Fiction: « Les silences sont parfois le désespoir des soumis. »

« Le désespoir est le suicide du coeur. » [Jean-Paul Richter]
Classé: -16D | Drame / Romance / Tragédie | Mots: 3008 | Comments: 10 | Favs: 4
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CamaradesK² (Féminin), le 04/02/2012
Une petite fiction publiée ici parce que... Parce que voilà c'est comme ça, et dont le titre est tout à fait propice tant à l'histoire qu'à ce que je suis au jour d'aujourd'hui. J'ignore le nombre de chapitres que celle-ci aura, nous verrons bien.
En attendant, je souhaitais partager ce début avec vous. Je ne sais quand la suite paraîtra, je ne sais si je serais capable d'écrire une suite... Nous verrons bien.

Gugu-Chan.




Chapitre 1: L'enfer, c'est les autres [Jean-Paul Sartre]



Je regarde l'eau devenue couleur patouillas. Cette odeur me rebute, m'écœure, et pourtant, elle traduit mon allègement. Je tousse un peu. Ma gorge est irritée, c'est sûr, à force de rendre mes repas, comment n'est-elle pas irritée ? Je finis simplement par tirer la chasse, et l'eau redevient claire et limpide. Mon Dieu, mais qu'est-ce que j'ai encore fait ? Je m'étais juré d'arrêter...

Je me relève, et me mets face à mon miroir. Je suis horrible et hideuse. Depuis quand suis-je comme ça ? Je ne me souviens pas, je ne veux pas me souvenir. Mon reflet me dégoûte, lui aussi. Rien qu'une pâle figure, une silhouette qui perd peu à peu ses couleurs, des formes qui disparaissent chaque jour un peu plus. Mais qui suis-je ?

Je sors des toilettes, en n'oubliant pas d'ajouter du désodorisant. Et je remets mon masque de tous les jours, cette façade qui me rend plus heureuse, plus agréable à supporter, plus gaie... Me voilà encore à sourire, sourire faussement, sourire bêtement. Je remercie silencieusement mes talents de comédienne, et sors de chez moi. Aujourd'hui, sortie avec mes amis. Ô joie, ils ne remarqueront rien encore aujourd'hui. Aujourd'hui encore, je réconforterais mes amis, comme je le fais toujours, et à chaque fois. Aujourd'hui, je leur donnerai le sourire qu'il leur faut, celui qui leur manque.

Je ne suis pas une personne forte, ce n'est pas parce que je ne me plains pas que je suis forte, bien au contraire, parce que je m'inflige le silence et cette douleur. Je suis faible, et masochiste. Il n'y a pas à le cacher. Si je n'aimais pas souffrir, j'en aurai parlé et déballé mon sac depuis longtemps. Mais non, je ne veux pas. Je n'ai pas le droit de me plaindre, tout simplement parce que mon problème est minime à côté des leurs. Je marche calmement, je regarde mes jambes. Comment fais-je pour encore tenir sur ces brindilles ?

Je vois mes amis qui me font de grands signes en souriant, j'en fais de même. Aucune lueur de surprise face à ma pâleur, je les comprends après tout, je suis de nature très blanche. J'entrevois néanmoins un coup d'œil furtif de la part de mon ami, Shikamaru. Sa capacité à tout comprendre, son Q.I très élevé, lui aurait-il fait comprendre ma détresse ? Je ne sais pas, je ne veux pas savoir d'ailleurs, et je décide d'oublier ce regard, comme tout ce qui me contrarie. Pourtant, je sens que cette journée risque d'être longue...

Une de mes amies propose qu'on aille au cinéma, j'approuve avec enthousiasme, proposant même un film d'action humoristique. Tous sont d'accord, et c'est ainsi que nous avançons vers le bâtiment cinématographique. Lors de la route, ma vision se brouille un instant, j'ai des vertiges et ma tête tourne, mais je me reprends, je me pince violemment la cuisse – ou ce que je peux en pincer – et fais comme si de rien n'était. Oui, je suis une actrice qui mériterait un oscar et un césar en prime, et ceci, je le dis en le croyant dur comme fer. Aucune faille dans mon jeu d'actrice, j'en serais presque fière ! Foutue fierté, ce n'est pas le moment d'être fière de quelque chose de peu glorieux, peu louable...

Nous achetons nos places, j'offre le pop-corn, mes amis sont surpris, habituellement, je n'offre jamais rien. Pourquoi un tel changement ? Surement parce que j'ai fait mon choix. Je souris en disant négligemment que les gens changent. Oh ça oui, pour changer, j'ai changé. Mes amis sourient, heureux que je change en bien selon eux. Je ris doucement, et les entraîne dans la salle de projection. Nous nous installons, confortablement et je commence à manger avant que le film ne commence. On ne dirait pas, mais même si je rends mes repas, je n'en ai pas moins faim. Non, en fait, je n'ai pas faim, je me mens à moi-même, refusant de tomber dans l'anorexie. Mais finalement je suis boulimique. Où est la différence au final ?

Le film commence, chut, tout le monde se tait. Je me lève, prétextant une envie d'aller aux toilettes à ma voisine, Ino. Elle hoche la tête, absorbée par le générique. Je quitte la salle et me dirige comme d'habitude, au dessus d'une cuvette, pour rendre le peu de pop-corn que j'ai ingurgité. Je n'ai même pas pu le digérer correctement, mais cette impression de lourdeur me gêne, me tiraille le corps et les organes, je me sens tellement mieux une fois que j'ai vomi. J'enfonce deux doigts dans le fond de ma gorge, sans hésiter. Je sais où appuyer, je suis devenue douée dans ce domaine. Je ne m'en vante pas, je ne veux pas m'en vanter, mais j'aime me sentir supérieure, peu importe le domaine. Oui, vraiment, je me dégoûte, dans tous les sens du terme.

Je sens les miettes qui remontent le long de mon œsophage, un liquide chaud empli peu à peu ma gorge et ma bouche. Ce goût monstrueux, cette texture immonde... Mon Dieu... Que suis-je devenue ?

Je me relève, mes cheveux sont tombés devant mes yeux, je les plaque derrière mes oreilles et essuie la sueur sur mon front. Je suis fatiguée, ma gorge me brûle et me démange, et je ne vais toujours pas mieux. Je m'époussète, appuie sur le bouton pour tirer la chasse d'eau, et sors de cette cabine que je trouve trop petite. Derrière la porte, Shikamaru, debout, raide et silencieux.

Ce regard peu pensif qu'il se donne me perturbe, je ne sais ce qu'il pense... Et au final, je ne veux pas savoir. Mais une chose est sûre, il sait quel rite je pratique. Je m'avance vers le lavabo, et me rince la bouche avec de l'eau. Je n'ose même pas regarder mon reflet, je ne veux pas qu'il connaisse en plus de ça le regard que je me jette lorsque je me vois.

« Tayuya.
Quoi ? Répondis-je agressivement. »

Mon ton n'était pas voulu, je voulais lui montrer mon sourire totalement faux comme je le fais si bien. Mais ça m'avait échappé. Je crois bien que j'ai atteint mes limites.

« Regarde-moi. »

Je tournais mes yeux vers lui en hésitant. Je voulais qu'il oublie tout ce qu'il savait, je ne voulais pas qu'il me regarde, qu'il décèle ma faiblesse, je veux lui montrer mon regard d'avant. Mais il ne faut pas se leurrer. Il a bien compris mon manège et même si je venais à réussir de soutenir son regard, il aurait compris. Je n'ose pas ouvrir la bouche, lui ne dit rien de plus. Nous avons pourtant une conversation, un dialogue, fermé oui, mais un dialogue quand même. Je le regarde, puis le sol, remonte les yeux vers lui pour les baisser à nouveau.

Je ne veux pas perdre, je ne suis pas habituée à perdre, certains disent même de moi que je suis une mauvaise joueuse lorsque cela arrive et pourtant j'ai perdu dès l'instant où je l'ai vu m'attendre. Je refuse pourtant la défaite. Malheureusement des vertiges refont peu à peu surface, je m'appuie alors sur le lavabo, une goutte de sueur qui perle le long de ma tempe et je me sens partir, mais ma volonté de ne pas faiblir trop est plus forte. J'espère tout de même que Shikamaru n'aura pas remarqué ce malaise, mais c'est sans compter sur son sens aiguisé de l'observation.

Bordel, oui, je le pense : Bordel. Je suis dans une merde sans nom. Alors que je souhaitais que personne ne se mêle à mon histoire ou ne s'inquiète pour moi, en voilà qui saura tout et qui se mêlera de tout, et ce, jusqu'à ce que mort s'en suive. Pourquoi n'ai-je pas arrêté lorsque je me le suis juré ?

« Tayuya, que se passe-t-il ? Demanda finalement le brun.
Rien, rien... »

Ma voix est tellement faible, je ne sais même pas s'il l'a entendu. Un nœud se forme dans ma gorge, j'ai un léger haut le cœur, je veux éviter la confrontation. Alors que je regarde mes pieds, je sens une pression sur ma main. Je lève la tête et le vois me sourire, d'un sourire triste, d'un sourire qui veut dire trop de choses pour toutes les citer.

C'est alors qu'il me tire hors des toilettes, mais aussi hors de la salle de projection.




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