sanglier arriva de l’autre côté du village, où les douves se formaient déjà, et où les toits des pagodes du sanctuaire Omyogi transcendaient le ciel.
Il y avait bien une chose que le sanglier détestait : c’était l’injustice. Déjà même quand on l’accablait de ce nom, « Inoshishi », elle répliquait et se disait femme: c’était donc une laie. Mais dans ce dialecte campagnard si restreint, il n’y avait pas de mots pour l’exprimer ; elle était souvent moquée.
Et aujourd’hui même, l’Injustice, elle l’avait de nouveau rencontrée. La jolie laie s’était étonnée elle-même. Elle avait prié au Shitsudera, pour que les Hommes recouvrent la raison.

« Ou bien est-ce le contraire, pensa la laie. Ce serait à la Raison de recouvrir la tête des Hommes ».

Ses quatre gambettes traversèrent le sanctuaire dans un silence assommant. Les nonnes ne la virent même pas, et les gardes paresseux fermaient déjà les yeux, des coupes d’alcool à la main.
La silhouette squelettique du symbole du village se dessina devant la laie. Ses feuillages verts et touffus s’agitaient, ses vibrations s’ébranlaient sous la violence du vent qui se levait. Mais malgré cette image instable en proie aux maux de la nature même, la laie pu distinguer deux âmes transcendantes ; car seule la bêtise les avait amenés jusqu’ici.

« Voilà l’Injustice-même ! », ajouta-t-elle.

Et elle s’avança. Le ciel n’était plus clair depuis longtemps ; la saison des pluies commençait. Arrivée au pied de l’arbre, la laie colla son groin sur la pierre à terre, comme essoufflée par sa marche. Un remous se fit sentir au-dessus d’elle, et déjà elle grattait l’écorce.

_Réveilles-toi ! Chuchota l’un. Oh !
Le second être remua à son tour, et sortit de ses songes.
_Je dormais enfin et voilà que tu me réveilles ! Quoi encore ?
_Il y a quelque chose en bas !
Ils baissèrent la tête, sans rien apercevoir de concret.
_C’est un animal, dit l’homme aux poils clairs. Mon dieu, même eux sentent la mort autour de nous !
_Un animal ? S’étonna le brun.
_Oh oui je l’vois maintenant ! C’est un sanglier ! dit Naruto. Un sanglier ! Il a du parcourir tout l’village sans se faire voir…C’est étrange !
_Un sanglier ? Ricana l’autre. Mais non tu vois bien qu’c’est une femme à quatre pates ! Allez, laisses-moi dormir tant que je l’peux…

Puis le silence revint. L’âme au bas de l’arbre grattait toujours l’écorce à la recherche d’un appui. Les deux hommes ne comprirent pas vraiment, mais ce fut comme si une entité divine enveloppait la mortelle. Puis soudain elle s’éleva. L’action ponctuée de braillements et de cris féminins semblait hors du commun.

_La voilà maintenant ici ! S’étonna Sasuke, bouche-bée, qui la vit à sa hauteur. Mais qui donc êtes-vous ?

L’être ne répondit pas. De près comme de loin, nul ne pouvait savoir qui était cet être-là. Il était voilé de haut en bas. La laie désormais sujette des vices humains retint sa peine et sa colère. Sans dire mot, elle retira ses habits d’affublement, et sortit une lame ancienne mais solide.

_Je connais cette lame…Mais je n’saurais dire d’où elle vient.
_Il fait trop sombre pour voir ton visage ! dit Sasuke, suspicieux. Que nous veux-tu ?
_Se pourrait-il un jour que vous cessiez de m’oublier aussitôt que j’eusse tourné le dos ? Je suis la laie du village ! Celle que tant de monde respectaient et que, désormais ma famille condamnée, me toisent de loin. Celle que tout le monde appelle « le sanglier aux apparats de brocarts ». Vous souvenez-vous maintenant ?

Sa seule réponse leur suffit ; Naruto, émut aux larmes, la remercia des centaines de fois dans un bruit presqu’inaudible. Sasuke, lui, regretta toutes ses pensées noires à l’égard de la jeune fille.

_ Me voilà tombée bien bas pour aider des condamnés, dit-elle alors qu’elle tentait de couper les cordes solides. Mais savez-vous ? Vous êtes en ces lieux-même les seuls êtres humains : quand le village jacte de plaisir à l’idée de revoir du sang couler pour un honneur inexistant, d’autres souffrent de l’injustice. Me voici celle qui vous aide. Je n’demande rien, à part une seule chose…

Les cordes du haut retenant leurs mains et leurs bras tombèrent à terre. Dans un soupir qui transcendait le vent levé, ils se réhabituèrent à baisser leurs épaules.

_Que veux-tu ? demanda Sasuke, soudain inquiet qu’on lui demande la captivité.
_Je veux que vous m’ameniez jusqu’aux frontières.
_Quoi ? Tu veux quitter Konoha ? Mais il te suffit de repartir sans te faire voir: tu n’auras aucun ennui, assura Naruto, pris de pitié pour celle qui se sacrifiait.
_Oh non, les hommes qui vous ont hissés si haut connaissent mes intentions. Ils m’ont surveillés au début, mais se sont lassés par la suite. Quand tout le monde se rendra compte de la vérité, je serais accusée –et je n’y porterai aucune attention puisque je n’serai plus ici !
_Eh bien commences par nous détacher, dit Naruto. Ensuite, nous verrons bien !

Ino s’apprêta à couper les cordes du bas, mais s’arrêta un instant :
_Vous me jurez de m’ammener ? s’assura-t-elle. Vous m’le jurez ? Si par malheur…
_Mais oui, s’enquit Sasuke. Tu nous as sauvés, nous respecterons donc ta promesse …Juré !
Et sans en demander plus, elle s’afféra à couper le reste des cordes…Mais n’y parvint pas.
_Elle sont plus solides ici !

Elle essuya la sueur de son front ; la peur de se faire voir la fit même trembler. Elle était encore à se demander ce qu’elle faisait là.

« Si elle doute maintenant, se dit Sasuke qui observait chacun de ses gestes, elle pourrait renoncer à tout moment… »

_Regardes-moi ! Oh !

Il lui prit le visage si soudainement qu’elle en prit peur. Les yeux dans les yeux, la jeune laie se vit comme amadouer par ce sombre regard, et se ressaisit, comme de nouveau d’aplomb.

_Je sais, dit-elle. Nous devons casser la branche, elle n’est pas très solide.
_Tu as raison, l’encouragea Naruto. Faisons cela. Notre poids à nous trois devrait suffire !

Et comme des enfants s’amusant à s’éclabousser lors des sombres jours de pluie, tous trois se mirent à sautiller, puis à bondir sur la branche du saule. L’arbre était vieux, mais résistant, et la levée du vent et le début de la pluie n’arrangea pas l’affaire. Mais à force d’efforts, dans un bruit sourd, les premiers ébrèchements se firent sentir. Et à un instant précis, ce fut comme si tous trois planaient, comme s’ils s’apprêtaient à s’envoler dans la nuit sombre et nuageuse. Puis ils tombèrent.




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