Fiction: Douce souffrance qu'est l'absence. (terminée)

"Le début de l'absence est comme la fin de la vie". Et lorsque l'amour est parti, le bonheur s'est tarit, les sentiments détruits ne suffisent plus à la vie. "L'absence est un arsenic : Peu il fortifie l'amour, beaucoup il le tue". Et lorsque le coeur se désagrège, vide de sens, le dernier remède, l'ultime solution résonne comme une symphonie, un ballet où le silence joue ses notes macabres.
Classé: -16D | Drame / Tragédie | Mots: 2171 | Comments: 5 | Favs: 6
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Beverlyy (Féminin), le 27/02/2011
Ne prenez pas ce One shot comme quelque chose de travaillé, peaufiné. Ce n'est qu'une pierre à l'état brut, résultat d'improvisation et de mélancolie d'une auteur qui a un coup de blues.

L'absence a toujours été le pire des maux, car même la mort a su en faire son mot d'ordre. Absence du proche, de l'être aimé et de tout cet amour que l'on portait. Tout cela, l'on y pense certainement, et pour s'en détourner, on préfère sombrer dans l'oubli. Je n'en dis pas plus.

Bonne lecture.




Chapitre 1: Douce souffrance qu'est l'absence



Il faisait frais cette nuit-là. Je le sais, puisque je n'ai pas pu rentrer jusqu'à mon domicile. La nuit était douce, le vent glacé, les gens pressés... J'ai pris mon temps. Étais-je dans l'incapacité d'aller plus vite ? Je le crois bien.

Mes jambes étaient lourdes, mes pas irréguliers. J'étais comme sourde, comme partiellement aveuglée. Mes cheveux s'agitaient au gré du vent, l'effet en aurait été beau, là il n'y avait rien de charmant. Mes épaules nues ne pouvaient réprimer un frisson, au fur et à mesure que je longeais bâtiments et maisons. Mes mains se tordaient convulsivement, mes doigts étaient pris de tremblements. Ma gorge était nouée, j'étais dans l'incapacité de respirer. A force de larmes déversées, mon maquillage avait coulé. J'imaginais mon visage à chaque avancées, comme le vestige de mon ancienne beauté. Ma tête était un refuge à douleurs... Mais le plus touché, je crois, était mon coeur.

Il battait. Faiblement. Je le sentais, sans le sentir. Il mourrait, sans mourir. Il continuait son activité, vide de sens. Un gouffre immense... Il ne restait plus que du vide.
Je ne ressentais plus rien. Rien du tout.
Si mon coeur avait pu se décomposer dans l'instant, s'effriter, s'évaporer, cela n'aurait rien changé. Rien du tout.
Je ne voulais plus rire, je ne voulais plus pleurer. A rire du pire, je continuais de pleurer. Cela ne changeait rien. Rien du tout.
J'ai cru déceler la haine, la rage au plus profond de moi. La haine était trop douce, la rage trop faible, le désespoir trop grand. Et il ne restait plus rien. Rien du tout.

L'obscurité ne m'inspirait plus. Le froid ne m'affectait plus. Mon esprit s'était perdu. Mes émotions disparues.

Qui suis-je ? Je ne m'en souvenais plus. Et cette question revenait, sans que je puisse y répondre. Je savais qui j'étais... Sans le savoir. Puisque sans lui... Je n'étais plus moi.

Étais-je devenue folle ? Folle de désirer que l'on me console ? Folle de vivre le coeur vide ? Folle de rester si placide ? Oui, je l'étais. Sans doute. Qu'importe. Il savait mieux que quiconque panser mes blessures, même celles qui trouvaient refuge dans mon passé. Il maintenait mon coeur lourd de tendresse, mon avenir plein de promesses. Il était le pilier de mon existence, l'essentiel de la fondation, il me maintenait debout, comme une colonne maintient la maison. Il savait mes goûts et mes préférences, il savait tout, toujours tout à l'avance. Il anticipait mes désirs les plus secrets, mes envies et mes souhaits. Et mince, il était celui-là... L'homme que j'aimais.

Et maintenant ? Je ne savais pas répondre à cette question. Comment aurais-je pu ? Avec un coeur inutile, un réceptacle qui ne contenait plus le moindre sentiment. Ce faible bagage superfétatoire qui m'encombrait de légèreté, de futilité. Et ces larmes si lourdes qui s'échappaient, emportant une petite émotion supplémentaire, laissant échapper le peu que je pensais encore ressentir. Mais rien n'y faisait, rien du tout. Le vide s'imposait, encore et encore. Toujours un peu plus fort.

J'aurais voulu mourir sur place. Que l'on me glace, comme ce coeur gelé, que l'on me brûle comme la passion chaleureuse qui s'en était allée, que l'on me noie... Dans un océan de souvenirs. Je perdais pieds en revoyant son visage. Je coulais en me souvenant de ses baisers. Je sombrais en me remémorant l'amour échangé, les promesses partagées, les paroles prononcées... Je ne voulais plus remonter à la surface. Je ne voyais pas sa main vigoureuse, son sourire apaisant, je ne voyais pas d'issue... Je n'en voyais aucune. Je ne voyais aucun sauvetage, aucun espoir, aucune espérance possible... Sans lui, la lumière n'était plus. Ma passion éteinte, ma poitrine froide et aucun battement pour raviver mon corps.

Et je continuais mon chemin... Car je savais où aller.

"Et l'absence de l'être aimé, quelque peu qu'elle dure, a déjà trop durée". Il y a deux jours, j'étais heureuse. Il y a deux jours, j'étais encore rêveuse. Deux jours ont passé et entre-temps, un cauchemar m'a réveillée. Mes songes se sont enfuis, et mon bonheur, la source de mon bonheur, s'est tarie. Comment puis-je comprendre ? Tout était arrivé si vite... Et pas une seule de ces foutues étoiles ne brillaient à mes yeux ce soir-là. Je cherchais désespérément ton signe, celui qui me dirait que tout cela est bien réel. Je ne savais plus démêler le vrai du faux, mon esprit était à l'agonie et mes larmes avaient brouillé le chemin que je prenais. Une brume... un voile de malheur s'était posé sur ce qu'il me restait de coeur. Cette pierre insensible et si lourde, qui appuyait sur ma cage thoracique et me donnait l'impression de tomber à chaque pulsation, comme pour appuyer sur mon ventre. Un noeud me serrait, la nausée me prit. Je déversais cette régurgitation, étouffant un cri alors que mes larmes se mêlaient à la substance répandue. La douleur m'enserra encore plus au fur et à mesure que mes pleurs se mêlaient aux vomissures. Le sang se déversa parmi la nappe qui grandissait sur l'herbe fraîche et alors je vis ce visage.

Comme un mauvais masque maculé de sang, je voyais les contours de ce faciès que j'aimais à toucher. Cette peau que j'avais embrassé il y a deux jours, ce sourire qui m'avait rassuré, cette porte qui avait claqué... Mais qui ne se rouvrirait plus jamais. Ta main ne frôlera plus jamais la mienne, ton rire ne me bercera plus qu'en songe, ton coeur ne battra plus au rythme du mien... Et une larme se décrocha, brouillant ces pensées douloureuses une nouvelle fois.

J'avais envie d'hurler, mais rien n'y faisait. La douleur empêchait tout son et déversait encore et toujours un flot de misère. Peu importe quelle ardeur j'y mettais, la force m'avait quittée comme l'amour m'avait délaissée. Et je m'étais assise ici, sur cette étendue sombre où le coucher de soleil ne suffisait plus à produire une once d'éclat sur l'herbe tendre, résignée à attendre ton retour. Je savais éperdument que cet espoir était vain, moi-même je n'étais pas allée au bout du chemin. Devrais-je vivre avec cette douleur immonde ? Ces blessures profondes ? La rage qui gronde ? Mes pensées vagabondes ? Ton absence si longue... si longue, dont l'éternité même ne saurait l'égaler...

Aucune de mes plaintes, aucune de mes larmes ne te parviendrons. J'en étais consciente, et mon coeur ne se fit que plus lourd. Et je sentais en moi le désespoir le plus total... Là où la vie pourtant commençait. J'avais un espoir en moi, l'espoir déchu d'avoir une part de toi qui vivrait encore au delà de la mort. J'avais promis que notre amour saurait passer toutes les épreuves... Mais comment faire lorsque l'amour ne peut plus se conjuguer à deux ? La promesse d'être toujours en moi, près de moi... Comment pouvais-je encore continuer sans que ce serment ne tienne toujours ? J'avais juré à haute voix et aucune âme ne put en être témoin. Je demandais pardon pour mon égoïsme, celui de vouloir tant être à tes côtés à tout jamais. Ce souhait irréalisable preuve de ma vanité, ingratitude d'amour.

Et mes mains se posèrent sur mon ventre arrondi où mon coeur se consumait tandis que le fruit de notre amour grandissait. Il prenait la place de mon âme, me permettant encore de percevoir le monde. Et les larmes se bousculèrent avant de se poser sur le tissu protecteur, recouvrant ce présent, ton dernier présent... Cette parcelle d'amour en moi, ce lien avec ton esprit, cette petite part de toi... Cet infime cordon qui me retenait au bord du précipice où je ne demandais qu'à me laisser tomber, une chute infinie qui se métamorphoserai en ténèbres sans fins...

J'étais à la fin, je le savais. La fin d'une vie... Une page qui se tourne sans même que l'histoire ne se termine. Et les pages dansaient... Sans que je ne puisse les arrêter. Le dénouement approchait, et je le savais. Doucement, un souffle... Un murmure... Mais il était trop tard. Un bruissement... Mais tout cela m'était égal. La lune s'éveilla, effaçant les derniers rayons de l'astre flamboyant et faisant apparaître l'argent éclatant d'une nuit bordée d'étoiles. La symphonie mélancolique de l'eau qui s'écoule était parvenue jusqu'à moi et m'invitait à voyager sur le pathétique radeau des enfers. Le royaume du silence m'avait convié à rejoindre l'amour... Celui qui s'en était retourné au néant... Laissant mon âme dénuée de couleur, où l'austérité avait délogé toute chaleur.

Mes jambes me portaient de nouveau et je me relevai... Péniblement, ma robe imprégnée de bruine qui claquait au gré du vent. Zéphir soufflait, calmement, puissamment, jusqu'à épuisement. La brume se souleva, m'indiquant une voie... Tracée. Devant moi. Une bille. Un point. Une agate lumineuse dansait. Au loin. Et m'attendait... Comme si il m'avait entendu. Finalement... Il m'attendait. Il ne partirait pas... Pas sans moi. J'agrippais mon habit, comme pour enserrer la douleur qui me taraudait... Faire taire ce chuchotement qui me détournait... C'était tout droit... Et je le savais.

J'avançais avec peine, lenteur. Un de mes escarpins se trouva prisonnier du sol meuble... Et je continuais d'avancer. Mes cheveux s'entortillaient, formaient des serpentins de boucles brunes, alors que le vent y déposait quelques baisers glacials... Et je continuais d'avancer. Mon ventre se fit plus léger... Mon coeur avait donc fini sa décomposition, et plus rien.. Non plus rien ne m'empêchait d'aligner mes pas, d'aller droit devant... Alors je continuais d'avancer. Ce murmure continuait, mais je l'ignorais. Il chuchotait, je n'écoutais plus. Il se fit plus fort que je ne le méprisais de plus belle. La forme dansait, elle éclairait mon visage et mon regard la suivait... J'apercevais l'horizon, le cobalt mêlé au pigment du bleu de minuit et ne vit plus que le reflet lorsqu'un dernier souffle me fit basculer. Le clapotement de l'eau... Puis plus rien. Rien du tout.

Mon corps fut enveloppé d'un rideau inconsistant qui m'assena sur la peau, la sensation mordante des premières neiges. Ma vision était floue, mon esprit submergé. Les bulles s'élevèrent tandis que mes pieds cherchaient désespérément la terre. Je restais droite, sentant mes poumons se remplir. Ma bouche s'entrouvrit, laissant échapper quelques sphères d'oxygène... Le bleu profond se mêla au noir d'encre qui se posa sur mes iris tandis que mes paupières s'affaissèrent, laissant place au repos que je cherchais. Mon coeur était léger, je ne sentais plus la douleur que la vie m'assénait, le vent avait arrêté ses plaintes et la lune ne pouvait plus me voir... J'attendais son accueil tandis que mon coeur se remplissait, cherchant l'amour dans chaque flots que ma poitrine recevait. Mon esprit s'échappait peu à peu et le calme... Le silence... J'attendais...

...De partir à mon tour.

-VOUS... ÊTES... DINGUE !?

Une voix... je rêvais encore ? Ce n'était pas la sienne. Ce n'était pas la sienne. Pas du tout. Où étais-je ? Avais-je déjà atteint le fond ? M'étais-je noyé ? Où était passé le calme cristallin ? Où était mon... Silence ?

-VOUS ÊTES ENCEINTE BON DIEU !

J'ouvris les yeux.. Lentement. La lumière me parvint, une larme glissa sur ma joue... Encore une. Elle roula doucement, laissant un sillon brûlant sur ma joue glacée.

-KURENAI ! A QUOI PENSIEZ-VOUS !?

Ma gorge se noua et j'expulsais une gorgée d'eau claire. Les éclats de la lune se reflétaient sur ma peau détrempée, un frisson s'empara de mes bras nus et parcourut mes membres engourdis... Ma vue était devenue à peu près nette... Je distinguais une forme qui coupait la toile sombre du ciel endormi, baigné de la lueur d'argent. Le lac laissait encore entendre ses flots paisibles, les soupirs de l'azur profond. Je me relevais péniblement, cherchant la lueur qui devait me guider. Rien... Rien du tout... Elle m'avait quittée. Non... Il m'avait laissé... On m'avait réveillé... Des sanglots me revinrent... Ma léthargie n'avait été qu'éphémère... Et mes perles de malheur retombèrent.

-KURENAI ! DITES QUELQUE CHOSE BON SANG !

Il me parlait... Mais il ne criait pas. Il murmurait. Le même murmure... Que celui que j'ignorais. Cet espoir... Cet infime touche de lumière dans l'infini obscur... Là où les cendres de mon coeur avaient trouvées refuge... Et je me tournais vers le nouveau venu, ne distinguant pas son visage... Mais c'était inutile. Sa voix... Je ne la connaissais que trop bien... Et je du ravaler ce qui me sembla être des océans de sanglots...

-Pourquoi... Ne m'as-tu pas laissé... Mourir... ? Je... Voulais m'en aller... Je voulais... Juste le rejoindre... A... suma...
-Le cavalier... Protègera le roi, mais avant tout, la reine.

Une force m'enserra, ses bras prirent avec force mon âme... Mes dernières larmes s'échouèrent sur sa veste... Et alors que de mes cils se détachèrent les derniers pleurs, j'aperçu son sourire à travers le nuage qui était venu couvrir l'amas d'astres étincelants. L'espoir grandissait, il grandit en moi. Et ce murmure survint encore... Une ultime fois, embrasser mon âme d'une douceur qui m'était familière. Il sera toujours avec moi, son souvenir, son parfum, tout son être, à jamais.



J'espère que cette symphonie de sentiments vous aura plu. Cette improvisation m'a permis de me défaire du superflu de sentiments qui encombre trop souvent le coeur lors d'un bon coup de blues.

J'espère vous avoir fait partager émotions et plaisir lors de votre lecture.
Merci beaucoup.




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