Fiction: Les lettres d'Itachi

Cette histoire prend place après la révélation des véritables intentions d'Itachi. Tsunade reçoit un étrange message qui lui promet des informations sur Itachi. Sasuke est aussi convié au rendez vous. Lors de la rencontre, une jeune femme dissimulée derrière un masque d'ANBU remet un paquet de lettres à Sasuke, écrites par Itachi lui-même.
Classé: -16I | Action/Aventure | Mots: 168957 | Comments: 83 | Favs: 68
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elane. (Masculin), le 13/04/2013
LA confrontation avec Sasuke et un petit flashback sur la première rencontre entre Yoshiko et Kakashi.
Bonne lecture.




Chapitre 13: Duels



DUELS

Chance observe avec attention le mouvement des mains de Naruto. Tout est parfait, il n’y a rien à ajouter. Il a accompli la première étape en un temps ridiculement court et attend déjà ses conseils pour commencer à préparer la suivante.
Yoshiko n’a pas envie de presser les choses. L’idée même que Naruto fasse partie de la nouvelle équipe sept et risque sa vie contre Madara lui est difficilement supportable. Cependant elle sent la présence de Neige qui veille, il ne lui laisse pas le choix.
Elle se place devant Naruto en soutenant son regard impatient.

- Pour l’étape suivante, tes deux mains doivent travailler à la fois ensemble et indépendamment.

Nul besoin de lui demander d’être attentif, il ne la quitte pas des yeux.

- Les signes que je t’ai appris sont comme une phrase en deux parties que tu dois énoncer en une seule fois. Avec ta main droite, tu dois en accomplir la moitié et avec ta main gauche l’autre moitié, en même temps. Cette deuxième étape te permettra de te déplacer en te concentrant sur un point fixe. Regarde.

Tel un pianiste associant les accords de la main gauche avec la mélodie de la main droite, les mains de Chance s’articulent avec une harmonie lente. Une bourrasque lumineuse aussi brève que violente s’élève et elle disparaît pour se matérialiser quelques mètres plus loin. Puis elle recommence de nouveau les signes à une vitesse incroyable et apparaît devant les yeux stupéfaits de Naruto qui tente déjà de maîtriser les mouvements de ses deux mains.

- Concentre-toi d’abord sur tes mouvements, puis lorsque tu les maîtriseras parfaitement, sur le chakra qui afflue dans chacune des parcelles de ton corps. Alors tu pourras te focaliser sur ta destination.

Naruto s’apprête à poser une question puis se tait. Yoshiko sourit, cette question, elle la connaît, c’est la même qu’elle avait posé à son frère lorsqu’il lui avait montré la seconde étape.

- Tu ne vois pas de différences entre cette étape et la technique de mon frère.
- Pas vraiment…

Yoshiko fait un signe en direction de Neige qui s’avance et lance son sabre qui se plante dans un arbre à une bonne dizaine de mètres en s’enfonçant profondément dans l’écorce brune.

- Je suppose que tu la maîtrises toujours, Neige ?

"Je sens que la suite ne va pas me plaire", pense Kakashi d’un air blasé en hochant la tête. "Je connais très bien la différence entre la deuxième et la troisième étape. Ne compte pas sur moi pour me laisser avoir trop vite, Chance."

- Le premier qui rapporte mon katana...

Kakashi entame les gestes avant même qu’elle termine sa phrase alors que Yoshiko ne prend même pas la peine de se préparer. Kakashi disparaît dans un souffle lorsque Chance s’évanouit dans les airs. Elle décroche le katana un battement de cœur avant même qu’il n’arrive et tend la lame qui se glisse dans le cou de Kakashi qui se matérialise dans un flash lumineux. Il s’est préparé et tend déjà un kunaï contre le cœur de Chance qui recule par réflexe. Il n’a aucune chance de battre de vitesse le jutsu de Chance de cette façon, il le sait, mais il a un ou deux atouts dans sa manche. Il dévoile son sharingan et s’apprête à créer un clone quand la main de Yoshiko se tend pour arrêter son geste. Tout marche comme prévu. Il enserre son poignet entre ses doigts pour l’immobiliser et tenter de se saisir de la garde du katana. Mais Chance esquive au dernier moment en plongeant sur le côté et se dégage brusquement de l’emprise de Kakashi. A peine atterrit-elle sur le sol que Kakashi se glisse dans son ombre tendant le bras vers la lame qui pend dans son dos.
Il s’apprête à la saisir quand il se rend compte que Chance l’a trompé, un clone… Même avec son sharingan, il ne l’a pas vu faire le moindre signe. Il a à peine le temps d’éviter le poing de Chance qui surgît sur sa droite et recule.
Elle s’apprête à utiliser la technique de téléportation. Il doit sortir les grands moyens.

- Mangekyo sharingan.

Le temps se fragmente sous les yeux de Neige et il voit le mouvement décomposé de Chance. Il plonge, la main tendue vers le katana. Le regard de Yoshiko croise le sien et elle empoigne la lame au moment où il glisse sa main sur la garde. Chance évite son sharingan en baissant les yeux sur les deux mains qui se disputent une place sur le katana. Le choc sourd de leur confrontation fait trembler le sol.

- Je crois que la démonstration est suffisante, Neige.
- Il n’y a qu’une seule chose qui puisse égaler la rapidité de cette technique, le mangekyo sharingan, ajoute Kakashi, le souffle court en ôtant lentement sa main du katana que Chance replace d’un geste machinal dans son dos.

"Ce n’est malheureusement pas tout à fait exact", pense Chance, "le mangekyo sharingan parfaitement maîtrisé est plus rapide mais demande plus de chakra et d’endurance. Par contre il y a d’autres moyens pour le contrer…"



KONOHA, deux jours plus tard

Kakashi regarde Chance s’avancer. Depuis qu’il la connaît, c’est la première fois qu’il la voit prête à combattre sans son masque et sa tenue d’ANBU. Elle porte un pantalon sombre surmonté d’un tee-shirt noir ajusté. Des vêtements simples sans fioritures, pratiques sans pour autant être dénués d’une certaine classe, des vêtements qui lui ressemblent d’une certaine façon. Son katana à la garde rouge et au fourreau pourpre qui lui barre le dos et ses cheveux blonds s’affichent comme des îlots de couleurs presque aveuglants. Il est frappé par le mélange de force et de fragilité qui se dégage de la finesse de sa silhouette et de son regard sans faille. Elle attend. Les premiers rayons du soleil illuminent la cime des arbres qui ont servi à tant d’entraînements à son ancienne équipe. Un voile de nostalgie assombrit un instant son visage. Avec les premiers rayons mordorés apparaît Sasuke dont l’attitude reflète une certaine impatience.

Un bref sourire effleure les lèvres de Chance. Les préparatifs ont déjà été réalisés. Elle sent les regards de Naruto et de Neige peser sur sa droite. Sakura observe la scène d’un peu plus loin.
Plus éloigné, plus discret, elle est surprise de reconnaître une présence qu’elle n’a pas anticipée.

- Je viens observer comment se débrouille mon futur chef, dit Shikamaru.

Yoshiko lève la tête en adressant un petit hochement de tête à son nouveau stratège.
Sasuke avance à pas lents vers Chance.

- Je suis prêt, quels sont les termes de ton défi ?

Chance tend sa main, paume ouverte vers le sol.

- C’est une technique que nous avons mise au point pour les entraînements avec ton frère, il ne te devrait pas être trop difficile de suivre mes signes.

Le sharingan brille déjà dans les yeux de Sasuke. Tels les deux pendants d’une même pièce, ils s’assoient en tailleur à quelques centimètres l’un de l’autre. Chance sort un kunaï et laisse une goutte de sang perler de sa main gauche, aussitôt imitée par Sasuke.

- Profites-en bien, c’est la seule de mes techniques que tu pourras jamais copier.

Elle entame une série de signes à une vitesse incroyable. Neige qui a découvert son sharingan peine à suivre la succession de leurs mouvements.
Deux clones absolument identiques et chargés de la quasi-totalité du chakra de leurs deux modèles sortent de terre. Chacun des clones possède la résistance d’un corps humain et est capable d’accomplir les mêmes gestes, les mêmes techniques avec la même puissance que leurs modèles. Ils pourront combattre sans retenue et sans risque aucun.
Chance fixe Sasuke avec une lueur de défi éclatante et tend sa main gauche qui entre en contact avec celle de Sasuke :

- C’est très simple, le premier qui détruit le clone de l’autre est déclaré vainqueur. Tout est permis dans la limite que seuls les clones peuvent intervenir.

Elle scrute un instant les bois :

- Petit, tu seras notre arbitre.

L’ANBU qui avait accompagné Chance devant le bureau de Tsunade sort des feuilles touffues d’un arbre et acquiesce en silence. Il n’aurait raté ce duel pour rien au monde. Accepter d’en être l’arbitre est un honneur.

- Quand nos mains seront séparées, le duel commencera. Prêt ? demande Chance.
- Prêt.

Au moment où leurs mains s’éloignent, leurs deux corps s’affaissent légèrement et les deux parfaites répliques s’animent. Chance ne perd pas une seconde.

- Invocation.

Kakashi sursaute, bien qu’il ait scruté la scène avec la plus grande attention, il n’a pas vu les gestes de Chance. Un petit serpent aux yeux d’or apparaît dans un nuage de fumée enroulé tel un bracelet de jade au poignet de Chance.

- Vite, Gorgo.

Le petit serpent s’enroule le long de son bras, atteint son épaule puis enserre son cou avant d’enfoncer ses deux petites dents pointues dans la chair blanche. Immédiatement, une décharge dorée se répand dans ses yeux, lui donnant un aspect animal de prédateur.
Sasuke dégaine kusanagi dans un tonnerre d’étincelles électriques. A son tour, Chance tient d’une main assurée son katana sans baisser les yeux. Son regard est devenu insensible à toute illusion.
Le premier choc de l’acier est si violent que Chance empoigne à deux mains la garde de son katana et qu’une goutte de sang coule le long de sa garde. L’onde d’électricité qui fuse dans la lame de l’Uchiha semble inefficace contre la présence d’or qui anime l’acier du katana de Chance. Puis les coups s’enchaînent dans une déferlante infernale qui laisse les deux adversaires le souffle court, obligés de battre en retraite un instant.
Chance fait apparaître un rasengan dans sa paume et s’élance vers Sasuke. Face à un adversaire qui ne baisse pas les yeux, il ne fait que reculer. Il se doit de réagir. Le chidori crépite dans sa main mais sa cible est déjà loin quand il frappe et en retour Chance lui assène un coup suffisamment fort pour l’envoyer à terre. Il se relève juste à temps pour éviter l’acier et lance un jet de flamme noires qui de nouveau sont bien loin d’atteindre leur but. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre qu’il n’a quasiment aucune chance de gagner ce défi. Chance n’est pas plus rapide que lui, mais sa technique lui demande beaucoup moins de chakra que son sharingan. Il commence à fatiguer alors qu’elle continue à enchaîner les attaques sans même avoir l’air essoufflé. Il allait finir par montrer des signes de faiblesse et il ne pourrait plus esquiver les coups bien longtemps.

- Tu crois que j’ai tenu combien de temps, seule face à Madara ? Tu crois que tu tiendras combien de temps sans connaître à l’avance ma prochaine attaque ?

Chance ne lui laisse même pas le loisir de prendre une seconde de réflexion et enchaîne les coups. Il lui est impossible de lire dans ses mouvements pour la simple raison qu’elle n’exécute absolument aucun geste et enchaîne à une vitesse folle les techniques les unes après les autres. Elle accomplit ses jutsus sans un seul mouvement des mains. Privé de l’avantage de son sharingan, la partie est biaisée. Comment fait-elle ?

- Avec l’aide de ton frère j’ai mis des années à mettre en place cette technique qui contre le sharingan. Et je n’ai mis que quelques secondes pour me rendre compte qu’elle était absolument inefficace contre Madara. Il n’a pas besoin de lire dans les mains pour comprendre et s’approprier une technique et il peut aussi bien surpasser Gorgo qu’il était capable de s’imposer face au propre sharingan de ton frère. Je n’ai pas tenu plus de dix minutes face à lui. Tu penses vraiment pouvoir faire mieux, seul ? Sasuke ?

Sasuke à bout de souffle lève les yeux vers Chance. Il doit bien avouer qu’il ne fera pas le poids longtemps et que les paroles de Chance sonnent justes. Il n’a jamais encore imaginé que l’on pouvait contrer aussi facilement son mangekyo sharingan. L’arrogance dont il a fait preuve lui fait honte.

- En quoi une équipe réussirait-elle mieux là ou vous avez échouez ?
- La réponse à cette question est contenue dans les lettres de ton frère, une chose que j’avais oubliée, enfouie dans mes souvenirs.
- Quelle réponse ?
- J’ai affronté deux fois Madara et la seule fois où je l’ai vu exprimer la peur et l’appréhension, c’est quand…
- Le Doc avait trouvé un plan pour le combattre.
- Exact. Je cherche à reconstituer une équipe équivalente à l’équipe sept car je sais qu’il existe un moyen de battre Madara avec une équipe équivalente.
- Et s’il y a quelqu’un pour trouver un tel plan, ce n’est autre que Shikamaru.
- Et je ne vois personne d’autre que toi pour prendre la place de ton frère.

Prendre la place de son frère est presque séduisant.

- Une fois cette mission accomplie, tu pourras faire ce que bon te semble, je n’en ai cure. Sache seulement que si tu décides un jour de t’en prendre de nouveau à un des membres de mon équipe, je te tuerai de mes propres mains.

Il n’y a ni menace ni exagération dans sa voix, Chance énonce un simple fait. Elle lui tend la main. Sasuke sait qu’elle lui offre un véritable choix, elle a baissé toutes ses défenses. Il lui serait facile de détruire son clone d’un geste et de gagner d’une façon des plus malhonnêtes ce défi. Elle a décidé de lui demander son aide et de faire le premier pas en jouant sur l’une des choses envers laquelle il éprouve encore du respect, la puissance de son adversaire. Sasuke fixe ces yeux redevenus clairs. En faisant disparaître à son tour son sharingan, il décide de ne pas penser aux conséquences de ce geste insensé qu’il s’apprête à faire. Il n’hésite plus et saisit cette main tendue.


PREMIÈRES IMPRESSIONS

Chance fait un signe que seul Neige perçoit et il lui emboîte le pas. A peine après avoir fait quelques mètres, elle s’effondre et Kakashi glisse le bras de Yoshiko contre ses épaules pour la soutenir.

- Heureusement que je peux toujours compter sur toi…
- Dis plutôt que je connais tous tes petits trucs. Tu ne voulais pas t’effondrer devant Shikamaru et lui faire bonne impression…
Comme si ta petite démonstration n’avait pas suffi…
- Je ne suis pas aussi transparente que tu le crois, Neige.

Pour Kakashi, cette phrase ne mérite même pas l’ébauche d’une réponse, à peine un air légèrement désabusé.

- Ta technique est une sorte de prolongement de la technique de téléportation, réaliser un jutsu sans aucun signe, c’est comme si tu adaptais la troisième étape à n’importe quelle autre technique.
- Tu as raison, je n’ai fait qu’améliorer le jutsu de mon frère. Rien de très original. C’est toi qui m’a inspiré cette technique. Même avec le sharingan, tu ne pouvais pas copier la troisième étape.
- Je comprends mieux pourquoi je n’arrivais pas toujours à suivre tes mouvements, il n’y avait tout simplement rien à suivre.
- Le seul petit problème est que cette technique mettrait KO n’importe qui.
- Tu as joué assez finement avec Sasuke, je dois avouer que je suis impressionné.
- J’ai une certaine expérience avec les Uchiha… Et ce que Sasuke ne sait pas c’est que je suis le pire des adversaires pour lui. Je connais les techniques d’Itachi par cœur et j’ai appris à affronter ton chidori presque depuis que tu l’as inventé. Sa maîtrise du Sharingan est encore trop imparfaite pour contrer Gorgo. Itachi faisait jeu égal avec Gorgo.
- C’est à cause de ce jutsu que tu pensais pouvoir affronter seule Madara.
- Je croyais pouvoir contrer son mangekyo sharingan, je me suis lourdement trompée.

Je deviens chaque jour plus fort, la prochaine fois je serai prêt, Yoshiko.

La lueur verte enroulée autour de son poignet se met à luire.

Il est temps de payer ton dû.

Le visage de Chance se fige et son emprise autour des épaules de Neige se relâche. D’un geste, il la rattrape par la taille. Chance laisse échapper un gémissement avant de laisser tomber lourdement sa tête sur le côté. La luminescence verte parcourt tout son bras, gagnant son épaule puis son cou qu’il encercle d’un cercle vert miroitant.

- Gorgo, pourquoi maintenant !?

Chaque mot lui coûte et nulle réponse ne se fait entendre. Chance n’a pas assez de force pour tenir sur ses jambes mais assez pour étouffer un juron. Kakashi la transporte dans ses bras et la dépose sur son lit en proie à des tremblements maladifs.

- Dans quoi t’es-tu encore embarquée, Chance…

Elle semble en transe et la lumière verte encerclant son cou se fait plus intense. Sans même s’en rendre compte, il avance sa main sur le collier de jade.

Il n’a pas le temps d’aligner deux pensées conscientes qu’il se fait happer dans un tourbillon d’une puissance déconcertante, une illusion si grande qu’il sait qu’il est inutile de chercher à la disperser. Curieusement, il ne se sent pas en danger. Sur ses gardes, il ne met pas longtemps à comprendre qu’il n’est en rien maître de ce qu’il se passe, ni de ses gestes, ni même de ses pensées. Ce ne sont pas les siennes, mais il les ressent comme telles.

Il réprime un sursaut quand il se rend compte que son corps lui-même n’est pas le sien. Spectateur muet et immobile, piégé dans un corps étranger, il assiste à une scène du passé de Yoshiko avec une acuité des plus tranchantes.

Il m’énerve, il n’a que ce nom à la bouche…
Kakashi est incroyable, Kakashi ceci, Kakashi cela… M’énerve !
Je ne vois presque jamais Minato et les rares jours qu’il passe à la maison, il ne parle que de lui.
Chunin à six ans… La belle affaire, je suis passée Chunin à sept ans. Bientôt junin à douze ans, et bien moi aussi j’ai douze ans et je suis tout à fait prête à passer junin !
Et cerise sur le gâteau, Minato a eu la bonne idée de la ramener à la maison pour une raison qu’il n’a même pas pris la peine de m’expliquer.
Souvent, il me prend plus pour sa fille que sa petite sœur !
Je le déteste avant même de l’avoir vu ce Kakashi. J’entends qu’on frappe à la porte, Minato ouvre la porte et accueille gentiment son élève.

- Yoshiko, montre-toi.

Franchement pas envie, je traîne la patte comme un condamné qui se dirige vers l’échafaud. Et non, jamais je n’admettrai que je suis jalouse de l’attention de mon frère pour son élève préféré. Quand je lève les yeux, tant de choses me frappent que je suis un instant sans voix. Heureusement les formules de politesse usuelles sortent naturellement et sauvent les apparences.
Il y a dans les yeux de ce garçon une tristesse sans fond que je reconnaîtrais entre toutes, la même qui doit briller parfois dans les miens, la même que je surprends encore trop souvent dans le regard de mon frère.
Il a perdu quelqu’un d’important, je peux presque sentir la vague de douleur sourde qui émane de toute sa personne.
Je comprends tout de suite pourquoi Minato a tenu à le faire venir à la maison et j’ai honte, terriblement honte de ma sale attitude égoïste et de ma stupidité. Devant un tel regard, je veux bien admettre ma jalousie et je me sens ridicule de mes petits sentiments de gamine.
Ce garçon est seul au monde alors que moi j’ai la chance d’avoir un frère qui s’est toujours beaucoup occupé de moi.
La seconde chose qui me frappe c’est son air distant. Avec ses cheveux étincelants, il est aussi beau et froid que la neige.
Du coup, si je ne brise pas la glace, ce n’est certainement pas Mr le génie qui va le faire. Passées les formules de politesse, Minato prétexte qu’il a à faire et nous laissent en plan dans un silence des plus inconfortables.
De quoi parler à Mr le génie :

- Il paraît que tu tentes de maîtriser la technique de téléportation ?

Il ignore certainement que je connais une grande partie de sa vie grâce aux récits terriblement détaillés de mon grand frère.

- Maître Namikaze m’a juste montré la première des étapes il y a peu.

Maître Namikaze ! J’ai bien du mal à ne pas rire devant son air si sérieux. Je crois que je ne m’y ferais jamais que l’on appelle mon grand frère ainsi.

- Tu sais que sans une maîtrise innée du vent…
- Oui.

Il sait qu’il n’a quasiment aucune chance de réussite et pourtant, il a l’air si déterminé. Je ne sais si c’est de la folie ou du génie.

- Je connais moi-même les deux premières étapes…

Ses yeux s’agrandissent. Mais contrairement à ce que je pensais, ce n’est pas la surprise mais l’intérêt qui brille dans ses deux yeux sombres.

- Je pourrais peut-être te montrer un ou deux trucs qui m’ont bien servi. J’avoue que la troisième étape m’échappe encore totalement.
- On commence quand !?

De l’enthousiasme ! Je vais t’en faire baver, compte sur moi Mr le génie.

Nous sommes assis chacun en face de l’autre et je lui demande une petite démonstration de ce qu’il a retenu de la première étape. Il sépare lentement ses deux mains et effectue parfaitement les gestes mais sans résultat aucun. Nullement découragé, il s’apprête à recommencer quand je l’arrête d’un geste :

- Tu t’y prends mal.

Je me rends compte au moment où mes paroles sortent de leur côté abrupt. Heureusement, il ne s’en formalise pas. Je m’approche de son visage, quelques centimètres me séparent de son regard affolé. Je m’amuse de ses yeux troublés.

- Ferme les yeux.

C’est presque de la panique que je perçois dans son regard. Il a peur de quoi, le Génie, que je l’embrasse ? Je dois avouer que l’idée n’est pas déplaisante, qui n’aurait rêvé de son premier baiser avec un garçon aussi beau ?
Mais je laisse rapidement ses divagations pour m’atteler à ma tâche. Je prends ses deux mains, le plus doucement possible comme pour ne pas l’effrayer davantage et je glisse mes deux paumes contre les siennes.

- Recommence en suivant mon rythme. Suis mon mouvement sans te préoccuper de tes mains et concentre-toi sur le chakra qui se déverse dans chaque partie de ton corps comme un souffle. Laisse-moi te guider.

Ses mains froides se réchauffent rapidement au contact des miennes et il suit parfaitement chacun de mes lents mouvements. Il sent les flux de chakra et en oublie ses mains.

- Bien, recommence.

Il acquiesce d’un geste de la tête, les yeux toujours fermés. C’est un élève docile, efficace et qui ne se vexe pas facilement. Je comprends mieux pourquoi Minato le porte aux nues, cela doit le changer de mes sempiternelles questions et débordements.

- Je crois que tu as compris. Tu devrais maîtriser les deux premières étapes assez vite, dis-je en enlevant mes mains des siennes.

Je m’éloigne un peu et prends place sur une grosse pierre sur laquelle j’ai élu domicile depuis si longtemps que j’ai dû apposer ma marque sur le granit rugueux. Je ne me plonge pas tout de suite dans mon entraînement et je regarde ce génie aux cheveux étincelants se concentrer avec une telle ferveur sur cette première étape.
Il se dégage une aura envoûtante de ses mouvements délicats et c’est moi qui me sens troublée par ce spectacle hypnotisant.
Il est temps que je concentre mes pensées sur autre chose. Je ferme à mon tour les yeux en tentant de mettre bout à bout les fragments de concentration que j’ai encore à disposition.
Comme depuis si longtemps, je sens la solution s’approcher, je la vois si proche que c’en est frustrant.
Je perds le fil du temps, perdue dans mes efforts pour accrocher ce qui est à ma portée et pourtant s’obstine à s’éloigner à chaque fois que je tends la main.
Quand à nouveau je m’effondre dans un état de demi-conscience. A travers les brumes vaporeuses qui m’entourent, je sens que l’on me porte. Je n’ai pas la force d’ouvrir les yeux. Mais même presque perdue dans le monde des songes, je me rends compte que c’est Kakashi qui me porte.
Je mobilise chacun de mes muscles et chaque parcelle de ma fierté blessée pour sortir de ma torpeur, sans succès. Du coup, je me laisse bercer par les cahots de ses pas qui m’atteignent comme à travers des nuages cotonneux. J’entends les coups frappés à la porte et l’inquiétude dans les mots incompréhensibles de mon frère. Il me dépose sur le sofa du salon en me bordant d’une épaisse couverture.
Mon frère invite Kakashi à rester pour la nuit ce qu’il refuse poliment. Il s’apprête à sortir quand je fais un effort ultime pour ne sortir qu’un seul et unique mot :

- Reste.

Kakashi ouvre un œil douloureux, de nouveau maître de ses mouvements. Il s’est affalé sur les jambes de Chance qui est réveillée mais immobile, le regard perdu dans le vide. Au prix d’un geste qui lui arrache une grimace doucereuse, il se relève bien vite.

- Tu as vu quelque chose ?
- Je… Non, rien.
- Tu as tout vu.

Kakashi acquiesce lentement, gêné par son intrusion dans les pensées d’une fillette de douze ans. Chance se relève doucement en baissant les yeux. La sensation de ses paumes contre celles de Kakashi lui brûle encore les mains. Pourquoi avoir choisi ce souvenir, Gorgo ? Elle refuse de croire à une coïncidence.

- Gorgo se nourrit d’émotions d’humaines, quelle qu’elles soient. En échange de ses pouvoirs, il puise à loisir dans mes souvenirs et m’utilise comme un vaisseau pour revivre ces sentiments qui l’abreuvent. Je ne pensais pas qu’il pouvait faire partager cela à quelqu’un d’autre. Je suis désolée de t’avoir imposé tout ça. Je…
- Tu avais raison finalement, dit Kakashi, coupant court à ses paroles laborieuses.
- Le grand Kakashi admet que j’avais raison… Voilà qui n’augure rien de bon, j’ai presque peur d’entendre la suite.
- Tu ne m’es pas si transparente que je le croyais, ajoute-t-il un petit sourire en coin.
- Je rappelle pour ma défense que j’étais une gamine de douze ans ! Douze ans...

Kakashi s’apprête à sortir quand il ajoute presque pour lui-même :

- Je n’étais pas aussi docile et appliqué que tu le croyais. Tu étais tellement concentrée sur ton exercice que tu ne l’as jamais vu, mais plus d’une fois j’ai ouvert les yeux lors de mon entraînement pour les poser sur toi.








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