Fiction: Les lettres d'Itachi

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Sakura lève les yeux sur ses deux équipiers. Ils ont réglé leurs pas l’un sur l’autre sans même s’en rendre compte. Depuis son retour, leur ancienne complicité bien dissimulée sous leurs fréquents éclats de voix, l’apparent détachement de l’Uchiha et les frasques presque naïves de Naruto lui explosent au visage comme une offense.

Comment Naruto peut-il balayer en si peu de temps toutes les souffrances que Sasuke leur a imposées ? Cette simple constatation l’énerve au plus haut point. Et d’un autre côté, cette soudaine entente la rend presque jalouse. Sasuke ne l’aurait jamais admis, mais il semble réellement satisfait d’avoir repris sa place dans l’équipe. L’attention constante de Naruto envers lui le touche réellement.

Son regard s’attarde sur lui. Il a choisi de reprendre les habits de son clan, sa ressemblance avec son frère n’en est que plus frappante. Et même si elle ne lui avouera jamais, elle le trouve encore plus séduisant dans ces vêtements si simples. Et à peine après avoir formulé cette réflexion, elle se sermonne violemment d’avoir de nouveau ce genre de pensées si futiles.

Dans son dos, le fourreau de Kusanagi explose d’une noirceur envoûtante gainée de blanc. Elle sait qu’il dissimule sous son tee-shirt noir le sept d’argent qui appartenait à son frère et qu’il l'a placé autour d’une fine chaîne d’argent. C’est sa façon discrète de montrer qu’il n’est plus en froid avec Chance. Ce dont bien sûr la principale intéressée ne semble pas au courant. Elle rougit encore au simple souvenir du jour où elle l’a découvert.

Il avait été blessé lors de leur dernière mission. En tant que médecin de l’équipe, elle avait assuré les premiers soins et inspecté sa blessure. Il avait enlevé son t-shirt le plus naturellement du monde en attendant son verdict. L’espace d’un instant, elle avait été totalement hypnotisée par sa peau blanche, ses muscles si finement ciselés. Le pendentif l’avait sauvé de ce moment d’égarement :

- C’est le pendentif que Chance t’a donné.
- C’était celui de mon frère, avait-il répondu.

Elle a dû mettre toute son attention dans son savoir-faire dans ses gestes pour camoufler son trouble à poser son regard sur son torse tout en se sentant terriblement coupable de se sentir encore aussi attirée par lui. Elle est toute à sa tâche que lorsqu’elle lève les yeux vers lui, elle se sent terriblement gênée quand elle se rend compte qu’il l’observe avec attention et gratitude. Jamais elle n’aurait pu imaginer mériter un tel regard venant de Sasuke. Absolument jamais.

Elle doit admettre qu’il fait de grands efforts. Il accepte la méfiance de tous sans broncher, les restrictions que lui a imposées Tsunade sans la moindre protestation. Et il répond à son mépris par une attitude calme et réfléchie, il ne s’énerve jamais devant ses répliques cinglantes et bien souvent totalement injustifiées.

Du coup, elle s’isole un peu plus chaque jour dans sa tour érigée sur ses noirs sentiments de rancune et de colère pendant que Sasuke et Naruto affichent de plus en plus leur entente retrouvée.

Elle se rend bien compte que son attitude est seule responsable de cette solitude dans laquelle elle s’enferme. Mais détruire cet édifice dans lequel elle s’est murée reviendrait à dire qu’elle avait tort et cela son orgueil n’est pas encore prêt à l’encaisser.

Elle a pourtant promis à Naruto de faire des efforts, elle avait même laissé l’espoir d’une trêve avec Sasuke… Son amitié semble réellement lui importer, sinon il ne ferait pas autant pour laisser glisser sans dommage ses amères répliques qui semblent lui venir si facilement.

Ils attendent Kakashi dans un silence inconfortable devant la porte Est du Village. Il a de nouveau sorti une ses excuses ridicules pour justifier son retard mais ils savent tous qu’il est allé dire un au revoir à Chance. Le petit air soulagé bien que quasi imperceptible qu’il affiche à son retour ne lui échappe pas. Elle doit bien avouer que le fait qu’il se soit installé avec Yoshiko et qu’il allait bientôt être père n’a quasiment rien changé, du moins pour un œil non averti, dans la vie de son Maître. Il continue à n’être jamais à l’heure, à n’exprimer que le minimum, à lire ses romans au goût douteux…

La première fois qu’elle a vu Chance et Kakashi tous les deux accolés au même arbre tels les deux pendants d’une même pièce et plongés avec une attention identique dans leur livres respectifs, elle a bien failli s’étrangler de rire. Avec Naruto, ils se sont penchés sur le livre de Chance pour vérifier que les goûts de Yoshiko en matière de littérature ne sont pas aussi tordus que ceux de leur Maître.

Et elle doit bien avouer qu’ils étaient des plus perplexes avec Naruto en découvrant l’ouvrage qui passionnait tant Chance. Un livre sur les stratégies de shogi écrit par un obscur Maître des temps passés de cet art complexe. Et ils étaient encore plus abasourdis devant l’attitude de Chance quand Naruto lui avait demandé sur le ton de la confidence si le choix des lectures de Maître Kakashi ne l’embarrassait pas. Apparemment cela la faisait surtout rire !

Ils forment un couple étrange, Chance et Kakashi. Mais d’un certain côté, Maître Kakashi n’aurait jamais pu trouver quelqu’un qui s’accorde aussi bien à ses petites singularités. Et si le fait de partager la vie de Chance semble n’avoir rien changé au quotidien de leur Maître, elle a remarqué nombre de petits détails qui prouvent qu’il cache bien son jeu.

A commencer par le fait qu’il ne se rend plus si souvent devant cette pierre sombre où sont gravés tant de noms… Ou du moins il n’y va plus tout seul, ils y vont tous les deux. Voilà qui constitue un rendez-vous galant des plus douteux à son goût, mais qui semble aussi vital pour l’un que pour l’autre.

Elle se souvient du jour où Chance leur a montré quelques photos du père de Naruto, toujours accompagnées d’une anecdote des plus farfelues. Elle était tombée par hasard sur un cliché où le Yondaïme affichait un franc sourire et deux enfants fixaient l’objectif avec un sérieux terriblement dérangeant par rapport à leur jeune âge. Elle avait failli ne pas reconnaître Kakashi qui n’arborait pas encore son sempiternel masque et le trouva aussi beau que froid. Chance et Kakashi n’avaient que douze ou treize ans sur ce cliché et déjà leur regard étaient plus marqués que ceux de bien des adultes qu’elle avait vu dans sa vie. A cet âge, ils avaient déjà vécu plus de la moitié de leurs vies sur les champs de bataille, vu plus d’horreur qu’elle n’aurait pu l’imaginer dans ses pires cauchemars. Cette fois, Chance n’avait rien eu à leur raconter, aucune histoire décalée et drôle. Elle avait juste rangé la photo d’un geste lent, le visage fermé. Et ni elle ni Naruto n’avaient insisté pour en savoir plus.

Ils sont si différents et si semblables tous les deux que c’en est troublant. Elle est aussi débordante d’énergie, manipulatrice et incapable de dissimuler la moindre émotion que Maître Kakashi est impassible, toujours en retrait et franc. Pourtant, ils ont tous les deux un passé des plus sombres et sanglants, un dévouement envers leurs équipes sans commune mesure et une tendance à s’enfoncer dans la culpabilité si grande qu’ils avaient certainement dû frôler plus d’une fois les bords noirs du gouffre de la folie. Tout cela sans compter une force et une puissance aussi égale que monstrueuse.

Lorsque Sakura lève les yeux vers le ciel, elle est surprise de constater le soleil si bas. Ses tergiversations tortueuses lui avaient fait perdre conscience du temps. Naruto et Sasuke ont déjà repéré un endroit pour passer la nuit. Elle étire d’un geste machinal ses bras et jambes éreintés par cette marche à l’allure des plus soutenue.

Naruto s’approche d’elle :

- Tu devrais jeter un œil à la blessure de Sasuke, dit-il d’un air inquiet. Il ne dit rien mais il en souffre à chacun de ses pas…
- Je sais.

Je suis peut-être un peu perdue dans un flux continu de contradictions tordues, pense-t-elle, mais pas au point de ne pas avoir vu le rictus douloureux aussi bref que vif de Sasuke quand il prend appui sur un arbre pour se laisser tomber lentement sur le sol. Elle va devoir vérifier que sa blessure ne s’est pas rouverte et cette simple constatation ne l’enchante guère.

- Sakura…

Elle hoche la tête à sa demande silencieuse. Elle fera un effort pour lui épargner ses répliques des plus sarcastiques. A vrai dire, il serait certainement plus simple de ne rien dire du tout.

Elle s’approche de Sasuke, le visage fermé, bien décidée à ne rien laisser transparaître. Il se laisse faire sans un mot. Mais lorsqu’elle examine ses bandages, elle réprime difficilement un commentaire cinglant.

Comment peut-il continuer à avancer sans trahir les ondes mordantes qui doivent le transpercer à chaque fois que son pied touche le sol ? Dans un ultime effort, elle garde le silence et met toute son attention à refermer la blessure et à soulager sa douleur. S’il n’avait rien dit, c’était peut-être uniquement pour s’éviter ses réflexions.

Le temps d’un battement de cœur, elle croise son regard d’onyx incapable de deviner ce qui peut bien traverser son esprit en cet instant précis. Elle baisse les yeux immédiatement comme prise en faute et remplace un à un les bandages poisseux et s’éloigne en silence.

Maître Kakashi lui fait un signe de la tête et elle s’approche. L’espace d’un instant, elle se dit que son Maître va peut-être lui reprocher son attitude détestable envers Sasuke. Mais il se tait sur le sujet et lui tend un papier :

- Je voulais te le donner avant que cette mission nous tombe dessus aussi brusquement, dit Kakashi. A vrai dire, cela fait longtemps que j’aurais dû te le donner…

Sakura prend la feuille d’une main et l’examine avec attention. C’est un formulaire d’inscription pour l’examen junin signé par Maître Kakashi à son nom. Elle ne sait trop quoi dire.

- Pour être tout à fait honnête c’est Yoshiko qui m’a poussé à remplir cette demande après m’avoir longuement parlé de ton combat contre Sasori…
- Vous pensez que c’est trop tôt, que je ne suis pas prête ?
- Pas du tout ! C’est juste que si tu passes Junin, tu auras ta propre équipe, tu ne pourras plus faire partie de mon équipe.

Même à travers son masque, Sakura devine le petit sourire à la fois fier et un peu triste de son Maître. Sakura ressent un souffle glacé lui nouer les entrailles. Ne plus faire partie de l’équipe sept qui vient juste de se reconstituer…

Avoir sa propre équipe est une perspective séduisante. Mais la simple idée de ne plus faire partager ses missions avec Naruto, de ne plus être sous les ordres du plus flegmatique des junins de Konoha et de ne plus voir Sasuke la fait se sentir terriblement perdue. Vu sa réaction depuis son retour, elle est véritablement surprise par sa réaction. Pourquoi la simple idée de ne plus le voir la bouleverse tant ?

- Le choix te revient Sakura. Sache juste que j’appuierai ta décision quelle qu’elle soit, ajoute Kakashi.

Comme si ma tête n’était déjà pas assez encombrée se dit-elle… Passer ou non l’examen junin ? Peser le pour et le contre de cette décision dans un tel chaos sera loin d’être une décision simple à prendre.




On m'a déjà fait la remarque que l'examen junin n'existait pas... J'ai pris une petite liberté là.

Encore un petit chapitre de présentation de l'équipe de Chance dans le prochain chapitre... Et les choses sérieuses vont bientôt commencer :-p

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