Fiction: Les lettres d'Itachi

Cette histoire prend place après la révélation des véritables intentions d'Itachi. Tsunade reçoit un étrange message qui lui promet des informations sur Itachi. Sasuke est aussi convié au rendez vous. Lors de la rencontre, une jeune femme dissimulée derrière un masque d'ANBU remet un paquet de lettres à Sasuke, écrites par Itachi lui-même.
Classé: -16I | Action/Aventure | Mots: 168957 | Comments: 83 | Favs: 68
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elane. (Masculin), le 30/05/2014
Le voyage de Nyah, Celn et Lune....



Chapitre 49: Liens



Plus ils se rapprochent d’Elayah et plus leurs pas se font pesant et lourds sur le sable. De façon imperceptible ou presque, l’allure soutenue ralentit un peu plus à chaque seconde et Lune se ferme dans une attitude sombre et amère.

Nyah ne peut s’empêcher de lancer un regard inquiet vers la jeune femme qui les guide sans un mot. Lorsque le Kazekage lui avait permis d’aller faire ses recherches avec une telle escorte, elle avait difficilement contenue sa joie. Mais elle n’avait pas imaginé une seule seconde que ce voyage allait se transformer en un tel calvaire pour l’ANBU qui traîne des pas devant eux.

Lune lève les yeux vers le soleil déclinant et décide d’un hochement de tête de s’arrêter là pour la nuit. Son masque d’ANBU poussé sur le côté, elle sent les derniers rayons d’or se poser sur son visage et se demande à ce moment pourquoi elle n’ose pas remettre son masque devant Nyah et Celn ? Pourquoi ne s’accorde-t-elle pas la protection de cette mince barrière face à leurs regards inquiets qui l’insupportent ?

Une vague furieuse de colère aussi soudaine que violente et brève emporte son cœur et sa raison. Sa main se crispe sous cet assaut irraisonné qui la submerge. Nyah, Celn… Que voyaient-ils en elle si ce n’est une bête curieuse, étrange et intrigante ? Elle n’est qu’un sujet d’étude et de questionnement pour leurs esprits aiguisés qui s’offre à leurs yeux. Une femme aux mécanismes étranges dont ils souhaitent analyser et comprendre toutes les imbrications. Rien de plus. Et il y a peu, elle ne se serait pas inquiétée outre mesure de leur intérêt pour ce qu’elle était. Mais aujourd’hui, elle aspirait à plus. Elle s’était ouverte à un monde nouveau et effrayant auquel elle s’était toujours fermée. Un monde où l’espoir existait encore. Quel espoir, se demande-t-elle ironiquement ? Celui où quelqu’un pouvait l’apprécier pour elle et uniquement pour elle. Même un peu, même si elle devait soulever la colère ou le dépit, un monde où elle pouvait espérer qu’on puisse la regarder et voir la femme derrière le gardien, distinguer l’essence humaine sous l’apparence d’un regard monstrueux.

Et tout cela allait voler en éclat aussi sûrement que ses pas la ramenait dans ce Village maudit où elle avait grandi.

Refuser sa part d’humanité pour s’enfoncer un peu plus chaque jour dans le refus de tout ce qui pouvait la faire souffrir avait été son seul moyen de défense pendant toutes ces années. Elle avait toujours su absoudre dans l’indifférence la haine et la colère de tous ceux qui avaient un jour posé leurs regards sur elle.

Quand elle s’était enfuit, laissant ce Village froid pour Suna, elle avait tremblé pendant des jours et des nuits, pensant à tout ce qu’ils pourraient lui faire subir s’ils mettaient les mains sur elle. Son apparence, ses yeux la rendaient facile à retrouver. Mais elle avait dû se rendre à l’évidence assez vite.

Personne n’avait jamais cherché à la retrouver.

Elle n’avait ressenti aucun soulagement à savoir que jamais elle ne serait inquiétée par ceux qu’elle avait abandonné cette nuit d’hiver où elle s’était glissée dans les ombres pour se lancer dans le désert sans but, sans attache, seule.

Cette nuit, un vide glacé et froid, avait envahi son cœur et son âme et ne l’avait jamais plus quitté.

A chaque pas qu’elle avait fait en direction de Suna, tout ce qui la rattachait encore à cette humanité dont elle ne s’était jamais sentie proche et qui ne lui avait apporté que souffrance et humiliation, elle l’avait enfermé dans le coin le plus sombre de son esprit.

Une boite de pandore qu’elle saurait souhaitée voir perdue à jamais.

Et cette nuit, même la lune, éternelle compagne de sa solitude ne lui apporte aucun réconfort.

- Tu devrais essayer de dormir, dit Celn.

Depuis combien de temps la fixe-t-il ainsi ? Depuis quand ne remarque-t-elle rien lorsqu’on la dévisageait aussi ouvertement ?

- Tu n’as pas fermé l’œil depuis qu’on est parti, ajoute-t-il sur le ton d’un reproche.

Lune grommelle une réponse inaudible sans bouger et continue à fixer le ciel, consciente que si elle ouvre la bouche, elle ne pourrait contrôler les mots qu’elle prononcerait. Heureusement Nyah, trop épuisée par la journée de marche est déjà en train de dormir profondément et Celn la connaît suffisamment pour savoir qu’il devait mieux se taire. Du moins, s’il tient à arriver en un seul morceau à Elayah.

Lune, perdue dans ses souvenirs, oublie le temps qui s’écoule avec lenteur dans la nuit froide du désert et le regard soucieux de Celn qui n’ose pas prendre du repos tant qu’elle restera ainsi, le regard dans le vide.

La vision de cette petite fille, seule, toujours seule, qui supporte les moqueries, l’hostilité et la peur de tout un Village, de tout un clan, la frappe en plein cœur. Une fillette dont les uniques instants de paix étaient volés à la nuit sous le regard bienveillant de l’astre lunaire, de cette unique amie qui l’avait toujours veillée en silence des hauteurs à jamais inaccessibles de la voute céleste.

La violence des mots, parfois des coups et du mépris qu’elle avait subis toute son enfance, elle avait toujours pu y faire face sans baisser les yeux. Mais la présence de Celn et Nyah pour une raison qu’elle ne comprend pas l’a fait trembler à la simple idée de se retrouver face au regard glacé et intransigeant du patriarche du clan.

A cet instant, sa décision est prise.

Il faut renoncer. Ne pas continuer. Retourner sur leurs pas.

Elle se tourne vers Nyah et Celn, prête à baisser les bras. Elle qui n’a jamais demandé quoi que ce soit à personne est prête à les supplier de renoncer à cette folie. Mais aucun mot ne franchit la barrière de ses lèvres quand elle croise le regard sombre de Celn et elle ferme rageusement ses poings en ravalant la colère qui empoisonne sa raison.

- On devrait arriver à Elayah avant la nuit, dit-elle.

Celn et Nyah s’échangent un regard lourd de sens. Ils le savent avant même d’avoir fait le moindre pas dans cette fournaise infernale. La journée allait être longue.

Les minutes s’égrènent avec une lenteur insolente et lorsque les trois silhouettes silencieuses arrivent à l’approche du Village, ils ne peuvent s’empêcher un petit soupir de passer leur lèvres. Celn et Lune remettent d’un geste machinal leur masque. Loin de se sentir exclue par ce geste, Nyah en ressent une impression grisante à laquelle elle ne s’attendait pas. Contrairement aux Villageois qui les dévisagent avec curiosité, elle connait les visages derrière les masques et partage un lien invisible avec les deux ANBUs qui lui donne le sentiment déroutant d’une importance qui n’a pas lieu d’être.

Ils s’engagent dans l’allée principale d’Elayah. Soudain, sans prévenir, elle s’arrête, tremblante. Face à elle, une vieille bâtisse à l’abandon depuis trop longtemps, aux murs lézardés tenant encore debout par miracle. Hypnotisés par le lent mouvement de Lune qui se penche dans un geste presque solennel pour poser sa main sur le sol, ils ne se rendent pas compte de la présence dans leur dos qui les fixe

- Alors tu es revenue.

Ils se tournent surpris vers un homme aux yeux noirs qui pose un regard froid sur Lune qui se relève aussi vite qu’elle le peut en baissant la tête avec un mélange de respect et de crainte qui bouleversent ses deux compagnons.

- Suivez-moi, dit-il en leur intimant de les suivre.

Une goutte de sueur froide coule le long du dos de Celn quand il voit Lune s’incliner, lui emboîter le pas et dire ces quelques mots d’une voix qu’il ne reconnait pas :

- Bien, grand frère.

L’homme s’arrête, un temps et se retourne vers eux, le visage décomposé, affichant la parfaite expression d’un homme blessé par une insulte particulièrement cinglante et vraie. Refreinant difficilement sa colère, il fait quelques pas vers Lune qui sombre un peu plus devant ces mots qu’elle aurait dû retenir.

D’un geste violent, il fait voler le masque blanc qui tombe sur le sable avant de le briser du talon rageusement. Il approche sa main du visage résolument tournée vers le sol de Lune qui reste immobile mais Celn voitNyah s’interposer et agripper cette main en tremblant de tout son être. Il se dit que c’est lui qui aurait dû l’arrêter mais il avait été tellement atterré de voir Lune si soumise devant cet homme, son frère, qu’il n’avait pu faire le moindre geste.

- Je vous interdis de la toucher !

L’homme aux cheveux aussi noirs que la nuit et à la peau si blanche sous la lueur de la lune récupère lentement sa main meurtrie en fixant Nyah avec autant de haine que de surprise devant un tel comportement.

- Suivez-moi, reprend-il en tentant de se redonner une contenance, il est tard. Mon père vous recevra demain.

Mon père, pense simultanément Celn et Nyah en jetant un œil vers Lune, son père….

De nouveau, le silence, aussi dense que tendu où chacun s’enferme gagne leurs esprits et l’homme les mènent dans une grande bâtisse en leur montrant trois petites chambres, isolées au fond d’un couloir sombre et sans âme.

Celn et Nyah voient Lune disparaître rapidement dans la petite pièce et se retrouvent seuls. Ils n’ont pas besoin de prononcer le moindre mot pour savoir qu’ils sont d’accord sur un point. Ils n’allaient pas rester les bras croisés pendant que Lune se laisse de nouveau happer par les ténèbres qui avaient régît toute sa vie.

- Vous avez fait ce qu’il fallait, dit Celn.

Sa voix trahit l’amertume qu’il ressent à ne pas avoir été celui qui avait agît.

- Il faudrait peut-être mieux que ce soit vous qui lui parliez, dit Celn à contre cœur. Vous…
- Non, le coupe Nyah d’un ton sans appel.

Nyah pose son regard clair et semble lire au plus profond de son âme et ses tourments.

- C’est de vous dont elle a besoin.

Celn reste un temps interdit devant cette femme qui tourne les talons et le bruit de la porte de sa chambre qui se ferme envahit le couloir. Face à la chambre de Lune et pour la première fois de sa vie, il se sent autant perdu qu’effrayé. Que faire ? Frapper et attendre gentiment qu’elle lui dise d’entrer ? Il n’a jamais été patient et nul doute qu’elle ne lui répondrait pas. Avec toute la résolution qu’il est capable de rassembler à cet instant, bien trop peu à son goût, il pose sa main sur la poignée et pousse la porte.

Son cœur rate un battement quand il distingue dans la pénombre de la pièce Lune, recroquevillée sur elle-même, comme une enfant apeurée qui s’est posée sur son lit, les jambes repliées entre ses bras, le visage enfoui contre les draps. Tournée vers le mur, elle arrache ces quelques mots à sa gorge nouée :

- Laisse-moi !

Celn hésite un instant et avance vers Lune qui n’a toujours pas détourné la tête du mur qu’elle fixe désespérément en attendant qu’il sorte pour se laisser emporter dans le vide et l’indifférence qu’elle avait toujours connue, seul refuge à cette douleur lancinante qui déchire son cœur et son esprit.

Lune se tend quand elle sent Celn s’approcher, son poids affaisser le matelas lorsqu’il s’assoit à ses côtés.

- Disparaît…

Sa voix n’est que murmure et Celn pose sa main, avec autant de prudence que s’il approchait un animal sauvage et blessé, sur son épaule avant de passer ses doigt dans ses cheveux blonds qui lui recouvrent le visage. Comme il s’y attendait, elle est en état de choc, ses yeux expriment tristesse et effroi mais aucune larme ne baigne ses joues.

Elle allait surement le haïr pour ce qu’il s’apprête à faire.

Lentement, il se glisse dans son dos, la prenant entre ses bras avec autant de douceur que s’il embrassait une statue de cristal. Renfermant ses bras sur la jeune femme qui se raidit et dont le cœur s’affole un instant en étouffant un mouvement de panique, il souffle ses quelques mots à son oreille :

- Laisse-les sortir toute cette rancune, cette peur et cette douleur que tu as enfermées dans ton cœur depuis tant d’années.

Il la sent se tendre contre son torse puis tout son corps se noue, secoué au rythme des sanglots silencieux qui la font trembler.

Combien de temps s’écoula avant que les pleurs discrets de Lune ne s’estompent pour au final se tarir, terrassés par son épuisement et l’étreinte de ses bras ? Celn n’aurait su le dire. Une minute, une heure, toute la nuit.

Sentir la douce chaleur de Lune contre lui enfin apaisée le rend plus heureux qu’il n’aurait su l’exprimer avec des mots. La mort dans l’âme, alors qu’elle ne tremblait plus depuis plusieurs minutes, il s’apprête à prendre congé de la même façon qu’il s’était invité, sans un mot.

Alors qu’il commence à retirer son bras, Lune se presse un peu plus contre lui en le retenant timidement. Son bras se crispe un instant, comprenant que dans un geste maladroit, sa main se presse contre son sein.

Alors que l’adrénaline pulse dans ses veines et que sa respiration s’accélère, toutes ses pensées tournées vers cette main qui semble irradier à elle seule plus de chaleur que le soleil en plein zénith, il constate un peu dépité que Lune non seulement ne s’en formalise pas mais qu’elle s’est tranquillement endormie au creux de ses bras.

Celn soupire en pensant que dormir n’était définitivement plus une option pour lui. Un petit sourire en coin, il se dit que pour une fois les légendes n’avaient rien exagéré. Les gardiens ont bien un regard qui traverse la chair et le temps et une beauté inhumaine. Se pouvait-il que la jeune femme qu’il serre dans ses bras ne se rende absolument pas compte de la perfection de ses traits et de ses courbes attirantes ? Sa main tremble un instant devant le désir furieux qu’il ressent à vouloir effleurer sa peau de velours, passer ses doigts sous la tunique qui lui oppose une résistance bien fragile devant l’objet de sa folle envie. Conscient qu’il avait laissé son esprit s’évader bien trop loin, il se calme sans pour autant bouger sa main de ce lieu chaud et doux qui lui arrache un soupir béat.

Il se dit tout de même qu’il serait fou de ne pas profiter de chaque seconde de ce qu’elle lui offrait. Une telle occasion ne se représenterait peut-être jamais.

Et malgré lui, il s’endort assez vite, bercé par les battements réguliers du cœur de Lune qui palpite paisiblement dans sa main en rêvant à ce simple mot, peut-être.



Le lendemain, on les averti que le chef du clan les recevrait dans l’après-midi et Nyah constate avec soulagement que l’attitude fermée de Lune a fait place à un sentiment de gêne partagée avec Celn qui ne trompe personne. La mère d’Océan se permet un petit sourire en voyant à quel point, ces deux guerriers, rompus à toutes les situations délicates qui parsèment leur quotidien depuis toujours, sont maladroits et démunis face à leurs sentiments et toutes ces petites choses que tous les Hommes, petits ou grands, partagent.

Mais la longue matinée qui s’en suit lui fait comprendre qu’elle se trompe lourdement. Nyah frémit en sentant les regards lourds et les visages qui se tournent vers Lune chargés d’une hostilité grandissante. Les murmures qu’elle surprend, ces hommes, ces femmes qui lèvent les yeux vers elle avec autant de dégoût que de peur… Et Lune qui baisse la tête avec cet air de plus en plus résigné et soumis. Elle sait que grandir parmi eux lui avait arraché un à un tous les liens qui la rattachait à l’Humanité.

Elle avait tant espéré voir de ses yeux ce village caché où elle pourrait se plonger dans les secrets de ce clan jadis si puissant et fier. Et elle ne trouve rien de la grandeur passée des Anima, à peine quelques reliques, les derniers vestiges d’un temps glorieux oublié dans les mémoires des Hommes. Ce village n’est peuplé que d’êtres pathétiques et cruels qui ne méritent en rien son attention, encore moins son admiration.

Lorsque cet homme, le frère de Lune apparaît pour les mener à son père, leur père, Nyah coule un regard glacé vers lui dont elle ne se croyait pas capable et constate qu’il ne partage rien en commun avec sa sœur. Son visage pâle, creusé, ses yeux et cheveux aussi noirs que la nuit en faisait un homme sévère et désagréable. Elle sait bien que son jugement est totalement faussé par son comportement, et que dans d’autres circonstances, elle aurait surement loué la finesse de son visage et de ses cheveux d’ébène. Mais, totalement acquise à la cause de Lune, elle ne se sent pas l’envie d’être juste envers quoi ou qui que ce soit. Et comme toujours, lorsqu’elle est dans cet état, son regard clair, celui-là même qu’elle a légué à ses trois fils, s’assombrit, prémisses à l’orage imminent qui couve dans son esprit.

Ils sont bien vite introduits dans un large bureau où le chef du clan les attend et les dévisagent un à un d’un regard perçant si violent que même la colère de Nyah perd de son souffle l’espace d’un instant.

- J’ai été averti par le Kazekage en personne de l’objet de vos recherches, Mme Noguchi. Vous aurez accès à toutes nos ressources sans restriction tant que vous le souhaiterez nécessaire, dit-il d’une voix neutre. Je me vois cependant dans l’obligation d’ajouter une clause à notre accord.
- Une clause, reprend Nyah avec prudence.
- Je ne peux accepter plus longtemps la présence d’un gardien dans nos murs.
- Et pour quelle raison !
- Vous connaissez aussi bien que moi l’histoire de mon clan, je suis sûr que vous comprenez tout à fait mes raisons.

Lune et Celn voient avec appréhension les yeux de Nyah devenir encore plus noirs que le plus tourmentés des océans et serrent des dents en attendant que les éléments se déchaînent.

- Oh, je ne la connais que trop bien l’histoire de votre clan. Tout ce que je voie, c’est que vous êtes un idiot ! s’emporte Nyah. Vous, votre clan, votre fils, tous autant que vous êtes, votre ignorance et votre fierté vous a voilé la face pendant trop longtemps et vous avez attribuez vos sanglantes erreurs aux seuls qui auraient pu vous sauver !

Le chef du clan fait une tentative, aussi vaine que pathétique, pour arrêter le flot des paroles de Nyah.

- Le destin vous avait fait un cadeau, aussi beau que fragile. Vous auriez dû le protéger et le laisser s’épanouir. Au lieu de ça, vous l’avez utilisé comme un vulgaire outil, vous l’avez haït et humilié comme une arme à double tranchant. Le premier Kazekage l’avait compris au premier coup d’œil et c’est pour soustraire le gardien au traitement que vous leur imposiez et qui les menaient aux bords de la folie et du désespoir qu’il vous les a enlevé ! Et votre seule réponse envers cet acte a été de plonger le pays dans une guerre civile meurtrière et d’attribuer tous vos morts aux seuls gardiens ! Seule votre bêtise et vos choix vous ont menés sur cette voie, certainement pas les gardiens !

Nyah fait quelque pas vers le chef du clan qui malgré sa haute stature et son regard noir étouffe un mouvement de recul lorsqu’elle agrippe le revers de sa chemise pour planter son regard noir dans les siens.

- C’est vous qui devriez trembler devant elle !

Dans un souffle, elle se retourne vers Lune et Celn qui sont encore suffisamment abasourdis par le spectacle d’une telle furie pour se laisser entraîner par Nyah qui prend le bras de Lune sur sa gauche et celui de Celn sur sa droite.

Celn et Lune se permettent un petit air complice quand ils traversent à toute vitesse sous les regards ahuris tout le village, entraînés dans le sillage de Nyah. Ils n’osent même pas briser son élan lorsqu’ils se rendent compte qu’elle n’emprunte pas le bon chemin pour rentrer sur Suna.

Au bout d’une marche interminable, Nyah décroche enfin ses mains et se laisse tomber sur le sable du désert, épuisée, les nerfs à fleur de peau, le regard tourné vers le sol.

Celn et Lune prennent place à leur tour à ses côtés.

- C’est bien la première fois que j’ai hâte de devoir faire mon rapport en personne, dit Celn avec un air taquin. Parce que là, j’ai une vraie chance de le dérider notre si sérieux Kazekage !

Tout en riant franchement devant la petite scène qui nait dans son esprit, il force Nyah à relever la tête.

- Vous avez fait preuve d’un courage que j’ai rarement vu, dit Celn. Je crois que Chance trouverait que c’est tout à fait digne d’un de ses n’importes quoi !

Nyah qui a parcouru nombre des rapports de missions de Chance comprend tout à fait l’allusion. Bien sûr, son n’importe quoi à elle n’est pas comparable à ceux d’un ninja de la trempe de Chance. Mais elle se souvient à quel point elle avait toujours trouvé ces fameux n’importe quoi grandioses. Maintenant, elle sait que c’était juste ce qu’il fallait faire, rien de plus, ni de très glorieux, et que comme Chance, elle avait agi par instinct pur, sans aucune réflexion.

- C’était surtout incroyablement stupide, dit-elle.
- L’essence même de tout n’importe quoi, dit Lune en souriant.

Celn et Nyah restent un temps totalement perdu devant ce premier timide sourire que Lune leur dévoile sans même y penser. Nyah est surtout soulagée de voir qu’elle ne lui en voulait pas d’avoir agi ainsi. Celn est quant à lui totalement sous le charme et décide de ne pas trop attarder son regard de peur de le voir disparaître un peu trop vite.

- Je pense que maintenant, on peut vous dire qu’on n’est pas vraiment sur la route de Suna, dit Celn en se retenant tant bien que mal de rire devant l’air embarrassé de Nyah qui rougit atrocement.
- Vous n’allez pas regretter de ne pas avoir pu parcourir tous ces documents, dit Lune. C’était…
- Non ! dit Nyah.

Ce non qui claque dans le vent chaud du désert dissipe les derniers restes de la colère et de l’embarras de Nyah qui se rend compte à quel point la fatigue s’attache d’une chape de plomb à tous ses membres.

- Je crois que nous avons tous besoin de repos, dit Celn.

Il se mord les lèvres pour ne pas ajouter d’un ton moqueur que sa dernière nuit à lui avait été courte. Et pour la première fois depuis le début de leur périple, le silence qui s’installe entre eux est aussi serein qu’agréable.

De son côté, Lune comprend pourquoi le Kazekage l’avait mise sur cette mission de simple escorte. Il savait que sa confrontation avec ses souvenirs lui révèlerait une chose à laquelle elle n’aurait pas cru il y a quelques heures.

A mesure que le soleil se meurt à l’horizon, Lune sait que le lien qu’elle vient de tisser avec Celn et Nyah était réel et elle n’a pas besoin de ses dons de gardien pour savoir qu’il sera une constante dans sa vie. Elle jette un œil et constate qu’il ne dort que d’un œil, mais curieusement cela ne la dérange pas.

- Toute mon enfance, j’ai rêvé qu’un jour, quelqu’un puisse un jour venir à mon secours comme vous l’avez fait. Et aujourd’hui, non seulement vous avez exaucé un de mes rêves d’enfant mais vous m’avez rappelé que même pendant cette période de ma vie, j’avais eu des rêves.

Lune se tourne vers Nyah qui se sent désarmée par son regard perçant.

- Alors je vais à mon tour vous permettre d’exaucer un de vos rêves, dit Lune.

Assises sur le sable, elle prend délicatement sa main dans la sienne, en tournant sa paume vers le ciel et entoure sa taille de son bras et la presse contre elle. Elle se penche pour souffler à son oreille :

- Je suis désolée mais c’est un peu douloureux. Vous vous sentez prête ?

Nyah, la respiration haletante acquiesce d’un simple oui. Prête pour quoi ? Elle n’en sait rien, mais à cet instant, elle est tellement touchée par l’attention de Lune qu’elle ne pourrait rien lui refuser.

Resserrant un peu plus son étreinte, Lune attrape un kunaï qu’elle fait passer dans son dos et fait crisser la lame tranchante contre sa propre paume dans son dos. Puis elle commence à prononcer des mots que Nyah ne comprend pas trop absorbée par le rythme entêtant de sa voix et le frôlement délicat de son doigt dans sa paume.

Soudain, brisant d’un coup brutal la douceur qui l’avait envahi, elle se laisse surprendre par la sensation atroce de sa peau qui se déchire sous le doigt de Lune. Elle perd son assise et comprend mieux pourquoi Lune avait glissé un bras dans son dos. Sans son soutien, elle se serait misérablement affalée sur le sable.

D’un regard, Lune lui demande si elle peut continuer. Incapable de sortir le moindre son, elle acquiesce nerveusement. Lune resserre un peu plus son étreinte et glisse sa main ensanglantée dans celle de Nyah.

Passant à son tour son bras autour de la taille de Lune pour prendre appui sur elle et relever la tête, le cœur de Nyahbondit dans sa poitrine lorsqu’elle découvre de ses yeux la voute étoilée qui lui fait face. A cet instant, même la douleur qui lui élance le bras de part en part lui parait futile. Prise d’un élan un peu trop optimiste, elle tente quelque pas sur le sable, dévorant des yeux grands l’immensité de la nuit qui s’offre à sa vue comme jamais elle ne l’avait vu. Manquant de tomber sur le sable, les pas chancelants sous une ivresse à laquelle elle pensait ne jamais avoir droit, elle se laisse rattraper par Lune qui la force à s’assoir sagement à ses côtés en glissant de nouveau sa paume sur la sienne.

Nyah prend place et lorsqu’elle lève les yeux sur la lune en croissant qui trône dans le ciel, son cœur manque un battement et un assaut violent de sentiments l’assaille avec une telle force qu’elle se sent aussi vulnérable et fragile que forte et puissante sous le regard attentif et bienveillant de la lune.

Souhaitant faire part de toutes ses sensations vibrantes à Lune, elle se tourne vers elle et reste figée devant la vision qui s’étend dans son ombre.

Ces méandres, ces détours, ses voies qu’elle empruntera. Si nombreuses, si différentes, sans cesse mouvantes, mais toutes avaient…

- N’en dites pas plus, je vous en prie, dit Lune. Mes propres voies sont les seules qui me sont voilées et je ne souhaite pas les connaître avant l’heure.

Nyah met sa main devant sa bouche sans comprendre. Elle n’avait pas ouvert la bouche, tous ces mots qui s’étaient imposés à elle pour décrire ce qui s’étendait dans ses pas, elle ne les avait pas prononcés à haute voix. Mais elle comprend d’un seul regard que c’est faux. Ces mots qui avaient trouvé leurs chemins dans son esprit avaient leur vie propre et avaient seuls passés la barrière de ses lèvres sans qu’elle n’en contrôle rien.

Sous sa plus pure expression, Lune lui livre le plus grand secret qu’elle avait jamais espéré connaître et lui apporte la réponse à la plus grande interrogation qu’elle s’était jamais posée.

Le don des gardiens, le mystère qui entoure chacune de leurs phrases aussi belles que troublantes, elle fait plus que le comprendre, elle est en train de le vivre.

Les yeux grands ouverts, elle pose doucement sa tête sur l’épaule de Lune et se dit qu’elle n’allait pas perdre une seule seconde de ce magnifique présent qu’elle lui offrait.



Celn referme les yeux avec un sourire un peu trop grand pour être tout à fait honnête. Le spectacle de ces deux femmes aussi belles que perdues dans la contemplation d’un spectacle envoûtant qu’il est incapable de percevoir, enlacées dans une étreinte sanglante sous le regard de la lune, le souffle court allait hanter plus que de raison ses prochains rêves…







Oh Celn :-p






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