Attention, cette fanfiction de Naruto est catégoriée spoil, c'est à dire qu'elle peut évoquer des passages du manga qui ont été publié au Japon mais pas encore en France. Sa lecture est donc susceptible de vous gacher le plaisir proccuré par le manga. Pour enlever ce message et voir toutes sections Spoil du site, rendez vous dans vos options membres.
Seul, il l'avait toujours été. Et sans doute le resterait-il toujours.
C'était son destin, c'était ainsi, et il ne pouvait rien y faire.
Peut-être que s'il n'avait pas porté ce nom, et ce passé, tout serait différent. Mais le fait était là. Il était ce qu'il était, et il ne pouvait réécrire l'histoire.
A présent, il le savait. Quoi qu'il fasse, il resterait seul. C'était inéluctable.
Sëlan (Masculin), le 12/01/2013 Ce chapitre a été pour moi un champ de mines où il me fallait examiner chaque endroit où je posais le pied. J'ai essayé tant bien que mal d'éviter de me laisser aller à la complaisance et de bercer dans la mièvrerie, mais je crains bien de n'avoir pas pu y couper totalement. Alors oui, c'est vrai, quelques passages sont assez limites, quelques pensées peuvent paraître contrefaites et stéréotypées. Je vous laisse de toute façon juger par vous-mêmes. Et encore désolé pour cette attente révoltante.
Chapitre 11: Démystifications
La crinière flamboyante filait à toute vitesse à travers la forêt. Les images floues s’enchaînaient, mais il ne s’en souciait guère. Depuis bien longtemps déjà, il n’éprouvait plus le besoin de porter une attention particulière à ses déplacements. Au fils des missions, ses gestes s’étaient faits de plus en plus machinaux, jusqu’à devenir parfaitement mécaniques, et ses jambes faisaient à présent seules ce que son cerveau devait anciennement diriger. Elles le portaient indépendamment d’arbre en arbre, de forêt en forêt, de contrée en contrée. Il se souvenait encore de ces temps reculés où chaque avancée était un effort insurmontable, où la fatigue le saisissait au point que chaque respiration fût une nouvelle douleur à surmonter. Ses jeunes années, emplies de naïveté, de braveries inutiles, emplies de piaillements incessants et de craintes infondées, d’apprentissages interminables, emplies de tout ce qui avait conduit à l’amener là où il était à présent. Inutile de pousser la nostalgie plus loin : il arrivait.
Les arbres s’écartaient progressivement, laissaient filtrer une lumière de plus en plus vive, qui en devenait presque aveuglante, concentrée telle qu’elle l’était à travers les citoyens millénaires et silencieux qui faisaient les forêts. Il lui devenait à présent impératif d’entrer dans une concentration imperturbable. On l’avait habitué aux missions difficiles, aux allés supposés sans retours, aux objectifs qui semblaient voués à se muer en échecs. Pas une unique fois il n’avait déçu ses supérieurs ; aucun des ennemis, quoiqu’ils fussent tous présumés insurmontables, ne l’avaient tourné à la défaite. Alors il ne craignait pas, il ne pouvait craindre, même cette mission, qui semblait plus que jamais liée à un échec fatal. Les arbres disparaissaient maintenant progressivement. La forêt se trouvait déjà derrière lui, lorsqu’il fut confronté à un décor tellement étranger au précédent qu’on peinait à croire que les deux fussent si étroitement liés.
***
Hinata ouvrit les yeux. Il lui semblait qu’elle les ouvrait pour la première fois depuis des mois, des années peut-être. Elle était seule, mais ce n’était pas incroyable. Elle avait craint, la veille, au moment de s’endormir, que son réveil se passât autrement, de se retrouver à nouveau dans sa demeure, entourée par la même famille morne qui s’obstinait à ne pas la voir, d’apercevoir son paternel au matin, cette expression habituelle qu’il avait sur le visage lorsqu’il daignait supporter sa présence. Alors, bien qu’elle fût seule, être perdue dans une chambre sommaire dont elle ne connaissait rien avec sans autre compagnie que sa pauvre conscience la rassurait. Le problème, c’était que l’idée qu’elle puisse se réveiller à tout moment la terrifiait. Parce que cela ne pouvait être qu’un rêve, après tout. Son esprit, une fois encore, prenait un plaisir pervers à la torturer de la plus sournoise des manières qui puisse être. A un moment, elle pouvait être tirée de ses délires nébuleux, avec une étonnante brusquerie. A un moment, elle pouvait se réveiller en sursaut, perdue au milieu de ses couvertures, dans un lit si grand que le fait qu’il n’eut qu’une unique personne à contenir était purement dérisoire. L’unique personne qui aurait pu s’y trouver en même temps qu’elle s’était toutefois toujours refusé à y prendre place. Un lit dont le confort aurait presque pu lui manquer, étendue telle qu’elle l’était dans ce matelas terriblement inconfortable, perdue dans cette chambre terriblement désuète, en comparaison au palace royal qui l’attendait patiemment au sein de sa demeure. Dans la chambre, il n’y avait rien, absolument rien qui aurait pu aider à en déterminer une appartenance quelconque. C’aurait pu être n’importe qui, homme, femme, enfant qui y logeât, on ne saurait pas pour autant l’identifier. Rien ici ne se démarquait. Une armoire banale dans un coin, un meuble uniquement composé de tiroirs, sur lequel reposait un miroir sommaire. Un accès à l’extérieur sur sa droite lui laissait deviner la présence d’un balcon. Et c’était tout.
Sa présence dans cet endroit dont elle ne connaissait presque rien n’était cependant pas le principal moteur de ses soupçons, qui la poussaient à se croire plongée dans un rêve idyllique. La veille était bien plus révélatrice d’une telle pensée. Tout, comme c’était toujours le cas, avait commencé lorsqu’elle avait poussé une porte. Tout le mystère avait alors résidé en cela qu’elle n’avait eu que peu d’idées concernant ce qui pouvait s’y trouver derrière. C’était, habituellement, tout le mystère d’une porte fermée. Ce qui avait d’ailleurs suivi, elle n’aurait osé l’imaginer. Il était incroyablement rare qu’une porte lui soit favorable ; celle-là semblait avoir purement ignoré la règle.
Elle y avait trouvé ce blond-là même qui avait failli la tuer quelques jours plus tôt, en compagnie de la vieille femme, comme il était habituel de la trouver là puisqu’il ne s’agissait de rien de moins que de son bureau. On l’avait d’emblée proposée aux honneurs, elle avait accepté sans prendre la peine de réfléchir une simple seconde. Elle avait, comme tous les autres, éprouvé ce perpétuel désir d’atteindre des sommets, sommets qu’elle pensait ne jamais voir se profiler sur son chemin, sommets qui l’avaient brusquement percutée à peine avait-elle ouvert une simple porte de bois. Savoir pourquoi, comment, dans quel but ne l’avait pas intéressée, et ne l’intéressait d’ailleurs toujours pas. Cette simple réponse à l’affirmative l’avait conduite jusqu’ici, dans cette chambre isolée. Ce n’était cependant que le début de ses joies. Voir celui qu’on aime était une chose déjà jubilatoire, savoir qu’on allait passer de longs moments avec lui était autrement conséquent.
Elle l’avait ensuite patiemment attendu, dépêchée au dehors pour que l’on puisse traiter d’affaires qui ne sauraient pourtant que faire naître chez elle une curiosité grandissante. Finalement, il était venu, il était enfin sorti du bureau qui l’accaparait tout entière. Sa mine soucieuse l’avait d’emblée inquiétée, son léger sourire n’avait su que confirmer ses craintes, et se traits obstinément tirés avait fini par achever toute persistance de calme et de maîtrise chez elle.
« Naruto, est-ce que… Tu vas bien ? »
Il la fixa quelques instants, de son œil bleu purement envoûtant. Encore une fois, ce regard lui semblait triste, encore une fois elle était désireuse d’y remédier. Encore une fois, elle n’avait aucune idée quant à la manière dont elle devrait s’y prendre.
« Je vais bien, ne t’en fais pas. »
D’un bref signe de tête, il lui intima de le suivre à travers les rues silencieuses et désertes. Ils s’aventurèrent alors à travers le village tranquille, sans venir perturber le silence environnant. Ce n’était pas vraiment de la gêne, mais plus un respect mutuel : chacun attendait poliment que l’autre démarre une conversation, quelle qu’elle soit. Ils atteignirent bientôt ce qui s’apparentait à une place de moindre importance du village. Une fontaine simple y trônait. Le clapotis de l’eau venait ici enrichir le silence. Il y avait indéniablement dans ce bruit léger quelque chose d’apaisant. Les effets de l’eau sur le corps humain, une valeur sûre. Naruto s’en approcha et s’assit tranquillement sur le rebord, observant la brune venir le rejoindre, hésitante. Il était inutile pour eux d’aller plus loin.
« Il y a sûrement tout un tas de choses que tu voudrais savoir, non ? demanda-t-il, en tournant le visage vers la jeune femme. - Il y a tellement de choses, commença la brune, je ne sais pas par quoi commencer. - Généralement, on va au plus simple, répliqua-t-il avec un léger sourire. - Pourquoi es-tu parti, pourquoi as-tu quitté si soudainement le village ? »
Il marqua un temps de silence avant de répondre. Peut-être cherchait-il ses mots Peut-être ne voulait-il tout simplement pas répondre ? Ses sourcils s’étaient légèrement froncés ; c’était, chez lui comme chez le commun des mortels, un signe de réflexion. Elle n’aurait peut-être pas dû demander.
« J’avais dans l’idée que m’éloigner du village éloignerait également mes détracteurs. Malheureusement, ça n’a pas duré bien longtemps. Mais ça m’a permis de devenir Anbu, alors, on ne peut pas vraiment considérer ça comme du temps perdu, ajouta-t-il sur un ton plus léger. »
Un simple regard suffisait pour éluder toute autre question sur le sujet. Elle aurait dû, en tant que bonne citoyenne, manifester des signes d’inquiétudes, enchérir par une multitude de questions inutiles, mais elle n’en ressentait aucune envie. Il y avait plus important à savoir.
« Qu’est-ce qui t’a retenu, avec Jiraya ? - Au moment où nous étions supposés revenir au village, nous avons été trouvés par l’Akatsuki. Après les… les évènements, j’ai nécessité un certain temps pour ma convalescence, et j’ai poursuivi l’entraînement. - Tu as… poursuivi l’entraînement ? - Oui, c’est une histoire plutôt intéressante, si on oublie son contexte. Je te raconterai plus en détail, ce n’est pas vraiment le meilleur endroit… - Depuis quand… depuis quand es-tu intéressé par moi ? »
Son regard se releva lentement sur son visage, s’empara de ses yeux de nacre avec une vigueur qui la prit au dépourvu. Elle se contenta de soutenir son regard. Elle n’avait, de mémoire, jamais connu un regard aussi intensément expressif. Chez elle, les regards se faisaient vides, ternes et semblaient appartenir à des morts dont le cœur aurait été depuis longtemps arraché. Ce regard-là était différent, il était l’exact opposé de ceux qu’elle côtoyait habituellement. Elle s’en sentait indubitablement attirée ; en cet instant même, elle serait incapable de détourner le sien. Elle ne saurait dire qu’elle se plongeait volontiers dans ces deux océans infinis – proférer de telles absurdités ne contribuerait certainement pas à son image – mais, si la comparaison était inévitable, sans doute s’y noyait-elle sans peine : une telle mort était envieuse, tant elle était plaisante.
« Je ne saurais même pas répondre à ça, répliqua-t-il avec un léger rire. Des mois, des années, peut-être même des décennies… - C’est plutôt une réponse qui devrait venir de moi, ça… murmura-t-elle, juste assez haut pour se faire entendre.
- Je t’ai fait souffrir, j’en ai bien conscience. J’ai été stupide, toujours bien trop stupide pour pouvoir te remarquer. Aujourd’hui je te vois, et je regrette de ne pas t’avoir vue plus tôt. - C’est ma faute, ça a toujours été ma faute, pas la tienne, Naruto. »
Les deux se turent, laissant le léger clapotis de l’eau qui s’écoulait dans le bassin se faire entendre à nouveau et raisonner légèrement dans leurs crânes, les faisant tous deux vibrer de sa douce mélodie réconfortante. C’était sa faute, ça l’avait toujours été, et il n’avait pas à porter ce fardeau-là. C’était elle qui était bien trop timide, elle qui ne se faisait jamais remarquer où qu’elle aille, elle qui était toujours bien trop discrète et effacée. S’il n’avait pu la voir, elle était la seule à blâmer. Le destin semblait avoir voulu se faire rempart à leur relation : lui avait été bien trop insouciant pour l’apercevoir, elle bien trop timide pour se dévoiler à lui. Comment alors auraient-ils pu jamais se remarquer mutuellement, échanger ? C’était là tout le tragique lié aux âmes opposées : Les approches sont pour elles une manœuvre quasiment impossible sans un astucieux coup du sort. Cruel destin.
« Alors ça vient peut-être de nous deux, enchaîna-t-il. - On peut encore rattraper le temps perdu, proposa-t-elle. - C’est vrai, on peut encore. »
Naruto releva lentement la tête, pour lui présenter son visage sans plus aucune dissimulation. Son air avait changé. Le temps des questions et des discussions légères était suspendu.
« Tu sais, tu peux encore tout arrêter, faire marche arrière et rester ici. Je ne t’en voudrais pas. - Je sais, mais je suis là, alors autant continuer. - Tu es bien sûre de ta décision ? - Oui. - Très bien, alors suis-moi. La route est longue, et il se fait tard. »
***
Le lion rouge avançait dans un silence parfait à travers les massifs rocheux désertiques qui peuplaient le paysage. A perte de vue, ce n’était que roc, terre et montagne. Seuls, perdus au loin, quelques arbres se faisaient voir, prémices d’une forêt immense. Il était passablement étrange qu’il se fût réfugié ici. Ici plus qu’ailleurs, on semblait être constamment à découvert et constituer une proie facile tout le long de notre présence en ces vastes étendues de roc. Cet endroit ne lui plaisait pas. Il se sentait terriblement vulnérable ici, perdu comme il l’était au milieu de ce désert rocailleux.
Il continua d’avancer. Ce simple sentiment l’assurait de son rapprochement grandissant du but qu’il avait à accomplir. Ces massifs rocheux, c’était exactement ce qu’on avait bien daigné lui décrire. Son entretien avec elle avait été d’une vitesse inouïe, si l’on en considérait l’importance fondamentale. Oh, bien sûr, il en connaissait parfaitement les raisons. Il l’avait vue se déplacer à travers les rues du village endormi, au moment où il était parti comme un fuyard par cette fenêtre qui semblait bien plus jouer un rôle d’entrée que de simple ouverture sur l’extérieur. Mais il s’égarait, sa mission devait occuper pleinement et entièrement son esprit, et il ne pouvait se préoccuper de choses qui en cet instant n’étaient que de simples futilités. Ce n’était de toute façon pas son affaire. Tout du moins pas encore…
A partir de là, sa destination lui demeurait inconnue. Jusqu’à cet instant, il avait eu un point à rallier, une destination parfaitement définie qu’il devait se contenter de rejoindre au plus vite. Maintenant qu’il l’avait rejointe, il devait chercher. C’était une tâche bien plus complexe ; cela demandait une quantité non négligeable d’ingéniosité et d’initiative. Certains soldats en manquaient cruellement. Lui, qui avait été mandé pour ce but, n’en souffrait aucun manque.
Dans son cas, mieux valait ratisser large. Cinq de ses doubles se dispersèrent si vite qu’ils furent perdus au loin en à peine quelques secondes. Il n’y avait qu’un seul et unique endroit pour se dissimuler ici : en dessous. Il était donc fort probable que se sous ses pieds se tenait quelque part un réseau complexe de salles directement taillées dans la roche. L’entrée devait bien se trouver quelque part et il comptait bien la trouver. Il trouvait toujours.
***
Un léger bruit se faufila jusqu’à ses oreilles. Si infime avait-il pu être, il avait tout de même été suffisamment sonore pour être parfaitement accessible à son ouïe de renard. Il en avait su la provenance dès l’instant où ce son lui était parvenu. Bien sûr, cela n’exigeait pas des facultés mentales extraordinaires. Peu de choses bougeaient, au sein de cette maison. Tout s’y obstinait au contraire à demeurer dans l’immobilité la plus parfaite. Il détestait ça, il détestait cette impression de mort qui en émanait, cette fixité permanente qui semblait provenir de la forêt tout entière. Il ne pouvait cependant pas en nier les avantages. Mais il s’égarait. Il y avait mieux à faire que de se perdre dans des tergiversations mentales toutes aussi utiles que la bonne conscience. Elle descendait déjà les escaliers. Vite, relever le regard, avoir l’air cool. Il avait appréhendé ce moment dès l’instant où il avait ouvert les yeux, aux premières lueurs de l’aube. C’était un sentiment nouveau pour lui que cette gêne insoutenable qu’il ne parvenait pas à comprendre.
Finalement, elle lui apparut, des pieds à la tête tandis qu’elle descendait l’escalier de bois avec une infinie lenteur. Le temps semblait s’être ralenti et la jeune femme demeurait des heures sur cet escalier tandis qu’elle en descendait les marches interminables. Tous deux s’observèrent, alors qu’elle se trouvait au bas des escaliers, sans un mot, avant qu’elle ne le rejoigne et s’installe face à lui. Il avait toujours pensé que ce serait simple ; il s’était toujours imaginé que tout découlerait naturellement, une fois qu’ils seraient ici. Sa méconnaissance ne rendait ses lacunes que plus douloureuses. Il devait parler, là, maintenant, comme il l’avait toujours su faire depuis sa naissance. Il n’éprouvait même aucune appréhension au fait de parler ; seulement, il se trouvait incapable de formuler la moindre phrase, justement parce qu’il ne savait pas quelle phrase formuler, parce qu’il ne parvenait même plus à trouver ses mots. Sortant de son supposé quotidien, Hinata fit le premier pas.
« C’est étrange, n’est-ce pas ?
- Ca diffère un peu de ce que je m’étais imaginé.
- En effet, c’est souvent le cas.
- Tu as bien dormi, au moins ?
- Oui, même si j’avais espéré mieux…dit-elle à voix basse, le teint rosâtre.
- Tu es mon élève, tu te rappelles ?
- Oui, sensei, s’amusa-t-elle, dans un rire cristallin.
- Le maître t’attendra dehors, répliqua-t-il avec un léger sourire. Prépare-toi. »
Au dehors, l’astre peinait à surplomber la cime des arbres immenses des profondes forêts entourant le village militaire. Une clairière se tenait non loin ; il le savait, c’était lui-même qui l’avait créée, à force de coups de poings répétés sur des arbres pourtant innocents et bénéfiques. Dès qu’il se fut immiscé parmi les pins et les cèdres, les bruits propres aux forêts de cette envergure lui parvinrent. Des oiseaux qui gazouillaient au-dessus de sa tête, quelques cris bestiaux qui venaient de temps à autres perturber le silence léger qui peinait à régner, des coups secs soudainement martelés au sol de manière tout autant aléatoire, galops de ces mêmes bêtes qui quelques temps avant hurlaient des paroles incompréhensibles. Malgré tous les sons supposément apaisants qui lui parvenaient aux oreilles, il ne pouvait se retirer cette sensation étrange, ce malaise puissant qui prenait source au creux de son estomac et remontait jusqu’à sa gorge, de manière si abrupte qu’il en aurait peur de recracher ses boyaux.
C’était pourtant le mieux à faire. A cause de lui, uniquement par sa naissance, elle, ainsi que tous les autres, seraient prochainement confrontés à ces mêmes horreurs qu’il avait lui-même affrontées. On ne peut jamais savoir comment l’on réagira face à cette sournoise et sinistre cruauté avant d’y avoir réellement été confronté. Pourquoi devait-il faire cela ? Comment le monde avait-il pu tourner ainsi ? N’auraient-ils pas pu évoluer ? N’y avait-il pas une autre étape aux sociétés militaires, un autre moyen de pourvoir à ce qui leur avait toujours cruellement fait défaut ? Aujourd’hui, tout le monde voulait être soldat, on glorifiait les héros de guerre, on glorifiait ceux qui avaient survécu. Le pouvoir était pleinement militaire. Le contrôle n’était pas assuré par quelques seigneurs fous et persuadés de leur supériorité, mais par ces chefs, eux-mêmes combattants, qui acceptaient de rendre des comptes illusoires pour mieux diriger dans l’ombre. Et lui, dans tout cela, n’avait jamais été qu’un atout tactique. Il était réceptacle avant même d’être humain. Ces mots-là n’étaient pas de lui et jamais il ne pourrait les retirer de son mental. Naruto ferma les yeux de manière forcenée, comme s’il tentait d’échapper à une vision gênante qu’il ne souhaitait plus remarquer. Il ne pouvait plus retourner en arrière. C’était le mieux à faire, ça ne pouvait qu’être le mieux à faire.
« Tu sembles perturbé, demanda une voix, très sensiblement inquiète.
- Je songeais à l’avenir. Et ce n’est pas très plaisant. Tu es prête ? demanda-t-il alors, pour éluder de potentielles questions inutiles.
- Oui.
- Alors commençons. »
Il ne perdit pas un seul instant, et se retourna sans aucune mesure de prévention. Quel que soit l’avenir, elle devrait être suffisamment forte. Non, ils devraient être suffisamment forts, car ils restaient tous deux incroyablement faibles. Naruto s’élança et porta un premier coup vers la jeune femme. Sans grande surprise, il se vit paré. La jeune femme tenta de le bloquer, sans le moindre succès. Il ne lui fallait guère d’effort pour se libérer de son emprise et, avant même qu’elle put comprendre la situation, il attaquait à nouveau. Aucun signe ne fut effectué, aucune goutte de chakra ne fut épuisée au cours de ce combat. Il fallait s’accomplir en tant qu’homme, avant de pouvoir véritablement s’accomplir en tant que shinobi. Et tandis qu’il l’affrontait, Naruto la jaugeait. Il prenait pleine conscience de ses capacités. Ici, une lenteur bien trop prononcée au niveau du bras gauche, une faiblesse aisément exploitable pour un adversaire confirmé ; ou encore là, quelques imprécisions d’équilibre qui la rendaient facile à neutraliser. Il ne s’en priva pas ; un efficace balayage de sa jambe, et la jeune femme tombait au sol, déconfite. Déjà tentait-elle de se relever, qu’il plongeait au sol, et la maîtrisait sans le moindre mal, la laissant ainsi inapte à une quelconque tentative de revirement de la situation déjà fatale pour la piètre combattante.
« Là, tu viens juste de mourir, lui susurra-t-il doucement, à l’oreille. »
Les deux s’observèrent quelques instants, et, à son plus grand étonnement, il vit son regard qui manifestait un amusement qu’il était tout à fait incapable de saisir. Il la contempla, étonné, et légèrement perdu.
« Toi aussi, je te ferais remarquer. As-tu pour habitude de te jeter sur des ennemis probablement armés lorsqu’ils sont au sol ? »
Il la contempla, figé, l’espace de quelques secondes. Puis, prenant exemple sur la jeune femme, il sourit à son tour.
« Non, seulement avec toi.
- Tu es mon sensei, tu te rappelles ?
- Mon supérieur est suffisamment loin pour que je n’aie pas à m’en soucier, rétorqua-t-il avec un sourire provocant.
- Le mien…est juste là, murmura-t-elle. Mais j’ai peur qu’il parte à nouveau… »
Il la contempla, longuement, plongea dans son regard jusqu’à s’y perdre. On avait beau le dire intelligent, il ne pouvait cesser de se considérer comme incroyablement stupide. Naruto Uzumaki, l’homme trop sourd pour entendre les appels de détresse d’une jeune femme, trop aveugle pour remarquer une déesse, lorsque celle-ci se trouvait juste devant ses yeux. Il avait été trop occupé à afficher ses faux airs gais pour pouvoir s’intéresser à ceux qui l’entouraient, il avait été trop occupé à rechercher une vaine reconnaissance pour pouvoir constater que quelqu’un le reconnaissait déjà pleinement et, mieux encore, l’aimait comme personne ne l’avait jamais aimé depuis ces deux êtres qui avaient été voués à la mort et ce grand homme qu’on lui avait arraché. Mais à présent, il avait entendu ses appels, à présent, il avait remarqué sa beauté. A présent, ils étaient ensemble. Alors tout irait bien ; à partir de maintenant, tout irait bien. Oui, il en était persuadé… Lentement, il roula sur le côté et demeura ainsi, étendu sur le sol de la clairière en compagnie d’une présence qu’il savait apaisante.
« Tu as un bien mauvais équilibre, commença-t-il, les yeux clos. Tu te reposes bien trop sur tes coups droits, comme ton équilibre tend trop vers la droite. C’est un défaut courant, on se repose bien trop sur sa main première, et le reste du corps accompagne.
- Comment y remédier ?
- Ça, ce sont mes soucis. Mais j’ai quelques idées qui pourraient bien se révéler concluantes. Une fois que je te jugerai suffisamment compétente, nous entamerons le ninjutsu.
- Suffisamment compétente ? demanda-t-elle, relevant une paupière interrogatrice.
- Lorsque tu pourras me renvoyer jusque dans mes derniers retranchements.
- Je croyais que j’étais venue pour être Anbu.
- C’est vrai, mais puisque tu es là, autant s’assurer que tu puisses survivre. Et, malheureusement pour nous, les personnes qui vont bientôt venir à notre porte nécessiteront plus que de simples Anbus pour être menacées. »
***
Le lion abattit son poing sur une roche qu’il avait jugée suspecte. Et celle-ci s’effondra, découvrant un passage souterrain qui lui tira un léger sourire de satisfaction. Là, juste devant ses pas, se tenait un rectangle parfait découpé à même le sol, qui laissait découvrir des escaliers dont les marches étaient parfaitement semblables, dénotant particulièrement avec le reste du décor, un enchevêtrement de pics rocheux à la disposition purement hasardeuse. L’homme qu’il cherchait était méticuleux, il ne faisait alors plus aucun doute que ceci se présentait comme sa tanière. Le lion s’arrêta, et demeura immobile, le regard pensif. Il ne pouvait plus agir comme il l’avait fait, il ne pouvait plus se permettre les vieilles habitudes que l’on prenait lors d’un simple trajet. A la seconde où ses pas fouleraient les escaliers de pierre, il serait en terrain découvert, et sans doute savaient-ils déjà qu’il se trouvait ici. Cependant, il ne s’en souciait que peu. Il n’avait de toute façon pas prévu de rester discret bien longtemps.
Comme à son habitude, le maître des lieux avait structuré son palace en de longs couloirs rectilignes outrageusement hauts de plafond, dont le but certain était de conforter les potentiels visiteurs indésirables dans un sentiment oppressant et terrassant de claustrophobie. Un autre élément notable de ces couloirs était le fulgurant nombre de portes qui les composaient. Pas un seul pan de mur n’en était dépourvu, et quelle que soit la direction où se portât notre regard, il y en avait toujours une myriade qui s’y imposait. On ne pouvait alors plus douter que le seul but de ces portes était de nous plonger dans un profond sentiment de confusion, jusqu’à ce que nous en perdions nos moindres repères. Et pour finir, l’obscurité omniprésente, un fondamental de la déstructuration psychologique. Il semblait purement outrageux qu’une telle quantité de torches ne puisse offrir une lumière un rien plus vive. Elles étaient là, parfaitement alignées, à la manière des portes sombres, sans qu’aucun écart ne variât entre deux de ces satanés flambeaux. Et pourtant, il faisait si noir dans ces cachots qu’il peinait à voir le bout de quoique ce soit. Il n’y avait, où qu’il regardât, que les ténèbres, profondes, puissantes, enivrantes.
Mais le lion ne s’en formalisa pas outre mesure et entama son avancée. Ici, pourtant, il avançait bien moins vite que dehors. Chacun de ses pas était précautionneusement mesuré, chacune de ses avancées ne se faisait qu’aux moyens de nombreuses scrutations visuelles, de nombreux mouvements de tête qui tordaient son cou jusqu’aux fatales frictions, d’attentions auditives quasi-constantes et de réguliers mouvements vers les poches d’armes de son modeste équipement. Il devait avoir constamment à l’esprit que chaque parcelle de mur pouvait se révéler dangereuse, que chaque dalle du sol pouvait dissimuler un piège mortel, et que derrière chaque porte pouvaient se trouver des ennemis redoutables. Mais il avançait, encore, et encore, et rien de ce qu’il redoutait tant ne se produisit. Cette absence de vie, ce manque total de réactivité défensive de ces lieux qu’il profanait pourtant ouvertement de sa simple présence l’effrayant à un point tel qu’il peinerait à le décrire pleinement. Parce qu’il ne pouvait y avoir que deux explications raisonnablement logiques à ce phénomène hautement inquiétant. Soit il n’y avait effectivement plus âme qui vive en ce lieux, et, bien qu’hors de danger, son objectif se solderait alors inéluctablement par un échec, ce qui, rappelons-le, était intolérable, soit il était un visiteur annoncé. Et se savoir attendu et démuni n’était pas une des choses qu’il pouvait considérer des plus enchanteresses.
Il avança, encore et encore, se déplaçant prudemment pour prévenir d’éventuels pièges et attaques dont le succès lui seraient très certainement fatal. Il traversa bon nombre de couloirs, inspecta une quantité incalculable de pièces obscures et inquiétantes, trouva quelques pièges disgracieusement dissimulés, constata que bon nombre des portes présentes, comme il l’avait envisagé plus tôt, ne se trouvaient être que de simples leurres destinés à confondre l’ennemi, redouta encore quelques temps de tomber sur de terribles ennemis qui au final ne lui parvinrent jamais, eu l’immense privilège d’observer des cadavres décrépis et décomposés aux trois-quarts, et finit par découvrir une immense et large double-porte, dont la démesure ne pouvait que le confirmer dans ses craintes d’y trouver derrière son but. Bien sûr, demeurer bêtement face à cette porte ne lui serait d’aucune utilité, c’est pourquoi il s’empressa d’ouvrir ces deux immenses remparts à sa prochaine fortune, d’un coup parfaitement équilibré qui en usa les gonds.
Les deux larges plaques métalliques frappèrent contre le mur, dans un craquement terrible qui laissait croire que leur utilisation en était à jamais révolue. Une vaste salle, comme il s’y était attendu. Et, comme dans une scène cinématographique d’une qualité si médiocre que sa seule existence en était une insulte à toute l’industrie, un homme unique se trouvait là, à quelques pas du centre exact de la pièce. Les deux se toisèrent, dans un silence profond, le regard provocateur. Le lion détailla rapidement ses traits. Il ne s’agissait aucunement de sa cible. L’évidence était implacable : il arrivait trop tard.
« Vous perdez votre temps, ils sont déjà partis.
- Depuis combien de temps ?
- Quelques heures, tout au plus.
- Est-ce ma présence ici qui les a fait fuir ?
- Aucunement, nous ne savions pas que vous étiez là avant que vous ne vous révéliez à moi en fracassant l’entrée. Vous avez des méthodes plutôt brutales, à Konoha. »
Sur son visage trônait cet horrible et intolérable sourire profondément narquois, empli d’une assurance aveugle de leur victoire et de leur domination sur sa modeste personne. Ses yeux étaient rieurs, et le toisaient d’une hauteur parfaitement illogique en considération de sa hauteur qui n’égalait en rien la sienne. C’était toute sa personne qui le regardait de haut. Cet homme se révélait en cet instant exemplaire de tout ce qu’il détestait chez ces truands de bas-étage. Leur arrogance naïve et leurs convictions aveugles les rendaient particulièrement détestables pour le lion rouge de Konoha. Ces hommes qui ne semblaient jamais savoir où se trouvait leur place, qui jouaient aux grands alors même que de ceux qu’ils tentaient vainement d’imiter, ils n’avaient absolument rien.
« Vous ne les saisirez jamais, ils parviendront toujours à vous échapper. Vous ne les égalerez jamais. Vous avez perdu, encore, et vous perdrez, tant que vous vous confronterez à ceux-là. Vous ne pourrez jamais les réduire au silence.
- C’est ce que nous verrons. »
L’espace de quelques instants, le regard du lion étincela, d’une lueur rougeâtre et terriblement inquiétante. Il n’avait eu, en cet instant, plus rien qui pût le rattacher à son humanité. Il était devenu un prédateur, il était devenu un lion, ce même lion empourpré d’un pelage carmin que l’on avait jadis dépeint sur le masque de cire qui lui avait été remis.
« Enfin, je crains qu’en ce qui te concerne, tu ne sois bientôt plus capable de voir quoi que ce soit. »
L’homme recula, très sensiblement effrayé. Et tandis qu’il tentait vainement de fuir, pas à pas, trop effrayé pour se retourner et courir, le lion s’avança avec la même lenteur, avec ce même air fiché sur le visage, l’air de ce prédateur fatalement terrible qu’il incarnait à présent. Aucune expression faciale ne parcourait les traits de son visage, aucun rictus ne venait étirer ses lèvres, aucune lueur n’émanait de ses pupilles, et toute sa frayeur venait précisément de là. Il avança plus vivement, de plus en plus, et finit par entamer une course sereine vers sa proie désemparée. Avec la finesse d’un félin, il plongea sa main jusqu’à une de ses poches armées et en retira une dague, finement taillée dans un métal sombre, gravée aux symboles étranges représentant la feuille légendaire. Et, dans un ultime saut, à quelques pas à peine de sa proie devenue immobile de frayeur, les yeux révulsés, il enfonça sa lame dans ce buste accueillant, qui se teinta immédiatement de rouge, tandis que les deux hommes retombaient mollement au sol, sans qu’aucun son ne vienne perturber le silence vénérable qui s’était de nouveau installé. Et l’homme expira son dernier souffle, les yeux exorbités, étendu dans le sol de cette caverne silencieuse dans une position étrange, oublié à jamais, éradiqué de l’histoire comme on raturerait une ligne disgracieuse.
Le lion se releva avec calme et sérénité, si bien que l’on pût penser que ce qui venait tout juste de se produire n’était pour lui que quotidienne habitude. Il observa l’homme mort étendu au sol, et se remémora ses paroles, emplies de cette fierté horripilante. Non, il n’avait pas échoué. Lui, ni tous les autres n’échoueraient pas et finiraient inéluctablement par accomplir leurs objectifs. Non, définitivement, cet homme se trompait. Il était semblable à tous les autres. Lui avait tué bien plus que lui, il connaissait bien mieux ces choses-là. Et il y avait cela de bien aux contrats d’assassinat que l’on ne pouvait jamais échouer sa mission, tant qu’on pouvait la perpétuer. Chaque tentative ratée ne pouvait alors être considérée comme un échec. Il ne s’agissait, en réalité, que d’un simple report de mission. Et il reporterait sa mission, autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que la tête du serpent repose entre ses mains.
Voilà, vous avez maintenant de bonnes indications sur les évènements à venir. Ou alors tout ça n'est qu'une ruse de ma part pour mieux vous tromper ? Qui sait ? J'espère en tout cas que vous appréciez toujours, personnellement je suis toujours enchanté de recevoir des retours positifs sur ce que j'écris, et c'est en grande partie ce qui me motive à persévérer. Je vous laisse retourner à vos occupations et vous dis à la prochaine, en espérant bien sûr de vous retrouver bientôt !