Fiction: Les lettres d'Itachi

Version imprimable




L’homme qui s’avance dissimule une partie de son visage sous une mèche de cheveux blonds et porte cette cape noire parsemée de petits motifs rouges. Petit s’interpose entre cet Akatsuki et les membres effrayés de l’équipe de Chance.

Au mieux, il pourrait leur gagner un peu de temps, il espère que Chance arrive au plus vite…

- Tu sais très bien ce qui nous intéresse…
- Et vous savez très bien que je ne vous la livrerai pas aussi facilement, rétorque l’ANBU.
- Tellement prévisible, soupire Deidara.

Ces simples mots prononcés par Deidara sonnent de la plus terrifiante des manières. D’un geste, il malaxe son chakra, sortant de la bouche dissimulée dans sa paume une série de petits insectes aux corps blancs. Il les lance dans sa direction et l’ANBU plonge à terre, un mur de verre s’élevant, stoppant les petites créatures. Mais cela ne les arrêtent nullement et elles font exploser la barrière dans un fracas assourdissant.

Petit effectue un clone à qui il donne l’apparence de la mère d’Océan qu’il prend par le bras pendant qu’il l’écarte brusquement sur la gauche. L’équipe de Chance tire le père d’Océan sur la droite. L’ANBU a dissimulé la mère d’Océan par un puissant genjutsu et espère que Deidara se laisse avoir par sa supercherie dans la confusion.

Aigle et Océan ont tout de suite compris la situation et entraînent Eclat dans leur sillage. Mais Deidara n’est pas dupe une seule seconde. Il a déjà créé un clone qui se dirige lentement vers la véritable mère d’Océan. L’ANBU dissipe le genjutsu devenu inutile d’un geste lorsque Deidara se fige en regardant derrière lui.

L’équipe de Kakashi se tient à quelques mètres derrière lui. Puis il voit Chance qui s’avance, si sa démarche est hésitante, son regard est sans faille.

- Encore, dit Deidara, visiblement contrarié.

Un souffle violent commence à assombrir le ciel et un raz de marée dévastateur se rue sur eux. Chance et Kakashi se matérialisent devant les parents d’Océan et les écartent des flots violents tandis que tous ont déjà trouvé refuge sur les hauteurs des rares arbres encore intactes qui se dressent dans ce pan de forêt désolé.

- Kisame, tu pourrais prévenir ! s’exclame Deidara.
- Jamais content, marmonne le ninja à la peau bleue, quand je fais rien, il râle, quand je fais quelque chose, il râle…
- Je commence à sérieusement me demander comment Itachi pouvait supporter un tel partenaire !
- Lui au moins, il me bassinait pas les oreilles toutes les cinq minutes sur ses propres conceptions de l’Art ! s’exclame Kisame.
- Arrête de me comparer à ce traître, s’énerve Deidara. Quand je pense qu’il nous a tous bernés pendant toutes ces années… Mais toi, son partenaire, comment as-tu peux rester aveugle tant de temps ?

Il tend le bras vers Chance qui observe la scène aussi incrédule que tous les autres.

- Quand je pense que c’était elle, son véritable partenaire, depuis le premier jour, dit Deidara.

Tous suivent la direction tendue par Deidara et fixent Yoshiko qui ne quitte pas des yeux Deidara. Les membres de son équipe hésitent entre incrédulité et stupeur devant ces mots lâchés par leur ennemi.

- Son seul but était Madara, dit-elle, c’est lui et son organisation qu’il a trahi. Il ne t’a jamais considéré autrement que comme un partenaire Kisame, aussi efficace que redoutable.

Kisame se tourne vers elle, la dévisageant d’un air froid.

- De toute façon, les concepts de loyauté et de traîtrise ne m’intéressent pas vraiment. Moi aussi, je l’ai toujours considéré ainsi, efficace et redoutable. Je ne regrette qu’une chose, ne l’avoir jamais affronté.

Il se tourne alors vers Sasuke avec un rictus reptilien glaçant.

- Je crois qu’on a une chose ou deux à terminer, gamin.

Tandis que Kisame s’avance vers l’Uchiha, Chance aidée de l’ANBU met à l’abri les membres de son équipe et les parents d’Océan. Elle se tourne vers l’équipe de Kakashi.

- Maître, vous devriez nous laisser et les aider, dit Aigle qui tremble à l’idée de ne pouvoir rien faire et d’accaparer son Maître
- Ne t’inquiète pas pour eux, ils s’en sortiront.

Elle espère que le ton qu’elle emploie est des plus convaincants car intérieurement elle sait à quel point ces deux adversaires sont redoutables. Elle montre à Aigle sa jambe et le sang qui s’écoule encore de sa veste tout en sachant que le vrai problème ne se trouve pas là. Elle perçoit encore l’unique note que son adversaire avait utilisée pour modifier ses perceptions et elle n’avait pas encore totalement retrouvé son sens de l’équilibre.

Yoshiko regarde Naruto et Kakashi s’avancer face à Deidara consciente que dans son état, elle ne leur serait d’aucune aide. Lune leur emboîte le pas. Sakura et Sasuke font face à l’ancien partenaire d’Itachi avec un aplomb terrifiant. Sur sa droite, l’ANBU s’apprête à rejoindre l’équipe de Kakashi mais Chance l’empêche de faire un pas.

- Tu es blessé et aussi épuisé que moi. Nous serions plus une gêne qu’autre chose.

Une chose est sûre, pense l’ANBU avec un petit sourire, vous avez vite repris vos habitudes de capitaine, Chance avant d’acquiescer en silence.


- Sakura, on n’a pas eu le temps d’utiliser ton plan de la dernière fois. C’est le moment ou jamais, dit Sasuke en activant son sharingan.

Sasuke est surpris de ne pas être aveuglé cette fois. Le jutsu qu’avait utilisé Kisame lors de leur première confrontation doit demander du temps et il ne s’était visiblement pas préparé à cette rencontre. Alors que le ninja au sourire carnassier s’apprête à leur lancer une nouvelle déferlante, Sasuke concentre les éclairs d’électricité sur Kusanagi avant de les lancer sur leur adversaire qui est frappé de plein fouet. Il recule, un instant désorienté et Sakura surgit sur sa droite, lui décrochant un formidable coup de poing chargé de chakra.
Mais Kisame les a trompés et sous les yeux de la kunoïchi, le corps de son ennemi se liquéfie. Un clone. En quelques secondes des dizaines de clones apparaissent et les attaquent au même moment.

Chance les observe se faire déborder par les clones qui les acculent. Elle fait signe à Aigle de s’approcher et elle observe attentivement avec son Byakugan les clones de Kisame et le repère aisément. Elle fait un signe à Sakura qui capte son regard et ne tarde pas à envoyer son poing sur le vrai Kisame. Il met quelques temps à se reprendre et Sasuke ne perd pas une seconde pour se précipiter sur son adversaire qui évite difficilement l’attaque combinée des deux ninjas de Konoha.

Il se recule et entame une série de signes à une vitesse incroyable que Sasuke copie signe pour signe grâce à son sharingan. Soudain deux dragons des mers de taille gigantesque s’élèvent à la même seconde, s’affrontant de leur regard de jade et se jettent l’un sur l’autre dans un choc qui fait trembler le sol.
Profitant de la surprise du ninja de Kisame, elle surgit dans son dos et le frappe de toutes ses forces.


Puis Chance se tourne du côté de Naruto et de Kakashi qui a poussé son bandeau frontal, libérant son sharingan. Lune les accompagne en dégainant son katana. Deidara est perché sur une de ses créatures ailées, hors d’atteinte de leurs coups. Du moins, c’est ce qu’il croit.

Naruto, rasengan au poing disparaît dans un souffle pour réapparaître sous les yeux de Deidara qui esquive de justesse son attaque. Sa ressemblance avec Minato est telle que Yoshiko ne peut s’empêcher de sentir son cœur se serrer. L’orbe tourbillonnant s’enfonce dans la créature qui tombe à pic, laissant à Kakashi tout loisir de profiter de la confusion de Deidara. Mais de nouveau, il plonge sur le côté et produit une série d’explosions violentes. Naruto fait apparaître une dizaine de clones sans un seul geste sous le regard admiratif de Yoshiko. Il avait non seulement maîtrisé la technique de Minato mais il avait de lui-même réussi à adapter cette fameuse troisième étape au multi clonage. Le coup d’œil que lui lance Kakashi montre qu’il est aussi surpris qu’elle. Il harcèle de toute part Deidara qui envoie de nouveau une attaque si violente que Kakashi tire Naruto en arrière sans ménagement pour lui permettre d’échapper au souffle dévastateur de l’explosion.

Deidara en profite pour se reculer et créer une nouvelle créature ailée. Il s’apprête à quitter la scène sans demander son reste conscient qu’il ne s’était pas suffisamment préparé pour un tel combat. Puis il pose son regard indécis sur son équipier qui est plutôt en mauvaise posture. Avec un soupir, il se résigne à le récupérer quasi inconscient dans un des replis de la queue de sa créature avant de prendre le large.

Naruto s’apprête à faire les signes de l’invocation lorsque Kakashi l’arrête d’un geste en secouant la tête.
La priorité est avant tout de s’assurer que l’équipe de Chance accomplirait sa mission sans encombre jusqu’à Suna. Il observe Yoshiko s’avancer d’un pas peu assuré et se permettre un petit sourire soulagé. Elle se penche sur Naruto et lui glisse quelques mots à l’oreille qui lui arrache un sourire gêné.

- Ton père serait tellement fier de toi, Naruto.

Soudain, Aigle regarde son Maître en tremblant et s’effondre sur le sol sans connaissance. Océan se précipite le premier et observe avec stupeur son visage décomposé couvert de sueurs. L’ANBU se précipite, surpris. Elle avait réussi à lui cacher tous les premiers symptômes. Sur le moment, il se dit qu’être capable de lui dissimuler de tels symptômes n’a rien de naturel…

Chance accourt et prend délicatement la jeune Hyuga dans ses bras et scrute son visage avec stupeur.

- Elle a été empoisonnée, dit l’ANBU.
- Ecartez-vous ! s’exclame Sakura.

La jeune medic-nin apparaît et les disperse de cette réplique qui ne souffre aucune objection et se penche sur le corps tremblant de sa jeune patiente. Avec des gestes précis, elle l’inspecte et fronce les sourcils d’un air soucieux. Puis elle détache son propre bandeau frontal et le noue sur son front pour ramener ses cheveux en arrière, dégageant ses yeux d’émeraude qui se fixent sur la lourde tâche qui l’attend. Elle est tellement concentrée sur ses gestes que lorsqu’elle distribue ses ordres, tous s’exécutent sans un mot.

L’ANBU fait apparaître une coupe de verre emplie d’eau et Naruto revient aussi vite qu’il le peut, les bras chargés d’une plante aux feuilles jaunes étrangement édentées. Sakura les examine, visiblement satisfaite et sort une capsule d’une de ses poches qu’elle disperse dans le liquide qui prend une teinte sombre.

- Il faut agir tout de suite sinon il sera trop tard, dit-elle.

Chance acquiesce rapidement et comprend immédiatement le geste de Sakura. Elle se place au-dessus de la tête de sa jeune élève et lui enserre les poignets tandis que Kakashi plaque ses jambes d’une poigne de fer. Sakura les regarde en hochant doucement la tête avant de mettre ses deux mains au-dessus de l’eau. Une bulle translucide se forme sous ses paumes et au moment où elle la positionne sur le corps tremblant d’Aigle, elle s’illumine sous la puissance de son chakra.

Kakashi et Yoshiko utilisent toute leur force pour calmer les spasmes qui animent le corps d’Aigle qui a repris conscience sous les assauts de la douleur qui la cloue sur le sol.

Elle ouvre les yeux, affolée et Yoshiko pose sa main sur sa tête, la forçant à ne la voir qu’elle.

- Ca va aller, Aigle. Regarde-moi. Tu es forte, tu peux supporter tout ça. Regarde-moi.

Aigle se raccroche désespérément au regard de son Maître. Mais au fur et à mesure que le poison suinte de sa peau pour se concentrer sous les paumes de Sakura, elle ne peut retenir ses cris déchirants. Son byakugan s’active dans un réflexe et une lueur verte diffuse de son front. Ce rayonnement prend sa source sous son bandeau frontal et lorsque Sakura l’enlève, Océan et Eclat détournent les yeux, conscients qu’Aigle n’aurait pas aimé qu’il voit ce qu’il dissimule.

Le sceau de l’oiseau en cage, la marque qui scelle le destin des Hyugas de la branche basse qui s’étale sur le front d’Aigle s’est activé et est en train de la tuer lentement.

Contrairement à tous, Chance n’est pas surprise par la présence de cette marque. Elle avait compris depuis le premier jour qu’une partie de l’attitude froide et distante de sa jeune élève était due à la présence de ce sceau sur son front. Mais elle ne savait pas qu’Océan et Eclat avaient eux aussi remarqué l’attention constante qu’Aigle porte à son bandeau frontal.

Malgré la peur qui l’envahit à l’idée qu’Aigle puisse s’éteindre sous ses yeux, elle continue à lui parler, à lui distribuer sans compter les mêmes paroles rassurantes dissimulant ses pires craintes et à la forcer de garder son attention sur ses yeux.

Sakura relève le haut d’Aigle, dévoilant son ventre couvert d’anciennes cicatrices si nombreuses que Kakashi relâche une seconde la pression sur ses jambes. Sakura les regarde avec horreur mais ne perd pas son temps. Elle s’entaille le doigt à l’aide d’un kunaï et trace de son sang un sceau sur la peau blanche d’Aigle et y diffuse son propre chakra. Elle avait eu le temps d’enlever la plus grande partie de la toxine qui a envahi le corps de la jeune fille. Mais elle n’avait pas prévu que cela activerait ce maudit sceau des Hyugas. Elle n’a encore jamais testé la technique qu’elle est en train d’utiliser. Théoriquement, cela devrait marcher.

Lorsqu’elle lève une seconde les yeux vers Yoshiko qui continue à tenter de calmer son élève et Aigle qui se bat de toutes ses forces, elle décide qu’il n’y a pas de places pour le « théoriquement » ni pour le conditionnel.
Cette technique marchera.

Il n’y a pas d’autres alternatives.

Elle prend une profonde inspiration et lance une décharge de chakra si puissante qu’Aigle ne peut contenir un hurlement qui force ces équipiers à se retourner. Ils contemplent avec autant d’effroi que d’incompréhension la marque sur son front et le sceau sanglant que Sakura a apposé sur sa peau blanche parsemée d’anciennes blessures. Lorsque la lueur s’éteint lentement et qu’Aigle tombe dans l’inconscience, ils détournent leur regard avec pudeur.

Epuisée, Sakura sent ses jambes fléchir sous son poids lorsqu’un bras puissant la rattrape. Elle lève les yeux et n’a même pas la force de rougir en plongeant dans les yeux noirs, sans expression de Sasuke.
Elle lui adresse un petit sourire, satisfaite d’avoir tiré d’affaire la jeune fille et ne lutte plus pour garder les yeux ouverts pour sombrer dans un sommeil profond.


Le reste du voyage pour Suna se passa dans un silence des plus oppressants. Chance reprenait peu à peu son sens de l’équilibre et tenait fermement Aigle dans les bras. Kakashi avait tenté de lui dire qu’elle n’était pas la plus indiquée pour porter la jeune fille qui oscillait entre conscience et inconscience. Mais le regard qu’elle lui lança le décida de l’inutilité de sa tentative. Elle ne la lâcherait pas. Sakura avait été des plus surprises de se retrouver soutenue par Sasuke. Elle s’était dégagée de ses bras assez maladroitement pour cacher son malaise. Naruto, fidèle à lui-même tentait de dédramatiser la situation en s’occupant des parents d’Océan et des deux autres membres de l’équipe de Chance, visiblement secoués par ce qu’ils venaient de vivre.

Une fois arrivés à Suna, Kakashi s’était chargé de Chance qui avait grand besoin de soins et avait ordonné à tous de prendre un peu de repos avant l’examen chunin qui aurait lieu dans deux jours pendant que les parents d’Océan étaient placés sous bonne garde. Océan et Eclat, inquiets pour leur partenaire restaient dans le couloir face à la porte de la chambre de Sakura et d’Aigle. Naruto et Sasuke partageait la même chambre et l’Uchiha ne cachait pas son mécontentement. Lune s’était quant à elle purement et simplement évaporée.


Une fois dans la chambre qu’elle partage avec la jeune Hyuga, Sakura la regarde dormir avec attention. Son sommeil est loin d’être paisible et elle murmure quelques mots incompréhensibles en s’agitant dans tous les sens. Kakashi lui avait demandé de partager sa chambre pour surveiller son état. Aigle est tirée d’affaire, elle n’a plus aucune trace de poison dans l’organisme. Mais en l’examinant entièrement, elle avait découvert nombre de cicatrices qui ne se limitaient pas qu’à celles que tous avaient pu voir. Elle se sent emplie d’un sentiment de dégoût monstrueux envers la personne qui avait pu faire ça à la jeune fille.

Dans un sursaut Aigle se réveille, les yeux hagards. Sakura s’approche et lui parle d’une voix calme :
- Tout va bien, tu ne risques rien ici.

Aigle pose un regard d’animal traqué sur Sakura qui ne peut s’empêcher de poser une main rassurante sur son épaule pour tenter de la calmer.

- Tout va bien, répète Sakura.

Aigle relève les pans de la chemise que Sakura lui a enfilée et constate que le sceau sanglant est toujours présent sur son ventre. Elle grimace en tentant d’utiliser son chakra.

- Tant que le sceau que je t’ai apposé sera encore présent, tu ne pourras plus utiliser ton chakra pour dissimuler tes cicatrices, dit Sakura. Depuis combien de temps…

- Ca ne vous regarde en rien !

Hé bien, c’est pas la gratitude qui l’étouffe, pense Sakura.

Mais elle sait que cette façon de réagir est sa seule défense. Ces équipiers et son Maître les avaient vu et la jeune Hyuga n’est pas du genre à montrer sa vulnérabilité envers qui que ce soit. D’ailleurs ses deux équipiers faisaient le pied de grue devant la porte de leur chambre et Sakura avait dû insister pour qu’ils la laissent se reposer seule. La découverte de la marque et des premières cicatrices les avaient secoués.

- Tes équipiers voudraient te voir, ils n’ont pas quitté le couloir depuis que nous sommes arrivés et refusent de prendre du repos tant qu’ils ne t’auront pas vu.
- Je ne veux pas les voir !

Sa voix est emplie de colère, mais c’est la peur qui se reflète dans ses yeux clairs.

- Tu ne pourras les éviter bien longtemps, répond Sakura.
- Je ne peux pas les voir comme ça, dit-elle d’une voix faible.
- Ils sont juste inquiets, ils ont besoin de savoir que tu vas bien.

Mais la jeune fille se renferme, son regard est déjà loin lorsqu’elle répète presque mécaniquement :
- Je ne veux pas les voir.

Sakura sait qu’il est inutile d’insister pour le moment. Elle sort sans un bruit, le cœur serré et referme doucement la porte. En voyant les visages des équipiers de la jeune fille se tourner dans la même seconde vers elle avec espoir, elle s’arme d’un grand sourire et leur ment sans sourciller en disant qu’Aigle vient enfin de s’endormir et qu’elle a encore besoin de beaucoup de repos.

De son côté, Sasuke détaille la petite chambre qui leur a été attribuée avec son partenaire où les deux lits, côte à côte, sont entourés de murs blancs, lumineux plutôt agréables. Il va devoir partager son espace vital avec Naruto et cela ne l’enchante guère. Il allait avoir le plus grand mal à lui dissimuler le vide qu’il ressent avec une acuité nouvelle depuis cette mission.

Il entend les pas de Naruto s’approcher et se réfugie bien vite dans la salle de bains. Il a besoin d’être seul et s’enferme à double tour dans la petite pièce. Il laisse couler l’eau de la douche comme un alibi à son besoin de solitude et tombe sur le carrelage froid en se laissant hypnotiser par le fin filet translucide qui s’écoule devant ses yeux.

Naruto les avait tous impressionnés par la façon dont il s’était battu. La fierté dans les yeux de Chance, les mots qu’elle lui avait glissé à l’oreille l’avait fait rougir.

Sakura avait fait preuve d’une maîtrise des plus incroyables et d’une efficacité encore plus grande. Sa concentration et sa confiance dans le moindre de ses gestes lorsqu’elle s’était penchée sur la jeune protégée de Chance lui avait valu des regards admiratifs de tous. Elle n’est pas l’élève de Tsunade pour rien. Elle est forte, puissante, sa maîtrise du chakra et son intelligence la rendent exceptionnelle. Il n’avait pas pu s’empêcher de suivre le moindre de ses gestes lorsqu’elle avait sauvé la jeune Hyuga. La colère qui avait flamboyé un court instant dans ses yeux si clairs quand elle s’est rendu compte qu’il l’avait portée quand elle avait perdu connaissance l’avait atteint plus sûrement que l’acier affûté d’un kunaï.

Naruto et Sakura… Ses équipiers. Ils ont progressé si loin, si vite. Ils ont progressé sans lui.

Et lui, qu’est-il devenu ? Un être perdu dans les limbes d’un passé de faux-semblants, un gamin des plus pathétiques qui continue à vivre cette vie morne et grise qui est devenue son quotidien. Il n’a pas non seulement pas progressé d’un pas mais il s’est éloigné doucement du chemin qui se traçait sous ses pas, s’est enfoncé dans les ténèbres toujours plus profondes de son esprit tourmenté.

Même le fracas de l’eau contre la vitre de la douche, son étouffé et répétitif ne parvient pas à l’apaiser et lorsqu’il sent une présence se joindre à ses côtés, il soupire.

Naruto

C’est la seule raison qui le force à rester à Konoha et à tenter de reprendre sa place au sein du Village. Sa présence rend chaque seconde qui s’écoule un peu plus supportable, ses frasques me font oublier l’espace d’un instant la tragique absurdité de ma vie, pense-t-il.

Et encore une fois, il se demande ce qu’il a bien fait pour mériter un tel intérêt, une telle attention de sa part. Mais cette fois, ce mot, ce simple mot lui échappe.

- Pourquoi ?

Curieusement Naruto sourit et à cet instant Sasuke sait qu’il a compris tous les sous-entendus de sa question.

- Parce que tu es mon ami, répond-il avec une simplicité touchante.
- Des amis, tu en as tant, pourquoi cherches-tu tant à m’aider ? Je ne t’ai jamais rien apporté qui justifie tout ce que tu fais pour moi…

Sasuke pense un court instant que sans sa présence constante, il n’aurait plus à jouer cette nouvelle comédie qu’il s’imposait, dans le seul but de ne pas l’inquiéter plus qu’il ne le faisait déjà. Il pourrait fuir de nouveau, le village. Mais il sait pertinemment que la seule chose qu’il voulait fuir est aussi la seule chose qu’il n’arriverait jamais à fuir. Lui-même.

- Tu es le premier à m’avoir jamais accepté, tu m’as reconnu comme un ami, comme un ninja, dit Naruto.

L’espace d’un instant, l’Uchiha oublie la noirceur qui envahit son cœur.

- Toi, tu es le premier ami que j’ai jamais eu…

Il se tourne vers Naruto et le fixe de ses pupilles d’onyx :
- Le seul que j’ai jamais eu.

Naruto et Sasuke sursautent au même moment quand Sakura débarque à son tour dans la petite salle de bains et s’appuie à son tour contre le mur et glisse jusqu’au sol froid, épuisée.

- Je m’en voudrais d’interrompre votre petite réunion mais je ne pouvais pas rester une minute de plus dans ma chambre.
- Comment va la jeune Hyuga ? demande Sasuke.
- Elle est hors de danger, répond-elle, quant au reste…

Ils avaient tous vu la marque et les cicatrices. Sakura n’en dirait pas plus mais son regard assombri est des plus éloquents.

- Vous vous souvenez de notre première mission au pays des Vagues, dit Sakura.

Un sourire nostalgique s’épanouit sur le visage des trois équipiers.

- Sasuke… Je suis désolée de te dire ça, mais tu as tort, dit Sakura.

Inconsciemment il se prépare à accuser un coup bas.

- Tu n’as pas qu’un seul ami…

Sasuke se sent soulagé avant d’entendre :
- Et en tant qu’amie, je veux bien vous faire partager ma grande expérience et vous accorder un ou deux conseils pour votre examen chunin !
- Sakura !!! s’exclament en chœur Naruto et Sasuke.

Sasuke reste un moment médusé devant le rire franc de la jeune fille avant de sourire sous le regard presque discret de Naruto.

Eclat croise le regard d’Océan, lui non plus n’est pas dupe. Aigle n’est pas endormie, elle ne veut pas les voir, tout simplement. La vue de la marque de la branche basse des Hyugas l’avait secoué. Mais pas autant que celles de ses cicatrices.

- Il faut qu’on entre, dit Océan.
- C’est risqué, dit Eclat.
- Pas tant que ça, si elle est vraiment endormie, on s’assure juste qu’elle va bien. Sinon…
- C’est bien ce que je dis, c’est risqué, termine Eclat.
- Cette marque ? J’ai comme l’impression que tu la connais déjà. C’est quoi exactement ?

Eclat se tait, essayant de trouver les mots pour décrire cette chose qui s’étale sur le front d’Aigle.

- Il y a deux branches dans le clan Hyuga, la branche principale et la branche basse qui lui est totalement subordonnée. Cette marque est le sceau de l’oiseau en cage qui symbolise le pouvoir absolu de la branche principale, capable d’infliger la douleur en cas d’insubordination ou pire.

Océan écoute en silence, seul son regard s’assombrit un peu plus en entendant ces explications. Eclat le regarde lentement se départir de son calme habituel avec étonnement. D’ordinaire, il n’y a que lui qui arrive à déclencher ses foudres.

- Ces cicatrices… Aigle est forte, elle ne se laisserait pas frapper sans répondre, sauf si c’est quelqu’un qui a l’ascendant sur elle, contre qui elle ne peut rien.
- Sans compter que cet homme, quel qu’il soit, a tout pouvoir sur sa famille proche. Elle doit penser protéger sa famille en se taisant… et malheureusement il est possible que ce soit réellement la seule façon de les protéger, ajoute Eclat sombrement. Quels que soient sa puissance, son intelligence, sa force ou même son byakugan, elle ne pourra jamais avoir le dessus sur cette marque…

Les yeux d’Océan sont plus noirs que jamais et Eclat le fixe en train de serrer les poings rageusement. Il pose une main sur la poignée de la porte qui s’ouvre avec fracas.

Adieu la discrétion, pense Eclat sans oser penser aux conséquences de leurs actes.

Lorsque ses yeux se posent sur la frêle silhouette d’Aigle, couchée sur le côté dans un lit bien trop grand, leur tournant délibérément le dos :
- Aigle ! Je sais très bien que tu ne dors pas, alors tu pourrais me regarder quand je te parle.

Aussi bien Aigle qu’Eclat sursautent devant le ton autoritaire d’Océan et se tournent incrédules vers lui.

- Depuis que j’ai gagné le droit de porter ce bandeau, dit-il, je vous regarde tous les deux comme si je devais prouver à chaque seconde que j’ai le droit d’être au même niveau. Je n’ai pas de byakugan, aucun membre de ma famille n’a jamais été ninja, je n’ai pas de réserve de chakra inépuisable. Je n’ai rien d’autre que mon travail et la volonté d’arriver un jour à te regarder, à vous regarder sans avoir à lever la tête. Alors si je continue à travailler sans relâche pour atteindre mon but, je refuse de croire que toi, tu baisses les bras devant cette marque, devant…
- Tu ne comprends pas, dit Aigle, tu ne peux pas comprendre alors tais-toi !

Eclat observe sans trop y croire la jeune fille. Il n’y a pas de colère dans ses paroles envers Océan, mais de la résignation et de la douleur. Océan a compris que leur équipière n’aurait pas supporté la moindre trace de pitié ou de compassion envers elle.

- Alors explique-moi !
- Cet homme, il a pouvoir de vie et de mort sur moi, mais aussi sur ma sœur et mon père ! Je ne peux rien dire sans les mettre eux aussi en danger. En parler est inutile, cela ne ferait que les inquiéter et ne changerait rien à la situation.
- Sortez !

Ils se retournent, surpris de voir leur Maître sur le pas de la porte. Ils sortent la tête baissée et Yoshiko ferme doucement la porte derrière elle et détaille les blessures d’Aigle d’un œil froid.

- Comment te sens-tu ?

Aigle est surprise par le ton neutre de son Maître.

- Pas très en forme, dit-elle.

Aigle pense que c’est une description bien terne de la lame de douleur lancinante qui la parcourt de part en part à chaque seconde. Mais la question est pure rhétorique, son Maître connait déjà la réponse.

Yoshiko tire une chaise et s’assoit à ses côtés, le regard baissé.

- D’aussi loin que je me souvienne, mon frère et moi avons tout tenté pour abolir cette aberration qui régit la hiérarchie de ton clan. Lorsque mon frère est devenu Hokage, il a cru pouvoir faire changer les choses, mais le conseil s’est toujours opposé à la requête de Minato.
- Votre frère était Hokage ?!

Yoshiko ne relève pas son exclamation mais est rassurée de voir la surprise prendre une seconde le pas sur la douleur et la honte.

- Aigle, je ne vais pas te faire l’affront de te dire que je comprends ta situation, dit-elle, même si les raisons pour lesquelles tu choisis de taire ce que l’on t’a fait me paraissent claires. Je ne te demanderai pas son nom, mais s’il te retouche et abuse du pouvoir qu’il a sur toi, crois-moi, avec ou sans ton aide, je le trouverai et il ne sera plus en mesure de te menacer, toi ou qui que ce soit d’autre.

Aigle se relève doucement et Yoshiko l’aide le plus délicatement possible en passant sa main dans son dos.

- Je crois que tu me connais assez maintenant pour savoir que je n’ai pas peur de me frotter à la hiérarchie, quelle qu’elle soit.

Les traces d’une lueur d’amusement dans son regard rassure Yoshiko plus qu’elle ne saurait l’exprimer. Une brusque envie de la prendre dans ses bras et de lui promettre de la protéger la fait trembler mais elle se contente de passer doucement sa main dans ses cheveux si soyeux en souriant.

- Océan et Aigle savaient déjà que tu dissimulais quelque chose, dit Yoshiko et quand Sakura t’a enlevé ton bandeau, ils ont détourné la tête, conscients que tu n’avais pas envie que tu sois au courant. Ils n’ont posé leur regards sur toi que parce qu’ils ont été terriblement inquiets quand tu t’es mise à crier.
- Vous pouvez leur demander de venir, dit-elle en baissant les yeux.

Tu es encore bien plus forte que je ne l’aurai cru Aigle, pense Yoshiko, plus forte que moi d’une certaine façon.

- Merci, murmure-t-elle avant que Yoshiko ne passe la porte.

Une fois dans le couloir, elle voit Océan et Eclat qui tournent la tête anxieusement vers elle. Yoshiko se penche vers eux en leur demandant d’approcher et pose ses mains sur leurs épaules.

- Cette mission a été particulièrement dure pour chacun d’entre nous et votre comportement a été exemplaire du début à la fin de toute cette histoire.

Yoshiko sourit devant leur air gêné et décide de ne pas continuer à les torturer plus longtemps en ajoutant :
- Elle veut vous voir, ne la faîte pas attendre…

Ils se précipitent bien vite dans la petite chambre pour lui masquer leur embarras. Yoshiko les regarde et sent un frisson glacé la parcourir.

Prise d’un vertige, elle s’appuie contre le mur puis se dirige d’un pas lent vers sa chambre. Du coin de l’œil, elle voit Kakashi qui lui lance un regard inquiet. Elle se dirige lentement vers sa chambre, elle avait fait patienter Gorgo plus que de raison et tremble lorsqu’elle entend ces paroles résonner dans sa tête.

Il est temps, Yoshiko, de régler nos comptes.



Un chapitre un peu différent dans la suite... Vous verrez :-)

Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: