Attention, cette fanfiction de Naruto est catégoriée spoil, c'est à dire qu'elle peut évoquer des passages du manga qui ont été publié au Japon mais pas encore en France. Sa lecture est donc susceptible de vous gacher le plaisir proccuré par le manga. Pour enlever ce message et voir toutes sections Spoil du site, rendez vous dans vos options membres.


Fiction: Pour l'amour de Konoha

Seul, il l'avait toujours été. Et sans doute le resterait-il toujours. C'était son destin, c'était ainsi, et il ne pouvait rien y faire. Peut-être que s'il n'avait pas porté ce nom, et ce passé, tout serait différent. Mais le fait était là. Il était ce qu'il était, et il ne pouvait réécrire l'histoire. A présent, il le savait. Quoi qu'il fasse, il resterait seul. C'était inéluctable.
Classé: -16D | Spoil | Action/Aventure / Romance | Mots: 67439 | Comments: 22 | Favs: 48
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Sëlan (Masculin), le 28/10/2015
Un nouveau chapitre. Je reste très incertain le concernant. Ce qui explique qu'il soit resté plusieurs semaines en l'état sans que je sache trop quoi en faire. Du coup je vous le donne, même si beaucoup de passages me laissent insatisfait. Je pourrais continuer à le modifier pendant des mois, mais je risque d'oublier ce que j'ai mis en place (et de devenir complètement cinglé au passage). Donc j'ai choisi de vous laisser seuls juges. A vous de voir.



Chapitre 14: Les douleurs secrètes



Le soleil pointait déjà vers l’horizon et s’était réfugié derrière des masses nuageuses semblables à celles qu’il avait l’habitude de contempler pour occuper ses somnolences quotidiennes. La lumière légèrement diminuée qui filtrait à travers les nuages donnait à cet après-midi les allures d'un début de soirée d’été. Ce n’était cependant rien d’autre qu’un trompe-l’œil: il était tout juste seize heures et on avait pas encore quitté le mois de mars. Un nouveau coup d’œil à sa montre lui confirma l’heure qu’il avait simplement déduite. Seize heures et douze minutes. Cela lui faisait donc douze minutes de retard. Un exploit, si on se référait à ses standards habituels. Shikamaru tourna à l’angle de la ruelle qu’il avait empruntée quelques secondes plutôt et put apercevoir, en bordure d’une des rues principales de Konoha, le restaurant-bar qui correspondait à l’adresse de la missive qu’il avait reçue de l’Hokage. Il le reconnut sans peine pour être un point de rencontre apprécié de quelques ninja des générations qui précédaient la sienne. Il trouvait tout de même surprenant que ce fut un endroit que lui pourrait apprécier. Il semblait se rappeler, lorsqu’il rassemblait les maigres informations qu’il avait à son sujet, qu’il était plutôt du genre à rechercher les coins tranquilles. Ce n’était certainement pas le genre d’homme à traîner de lui-même dans un endroit comme celui-là, assourdi d’une musique constante et où des avances lui seraient très probablement faites. Qu’il le connaisse n’était toutefois pas bien surprenant. Asuma était bien plus appréciateur de ces lieux de réunion et de détente, et il devait probablement l’avoir traîné là à l’occasion d’une sortie imposée à son ami. Tel qu’il connaissait Asuma, il ne serait pas non plus surprenant que ce dernier ait tenté de le caser avec les premières minettes qu’il aurait repérées. Et il y avait de quoi parier que ces dernières aient été ravies de l’occasion de séduire un tel homme. Shikamaru n’avait jamais très bien compris ce qui en faisait un parti à ce point apprécié de la gent féminine. Oh, le mystère du masque devait certainement jouer pour beaucoup, mais il était à peu près certain que porter un masque sur le visage ne l’aurait pas, lui, aidé particulièrement à conquérir les dames. Enfin, ce n’était pas comme s’il voulait conquérir qui que ce soit désormais ; il avait déjà bien trop de mal à garder celle qui, par il ne savait quel miracle, avait décidé que lui, c’est-à-dire un abruti somnolent et incapable d’une action de plus de quelques minutes, présentait un parti suffisamment intéressant pour qu’elle y plante ses griffes.

Shikamaru souleva d’un geste le mince tissu qui servait d’entrée au bar restaurant et pénétra dans la pièce. Il fut d’abord surpris de trouver autant de monde alors que la soirée n’avait pas débuté. Les clients présents étaient en grande partie des hommes. Il n’y avait, en tout et pour tout, que deux femmes sur une vingtaine de personnes. Son regard balaya rapidement la pièce, et il trouva l’homme au masque, assis sur une table légèrement en retrait pour leur conférer une intimité confortable et suffisamment visible pour ne pas attirer de soupçons et de curiosités déplacées sur leur conversation. Kakashi Hatake semblait l’observer depuis qu’il était entré, et lorsque leur regard se croisa, il lui fit un bref signe de tête. Shikamaru s’empressa de le rejoindre, adressant au passage un bref signe de tête à deux soldats avec qui il avait opéré le temps de quelques jours et qui semblaient heureusement trop absorbés dans leur conversation pour lui accorder plus qu’un bref signe de bienvenue en retour. Lorsqu’il prit place, il observa l’espace d’un court instant un reflet rouge dans l’œil que le Hatake avait laissé subtilement apparaître tandis qu’il balayait la salle du regard une dernière fois. Il replaça ensuite subtilement le tissu qui lui couvrait le visage et reporta son attention sur le Nara qui lui faisait désormais face.

« J’imagine que tu as pris connaissance des documents ?
-Au prix d’un rendez-vous qui se révélait prometteur »

Le bref regard que lui lança le Hataka lui remémora la consternation qu’il avait observé le matin chez leur supérieure. Shikamaru savait bien que la situation ne se prêtait aucunement à ce genre de jeux futiles et dignes de jeunes soldats en formation. Il ne pouvait pourtant complètement refréner sa frustration. Le regard que lui avait lancé Temari au moment où il lui avait annoncé, contraint par un destin cruel, qu’il ne pourrait la rejoindre plus tard était une douleur qui lui pesait encore dans l’âme. La jeune femme n’avait pas été furieuse – Temari avait toujours été beaucoup plus apte que lui à intégrer la notion de responsabilités qui les incombait - mais la déception teintée d’une légère pointe de frustration qu’il avait lue dans les deux prunelles de son amante avait été amplement suffisante pour qu’il comprenne ce qu’il venait d’abandonner. Il aurait certainement d’autres occasions, mais il lui était déjà suffisamment compliqué d’amadouer la jeune femme pour qu’il l’abandonne dans les rares moments où les émotions qu’elle avait à son égard ne tournaient pas autour de cette fureur destructrice qui la caractérisait aux yeux de ses pairs. Bon, il était certes stupide de sa part de se laisser aller maintenant qu’il voyait l’expression qu’affichait celui qui serait un partenaire de travail de longue durée, mais il n’avait pas pu se retenir. Il devrait probablement travailler là-dessus, à l’avenir. C’était ça où se mettre à dos tous ses collègues professionnels qui se trouvaient, pour la quasi-majorité, être aussi ses amis.

« Je sais. Désolé. Je connais le contenu. »

Un léger gloussement se fit entendre. Shikamaru, qui avait crû rêver, n’eut plus aucun doute en apercevant le regard résolument amusé de son collègue de boisson. Ce même regard reprit presque instantanément tout son sérieux lorsqu’il porta, l’instant d’après, sur un point quelque part à sa droite, et Shikamaru, se retournant, aperçut la serveuse qui se dirigeait vers eux.

« Deux sakés, dit simplement Kakashi à son approche. Tu sais, je crois que cette situation est une première pour le village, ajouta-t-il à l’adresse de Shikamaru après que la serveuse se fut éloignée.
-Vraiment ? Ça me semble assez improbable. Jamais aucun village n’aurait tenté d’infiltrer des agents ?
-Oh, ils ont tous tenté, et certains plutôt deux fois qu’une. Mais Konoha possède de certaines contre-mesures. -Des contre-mesures que je pensais infaillibles jusqu’à ce matin. »

Shikamaru resta pensif quelques instants. Il lui manquait des données. Le fait que Kakashi fasse partie de l’ANBU lui permettait certainement d’avoir accès à des informations que lui-même ne pourrait rêver obtenir. Il devait probablement exister une division au sein de l’ANBU qui se chargeait de traquer les taupes. Mais, faute d’informations, il ne pouvait pas aller beaucoup plus loin dans ses suppositions.

« Au fait, j’imagine que les choses vont bien avec Temari ? »

Shikamaru fut stoppé net dans ses pensées, et le regard interloqué qu’il lança à son comparse rencontra celui, nettement plus amusé, de l’Hatake dont il devinait aisément le sourire qui trônait sous le masque. Son incompréhension fut cependant de courte durée : une seconde plus tard, les sakés commandés étaient déposées par la serveuse qui, lorsqu’elle croisa le regard de Shikamaru, lui sourit d’un air entendu. Une fois éloignée, le jeune Nara poussa un soupir de consternation.

« Je comprends bien qu’on doit ressembler à deux amis, mais vous pourriez éviter d’exposer ma vie privée à la première serveuse venue.
-Des amis ? Certainement pas, j’ai convié Asuma à cette réunion en sachant qu’il ne pourrait pas être ici avant une bonne demi-heure. Aux yeux des clients, ce sera une réunion entre deux amis et un disciple arrivé plus tôt que son maître.
-Et c’est à partir d'aujourd’hui que vous et moi allons traîner ensemble. Je ne vous pensais pas aussi doué pour les jeux mondains, Kakashi.
-J’y compte bien. Si ce n’était pas le cas, ça ferait de moi un piètre manipulateur. Et rassure-toi pour Temari. Je crois qu’à ce stade, la moitié du village est déjà au courant. »

Shikamaru n’était certainement pas ravi d’apprendre la nouvelle, mais la surprise, ce n’était pas une réaction qu’il pouvait dûment afficher, compte tenu ses facultés intellectuelles considérablement au-dessus de la moyenne. On pouvait faire croire qu’une personnalité éminente d’un pays allié ait souvent affaire au village caché de la feuille. Ce qui était autrement plus difficile à faire passer, c’était qu’elle crèche systématiquement chez un jeune Jounin qui n’avait pas plus de liens que ça avec la direction du village. Il lui avait bien dit d’essayer de se cacher, de ne pas s’afficher dès le matin en sortant de son appartement. Mais cette fichue tête de mule n’en faisait toujours qu’à sa tête et ne souciait pas le moins du monde de ce que pensaient les gens. Elle s’en fichait tellement qu’elle avait pris l’habitude, ces derniers temps, de s’afficher en tenue légère sur son balcon. En tenue légère. Cette fille n’avait pour ainsi dire aucune retenue. Si c’était ça, elle pouvait tout aussi bien foutre son nom sur la boite aux lettres et arranger des guirlandes électriques pour qu’elles affichent "Temari" sur le balcon. Déjà qu’il devait limite se battre pour que les rideaux soient tirés quand ils…

« Shikamaru ? »

Il avait divagué. Encore. Shikamaru fit un effort pour ne pas songer au fait que, vu le bruit qu’elle faisait, l’appartement entier devait avoir très vite compris qu’il côtoyait quelqu’un et reporta tant bien que mal son attention sur Kakashi. Ce dernier semblait, il ne savait comment, avoir suivi le cours de sa pensée et, dès que leurs regards se croisèrent, Shikamaru vit les dernières traces d’un sourire imperceptible qui s’effaçait. Bon, très bien. Il ne fallait plus penser à Temari.

« Je ne me trompe pas en affirmant que, pour l’instant, nous n’avons aucune piste, lança Shikamaru, pressé de changer de sujet.
-J’ai envoyé plusieurs missives à certains de mes contacts. Ils pourront me dire si qui que ce soit dans le village détient de quelconques informations sur le sujet. Si c’est le cas, nous saurons où aller, sinon…
-Sinon, on peut tout aussi bien aller interroger chaque habitant.
-Tu exagères. Il y a quand même quelques personnes hors de soupçon.
-Je n’en vois qu’une. Vous pourriez tout aussi bien être la cible. Et moi aussi.
-Vrai. Pour l’instant je dirais qu’il faut déterminer les cercles les plus probables dans lesquels notre homme pourrait se trouver. On y réfléchira tous les deux. En attendant, je vais prendre contact avec mes relations.
-C’est ici que l’on va se retrouver ? »

Kakashi, à nouveau, laissa filtrer de l’amusement dans son regard. Shikamaru le trouva bien détendu, pour un homme de sa trempe. Le plus fascinant, dans tout cela, c’était qu’il avait du mal à savoir si la détente du Hatake était feinte ou bien réelle.

« Tu sais bien que non. Je m’arrangerai pour te transmettre des messages. Si jamais tu veux communiquer avec moi, eh bien tu n’auras qu’à aller voir le chien errant qui traînera dans ta rue et d’attacher une missive à sa patte en faisant mine de le caresser. Il saura me trouver.
-Vous savez, je n’ai jamais été particulièrement réputé pour ma gentillesse à l’égard des animaux.
-Eh bien, tu n’as qu’à faire en sorte que Temari l’aime bien, rétorqua le ninja aux cheveux gris, dont le sourire était si visible, derrière son masque, que c’en était proprement insupportable pour Shikamaru.
-Mais comment voulez-vous que… »

Il n’eut cependant jamais le loisir d'aboutir son interrogation révoltée. Asuma venait d’entrer en grande pompe dans le bar restaurant et sa voix rauque et parfaitement distinguable avait percé dans la pièce lorsqu’il avait demandé à la serveuse de lui apporter une bouteille de saké.

***


Le regard encore un peu dans le vague, ses pas le portaient d’arbre en arbre et de paysage en paysage vers une destination qu’on l’avait tenu de garder secrète, comme d’ailleurs les trois quart des destinations qui leurs avaient été communiquées. Si son corps semblait tout entier dirigé sur la tâche de l’amener à bon port, son esprit, lui, semblait perdu, laissé quelque part loin en arrière, dans une forêt sans nom et qu’il avait crue jusqu’alors sans histoire. Itachi ne pouvait s’empêcher de se repasser en boucle la discussion surréaliste qu’il avait tenu avec le jiinchuriki qu’il devait pourtant capturer. Même plusieurs heures après, il n’était pas encore sûr de tout comprendre et encore moins sûr de la réalité de cette conversation tranquille qui n’avait absolument pas lieu d’être, dans aucun univers possible.

Itachi contemplait Naruto avec un regard parfaitement ahuri. La situation ne faisait aucun sens, et tout son cerveau lui criait de se lever pour appréhender sa cible et la ramener au bercail. Mais il était beaucoup trop choqué pour bouger, encore moins pour se lever et commencer un combat. L’aider à arrêter son frère. Pourquoi ne pas lui demander de l’aider à attraper des papillons de nuit, tant qu’on y est ?

« Je sais que l’endroit ne manque certainement pas de charme, lança la jeune femme en captant soudainement son attention, mais ce serait bien que, peut-être, un jour, tu te décides à nous communiquer une autre réponse que tes yeux écarquillés.
-Je…
-Je pense savoir que tu te soucies toujours autant de lui, ajouta Naruto pour couper les secondes de silence qui avaient suivi son manque de réponse.
-Tu as conscience que nous sommes des ennemis ? »

Le jeune pouffa soudainement et leva les yeux au ciel. Même cette petite marque d’assurance le dérangea au plus haut point. Mais où était donc ce fichu Naruto qui le contemplait avec rage et se ruait sur lui sans une seule seconde de réflexion ? La jeune femme se contenta d’afficher son dédain avant de se tourner vers le blond avec une mine exaspérée.

«Tu es sûr que tu veux toujours ça ? On peut très bien se passer de lui et attaquer directement le cadet.
-Non, Arya, on ne peut pas, lança Naruto, captant le brièvement le regard de la jeune femme avant de reporter son attention sur Itachi. Pas sans y consacrer des semaines, et je ne pense pas avoir autant de temps.»

Itachi resta un instant silencieux. Il émit un bref soupir avant fixer son attention sur le blond qui lui faisait face.

«Quelle serait ma contribution dans ton plan pour appréhender mon jeune frère ?
-Tu ferais, je pense, un magnifique appât.
-Bien sûr. Qui d’autre que moi pour l’attirer. A quel moment est-ce que tu interviens ?
-Pas avant que tu aies réglé tes comptes avec lui. J’imagine que vous avez beaucoup de temps à rattraper, tous les deux. »

Itachi le toisa quelques instants. Sa manière de parler le mettait extrêmement mal à l’aise. Ce jeune garçon avait bien trop l’air de trop en savoir pour paraître inoffensif.

« Et une fois que nous aurons rattrapé le temps perdu ?
-Si tout se passe bien, tu n’auras qu’à tourner les talons et le laisser pour mort. Comme ça, tu pourras dire à tes supérieurs que tu n’as pas eu le courage de l’achever, ou une autre connerie du genre. Je dirai aux miens que je l’ai trouvé comme tu l’as laissé. »

Itachi ne put retenir le rictus qui lui échappa. Il releva la tête et ne prêta pas attention aux pupilles qui, légèrement sur sa gauche, le fixaient d’une manière hautement désagréable, comme on fixe une vermine que l'on souhaite éradiquer de sa propriété. Le regard d’Itachi se porta sur Naruto, et l’assurance, le calme qui en émanaient avaient, étrangement, quelque chose de réconfortant. Il se reprocha presque immédiatement cette pensée. Il n’était plus un jeune garçon qu’on rassure et qu’on réconforte. Itachi était un meurtrier. C’était une chose qu’il ne devait absolument pas oublier. Une tumeur douloureuse qui lui rappelait continuellement que chaque journée pouvait s’achever de manière brutale et sanglante.

« Si je comprends bien, je vais devoir faire le gros du travail et tu vas te contenter de récupérer le butin ? »

Son sourire s’étira. Itachi restait indécis quant à l’exactitude de ce qu’il lui révélait. Il savait cependant reconnaître la moquerie quand on la lui envoyait au visage depuis moins d’un mètre de distance.

« Nous savons tous les deux que ton frère s’est entouré d’une troupe de joyeux boutes en train pour te traquer. Ma part du contrat consistera à les tenir à distance pour vous permettre votre moment privilégié.
-Tu comptes tenir tête à quatre des plus redoutables soldats d’Orochimaru, seul ?
C’est à peu près ça, oui. »

Il aurait aimé dire que Naruto avait prononcé ces mots avec une arrogance évidente dans la voix et un sourire odieux sur le visage. Au lieu de quoi, il était resté calme et décomplexé. Et cela n’arrangeait en rien la perplexité croissante qui baignait dans sa matière grise et alimentait son angoisse croissante. Il remercia le ciel d’avoir appris tout jeune à afficher un masque impassible en toute circonstance. Itachi avait en face de lui une énigme et son incapacité à en déceler ne serait-ce qu’une once de compréhension l’inquiétait au-delà de ce qu’il voudrait bien admettre. Cet homme en face de lui ne faisait plus aucun sens. La logique concrète et les voies de la raison s’effondraient à chaque fois qu’il tentait de comprendre, à chaque fois qu’il explorait avec une frustration persistante les éventuels miracles qui auraient pu accomplir ce qu’il avait devant lui. Ce n’était pas la mort. Le deuil, c’était quelque chose qu’il ne connaissait que trop bien. Et le deuil ne faisait pas ça. Vaincu une fois de plus, Itachi dut se rendre à l’évidence : une information manquait pour remettre en place ce qui était devenu pour lui un puzzle horriblement frustrant aux implications foutrement effrayantes. Et il était parfaitement incapable de commencer à imaginer ce que cela pourrait être.

« Admettons que tout se passe comme tu l’espère. Admettons que tu trouves Sasuke au bord de l’inconscience. C’est un homme inconscient que tu comptes ramener au village ? »

Naruto sourit. L’un comme l’autre avaient parfaitement en tête les mots qu’Itachi n’avait pas prononcés.

« Sasuke est mon ami. J’éprouve des difficultés à comprendre ses choix et je ne les approuve certainement pas. Mais je n’ai pas oublié ce qu’il a fait pour moi. Je n’ai pas, contrairement à ce que les apparences laissent supposer, oublié notre jeunesse et l’importance qu’a eu ton frère pour le garçon stupide et bruyant que j’étais.
-Tu ne pourras pas le convaincre. Tu ne pourras pas lui faire accepter quoi que ce soit. »

Les yeux d’Itachi brillèrent un instant.

« Plus personne ne le peut. 
-Je sais, Itachi. »

Sa vision était brouillée par le liquide lacrymal qui menaçait de quitter ses globes oculaires, mais lorsqu’Itachi releva le regard vers les prunelles bleutées, il y trouva le même éclat qu’il savait présent sur les siennes. De longues secondes s’écoulèrent avant que Naruto ne reprenne la parole.

« Laisse-moi dix jours. Ton frère a déjà commencé à agir. Il doit déjà être en train de chercher à te localiser. Attire-le là où tu voudras, et envoie moi les coordonnées. Le crapaud saura où me trouver.
-Le crapaud ?»

Pour toute réponse, Naruto lui tendit un rouleau de parchemin encore fermé par un sceau. Itachi s’en saisit. Il reconnut sans peine les marques d’invocation. Avant qu’il ne parle à nouveau, Itachi indiqua sa compréhension de l’objet à Naruto par un bref acquiescement.

« Dix jours ?
-Pas un de moins. »

***


Sa main passa nonchalamment le long de l’épaisse tignasse rougeoyante qui s’étirait depuis son crâne. Il prit soudain conscience de sa mâchoire crispée et tenta de se relaxer, en vain. Rien n’allait plus, ces temps-ci. Et, comme si ce n’était pas déjà suffisant, une vieille cicatrice qui courait le long de son avant-bras s’était refaite sentir. Comme s’il n’avait pas déjà un millier d’autres choses à se soucier. Un soupir se fit à nouveau entendre, et il accéléra le pas.

Tsunade lui avait demandé d’enterrer la tête de l’ancien sannin, une tâche qu’il avait acceptée sans rechigner, bien que la besogne fut loin de lui plaire. Il lui incombait désormais de se rendre à une crypte dissimulée aux profondeurs de la roche sur laquelle reposait le village. Le corps du sannin avait disparu ; ses recherches, malgré l’acharnement et la méticulosité dans lesquels il les avait menées, ne lui avaient donné aucune indication sur la localisation du corps. Ce n’était pas normal, et chacune de leurs théories quant à la disparition du cadavre lui causait plus d’inquiétudes que la précédente. Beaucoup des expériences du vieux fou avaient destinées à être appliquées sur ce qui était désormais son cadavre, et l’idée que n’importe qui soit désormais en possession de ce terrain d’expérimentation ne pouvait que soulever en eux de profondes inquiétudes.

Les parois rocheuses l’entouraient désormais de toutes parts, tandis que le Lion Rouge progressait dans l’immense réseau de chemins, d’abris et de salles secrètes que renfermait l’immense paroi rocheuse au pied de laquelle reposait leur village. Pour ses résidents, bien sûr, on ne trouvait ici que des abris destiné à protéger les villageois en cas de catastrophe. L’énormité de ce mensonge lui avait toujours paru si évidente qu’il s’émerveillait sincèrement du fait qu’il ne vienne à personne l’idée que le village pourrait faire un meilleur usage d’un tel espace. Mais la confiance en leurs dirigeants n’avaient elle pas toujours permit aux citoyens de se détourner des responsabilités incombant à ceux voulaient former une société pour mieux s’occuper de leurs mondanités quotidiennes ? Il s’était toujours demandé ce qu’aurait été sa vie s’il n’avait pas endossé le rôle de soldats. Il lui arrivait, dans des moments de calme et d’inactivité comme celui-ci, de s’imaginer en jeune homme vivant son train-train quotidien, navigant à travers chaque semaine avec en seulement en tête l’idée de retrouver ces deux journées sacrées, berné dans les illusions d’un bonheur accessible à travers une quête sans cesse renouvelée d’un confort matériel toujours exprimé par le manque. Mais après tout, il n’était pas plus heureux dans cette vie-là. Valait-il mieux que ces hommes qui se satisfaisaient de vivre leurs illusions ? Sa réalité froide et placide d’une servitude éternelle sans aucun espoir de contentement n’était qu’une autre manière de traverser ce monde. Il ne pouvait pas juger ceux qui le traversait à travers une autre voie ; Son jugement ne pouvait s’appliquer qu’à ceux qui parcouraient comme lui les landes arides et exténuantes de la voie du soldat, qui sert sans cesse des maîtres toujours changeants, qui poursuit une justice incertaine, dictée par des règles modulables et portée par une moralité accommodante. Le bonheur dans tout cela ? Il ne savait pas pour les autres, mais cela faisait longtemps que lui-même avait abandonné l’idée. Il n’y avait plus pour lui que les instants fugaces du combat où l’euphorie et l’adrénaline se mêlent, portées par l’incertitude d’un futur misérable, ravageant son corps de signaux électriques, le rendant plus alerte et plus conscient que jamais.

Les doubles portes se tenaient désormais devant lui. Elles n’avaient rien d’extraordinaire. C’était bien précisément pour cela qu’elles étaient si importantes. A leur vue, il avait ralenti le pas, et se tenait désormais immobile. Il s’avança ; avec lenteur, avec calme, il se porta jusqu’à faire face aux deux panneaux de bois dans un environnement de pierre. Un autre aurait levé, le bras, aurait tendu la main jusqu’à toucher les portes pour les pousser et pénétrer dans la pièce. Cet homme-là serait mort, avant même d’avoir compris ce qui lui était arrivé. Le Lion Rouge se contenta de tirer un parchemin d’une poche intérieure de sa veste. Il le déroula et put contempler les traces d’encre noire qui formaient des symboles étranges et intriqués de manière somptueuse et complexe. Il n’avait jamais trop compris quoi que ce soit à l’art des sceaux. Sa position l’avait forcé à en apprendre les rudiments, mais ses connaissances n’allaient pas plus loin. Lorsqu’il apposa le parchemin sur les deux portes, ce dernier se mit à émettre un étrange halo bleuté. Et bientôt les portes émirent le même. Prenant une grande inspiration, il avança. Les panneaux basculèrent d’eux-mêmes à son passage, comme deux entités conscientes et silencieuses. Alors qu’il franchissait la ligne invisible qui les rejoignait, le Lion ressentit une légère pression sur la poitrine, l’espace d’une unique seconde, si bien qu’il semblait – il le savait, à forte raison – que son corps traversait plus que de l’air, et qu’une barrière, invisible, intangible, se tenait là où les portes s’étaient auparavant trouvées.

Il avança à pas feutrés, avec un silence presque révérencieux. Les morts méritaient cela, qu’importe leur vie passée, parce qu’on ne peut plus rien infliger à un cadavre, et parce que les cadavres ne portent plus ceux qu’ils avaient contenu autrefois. Les cadavres ne portent plus que cette affreuse réalité qui veut que la vie les échappe en dépit des meilleurs efforts pour l’y retenir. Et le cadavre d’Orochimaru, en ce sens, portait une signification toute particulière. Du moins l’aurait-il eu si c’était bien son cadavre qu’il était venu déposer.

Il arriva à la stèle blanche au centre de la pièce. Une pierre toute simple, rectangulaire, sans aucune marque ou aucun signe ne venant ternir son impeccable immuabilité. Le cercueil était ridiculement trop grand pour la tête qu’il amenait avec lui. Il fit glisser la pierre de quelques centimètres, faisant apparaître l’intérieur tout aussi blanc et immaculé. Il y déposa la tête avec un soin tout particulier et se mit à contempler le visage de l’homme qu’il avait traqué sans succès. Les secondes passèrent dans un silence d’une perfection que rien ne pouvait venir troubler ici, à des lieues des troubles enjoués et du quotidien plein de vie du village au-dessus. Puis, avec une sournoiserie d’une telle impeccabilité qu’elle lui en parut surréelle, l’imperfection vint se glisser jusqu’à ses tympans.

Il se retourna prestement, armes en main, le regard scannant rapidement l’espace qui s’étirait devant lui. Il le vit aussitôt : l’homme se tenait là, au milieu du passage, et son allure impeccable parfaitement incluse dans l’air tranquille et décontracté qu’il affichait le rendait parfaitement reconnaissable.

« Yamato ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
-Désolé. Je ne pouvais pas résister à l’envie de lui payer une dernière visite.
-Nous ne sommes pas encore partis et tu désobéis déjà à un ordre direct. »

La phrase avait été prononcée sans la moindre trace de véhémence ou de colère dans la voix du Lion. C’était une simple affirmation. Yamato avait toutefois parfaitement saisi les vastes implications de ses paroles, et lui adressa un regard entendu.

« Ne me fais pas croire que mes actions comptent. Quelle que soit la manière dont notre voyage se passera, je sais déjà que tu seras soulagé une fois rentré. Je te soupçonne même d’aller supplier l’Hokage de ne plus nous allier en invoquant des prétextes farfelus et profondément subjectifs, ajouta-t-il avec un sourire insupportable sur le visage.
-Bon, bien, maintenant que tu es là, dépêche-toi de faire ton deuil, lança le Lion avec une mine rabougrie. On a un long chemin avant d’arriver au village de la pluie.»

Sans un mot de plus, il se détourna de la stèle blanche et passa au côté de son confrère sans un regard avant de quitter la salle et de disparaître dans les vastes galeries dissimulées sous la montagne à l'insu de ceux qui étaient de toute manière trop insouciants pour soupçonner leur existence.

***


Les yeux blancs qui l’observaient, par-delà son miroir, lui paraissaient ceux d’une étrangère. Tout était pareil, pourtant ; ses yeux n’avaient pas changé. La même couleur qui rendait la pupille indissociable du globe. Les mêmes cils qui se recourbaient d’eux-mêmes sans qu’elle n’y prête jamais attention. Les mêmes cernes qui venaient enlaidir un visage que les efforts répétés avaient lourdement endurci. C’était son pourtant son visage qui se trouvait là, certainement pas un autre. Cette étrangère qui la contemplait nonchalamment, c’était bien elle ; c'était elle qui avait décidé de venir ici, elle qui avait accepté la proposition de l'Hokage, elle qui, dans sa joie inespérée de pouvoir enfin se trouver en compagnie de l'homme qui l'obsédait depuis plus longtemps qu'elle ne pouvait – ou voulait – se le remémorer, s'était jetée tête la première dans ce parcours déraisonné qu'était celui de l'ascension au plus haut des rangs officiels du village. Celui de meurtrier accrédité, légitime et vénéré. Hinata détourna le regard. Sans qu’elle ne saisisse tout à fait pourquoi, elle avait d’extrêmes difficultés à accepter cette pensée. Le changement était pourtant inévitable. Le monde guerrier, au dehors, s’était assuré de la priver de ses traits enfantins aussi vit qu’il l’avait pu. Ses yeux dévièrent quelque peu, et Hinata se mit à contempler le corps frêle et élancé qui se reflétait dans le miroir. Elle avait pourtant essayé de l’endurcir, mais rien n’y faisait. Son apparence restait la même, et ses bras gardaient leur finesse d’antan. Il lui avait expliqué que ce n’était pas bien grave, que chez certaines personnes, les muscles ne se développaient qu’en profondeur et que bien qu’elle eut l’apparence d’une jeune fille dénuée de force, elle pouvait être assurée que ses efforts n’avaient pas été vains et que sa force, bien que secrète, était bel et bien là. Ça n’y changeait rien. Sa vue lui était toujours désagréable. Il lui semblait que tous ses efforts n’apportaient rien, que sa quête indicible d’atteindre un jour même un fragment de sa puissance était vouée à une vanité qui l’horripilait. Toutes ces heures passées n’avaient-elles donc servi à rien ? Tous ces exercices inlassablement répétés, ces foutues manœuvres qu’elle avait fait l’effort de connaître par cœur, ces tactiques qu’elle s’était démenée à comprendre, à maîtriser jusqu’à ce que l’application lui en vienne presque de manière naturelle. C’était comme si la petite fille qu’elle avait été ne voulait pas quitter son esprit et se complaisait à lui remémorer ses erreurs passées, les craintes de ces temps anciens qui planaient encore au-dessus d’elle comme un millier de dards menaçants pointés sur la jeune femme. Elle était bien puérile, pensa-t-elle soudainement, à se reluquer devant le miroir comme le faisaient ces jeunes filles trop soucieuses de leur apparence pour prêter attention à quoique ce soit d’autre. Elle aimerait bien pouvoir ne plus s’en soucier, se ficher totalement de son apparence et de toutes les autres préoccupations triviales auxquelles elle n’avait de toute façon pas de temps à accorder. Mais Hinata n’y parvenait pas. Elle ne pouvait pas ignorer ses bras trop fins, son corps trop frêle, sa peau trop blanche, son visage trop discret, et toutes ces autres choses qui manquaient ou excédaient de ci ou de ça. Elle avait beau se convaincre que ce n’était pas important, se dire qu’on se fichait bien de considérations comme celles-là, son regard y revenait à chaque occasion, et chaque fois son esprit venait la tourmenter sur ce détail qu’elle avait naïvement cru pouvoir oublier. Elle se demandait à présent, alors qu’une vilaine tâche sur sa joue avait amené ses sourcils à se froncer par déplaisance, par quelle improbable suite d’événements ces détails anodins en étaient venus à supplanter le reste des préoccupations quotidiennes du commun des mortels.

La jeune femme pouffa. Elle détourna son regard une bonne fois pour toutes et se dirigea enfin vers l’escalier qui menait au rez-de-chaussée. Des questions idiotes et futiles. Voilà où l’amenaient ses moments d’égarement au sortir de sommeils trop peu régénérateurs. Les questions ne feraient que repousser l’inévitable descente vers le salon et la journée exténuante qui suivrait immanquablement. Son cerveau en avait parfaitement conscience et ne se privait pourtant jamais de retarder l’inexorable. Hinata soupira. Il était absolument insupportable de supporter tout à la fois ses propres faiblesses et la culpabilité qu’elles induisaient en elle aussitôt qu’elles se manifestaient. Il avait fallu qu’elle soit soucieuse, en plus de tout ça, et qu’elle fasse immanquablement un cas de chaque petite pensée qui avait le malheur de lui traverser l’esprit. Le salon pénétra soudainement dans son champ de vision, austère comme à son habitude. Elle secoua la tête. Il n’y avait pas le temps pour toutes ces tracasseries sans intérêt. Elle devait reprendre l’entraînement. Il fallait qu’elle devienne une ANBU. Entrer dans une élite, simplement par ce qu’on leur avait inculqué, des années auparavant – une éternité pour Hinata – que c’était le souhait de chaque ninja. Et eux, jeunes aspirants qu’ils étaient, encore isolés des cruautés extérieures par la bulle des insouciances enfantines qu’on ne leur avait pas encore arrachée, avaient adopté ce rêve comme le leur. Ils avaient embrassé cette aspiration comme si elle avait été en eux depuis le début. Faire honneur à ce village, cette patrie qui exigeait d’eux qu’ils lui abandonnent leur vie, leur existence tout entière, en un sacrifice désintéressé qui paraissait être la moindre des… Non. Elle recommençait. Il ne fallait pas qu’elle recommence. L’entraînement attendait. Elle devait faire honneur à un village et à une famille qui ne lui avaient jamais accordé qu’un désintérêt parfois teinté de dédain. Hinata se surprit à pouffer. Elle se fichait du village et de la famille, de l’honneur et du devoir, du prestige, de la gloire et des cinquante des autres conneries qu’ils avaient voulu leur inculquer dans la naïveté de leur jeunesse d'antan. Naruto attendait.

Bien qu’elle n’ait osé espéré que sa pensée se fasse littérale, le regard qu’elle posa sur la pièce qu’elle venait de pénétrer lui fut rendu, à son plus grand étonnement. Sa mine rabougrie, ses pustules trop énormes pour paraître vraisemblables, tout dans sa physionomie donnait à Hinata l’impression de voir un numéro de comédie tombant un peu à plat, alors qu’elle détaillait sans vergogne le moindre aspect d’un crapaud qui ne devrait sensiblement pas se trouver là. Passés ces quelques moments d’intérêt déplacé, la présence d’un vertébré n’ayant absolument rien à faire dans un salon habituellement déserté de toute vie finit par atteindre ses neurones encore ralentis par la fatigue.

« Que…
-Il arrive »

Sitôt ses paroles prononcées, le crapaud disparut soudainement, ne laissant derrière lui qu’un léger nuage qui s’évanouit lui aussi quelques secondes après. Hinata, encore choquée par cette soudaine rupture de son quotidien solitaire, mit encore un certain temps avant de percuter sur les paroles du crapaud désormais absent.

« Il… murmura-t-elle pour elle-même. Il arrive ? »

Son cerveau s’activa soudainement. D'un coup, sans prévenir, les innombrables craintes, les angoisses perpétuelles et le doute incessant qui s'étaient formées comme des tumeurs silencieuses dans sa cervelle détonnèrent plus intensément qu'elles ne l'avaient jamais fait jusque là. Et Hinata détala aussitôt hors du salon, renversant une chaise au passage, et manquant d’en renverser une deuxième. La porte cogna violemment contre le mur lorsqu’elle l’ouvrit d’une brusque poussée, mais la jeune femme n’y prête pas la moindre sorte d’attention. Elle s’élançait déjà, au milieu des arbres, et un instant après, elle se trouvait sur les branches les plus basses, sautant avec aise et se réceptionnant sans autre bruit que le léger bruissement des feuilles soulevées par les bourrasques qu’elle générait. Elle atteint bientôt la cime des plus hauts habitants silencieux. Hinata s’immobilisa. Le temps d’un froncement de sourcils, et les veines aux coins de ses yeux se firent brusquement plus apparentes, si bien qu’il semblait que le sang de la jeune femme s’était mis à converger massivement par ces quelques canaux. Sa tête bougea, de manière imperceptible, et son regard sembla se fixer en un point lointain. Ce fut au tour de ses lèvres d’esquisser un mouvement. Quelques millimètres à peine, un changement tout juste perceptible. Son visage, pourtant, semblait radicalement différent de ce qu’il avait été seulement quelques minutes plus tôt. Hinata sauta, se jetant du haut de quelques trois cent mètres dans ce qui semblait être une claire tentative de suicide.

Naruto avançait à un rythme effréné. Ses yeux, pourtant semblaient totalement désintéressés de la route devant lui, et les arbres défilaient sans qu’il ne montre le moindre signe d’avoir remarqué leur présence. Une fois encore, ses jambes semblaient conscientes d’elles-mêmes et de la tâche qu’elles avaient à effectuer. Son esprit était tout entier accaparé par le crapaud qu’il avait envoyé annoncer son arrivée, quelques minutes plus tôt. Il en était encore à chercher les motifs qui l’avaient amené à cette action tout à fait futile lorsque ce qui lui sembla être un boulet de canon le frappa en plein ventre et le projeta avec force en arrière. Sa vision, fonctionnant au ralenti au fait du choc qu’il venait tout juste de subir, put tout juste capter une masse de cheveux bruns voler dans tous les sens quelque part devant lui. De magnifiques reflets bleutés en émanaient. Un poing vint s’écraser sur son visage sans tarder.

La douleur le saisit avec une vivacité qu’il n’avait plus ressentie depuis une éternité.

« Je peux savoir pourquoi… »

Ses lèvres se collèrent aux siennes avant qu’il ait pu formuler sa question. Il y avait dans son baiser une violence qu’il ne lui connaissait pas. C’était comme si elle voulait rendre le contact douloureux, sans exactement y parvenir. Trop rapidement à son goût, elle se détacha de lui. Il eut alors le loisir de détailler son visage. Ses sourcils étaient froncés, ses traits tendus, et ses yeux brillaient d’une manière tout à la fois inquiétante et magnifique. Elle était furieuse. Et sa fureur, se dit-il, non sans une pointe de culpabilité, la rendait magnifique.

« Est-ce que tu as la moindre idée, commença-t-elle, murmurant ses paroles avec un curieux empressement, la moindre petite idée de la trouille que tu m’as fichue, en partant vagabonder sans me faire parvenir la moindre nouvelle ? »

Il devrait se sentir coupable, il le savait. Mais il n’y parvenait pas. Pourquoi fallait-t-il qu’elle soit si belle quand elle se mettait en colère ?

« Je…
-Tais-toi ! »
Son cri résonna dans la forêt silencieuse. La culpabilité ne s’était toujours pas présentée en lui, mais une légère frayeur commençait peu à peu à prendre racine dans sa cervelle. Il se mit à réfléchir à toute vitesse, mais son cerveau semblait incapable de trouver un moyen de le tirer d’une telle situation. Il esquissa un sourire. Le regard qu’elle lui rendit le stoppa immédiatement dans sa tentative.

« Tu aurais pu… Tu aurais pu… »

La culpabilité s’immisça soudainement dans son esprit, avec la force d’un second coup de canon, et l’emplit d’un froid paroxysmique qu’il ressentit jusque dans sa nuque, en dépit de la chaleur estivale. Il retrouva cette vivacité sensorielle, celle-là même qu’il pensait avoir oubliée. Sans réfléchir un seul instant, il l’attirât vers elle et prit à son tour ses lèvres dans les siennes, l’empêchant de formuler ses craintes.

Contrairement à elle, il fit durer leur étreinte. Il ne se sépara d’elle que lorsque ses poumons crièrent désespérément pour une bouffée d’air. Et lorsque leurs visages furent séparés, il l’attira un peu plus vers elle et la serra. Il agrippa son corps sans soucier de lui faire mal. Il prolongea son étreinte, toujours plus forte, jusqu’à ce qu’il puisse ressentir les pulsations rapides et effrénées de son frêle cœur comme si elles avaient émané de ses propres entrailles. De longues secondes s’écoulèrent avant qu’il ne relâche son étreinte. Ils restèrent là, tous les deux, étendus au milieu d’une forêt que personne ne s’était soucié de nommer, obstinés dans un silence mutin et sacré, trop accaparés pour songer à autre chose qu’à mieux saisir en eux-mêmes la vie qui courait dans l’autre. Il chercha timidement son regard des yeux. Les prunelles blanches lui rendirent ses craintes. Laissant le silence s’écouler encore un peu, il se décida finalement à prendre une inspiration.

« Je ne vais pas mourir, tu sais. »

Il lui avait murmuré ses mots, encore trop craintif pour rompre définitivement le flottement gracieux du vent qui soufflait doucement tout autour d’eux. Elle le fixa plus intensément encore. Sa main se leva dans les airs avec ce qui semblait l’intention de le frapper à nouveau. Par manque d’énergie ou de volonté, la gifle ne vint jamais, et sa main vint se poser sur sa jouer avec une douceur inespérée. Il contempla les doigts posés sur sa joue quelques instants, presque subjugué par la chaleur qu’ils dégageaient, simplement posés là. Puis son regard remonta vers elle. Un fin sourire était venu illuminer son visage, ses petites lèvres rose étirées, avec encore quelques frémissements d’incertitude. Ses yeux brillaient toujours.

« Espèce de sombre crétin. »

Il resta là à la regarder sans savoir combien de temps, pas plus capable de retirer le sourire stupide de son visage qu’il ne l’était de bouger. Et elle demeura étendue, elle aussi, son immobilité seulement perturbée par le soulèvement régulier de son corps qui la maintenait bien en vie, là contre son étreinte. Il rit intérieurement à sa propre naïveté. Elle restait magnifique quelles que soient ses émotions. Il l'attira un peu plus contre lui, et ils restèrent étendus encore longtemps. Et tous deux se rendaient compte d'à quel point cela leur était devenu essentiel, d'à quel point la présence et le contact de l'autre était devenu pour les deux une nécessité vitale que leurs corps réclameraient quotidiennement jusqu'à la fin de leurs jours. Il comprenait, à présent, que cet amour manqué ne s'était fait ressentir que lorsqu'elle était venue, finalement, combler le vide intolérable et anéantir la douleur sourde et insidieuse qui l'avait attaqué avec une intensité redoublée lorsque Jiraya l'avait quitté. Jiraya, le seul qui, après Sasuke, avait entrevu sa douleur, et l'avait atténuée, parce que lui aussi comprenait, parce que lui aussi avait vécu les horreurs de ces arrachements injustes et incompréhensibles contre lesquels notre impuissance se fait ressentir comme la charge ultime d'une douleur intolérable. Et ce vide, il le ne le ressentait que trop bien dans l'étreinte forcenée de la jeune femme svelte et enivrante qui l'attirait à lui au moins autant qu'il l'attirait à elle. Il devinait les souffrances qu'elle avait dû endurer, le ressentiment inutile et infondé qu'on avait relâché sur elle pour les prétextes stupides qu'elle ne remplissait pas des attentes déraisonnables, qu'elle était elle-même au lieu d'être ce qu'on en avait attendu. Et cette idée le révoltait ; qu'on ait pu lui imposer de telles souffrances simplement pour justifier les arrogances hautaines de certains idiots prétentieux faisait naître en lui une fureur qu'il ne se serait pas soupçonnée. Son cœur battait contre sa poitrine, en des battements réguliers, apaisés, et son souffle, lent et appesanti, la soulevait régulièrement contre lui. Son corps lui communiquait d'une manière que les mots ne pourraient jamais atteindre. Elle irradiait de contentement et son bien être se déversait jusqu'à s'immiscer en lui et se propager dans une sorte de contagion bénéfique. Sa présence suffisait à le calmer, elle seule pouvait lui transmettre ces états de l'esprit formidables, ceux-là même auxquels il avait si désespérément aspiré des années auparavant, simplement en étant blottie contre lui, en matérialisant cette certitude folle et inespérée qu'un être existait qui l’aimait comme jamais aucun autre ne l'avait fait jusque là. Et il se surprit, alors que son esprit irradiait de toutes ces émotions, à se faire ces promesses folles et insouciantes que se font les esprits légers qui rêvent leur futur avant même de le vivre. Il ne les laisserait plus l'atteindre, maintenant qu'il était là, maintenant qu'il pouvait y faire quelque chose. Et à terme, il lui donnerait les moyens de riposter, il ferait de ses incertitudes une force dans laquelle elle pourrait puiser chaque fois qu'ils tenteraient de l'atteindre. Lentement, avec une fatigue nouvelle et jusque-là ignorée, il se força à rouvrir les yeux pour la contempler à nouveau et desserra son étreinte, prenant soin de ne pas la brusquer, mesurant ses gestes dans l'espoir de garder encore un peu de cet état de stase dans lequel elle les avait si admirablement amenés.

« Je crois que tu es prête pour tes leçons de Taijutsu.
-Vraiment ? »

Elle avait rouvert les yeux elle aussi, et les quelques traces de crainte et d’incertitude qui avaient encore traîné sur son visage, celles-là mêmes qu’il en était vite venu à trouver horriblement insupportables, disparurent en un instant pour laisser place à sa joie à peine teintée d’appréhension. Une fois encore, Il dut blâmer son incorrigible stupidité. Elle venait juste de devenir plus belle encore. Il ne comprenait pas comment c’était possible. Mais pour être tout à fait franc, il ne comprenait plus grand-chose quand il s’agissait d’elle.

« Oui. Tu as su faire preuve d’une force et d’une rapidité insoupçonnables. »

Il accompagna sa réponse d’un regard taquin qui faisait indéniablement référence à la position dans laquelle ils étaient tous les deux. D’abord surprise, elle répliqua en assénant un léger coup de poing sur son épaule tout en lui jetant un regard courroucé. Naruto la devança cependant avant qu’elle n’ait pu ajouter la parole au geste.

« On ferait mieux de s’y mettre dès maintenant. Ton premier test a lieu dans dix jours. »



Donc voilà. Je tergiverserais bien ici pendant encore dix pages, mais je suis fatigué. Il est tard pour moi et, malgré mes quelques jours de vacances, mon planning est chargé. J'espère que vous vous portez bien. J'espère que vous avez passé un bon moment à lire les insanités du dessus. A bientôt j'espère. Et prenez soin de vous, parce que c'est important. Vraiment.



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