Fiction: Un Secret

La vie d'un Uchiwa est aussi remplie de mystère que ses songes. Sasuke rêve, se souvient, et poursuit sa vie... Personnages OOC et Yaoi.
Classé: -12D | Romance | Mots: 41564 | Comments: 22 | Favs: 14
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kuroekai (Féminin), le 09/02/2011
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Chapitre 9: Promesse.



Promesse.


Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?(1)



Le vent automnal s’agite dans les pourpoints de rouges, d’orange et de jaune qu’ont revêtu les arbres alors, que le temps qui fuit nous approche un peu plus chaque jour de la fin de cette parenthèse merveilleuse que fût notre vie à deux. Cette fin, si proche, teintée d’espérance qu’elle n’est pas pour toujours un adieu, que là encore, c’est un laps de temps qu’il nous faudra franchir, éloignés l’un de l’autre. C’est un doute persistant qu’elle infiltre dans mon corps qui lui serre d’arme. Que feras-tu quand tu sauras ? Me laisseras-tu entrevoir, lointain et flou, un futur ensemble qui n’est peut-être pas entièrement révolu ? Je frémis de tout mon être en réalisant que j’incarne aujourd’hui, celui qui met un point à notre histoire. Dans mon esprit, je la ponctue de mille autres façons, je lui pose une virgule pour qu’elle ne finisse jamais, je la laisse en suspend en attendant sa suite par trois points qui se suivent, ou interroge son futur par une boucle élégante. Je suis à présent le seul écrivain de notre roman d’allégresse, et toi, pauvre lecteur trépignant d’impatience pour que lui soit révéler la suite de l’intrigue, tu t’imposes par tes silences plein de reproches et de sous-entendus, qui ne me montrent que trop bien à quel point je te suis transparent.

Tu sais, mais ne veux pas savoir. Tu continues tes allers et retours entre note dojo et la tour de l’Hokage, sans aucune considération pour nos derniers jours à deux qui passent et s’enfuient devant nous. C’est ce que je veux de toi. Jusqu’au bout je veux être le seul à avoir conscience que nous allons vers le dernier acte de notre idylle, je ne veux pas nous voir forger sur les vestiges d’un quotidien que nous vivions à deux, un mausolée de nos souvenirs les plus prestigieux et de moments les plus beaux. Je ne veux pas nous voir en faire des antiquités fragiles que l’on ne peut toucher, des « tu te souviens ? » plein de mélancolie et de regrets à jamais perdus. Laissons les attendre un futur qui n’arrivera peut-être jamais, mais n’ôtons pas de leur existence qui est le fruit de la nôtre, l’espérance qu’un jour peut-être, ils enfanteront des instants plus merveilleux encore.

La rumeur venimeuse que le cœur empoisonné de Sakura a fait se répandre sur nous, poursuit sa vie de son côté. Elle se fait plus dure encore, gonflée et transformée par l’esprit de ceux qui l’a font partager, elle se fait plus sûre d’elle, assurée de sa réussite qui fait la joie de cette Racine qui veut provoquer ta chute. Les regards que l’on me lance lorsque j’arpente les rues sont tous différents : certains respectueux, d’autres dégoutés, d’autres encore, et ils sont un réconfort que je ne peux ignorer, reflètent en leurs iris une compréhension masquée par un peu de surprise. Ces gens-là savent, ces gens-là sont ceux pour qui nous offrons notre vie lorsque nous nous battons, ces gens-là, ont compris depuis longtemps que ce qui vient du cœur ne pourra jamais être critiqué ou bafoué, que c’est un élan de pureté qui fait de l’Homme ce qu’il est, et qui le distingue de la plus magnifique façon de l’animal que seuls ses instincts guident. Ces gens-là ont vécu un jour le « nous » que nous partageons, et pour les plus chanceux, le vivent encore. Qu’ils sont rares et précieux, ces amoureux de l’amour qui en comprennent les malheurs aussi bien que les joies et comme je me félicite, d’en compter deux de valeur parmi mes plus proches amis.

J’ai tout dit à Shikamaru, lui exposant lentement et avec clarté l’enchevêtrement de mes pensées torturées qui m’ont poussé à une telle extrémité. Il n’a rien dit, il a simplement écouté, sans jamais m’interrompre. Et puis, quand vint son tour de parler, il a simplement vérifié ma détermination, m’a donné quelques conseils, et nous t’avons plain ensemble de ton ignorance et de ta candeur délicieuse qui aujourd’hui te trompe bien plus qu’un ennemi redoutable. Nous avons ensuite parlé de lui, conscient l’un l’autre qu’évoquer son bonheur ne ferait pas revenir le mien, mais que le récit de son évolution pouvait assurer mes espérances les plus folles sur notre avenir incertain. Il m’a tout dit de sa belle, en a parlé comme un enfant aux yeux pétillants d’amour devant le joli minois de cette camarde de classe, dont chaque homme grade en lui un tendre souvenir. C’est vrai que parler d’amour rend le visage plus beau. Le sien est rayonnant, doux, attendrissant dans la manière qu’ont ses yeux de se plisser légèrement lorsqu’il chantonne le prénom de sa nymphe, et magnifique dans son ensemble lorsqu’il évoque l’événement qui viendra concrétiser sa félicité. Il tente évidemment de feindre l’ennui devant cette « tâche pénible et galère » qui l’attend, mais ces yeux ne trompent pas eux, et ils me hurlent son bonheur que je savoure comme si il était le mien. Savoir que je ne pourrais même pas assister aux noces fini de me fendre en deux.

Ces deux moi qui se déchirent à l’intérieur de mon corps incendient mon crâne d’incessantes hésitations. L’un se gorge de détermination devant son sacrifice, l’autre n’y voit là qu’un acte coupable pour rattraper les erreurs d’autrefois, et tente comme un vieux fou de convaincre l’autre que partir serait un nouvel abandon, et qu’il faut rester là pour combattre à deux ceux qui cherchent à te briser. Lequel croire, lequel choisir ? Les deux, sans doute, ils sont tous deux moi, me rappelant par leurs perpétuels pourparlers que je suis peut-être un lâche qui fuis un amour qui le dépasse de sa profondeur, en masquant sa traîtrise par ce qu’il voudrait voir comme un sacrifice généreux et sincère. Je ne sais plus qui je suis, je ne sais même plus si je suis égoïste ou généreux, je ne sais plus si je pars parce que je t’aime, ou si t’aimer me fais te fuir. Je reste là sans rien dire à te contempler, essayant de retenir de toi le moindre détail, la moindre fossette, le moindre grain de beauté. J’inspire ton odeur comme si elle était vitale à mes poumons, je goutte tes lèvres comme un fiévreux affamé, caresse ton corps parfait comme si il était une merveille dont je devais bientôt me défaire et passe le plus clair de mon temps à tenter de te tromper sur mes futurs intentions.

Trois jours. Voilà tout ce qu’il nous reste à partager, soixante-douze heures pour mettre un terme à une histoire que nous aurons mis presque cinq ans à créer, et que nous ne vivons réellement dans toute sa beauté et sa sincérité que depuis quelques mois. Avons-nous donc commis un crime pour que la vie nous offre pareil trésor à chérir pour nous le retirer sitôt que nous l’avons obtenus, nous laissant plus malheureux encore que si nous ne l’avions jamais connu ? Trois jours, où je ne veux plus quitter le contact enivrant de ta peau, où chacun de tes regards m’est une flèche en plein cœur, trois jours de doutes et d’acceptation lente que bientôt tes lèvres seront loin des miennes et que nos cœurs ne se répondront que timidement, noyés par la distance qui nous séparera. Trois jours d’une lente agonie que j’aimerais fuir dès maintenant, trois jours d’une attente insupportable qui en train de me tuer car je te vois en prendre conscience. Tu sais, lorsque que tu viens étreindre mon dos et plonge ton visage dans mon coup, tu sais, lorsque allongé près de moi tu me serres un peu plus pour me garder près toi. Tu sais, lorsque tu fais de nos moments de chairs des instants sans pareille où se mêlent la peur, la violence et la passion et je pleure sous tes assauts merveilleux que je sais devenir bientôt des souvenirs nostalgiques.

Pourquoi ne dis-tu rien alors ? Pour ne dis-je rien non plus ? Pourquoi suis-je convaincu que ta haine pour moi vaut mieux que l’abandon de ton rêve ? Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement vivre notre vie loin des autres ? Et pourquoi enfin, sommes nous condamnés à subir leurs reproches pour quelque chose d’aussi beau que ce nous avons créé ?

Mes adieux à notre Sensei sont difficiles. Je me heurte à son incompréhension, à sa peur que mon départ cause sur toi plus de peine et de souffrances que ne l’a fait cette terrible rumeur qui a empoissonné notre vie. Je tente de lui faire comprendre les raisons de ma décision, mais sa tendresse pour nous deux ne lui permet pas d’admettre que l’un de nous peut aisément se sacrifier pour l’autre. Je le vois s’énerver comme jamais auparavant, ne faisant même plus cas, qu’il m’offre, comme il ne l’a fait que trop rarement, la possibilité d’admirer son visage entier dans toute sa splendeur. Et puis, retrouvant son calme habituel, il souffle longuement comme il l’a toujours fait dans pareil cas, me donne, lui aussi, des conseils et me rassure avec sagesse en me promettant de veiller sur toi pendant mon absence. Mon esprit s’apaise face à tant d’assurance, mais une voix au fond de moi ne peut s’empêcher de me conspuer de reproches et c’est tout de même abattu que je le quitte pour te retrouver chez nous et vivre notre dernière nuit dont tu n’as pas conscience.

Etrangement, ce soir-là, tu ne me parles pas de ce que tu as appris, de tes soucis, de tes craintes quand à tes prochaines responsabilités. Tu me prends par la main pour t’accompagner sous la douche, tu ne la quittes pas pour me mener à la chambre, et tu la tiens toujours lorsque tu commences à me couvrir de baiser que je vis comme des morsures acérées qui m’emplissent de douleur. Je m’abandonne, incapable de résister à ce flot de sensations dont je veux garder la trace, impuissant devant mon corps qui appelle le tien de ses vœux et dans lequel il aimerait se fondre pour ne jamais le quitter. C’est une union longue et lente, un adieu que tu ne réalises pas mais que tu fais vivre d’une manière magnifique. Lorsque le moment vient de lancer ensemble notre exaltation, je lâche la mienne dans des pleurs que j’étouffe sur ton épaule d’une douceur infinie. Je m’accroche à ton dos pour empêcher à tes yeux de comprendre mon désespoir, et bientôt, comme tu le fais si souvent, tu viens bloquer au creux de ma nuque ton visage en sueur sur lequel perle des gouttes que je sais venir de tes yeux. Je ne sais pourquoi tu pleures toi aussi, ou plutôt, je ne veux pas comprendre que tu as compris, je ne veux pas voir ce que je ne te laisse pas contempler de moi, je te tiens contre moi et attends que ton odeur musquée me noie dans un sommeil sans rêve.

Je me lève avant l’aube, Shikamaru sera à la porte dans quelques heures, et je préfère réunir mes affaires sans avoir à te faire face. Je quitte notre lit et me délivre de tes bras qui me retiennent dans leur chaleur. Je laisse mes yeux dessiner une dernière fois ta silhouette nue perdue dans ces draps chiffonnés que nous avons, hier, béni de notre union sublime. Je ne sais combien de temps je reste là, assis sur une chaise à ne faire qu’écouter ton souffle lent et apaisé, et à regarder ton torse se soulever lentement dans une régularité tranquille qui me bouleverse entièrement. J’aimerais, rien qu’une dernière fois, baiser ton front, caresser d’une main amoureuse tes cheveux doux et scintillants, serrer contre moi ton corps et sentir cette peau nimbée d’une odeur que toi seul possède et qui est la seule fragrance que mon nez peut tolérer. J’aimerais m’étendre à tes côté et ne faire que te contempler jusqu’à ce que mon dernier souffle n’arrive, j’aimerais que ma vie ne se contente que de cet instant pour se poursuivre, j’aimerais… J’aimerais tellement de choses que j’abandonne aujourd’hui.

Je me lève, prenant soudain conscience, que pendant tout ce temps, mes yeux ont craché ce que mon cœur hurlait au plus profond de moi. Je pars vers la salle de bain, pour passer de l’eau sur mon visage dévasté que des sillons humides parcourent de mes yeux à ma mâchoire. L’homme que je vois se refléter dans le miroir n’est plus qu’une moitié d’Homme, c’est un être au teint pâle, aux yeux rougis, aux iris pleins d’une douleur sourde et muette. Je regarde encore quelques instants cet étranger qui me toise, incarnation douloureuse de ce que je vais faire naître chez toi. Je me déplace comme un pantin désarticulé dans notre cathédrale merveilleuse, ramasse sans vraiment vouloir le faire ce qui y témoigne de mon passage, j’arpente lentement et déjà avec nostalgie ces couloirs et ces pièces que nous faisions vivre de nous. C’est à la fois trop lent et trop rapide, comme si finalement, je n’étais encore qu’un étranger en ces murs, comme si pourtant ils ne voulaient me laisser m’échapper pour te faire mon dernier cadeau.

Le dojo est encore plongé dans le noir, il est bien tard ou bien tôt, je suis une âme perdue qui erre sans trop savoir où, et qui s’invente des prétextes pour retarder sa fuite. Je suis partagé entre l’envie irrésistible de te voir une dernière fois, et le besoin de partir sans t’avoir affronté. Le temps passe, et de minute en minute, je ne suis plus rien, ma détermination ma quitte, ma générosité m’étouffe et mon égoïsme achève de me rendre impuissant face à tant de sentiments qui s’opposent. Qui suis-je pour décider en ton nom de faire passer ton rêve avant moi ? Pourrais-je décemment regarder notre village péricliter parce que nous avons préféré sauvegarder notre tendre « nous » ? Supporterais-je longtemps de t’avoir quitté ? Pourrais-je réellement vivre sans te savoir près de moi en toute occasion, sans pouvoir contempler ta personne et tirer d’elle le souffle de ma vie que j’ai trop souvent laissé m’échapper ? Mais malgré ces questions qui assaillent comme des ennemis insatiables, mon esprit déjà au bord de la ruine, je continus mon manège et mon départ silencieux. Je bois un thé que je savoure comme un élixir de jouvence, car venant de chez nous, il prend une saveur à nulle autre pareille, et son goût se répand dans ma gorge comme semblable au mélange parfait de tous ces instants que nous avons fait nôtre durant notre vie commune.

Me voilà presque près, et incapable cependant de terminer ce qui doit l’être avant que Shikamaru n’arrive. Une voix au fond de moi me fait espérer naïvement que peut-être il m’annoncera que tout est fini, que la rumeur est morte aussi vite qu’une bulle qui éclate, que la Racine à définitivement abandonné l’idée de te faire choir de tes futurs responsabilités. Me voilà essayant maladroitement d’étouffer cet écho d’espérance, pour que peut-être, il devienne vraiment réalité si je l’ignore totalement. Pourquoi suis-je incapable de sortir de cet antre chaude qui est devenu notre nid ? Pourquoi, malgré la conviction que j’ai que mon choix est le bon, des chaînes m’attachent encore à chaque moment de cette vie que je m’apprête à quitter ? J’ai déjà fuis ce village, seul dans la nuit, j’ai affronté la tristesse de celle qui aujourd’hui me force à le quitter à nouveau, mais ce souvenir m’est moins amer que cette décision que je dois prendre aujourd’hui. Mon départ d’alors fût plus simple, plus rapide, sûrement moins réfléchi et je n’avais pas alors, contre moi, cet amour que j’ai pour toi, d’une beauté cruelle parce que les autres ne le comprennent pas. Je reste assis, habillé chaudement pour traverser bientôt cette aube fraîche qui se lève lentement pour teinté d’une couleur dramatique l’intérieure de ce dojo que je m’apprête à quitter. Cruel ciel que voilà, autrefois complice et aujourd’hui bourreau, nuançant ses couleurs pour que chaque regard me deviennent douloureux et levant sa brume habituelle pour que j’entrevois dans sa globalité ce monde que je quitte parce que je l’ai décidé.

Enfin, une main lourde vient s’abattre sur le panneau de bois qui fermait au curieux l’entrée de notre temple. Je fais entrer l’autre silencieusement, il est prêt, vêtu comme un trappeur dans les plus froids jours d’hivers, arborant un sourire et une mine qui se veulent rassurant mais dans lesquels résonnent tant d’excuses pour la stupidité des autres, que je ne veux pas le regarder. Je lui explique dans un murmure qu’il me reste encore quelques affaires à réunir, et qu’il peut m’attendre au chaud pendant quelques minutes, sans faire de bruit. Ce dernier tour est une ronde d’adieu, un cortège funéraire que je suis le seul a composé, pour rendre hommage une dernière fois à la mort de cette idylle éblouissante que nous avons partagé. Enfin je rejoins mon ami dans le salon, il se lève en silence, et lorsque nous arrivons à la porte, il me propose de m’aider à transporter mes sacs lourds et encombrants à l’extérieur ou cette aube glaciale vient me mordre la chair. Nous devons les mener jusqu’à l’entrée du clan, là où un marchand viendra les charger sur sa charrette pour les mener, en même temps que ses propres marchandises, dans ma ville d’adoption. Le premier voyage est pénible, le sol est gadoueux et glissant et nous nous sommes trop chargés pour éviter que le voyage suivant ne nous soit trop désagréable. Nous laissons à l’homme, d’une quarantaine d’années, le soin de disposer à sa guise, l’étendue de mes biens qui se résume à quatre sacs pleins qu’il jette comme de vulgaire déchets. Ils ne valent sans doute pas mieux que ce traitement.

Ce retour à vide m’est hélas l’occasion de parcourir de mes yeux les palissades et les murs du clan de mon enfance que j’ai fait revivre pour le quitter de nouveau. Comme cette nuit-là, lui naguère si joyeux et plein de vie, m’est pénible à regarder, il devient effrayant et triste, recouvert d’une aura de malheur qui flotte au dessus de nous et chante d’une voix faible la liste des déboires de ma vie que je m’apprête à rallonger encore. Nous arrivons devant note dojo, récupérons le dernier sac que j’ai laissé dernière moi et commençons notre marche silencieuse dans ce quartier en ruine, quand j’entends derrière nous des bruits de pas affolés, et ta voix qui s’élève en appelant mon nom.
Comme si je venais de recevoir une flèche en pleine poitrine, je stoppe ma marche et reste pétrifié par cette mélodie chaude et délicieuse que tu laisses s’échapper de tes lèvres. Je ferme les yeux et fronce les sourcils quand elle me pénètre comme une drogue exaltante, je lâche une inspiration longue qui jaillit de mes narines dans un nuage blanc, et retient comme je le peux cette bouffée de larme qui me monte aux yeux. Shikamaru m’observe, tes pas se rapprochent encore, tu ne cris plus mon nom, tu le prononces calmement, presque avec ironie, et je sais déjà que tu souris, de ce sourire naïf et merveilleux dont tu te pares quand tu ne veux pas faire face à une évidence que tu as depuis longtemps assimilé. Notre ami commun me prend le sac des mains, me dépasse et s’éloigne, me condamnant ainsi au seul entretient que je ne voulais pas avoir depuis que j’ai commencé à répandre chez nos camarades la nouvelle de mon départ, en leur faisant jurer de ne rien te révéler.

Je me retourne, lentement, les yeux encore clos, terrifié à l’idée que poser mes yeux sur toi suffirait à annihiler ma détermination. J’entends ton souffle se rapprocher plus encore et c’est seulement lorsqu’il frôle mon visage que je me résous à plonger mes yeux dans les tiens, mouvement qui me jette à terre sans que je n’en montre rien, alors qu’une tempête se déchaîne dans mon être.

-Tu ne m’avais pas dit que tu partais en mission, commences-tu en riant presque pour te rassurer.

Je te regarde longuement essayant par mes yeux de te faire comprendre ce que je ne veux pas dire, ce que je ne peux pas dire.

-Tu t’es beaucoup chargé, continues-tu en posant ta main sur mon épaule pour mieux me torturer. Je ne savais pas que tu étais aussi coqué… Tu comptes te trouver une jolie fille sur la route c’est ça ? Ou alors c’est pour charmer Shikamaru, tu sais face à Temari tu n’as sûrement

-Je pars Naruto…

Je te lance cette phrase au visage avec maladresse, pour stopper le flot incessant de tes paroles pleines d’humour et d’espérance que je ne peux supporter. Tu restes là à me regarder, les yeux calmes et la bouche entrouverte, la main toujours posée sur mon épaule que je saisi de la mienne pour sentir son contact m’arracher les entrailles.

-J’ai accepté le poste d’Ambassadeur de Konoha à Suna, je m’en vais avec Shikamaru.

Tu restes un moment silencieux et puis resserre ta main autour de la mienne avant de t’approcher d’un pas.

-Dis pas de conneries Sas’ke ! C’est moi ? Je sais que je suis souvent absent en ce moment, mais c’est juste le temps que j’apprenne comment m’occuper d’un village, après je serais là plus souvent…

Je ferme les yeux encore une fois, retenant péniblement une larme acide au fond de mes yeux.

-Si je ne pars pas, tout ça n’aura servit à rien… Tu ne seras pas Hokage si je reste avec toi… dis-je enfin avec une assurance qui épuise mes dernières forces, alors que je lâche lentement ta main, en me retournant pour fuir d’un pas lent.

-Non ! T’écris-tu en la saisissant de nouveau et en m’obligeant une fois de plus à plonger mon regard dans le tien d’une bleuté époustouflante. Ne pars pas ! Je peux le faire, d’accord, je trouverai un moyen de tout arranger, fais moi confiance. Et puis si je ne deviens pas Hokage tant pis, c’est que ce n’était pas fait pour moi… Je… Je sais que tu ne veux pas partir… Tu ne veux pas partir, pas vrai ?

Je tourne la tête et lève les yeux au ciel dans une supplique silencieuse pour que tout cela cesse, m’évertuant comme un forcené à retenir ces larmes traitresses qui se gorgent de mon désespoir.

-Non, dis-je enfin en réussissant sans que je sache comment à te regarder à nouveau…

Je te vois sourire, et lâcher dans un souffle qu’une larme accompagne tout le soulagement que je t’ai maladroitement donné par ce simple mot.

-Mais si je reste à Konoha avec toi, tu devras dire adieu au rêve de ta vie.

Tu lâches ma main violemment et te recule d’un pas, les sourcils froncés, le regard implorant, alors que je poursuis :

-Pendant quelques temps tu arriveras peut-être à te contenter de notre vie, à te persuader que c’étais le bon choix. Mais quand tu regarderas en arrière, tu réaliseras que tu as laissé passer la chance de ta vie pour moi, tu finiras par me haïr sans le vouloir, par me reprocher ton échec, et finalement tout ça n’aura servi à rien, à part laisser le village entre les mains de la Racine, pour les voir corrompre ton idéal, et avoir fait de nous des ennemis silencieux pleins de reproches l’un pour l’autre.

Tu t’éloignes encore de quelques pas, les yeux teintés de trop sentiments pour que je les comprenne, jusqu’à qu’une palissade en bois vienne arrêter ta fuite.

-Alors tu te dis qu’en m’abandonnant, tu me laisses plus de chance ? Me craches-tu alors qu’une larme s’écoule sur ta joue hâlée.

-Je ne t’abandonne pas…

-Si !!

-Non je…. Ce n’est que pour deux ans, trois tout au plus. Le temps que tout cela se tasse, que tu deviennes officiellement Hokage et que la Racine ne puisse plus rien contre toi.

-Et surtout pour que tu n’es plus à affronter le regard des autres… Tu as honte et tu fuis, c’est tout.

Cette fois mes larmes rompent le barrage que j’avais jusqu’ici réussi à tenir, et c’est dans une voix étranglée par les sanglots, que je te lance les mots que je retiens depuis si longtemps.

-Je t’aime Naruto… Comme je n’ai jamais aimé personne, et comme je n’aimerai plus jamais quelqu’un d’autre…. Je ne veux pas te voir tout abandonner, je ne veux pas te voir souffrir à cause de moi, je ne veux

-Casses-toi…

Ta voix n’était guère plus qu’un murmure mais elle m’a laissé coi, transpercé par la douleur de te voir rejeter avec tant de violence un aveu que je tais depuis tellement d’années, et que je t’offre aujourd’hui pour te consoler de mon départ que j’accepte comme une fatalité pour tout l’amour que je te porte. Je reste debout, sans parler, sans bouger, et sans même respirer, suppliant intérieurement pour qu’à ton tour tu me bénisses de ces trois mots que je t’ai si souvent entendu me dire dans mes rêves les plus beaux.

-Casses-toi !!! Répètes-tu avec bien plus de hargne et de force que la première fois.

Je te regarde encore quelques minutes, laissant couler mes larmes sans aucune retenue, avant de me reculer d’un pas, prêt à me retourner.

-Je reviendrai…. Je te le promets, dis-je enfin, d’une voix lointaine et transpercée de douleur.

Tu ne réponds rien, et je m’éloigne lentement, anéanti par la douleur, déjà impatient de te retrouver, terrassé par la peur de t’avoir à jamais perdu, pétri d’espoir en nous imaginant à nouveau réunis. Je marche sans force, entendant derrière moi s’élever tes sanglots bruyants et ton souffle laborieux, t’entendant te laisser glisser sur la palissade, et te devinant presque assis dans la boue, le visage entre les mains pour conserver un peu de pudeur. Je m’éloigne, retenant comme un démens cette envie lancinante qui me prend à chaque pas, d’oublier la raison au profit de l’amour. Un seul être vous manque et tout et dépeuplé, et déjà les couleurs et les formes se fanent devant moi, alors que j’arrive enfin aux côtés de Shikamaru (2).

Le vieil homme est parti depuis longtemps et c’est dans un silence abbatial que nous commençons notre route. Je regarde derrière moi, disparaître les clôtures qui enferment le quartier dans lequel je viens de t’abandonner à ton chagrin. Et puis se sont les rues et les visages qui défilent devant mes yeux, qui pour un court instant, voudraient se rendre aveugle à tant de trésors que je quitte. Je marche impuissant vers un avenir sans toi que j’ai moi-même choisi, laissant s’éloigner un peu plus les couleurs de ce village qui est le mien et que je chéris d’autant plus maintenant que je suis convaincue qu’il te reviendra.

Jusqu’à aujourd’hui, je pense n’avoir jamais vraiment saisit toute la puissance de l’amour, tout ce qu’un sentiment si profond pouvait engendrer de beau ou de destructeur. Je n’avais pas encore compris qu’on fait souvent plus mal en voulant faire le bien, mais que le sacrifice d’un cœur pour un autre est si sincère et pur qu’on ne peut lui reprocher de vouloir donner à l’autre plus de bonheur qu’à soi même.

Poursuivons nos vies Naruto. Montre à tous ceux qui te jugent que tu seras pour toujours le plus grand Hokage que Konoha ait connu, deviens un éclair plus éblouissant encore que le fût ton père, deviens le créateur d’un monde nouveau, et abreuve-toi de la sagesse que tes prédécesseurs t’ont laissé en héritage. Je continuerai à t’aimer de loin, à chérir ton souvenir comme si il était vraiment toi, et un jour peut être, nous partagerons à nouveau des moments magnifiques que les autres nous jalouseront.

(1)Alphonse de Lamartine, Le lac, « Méditations Poétiques »
(2) « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », extrait de L’isolement d’Alphonse de Lamartine.





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