Fiction: Un Secret

La vie d'un Uchiwa est aussi remplie de mystère que ses songes. Sasuke rêve, se souvient, et poursuit sa vie... Personnages OOC et Yaoi.
Classé: -12D | Romance | Mots: 41564 | Comments: 22 | Favs: 14
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kuroekai (Féminin), le 09/01/2011
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Chapitre 2: Folie



Folie.

Tes yeux sont deux sources vives
Où vient se peindre un ciel pur,
Quand les rameaux de leurs rives
Leurs découvrent son azur. (1)

Je rentre de mission. Je suis épuisé, j’ai froid et le seul réconfort qui pousse mes pas de plus en plus loin, de plus en plus vite est ton visage qui se dessine dans mon imagination. Les portes du village se dessinent au loin en une promesse lointaine à te revoir bientôt. Je marche et je pense, trop peut-être, et toujours à toi. Je suis sûrement fou de t’aimer autant, car j’en perds la raison.
Si ils savaient, tous, à quel point tu me fascines, tu m’émerveilles et m’éblouis, ils riraient aux éclats devant l’enfant amoureux que je suis. Cette pensée me fait sourire malgré moi. Comment pourraient-ils savoir ? Comment même pourraient-ils s’en douter, alors que j’affiche sans cesse une mine grave et impassible ? Mes yeux, seuls, pourraient me trahir car quand je te regarde, ils brillent sûrement comme deux diamants étincelants que ton aura illumine. Mais déjà nous approchons de cette majestueuse ouverture, recouverte d’un épais tapis blanc qui casse la profondeur du village pour n’en faire qu’un fond blanc duquel sortent ça et là quelques formes et couleurs. Sous cette immaculée poussière, le village est pareil à un havre de paix étrangement chaleureux malgré la température négative qui engourdi mes membres.
La voix de Sakura derrière moi me ramène à la réalité alors qu’inconsciemment je prenais le chemin de notre maison.
-Je sais que tu as froid et que tu es fatigué Sasuke-kun, mais nous avons un rapport à faire à Hokage-sama, me dit-elle en souriant.

Alors sans même lui répondre, je prends le chemin de la tour de l’Hokage, en soufflant de dépit. Elle me regarde amusée alors que derrière nous, Shikamaru fulmine dans sa barbe qu’il n’a pas, à l’évocation de cette tâche pesante qui l’ennui profondément. Il est comme moi, il n’est pas fais pour le protocole, il vit dans sa tête comme je vis dans la mienne, avec toi, toujours avec toi. Dieu ! je suis vraiment fou de t’aimer autant.
Nous faisons notre rapport, épreuve longue et fastidieuse comme l’était cette mission interminable qui m’a privé de toi pendant de longues semaines. La cinquième hoche la tête satisfaite avant de nous laisser partir. Je quitte mes camarades sur un signe de la main et je marche, seul, dans ses rues si familières que la neige a transformé. Elles prennent un autre visage, alors que les détails les plus marquants disparaissent sous ces fins flocons qui tombent encore en une pluie fine et lente. Je repense à ta nomination au poste d’Hokage. L’entretient a eut lieu alors que j’étais parti et je suis impatient de te féliciter, même si j’aurais aimé être le premier à le faire.

Enfin je rentre dans le clan Uchiwa, chez moi, chez nous. Surtout chez nous, car sans ta présence, il n’aurait pas la même saveur et je ne ressentirais pas cette joie qui me submerge à l’instant en poussant la lourde porte qui en ferme l’entrée aux curieux. Cet endroit qui n’appartient qu’à nous désormais, et qui est à l’image de notre histoire, discret, intime et merveilleux, est mon refuge. Il est mon Monde et tu en es le centre.
Voilà je te vois. Je te découvre comme je t’avais imaginé, assis sur la terrasse qui entoure notre dojo. Tu regardes la fontaine, les yeux presque clos, bercé par le claquement régulier du bambou que l’eau fait s’élever et retomber dans un bruit sec. Tu ne portes qu’un T-shirt gris et ton pantalon de jounin du village, des bande enserrant tes chevilles et qui court jusque sur la plante de tes pieds que tu laisses nus à la morsure du froid. Ta tête est enfoncée dans tes épaules, tes bras te soutiennent de leur force délicate, et sous ton chandail se dessinent les reliefs de ton corps si parfait, si précieux. As-tu seulement conscience de ta propre beauté dans ces moments-là, et de la fascination qu’elle exerce sur moi ? Tu recraches lentement la fumée de ta cigarette, faisant des lèvres par lesquelles elle s’échappe l’objet de toute mon attention alors que la lumière blanche de ce soleil caché se mélange à la teinte naturelle de ta peau et te rend plus éblouissant encore que la vision d’un dieu. Oui je suis fou, et tu es à la fois mon seul remède et la source même de ma folie.

Je m’assois près de toi et tu ne dis rien, pas même un bonjour. Je me tourne vers ton visage. Tes yeux que je croyais fixés sur la fontaine ne sont en fait fixés sur rien. Tu songes sûrement, mais à quoi ? Ton regard est étrange, je peux y lire tellement de sentiments que j’en suis perdu. Peine, colère, déception, chagrin, désespoir, amertume, chacun étincelle dans une partie de tes yeux, et leur tout est effrayant. Je prends la cigarette que tu as dans la bouche et la mets dans la mienne en prenant une bouffée qui passe comme une boule chaude dans ma gorge. Dieu que ça fait du bien. Mon geste a eut le mérite de te faire réagir car tu te lèves pour rentrer à l’intérieur, plus au chaud. Je te suis, encore en proie aux doutes quant à ton attitude si froide.

Tu as changé, certes, au fil des années. Tu es devenu plus réfléchi, plus mur, plus calme et peut-être plus distant avec les gens, mais jamais encore tu ne m’avais accueilli si froidement, sans un regard, une parole ou un signe d’affection, le plus infime soit-il.

-Et bien voilà, Môsieur devient le futur Hokage du village et déjà il oublie ses amis, dis-je avec humour en te suivant jusqu'à la cuisine.

-Je ne serai pas le successeur de Tsunade, réponds-tu posément avant d’allumer une autre cigarette.

La phrase mets du temps à me parvenir dans tout ce qu’elle sous-entend. Et il en faut encore d’avantage pour que j’en saisisse les tenants et les aboutissants et les conséquences sur ton état. Je ne peux te quitter des yeux alors que la dur réalité de tes mots résonnent dans ma tête. J’ai mal pour toi, par toi, car depuis longtemps tes souffrances sont les miennes, et que plus que quiconque je sais tout ce que tu as traversé pour obtenir ce titre que tu revendiques depuis tes plus jeunes années, et qui me faisait rire de toi quand nous étions rivaux.

-Arrêtes de me regarder avec pitié, craches-tu en me regardant, les sourcils froncés, et les yeux plus sombres que d’habitude.

Ta voix est dure, sèche et presque méprisante. Se pourrait-il que le conseil ait su pour nous, pour notre histoire honteuse comme ils la nommeraient sûrement ? Je n’ose te poser la question alors que déjà je vois en moi celui qui vient de t’enlever à jamais la possibilité de vivre ton rêve. A l’instant je me hais plus que tu ne me hais sans doute, j’aimerais mourir ici, maintenant, et si c’est de ta main alors ma mort aura un goût de paradis. Les mots que je prononce en pensées sortent de ma bouche avec hésitation et je te pose enfin la question dont l’hypothétique réponse est en train de m’étouffer de l’intérieur :

-Quelqu’un a découvert… pour nous deux ?
Tu me regardes amusé, ou plutôt avec pitié, comme peut-être, je le faisais plus tôt.

-Le monde ne tourne pas autour de toi ou de notre petite liaison Sasuke… me réponds-tu simplement.

« Si, mon Monde à moi ne tourne qu’autour de cette petite liaison » m’entends-je penser alors que tu te retournes pour prendre une tasse de thé et que ta voix s’élève à nouveau dans la pièce.

-Non, ce n’est pas pour ça. C’est simplement que le conseil n’est pas du même avis que Tsunade et considère que confier le village au porteur de Kyuubi est trop dangereux. Hn… Ce putain de renard me fera vraiment chier jusqu’au bout…

-Ils changeront d’avis. De toute façon il n’y personne d’autre que toi pour prendre la suite de Godaime, personne de plus motivé que toi et personne d’aussi capable, alors ils….

-Ca suffit… Tais-toi s’il te plaît. Je n’ai pas envie de parler de ça, dis-moi plutôt comment s’est passée ta mission.

Je te regarde perplexe et puis m’exécute en te suivant jusqu’au canapé. Je n’ai pas grand chose à raconter, et je suis nul pour cela. Je parle mais déjà tu ne m’écoutes plus, tes yeux sont repartis dans la vague, submergés de douleur et à mon grand étonnement, de honte. En me voyant t’observer tu te lèves.

-Je suis crevé, je vais prendre une douche et aller me coucher, me dis-tu en t’éloignant, alors que mon regard te suit, inquiet et ému, à la fois de te voir si beau et de te trouver si triste alors que nos retrouvailles ont peuplé mes derniers jours.

-Je ne vais pas tarder moi non plus, je suis épuisé. Juste le temps de manger un morceau et…

-Je vais dormir dans ma chambre ce soir. Je crois que je couve quelque chose et après ta maladie, ce ne serait pas bon pour toi de tomber encore malade.

Tu es resté dos à moi pour me dire cela, peut-être pour ne pas voir la lueur de tristesse qui vient de s’installer dans mes yeux, ou peut-être pour ne pas me voir du tout.

-T’as, raison, c’est sûrement mieux, j’ai déjà assez donné dans la fièvre et les maux de tête.
Je t’entends rire d’un rire mélancolique et te laisse t’éloigner, le cœur prit dans l’étau de tes mains. Et puis je me retrouve seul sur le canapé alors que le bruit de l’eau qui s’écoule me parvient comme une torture alors que je m’imagine ton corps nu sur lequel perlent les gouttes. Jamais encore je ne t’avais vu aussi abattu, aussi faible. J’aimerais être ta béquille comme tu as si souvent été la mienne, j’aimerais que tu me dises tout, j’aimerais éponger de toi ce mal qui te ronge mais tu ne m’autorises qu’à t’entendre de loin.
Qui de nous deux cherches-tu à protéger ? Toi sans doute, et savoir que c’est de moi dont tu te protèges achève de me fendre en deux. Celui qui veut t’aider et s’oublier pour toi, et l’autre plus égoïste qui me pousse souvent à vouloir te garder pour moi et qui aujourd’hui te supplie de ne pas l’abandonner.

Je suis continuellement peut-être ce double personnage, celui que voit les autres et celui qui t’appartient. Ma folie me semble moins honteuse et moins terrifiante si tu en es l’origine, mais elle est bien réelle. Les sentiments me sont un monde étranger, trop dur, trop flou. Je ne peux en embrasser qu’un seul à la fois, et si seule la haine m’animait autrefois, aujourd’hui je n’ai plus que l’amour que tu m’inspires auquel me rattacher. Autrefois je serais mort, pour assurer ma vengeance, sans regrets, car telle était ma vie. Mais aujourd’hui ma vie porte ton nom et s’abreuve de ta chaleur, et maintenant comme alors, je mourrais pour ce moteur de mon existence, sans aucune hésitation. Je ne suis sûrement pas plus fou qu’un autre, et peut-être plus raisonnables que certains, mais l’amour n’a peut-être de raisonnable que sa folie, et il m’habite tout entier.*(2)

La douche s’est arrêtée depuis bien longtemps maintenant, et le ciel blanc au-dehors a laissé place à la noirceur tranquille de la nuit et aux reflets bleutés de la lune. Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi, pétrifié, angoissé mais malgré tout heureux d’être enfin à la maison et de te savoir si proche.
Je me lève, et marche vers ma chambre, la faim me tient le ventre, mais le sommeil m’assomme encore plus. Quand j’arrive devant ma porte, je regarde la tienne fermée, et mon corps comme un automate se meut vers elle. Ma main vient à la rencontre du métal froid de la poigné, et je tourne.

Tu as fermé la porte à clé, et par la même, ouvert mon âme aux tourments. Je retourne à ma chambre, me déshabille et me couche, dans ses draps froids.
Pour la première fois en un an, les deux chambres de la maison sont occupées en même temps, et pour la première fois depuis des années je pleure comme un enfant que la nuit terrorise.


(1) Extrait de Chant d’amour III d’Alphonse de Lamartine.
(2) « l’amour n’a peut être de raisonnable que sa folie » Antoine de Rivarol.




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