Fiction: Ténèbres

Il court, encore et encore. Il court parce parce qu'il n'a plus le choix, il court parce que l'Autre le suit et qu'il ne le lâchera pas.
Version imprimable
Aller au
Lumiya (Féminin), le 17/09/2011
I'm a man of Constant Sorrow ! O'brother where art thou?



Chapitre 2: "Pour toi mon garçon plus qu'une seule solution..."



L'air est frais et les étoiles se montrent enfin.

De grandes masses sombres tout autour.

Énormes et colossales.

Entourées d'un silence de mort. Ce silence.

Qui accompagne les Ténèbres.

Qui accompagne l'Autre.

Il est arrivé.

Imaginez que vous courrez. Imaginez que vous ne discernez qu'à peine les silhouettes des arbres, que leurs feuilles et leurs branchages vous griffent le visage et que les larmes qui coulent n'améliorent en rien votre vue. Imaginez que vous êtes seul, avec la mort aux trousses. Les hiboux chantent pour vous, la lune brille alors d'une intensité que jamais vous n'avez connue. Imaginez un seul instant que vous croyez être devenu fou : pourquoi donc courrez-vous ? Vous ne le savez pas vraiment mais vous ne perdez pas la cadence, vous continuez à courir. Et finalement vous la voyez la raison à cette course effrénée : toute proche de vous... Alors à présent vous n'imaginez plus. Vous ne faites plus "comme si..." car vous savez que tout cela désormais est bel et bien réel. Une question, claire et distincte, vous parvient clairement :

Succomberez-vous aux portes de l'Enfer ?

- - • - -



Il n'avait pas bougé, même lorsqu'ils avaient commencé à déplacer les corps. Il était resté planté là, au beau milieu de cette plaine macabre, répétant dans un petit murmure quasiment inaudible un "je suis en vie" sans émotions. Le vent lui caressait la joue et finissait de sécher les quelques larmes qui persistaient à couler sur son visage blafard. Il ne souffrait que de légères égratignures qui n'auraient pas besoin de l'attention d'un Eisei-nin et même s'il avait souffert le martyre, il n'aurait pas bougé d'un pouce. Ses pieds semblaient encrés dans le sol, ses jambes infiniment lourdes. Non, décidément, il ne pouvait plus faire le moindre pas. Ou ne le voulait tout simplement pas. Son regard était perdu au loin, dans le vide, à la recherche de ce quelque chose qu'ont tous les peintres et autres artistes qui se noient dans l'infini. Il n'était là que par sa présence physique, son esprit lui, paraissait s'être envolé bien loin.

Ce n'est qu'au bout de quelques heures qu'il se décida enfin à bouger. Ses bras étaient endoloris et c'est à peine s'il sentait encore ses jambes. Certains étaient venus le voir, le chercher, étonnés de cette attitude qu'il adoptait. Mais en l'absence d'une quelconque réponse, ils avaient cru bon de le laisser faire son deuil à sa manière, comme certains préfèrent pleurer, hurler, lui avait peut-être une préférence pour l'isolement.

La nuit s'était à nouveau abattue sur eux. Lourde et oppressante. Toute la journée le ciel n'avait cessé de pleurer, symbole de désolement pour tant de shinobis tombés au combat. L'horreur de la Guerre était marquée en lui à jamais, tout comme on marque les bêtes et animaux de foire afin de faire connaître leur propriétaire. Il n'avait plus qu'à se soumettre à toutes les atrocités qu'il avait commises, esclave de tant de visions d'horreur que l'envie de vomir lui tenaillait les entrailles. Il était pâle comme la mort, il avait cru tout perdre tant de fois. Il avait volé tant de vie, commis tant de crimes alors que lui était encore debout parmi leurs corps mutilés. Était-ce cela la justice ? Le Bien ? Avait-il réellement combattu le mal, "Les Méchants", comme on raconte des les histoires pour enfants.
Il était déboussolé, perdu. Il se mit en mouvement, marcha sans trop regarder où il allait. Parfois ses pieds buttaient contre une pierre, il tombait, s'écorchait les mains et reprenait sa marche silencieuse et morose.

Quand il revint à lui, plus ou moins conscient de la situation dans laquelle il se trouvait, la décor tout autour avait radicalement changé. De grands arbres aux branches basses l'entourait. Un sol boueux l'accueillait et même la lune avait du mal à faire parvenir sa lumière argentée jusqu'à lui.
Il tourna sur lui-même, chercha des yeux le champ de bataille ou bien encore le campement des shinobis, mais ne trouva rien d'autre que d'immenses silhouettes d'arbres informes. Un vent glacial soufflait et le glaçait jusqu'aux os.
Un craquement sur sa gauche. Un bref coup d'oeil, mais rien.
Putain de trouille. Il se rassura du mieux qu'il le put, il se dit qu'un ninja ayant connu ce qu'il avait vécu jusque là ne devrait pas avoir peur d'un simple craquement de brindille. Mais c'était affligeant de voir que malgré toutes ces paroles pour se rassurer, il était mort de peur et de honte. Et quand un souffle chaud se fit sentir le long de sa nuque, il hurla de terreur. Sa main par pur automatisme dégaina un kunai, mais il ne trancha ni estomac de monstre, ni de corps d'un quelconque ninja survivant de la bataille, seulement du vide. Un immense vide autour de lui, rien d'autre que sa propre personne et la trouille qui le collait aux basques depuis maintenant bien trop de temps. Cette même peur qui l'avait saisi durant des semaines, des mois entiers, à appréhender cette bataille et à imaginer le visage terrifiant de la mort, et ce face à face qui l'avait troublé.
Il tourna sur lui même, brusquement, cherchant la présence d'un ninja ennemi, balançant dans le vide des coups de kunaïs qui ne se contentaient que de faire siffler le vent.
Tout autour de lui les Ténèbres l'entouraient, l’oppressaient. L'épais feuillage des arbres lui laissait une vision médiocre des choses, partout les ombres informes des branches d'arbres l'effrayaient. Une fine pluie commença à tomber, rendant le sol plus boueux qu'il ne l'était déjà. Soudainement déséquilibré, il se retrouva à terre et pleura. Son état pathétique lui faisait pitié et son mental avait considérablement diminué. Il n'avait plus aucune force, aucune envie. Il ne pouvait plus rien faire et aurait préféré crever là dans cette eau boueuse que d'avoir à se relever pour chercher son chemin. Et puis aussi, il était affrayé. Parce qu'il savait que l'Autre l'épiait, qu'il était là, tout proche, et qu'il ne le lâcherait jamais.
Une idée s'insinua en lui, vicieuse. Et il pensa que s'il ne bougeait pas de là, l'Autre ferait de ses derniers instants un véritable calvère. Qu'il le suivrait même par delà la mort et l'accompagnerait jusqu'à Enfer. Son corps fut parcouru d'un spasme nerveux. Avec le désespoir et la force de celui qui a tout perdu, il se releva avec difficultés, se mordant la lèvre inférieure pour ne pas s'évanouir. Les Ténèbres tout autour étaient toujours aussi noirs et effrayants. Il se sentait étouffé mais démarra sa course en ne faisant pas attention au sentiment d'opression qui l'enveloppait. Ses jambes courraient par simple mécanisme, il ne pensait plus à rien sauf peut-être de sortir de cet enfer. Et alors que sa main allait saisir la branche d'un arbre, une forme hideuse le percuta de plein fouet.
Étourdit le temps de quelques secondes, il se releva et dégaina un kunaï, le pointant d'une main tremblante vers la masse sombre qui se relevait elle aussi. Ses yeux n'arrivaient pas à en distinguer parfaitement la forme, mais le simple fait de voir sa silouhette le faisait frémir d'horreur. Ses dents claquaient de froid, de peur. Ses vêtements trempés l'empêchaient presque de se mouvoir aussi rapidement que d'habitude. Et puis il y avait la fatigue aussi. Toute la journée il avait combattu, avait tenté de sauver sa vie et de défendre celle de ses proches. Il était tout simplemement épuisé.

L'Autre ne lui laissa pas le temps de réfléchir plus longtemps et fonça sur lui en poussant un grognement rauque.

Tout ce qui suivit se déroula à une vitesse hallucinante. C'est à peine s'il vit de quelle façon l'Autre eut le temps de lui taillader le bras et lui meurtrir les jambes. Un craquement sinistre résonna longuement dans sa tête avant qu'une douleur fulgurante naisse de sa cheville pour se répandre jusqu'au niveau de son mollet droit. Brusquement repoussé en arrière, il en eut le souffle coupé et ne laissa pas échapper le moindre cri d'agonie.
Sa vision, étrangement floue, ne lui permettait d’apercevoir que de brèves masses sombres autour de lui. Il ne discernait pas mieux ses propres mains que le visage de l'Autre. Seule une forme hideuse et une silhouette énorme lui apparaissaient, se déplaçant à toute vitesse, maligne et sans pitié.
Adossé à la souche d'un arbre, comateux, il ne luttait même plus pour tenter de reprendre ses esprits. Son corps tout entier le faisait souffrir et il n'aspirait désormais qu'au repos qu'offrait la mort, peut importe l'Enfer qu'il devrait subir pour y parvenir.



Chapitres: 1 [ 2 ] Chapitre Suivante »



Veuillez vous identifier ou vous inscrire:
Pseudo: Mot de Passe: