Croow (Masculin), le 03/08/2011 Que dire a part bonne lecture :)
Chapitre 2: Homicide Cuisinier
Le cuisinier de l’aile ouest de Konoha se nommait Ichiraku. Gigantesque dans son tablier blanc souillé de nourriture, il avait un teint huileux, dont les origines étaient pour un quart blanches, pour un quart jaunes, pour un quart d’îles Méridionales désormais presque oubliées aujourd’hui, et Dieu seul savait d’où venait le dernier quart. Il allait et venait dans ses trois pièces embuées de vapeur, sous les hauts plafonds, comme un tracteur au ralenti, avec aux pieds d’énormes chaussures. Il faisait partie de ces rares adultes qui communiquent facilement avec les enfants, et qui les aiment tous objectivement - pas de manière sirupeuse, mais d’égal à égal, pouvant parfois aller jusqu’à les prendre dans ses bras, tout comme on conclut une grosse affaire par une bonne poignée de mains. Il aimait même les garçons ninjas qui avaient commencé l’apprentissage, bien qu’ils fussent différents des autres enfants - peu démonstratifs, toujours un peu dangereux, non pas comme le serait un adulte, mais plutôt comme des enfants ordinaires avec une légère pointe de folie en eux - et Obito n’était pas le premier des élèves de Minato qu’il nourrissait en douce. Pour l’heure, ils le trouvèrent face à son immense poêle. C’était son monde à lui, et, debout au milieu de ce monde, il regarda les deux garçons engloutir les lambeaux de viande en sauce qu’il leur avait donné. Devant, derrière, tout autour, des grouillots, des filles de cuisine et toutes sortes d’employés subalternes s’affairaient dans l’air humide et opaque de vapeur, cognant les casseroles, touillant les ramens, trimant à éplucher des légumes en coulisse. Dans l’alcôve mal éclairée de l’office, une lavandière au teint terreux et à l’air malheureux, les cheveux enroulés dans un chiffon, passait la serpillière sur le sol.
L’un des garçons de cuisine se précipita, l’Anbu de la garde sur les talons.
« Y'a un type qui t’demande, Ichiraku. »
« D’accord, fit-il avec un signe de tête à l’attention du visiteur. Les garçons allez voir en cuisine, on vous donnera quelque chose à manger. Et puis déguerpissez. Ne me faites pas d’ennuis. »
Plus tard, ils devaient tous les deux se souvenir de ces paroles : Ne me faites pas d’ennuis. Ils acquiescèrent et allèrent en cuisine, où on leur donna des bols énormes de nouilles - mais avec précaution, comme s’ils étaient des chiens errants sur le point de mordre.
« Allons manger ça sous la cage d’escalier, proposa Obito. »
« D’accord. »
Ils s’assirent derrière une énorme colonnade en pierres poisseuse de vapeur, hors de vue de la cuisine et engouffrèrent la nourriture avec les doigts. Ce n’est que plus tard qu’ils virent les ombres se dessiner sur la courbure du grand escalier. Kakashi attrapa Obito par le bras.
« Viens, il y a quelqu’un. »
Obito, l’air surpris et le visage maculé de sauce, leva les yeux vers lui. Mais les ombres s’immobilisèrent, toujours hors de leur vue. Il s’agissait d’Ichiraku et de l’Anbu de la garde. Les garçons restèrent assis où ils étaient. Au moindre mouvement, ils risquaient d’être entendus.
« …la Racine, disait l’Anbu. »
« Danzô ? »
« Dans deux semaines, répondit le ninja masqué. Peut-être trois. Il faut que tu viennes avec nous. Il y a une cargaison au dépôt… »
Un fracas particulièrement violent de vaisselle et de casseroles et une salve de sifflet dirigés contre le malheureux cuisinier qui les avait lâché masqua une partie de la suite du dialogue. Puis les garçons entendirent la fin de la réponse de « L’invité ».
« …de la viande empoisonnée. »
« Risqué. »
« Demandes-toi non pas ce que la Racine peut faire pour toi…commença l’Anbu. »
« Mais ce que tu peux faire pour elle, soupira Ichiraku. Anbu, ne pose pas de questions. »
« Tu sais ce que ça implique, fit doucement le garde. »
« Oui-là. Et je sais qu’elles sont mes responsabilités envers lui. Pas besoin de me faire la leçon. Je l’aime au moins autant que toi. Je le suivrais dans la mer, s’il me le demandait. Danzô est juste un modèle pour moi. Ça oui. »
« Très bien. La viande sera marquée pour un stockage de courte durée dans tes chambres froides. Mais il te faudra faire vite. Il faut que tu comprennes bien ça. »
« Il y a des enfants ici. »
« Des enfants, partout, dit le ninja avec douceur. Ce sont les enfants qui nous importent…et qui lui importent à lui. »
« De la viande empoisonnée. C’est une drôle de façon de prouver son amour à des enfants. » Ichiraku lâcha un profond soupir sifflant.
»Est-ce qu’ils vont se tordre de douleur en se tenant le ventre; et appeler leur mère en pleurant ? Je me doute que oui. »
« Ce sera comme s’ils s’endormaient, dit l’Anbu, mais d’un ton trop confiant et trop raisonnable. »
« Bien sûr, fit le cuisinier en souriant. »
« Tu l’as dit toi même. Anbu, ne pose pas de questions. Tu aimes ça, voir des enfants sous la loi du Kunai, alors qu’ils pourraient être dans ses mains à lui, prêts à construire un nouveau monde ? »
Ichiraku ne répondit pas.
« Je dois reprendre ma garde dans vingt minutes, annonça le soldat de la Racine d’une voix redevenue calme. Sers-moi un bol de riz, et puis je vais taquiner une de tes filles, pour la faire glousser. Quand je partirai… »
« Mon mouton ne te donnera pas de crampes d’estomac. »
« Pourrais-tu… »
Mais les ombres s’éloignèrent et les voix se perdirent. J’aurais pu les tuer, pensa Kakashi, pétrifié et fasciné. J’aurais pu les tuer tous les deux avec ma lame, les égorger comme des porcs. Il regarda ses mains, souillées de sauce, et aussi de la crasse des exercices de la journée.
« Kakashi. »
Il se tourna vers Obito. Ils se regardèrent longuement dans la semi-pénombre odorante, et Kakashi sentit monter dans sa gorge un arrière-goût de désespoir brûlant. Ce qu’il ressentait pouvait s’apparenter à une forme de mort… aussi brutale et définitive que la mort de la colombe dans le ciel blanc, au-dessus du terrain de jeu. Ichiraku ? Se répéta t-il, abasourdi. Ce même Ichiraku qui m’avait posé un bandage à la jambe ? Puis son esprit se verrouilla en une seconde, coupant court à ses réflexions.
Et il ne voyait plus rien - même sur le visage plein d’humour et d’intelligence d’Obito - rien du tout. Les yeux d’Obito s’étaient éteints avec la condamnation de Ichiraku. Dans les yeux d’Obito, les chose s’étaient déjà produites, Il leur avait donné à manger, ils étaient descendus et alors le cuisinier avait entraîné ce garde de la Racine dans le mauvais coin pour leur petit tête-à-tête. Le destin avait fait irruption comme cela arrivait parfois, comme un énorme rocher qui dévale une pente. Point final.
Les yeux d’Obito étaient ceux d’un véritable ninja.
Voila je termine le deuxième chapitre pour éviter de vous faire attendre :P