Fiction: Un Secret

La vie d'un Uchiwa est aussi remplie de mystère que ses songes. Sasuke rêve, se souvient, et poursuit sa vie... Personnages OOC et Yaoi.
Classé: -12D | Romance | Mots: 41564 | Comments: 22 | Favs: 14
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kuroekai (Féminin), le 03/03/2011
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Chapitre 10: Espérances épistolaires



Espérances épistolaires.

Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
couche sur le papier ce que je n'ose dire. (1)

Réapprendre à vivre entouré des souvenirs d’une vie que l’on a volontairement quitté, est d’après mon expérience, l’apprentissage le plus dur dans la vie d’un homme. Que ce sacrifice soit fait pour une personne qui nous est chère le rend d’autant plus délicat que l’on a tendance à se fustiger d’avoir agit par faiblesse plus que par dévouement. Sur le chemin qui devait me mener à Suna, aux côtés de celui qui s’y rendait avec moi, pour aller chercher en cette contrée aride celle qui devait à jamais partager sa vie, je me remémorais la dernière scène de l’acte qui avait clôturé notre vie. J’aurais voulu qu’elle soit belle, nous voir courir l’un vers l’autre, et pleurer ensemble en nous faisant la promesse de toujours nous aimer, pas nous regarder nous déchirer et ne réaliser que trop tard, que ce que je t’offrais ne devait te conduire qu’à l’exécration de ma personne. Je voyais défiler les lacs, les plaines et les forêts, j’y voyais une beauté qui me semblait bien fade, et songeais qu’avec toi ils me seraient apparus merveilleux. Qu’as-tu fait à mes yeux pour qu’en ta présence, tout leur semble si parfait et paisible comme l’aube qui se lève sur un rêveur étourdie sur le sein de sa muse.

Qu'y a-t-il de pire que d’être conscient qu’une chose s’achève, si ce n’est l’espoir de la voir se poursuivre, ou l’incertitude de la savoir oui ou non, irrévocablement terminée ? Ce n’est pas en chemin que je trouvais les réponses, ni les jours ou les mois qui suivirent. Je prenais mes marques, apprenais avec assiduité en quoi consisteraient mes prochaines foncions, et tentait tant bien que mal de faire taire en moi ces échos de ta voix qui me lancinaient le crâne. Shikamaru et Temari avaient quitté Suna aux premières lueurs de l’Hiver. Il voulait éviter la levé des vents de son pays à elle, elle voulait voir la neige recouvrir lentement le sien. Je les regardais partir comme s’ils étaient la dernière pierre du bâti de mon existence passée que je voyais s’effondrer à son tour. Malgré sa promesse de venir me voir bientôt et de m’écrire souvent, mon ami me semblait déjà loin, et je flottais dans une désagréable sensation de vide, comme lorsqu’on quitte des camarades que l’on sait ne peut-être jamais revoir. Ils s’éloignèrent d’une démarche commune, irradiant de joie et je disais tout bas un « à bientôt » que je voyais s’envoler dans le vent froid et fort, pour planer comme une feuille sur le tapis d’un mistral pour peut-être choir à tes pieds.

Jamais, je crois, je ne pensais vivre un hiver aussi dur dans un pays où seul le sable se répand en manteau au grès des tempêtes. Je restais pourtant tapi dans l’appartement qu’on m’avait octroyé, entouré des souvenirs de la vie que j’avais un jour partagé avec toi. Moi qui ne voulais pas faire de nos moments des antiquités fragiles, me retrouvais plongé dans un mausolée dans lequel je faisais moi-même office de babiole nostalgique. Je vivais jour après jour entouré de quelques photos de toi, des autres, fenêtres closes aux regards des passants, porte fermée sur mon propre esprit, emmuré dans mes doutes et dans mes regrets, m’insultant d’être faible sans pouvoir m’en sortir. Il est plus facile de guérir lorsque c’est de l’autre dont on a à se plaindre et qu’il est la source de ces critiques, mais lorsque ce torrent de rancœur est adressé à soi-même, se relever en comptant sur la chute de l’autre semble être délicat. Je restais tout l’hiver dans cet état végétatif dans lequel je me dégoutais moi-même, ne faisant que remplir les closes de ma mission, ne cherchant pas le contact des autres, et fuyant les nouvelles rencontres comme des promesses de douleur, de chagrin, et de fin tragique. Je finissais par croire que la solitude était le seul réconfort de l’être humain, le seul moyen de ne jamais connaître les souffrances que le partage peut créer. Mais pouvais-je décemment oublier qu’à ces heures sombres venaient s’ajouter tant de moments magiques, grandioses, et d’une beauté que seule la vie peut créer, que le contact des autres devenait ce pourquoi nous nous efforcions tous à survivre à ce monde dans laquelle la mort est la plus fidèle compagne ?

Ce sont ces réflexions qui devaient lentement me tirer de la torpeur dans laquelle je m’engluais. Lorsque l’hiver se termina, cette année, là, j’étais de nouveau un homme comme les autres, ni plus heureux, ni plus en peine, faisant de mon travail le centre de mon existence, et savourant chaque jour comme un de moins à passer loin de toi. C’est ce même hiver aussi, que j’apprenais avec joie que Tsunade s’était officiellement retirée pour te laisser la place. Je refusais cependant d’accompagner la délégation de Suna et de son Kazekage, qui en tant que ton ami, tenait à te féliciter de vive voix, en prétextant un surplus de travail du à cet événement. Une lettre de Kakashi me détaillait précisément la cérémonie, et je me félicitais de voir, que la rumeur qui avait précipité mon départ, était morte le jour où tu avais revêtu le manteau de Kage qui depuis toujours, devait te revenir. Je t’imaginais déjà, portrait presque identique de ce qu’était ton père, arborant un sourire que tu es le seul à posséder, et dans lequel se résume tout ce que j’ai besoin de savoir. Je t’espérais heureux, mais ne pouvais noyer le sursaut de crainte qui m’étreignais, quand l’idée me venait que peut-être tu avais partagé ce moment dans l’intimité d’une autre personne que moi.

Je recevais quantité de lettres. Certaines officielles, d’autres, privées, provenant d’amis, qui tous se disaient impatients de me revoir bientôt. Des billets de Kakashi et Shikamaru me parvenaient presque toutes les semaines, des lettres de Sakura aussi, que je ne pouvais lire et que je laissais s’entasser sur un coin de mon bureau. La plaie qu’elle avait creusé en moi n’était pas encore tout à fait cicatrisée, et savoir que je trouverais dans ses lettres des excuses maladroites qui me sembleraient sûrement pathétiques et dénuées d’intérêt maintenant, m’aidait encore plus à les ignorer.

Un jour, tôt le matin, au moment où le redoux commençait à faire son apparition en calmant avec grâce le vent impétueux, deux lettres signées de ta main me parvinrent. La première était une lettre de caché, des ordres officiels d’un Kage à un subordonné exilé, l’autre, était une enveloppe jauni que tu avais du garder longtemps avant de te résoudre à me l’envoyer. Je lisais la première et puis me rendais au bureau qui m’était assigné, quelque part dans la tour qui formait l’administration de Suna. Je passais la journée à m’occuper l’esprit sans penser à cette fine enveloppe dans laquelle tu me renseignais enfin sur mon avenir, et laisser dans un coin de mon cerveau tous les souvenirs et espoirs qu’elle avait fait ressurgir. Je rentrais plus tard qu’à l’accoutumé, traînant en chemin, et attendant un moment, fébrile, devant ma porte avant d’oser l’ouvrir, comme si ta lettre eut été vraiment toi. Quand enfin à l’intérieur je me trouvais face à elle, je la prenais délicatement pour aller m’assoir dans un fauteuil confortable, qui pourrait, si l’occasion devait se présenter, me retenir dans ma chute. Je l’ouvrais, y découvrais trois minces feuilles de papier et une écriture élégante, et m’enfoncer un peu plus dans les bras chauds de mon canapé.

Sans trop savoir pourquoi, mes yeux quittèrent le morceau de papier pour aller se fixer sur le plafond devenu orangé à cause des lueurs de la lampe que j’avais allumé. Je respirais profondément, je rêvassais un peu, et puis quand je réalisais moi-même ô combien tout ce cirque était ridicule pour quelques mots couchés sur le papier, enfin je replongeais mon regard sur les lignes gracieuses que ta main avait créé.

Sasuke,
Je ne savais pas quoi t’écrire jusqu’ici, et je ne sais toujours pas. Je crois que des excuses sont inutiles, car il n’y a sans doute rien à excuser. J’ai été dur, j’ai été cruel, mais tu l’aurais été tout autant si nos places avaient été échangées, alors à quoi bon… Je ne suis pas doué avec les mots, comme toi. Je lance les choses comme elles me viennent sans y penser, alors devoir réfléchir devant une feuille de papier que tu liras bientôt me mets un peu mal à l’aise.

Je ne voulais pas que tu partes, je t’ai hais pour cela, pour m’avoir abandonné à nouveau, pour m’avoir laissé derrière, seul, encore, mais aujourd’hui je crois comprendre ce qui a motivé ton geste. Me voilà Hokage désormais, et bien plus heureux que lorsque j’ai commencé cette lettre dans l’espoir de te l’envoyer, il y a déjà deux mois. C’est peut-être par fierté que je ne l’ai pas fait jusqu’à présent, ou simplement parce que je n’avais pas encore réalisé certaines choses. Par exemple, le fait, que ce n’était sûrement pas par envie que tu étais partis dans un pays que tu hais pour sa chaleur et son sable fin et sournois, mais peut-être pour me laisser une chance de parvenir à devenir ce que je suis à présent.

J’aimerais pouvoir te dire que je suis comblé, que ton sacrifice a porté ses fruits et que tout ce que tu voulais voir arriver s’est produit, mais tu avais sûrement oublié un point important dans ton raisonnement. Et oui, Sasuke, même les Uchiwa font parfois des erreurs ! La tienne a été d’oublier que sans toi avec moi, je ne pouvais pas être parfaitement heureux. Il ne m’a manqué qu’un visage, qu’un sourire, pour que ce jour devienne le plus beau de toute mon existence, car tu n’étais pas là.

Mais, en y repensant, je pense que cet éloignement est une chance qui nous est offerte, de voir si oui ou non, nos vies ne peuvent se détacher l’une de l’autre, alors je te le dis : je vais vivre la mienne comme si je n’attendais pas ton retour, voir si dans d’autres bras je me sentirais aussi bien, pour que, lorsque tu rentreras, je sois sûr d’offrir ma vie à celui auquel elle mérite d’appartenir sans le faire par obligation pour des souvenirs que je ne voudrais pas voir disparaître. Fais-en autant ! Je veux que tu sois sûr quand tu seras de retour, que je suis à jamais celui pour qui tu es prêt à te sacrifier sans le moindre remord, c’est la seule condition à ton bonheur futur, et crois-moi il m’importe beaucoup. J’espère que tu ne prendras pas mal ce que je viens d’écrire, que tu n’y verras pas un moyen de me défiler ou quelque chose du genre.

J’habite toujours dans notre dojo, et sauf si tu me le demandes, je ne le quitterais pas, en te faisant tout de même la promesse de n’y faire entrer personne. En parlant de promesse, tu as intérêt à tenir la tienne, et à t’en souvenir, car je ne l’ai pas oublié, comme je n’ai pas oublié ce que tu m’as dit avant de partir. Le plus douloureux pour moi, lorsque tu m’as dit cela, a sans doute été de ne réaliser que trop tard ce que j’aurais du comprendre il y a bien longtemps. Un jour, alors qu’on parlait de ton frère, tu m’as dit qu’on ne réalisait la valeur d’une chose que lorsque qu’on l’avait perdue… Voilà ce que j’ai compris, ta valeur, à mes yeux. Alors, en attendant de pouvoir te rendre ces trois mots que tu m’as offert le jour de ton départ, je t’en dirais trois autres avec autant de sincérité :

Tu me manques.

Naruto.

PS : Après relecture, je ne suis peut-être pas si nul que ça avec les mots. Moi aussi je suis tombé amoureux d’une personne qui écrit aussi bien.

Je laissais s’échapper un rire amusé et ému à la lecture de cette dernière remarque, petite dose d’humour dans tant d’explications et de promesses qui réchauffaient mon âme pour me redonner la force qui malgré moi, m’avait quitté. Après un moment où je relisais ce PS une dizaine de fois avec la même expression enchantée, je laissais mes yeux s’aventurer deux lignes au dessus, sur ces trois mots qui en masquaient d’autres que je savais désormais de façon certaine, sortir un jour de ta bouche dans une suite d’accords suaves et mélodieux. Oui, tu écris vraiment bien, avec finesse, humour et sincérité, tu écris comme tu es, beau et vrai. Après encore quelques relecture, je la reposais sur une petite table basse et m’abandonnais à mon euphorie, un sentiment qui ne devait pas me quitter pendant les deux années suivantes.

Me voilà fin près maintenant, affaires emballées et déjà chargées dans le chariot qui dois les ramener en même temps que moi dans ma ville natale, où m’attends, je l’espère, celui à qui je suis désormais sûr d’appartenir de tout mon être. Je fais mes adieux à ceux qui sont devenu pendant mon exil, des amis, des collègues et des camarades que j’aime et que je respecte pour ce qu’ils sont vraiment. Je dis au revoir à Gaara, à cet autre à qui je laisse volontiers une part de ton cœur qui lui est consacré car il est ton frère et que je l’aime comme tel. Je monte dans l’attelage qui bientôt se met en route, me sentant tout de même ridicule dans cette boite à roulette pompeuse, à laquelle mon présent rang a le droit. Le chemin va être plus long que si je l’avais fait seul, à pied, mais après plus de deux ans passé loin de ceux qui composent la symphonie de ma vie, quelques jours de plus ne sont que quelques grains de sable que l’on laisse s’échapper. L’image de Suna qui s’éloigne en arrière plan se superpose au souvenir de mon départ de Konoha, et à un degré certes différent, je me sens tout de même peiné de quitter ce village d’adoption qui m’a laissé entrevoir quelques uns de ses trésors.

Je me remémore les mois qui ont suivi l’arrivée de ta lettre, mon assiduité au travail, les rencontres qui se sont multipliées, et cette jeune fille aux yeux violacés que je laissais un moment partager mon quotidien. Elle s’appelait Niva, une belle muse du pays du vent, aussi insaisissable que le sable qui le recouvre et aussi magnifique que l’aurore qui s’y lève. Je l’avais sans doute aimée, pendant un temps, ou plutôt j’avais essayé, au fur et à mesure qu’elle me montrait sa flamme avec plus de ferveur. Mais au final, elle avait compris que quelque chose ou quelqu’un me rattachait à jamais à Konoha, et qui si elle pouvait aisément avoir mon corps, lui abandonner mon cœur m’était impossible. Nous nous étions quitté sans aucune animosité, trop respectueux, nous étions resté bons amis. Il y en avait eut d’autres après, des jeunes filles de Suna que je laissais entrer dans mon lit pour quelques heures ou quelques jours, mais jamais l’une d’entre elles, n’avait pu par ses caresses, effacer le souvenir des tiennes dont mon corps portait encore d’invisibles cicatrices d’une douloureuse douceur.

Toi aussi de ton côté, comme en avait un jour fait mention dans une lettre mon cher Shikamaru, tu avais trouvé pour un temps d’autres bras pour te perdre. C’étaient ceux d’une jeune fille que nous connaissions bien, ceux d’une Hyuuga qui depuis toujours t’avais aimé et chéri de loin, rougissant à chaque fois que tes lèvres se mouvaient pour elle ou qu’elle apercevait ta silhouette au loin. Elle était déjà belle avant mon départ, et j’imagine qu’elle l’était devenue d’autant plus avec toi à son bras. Je n’avais pu en apprendre plus de ta main, car lorsque enfin, j’avais répondu à ta lettre, c’était pour te dire que j’avais compris, que cette réponse serait le seul billet que tu recevrais de moi avant mon départ, et que nous ne devions plus communiquer pour que nos sentiments deviennent des certitudes. C’est par Kakashi que j’apprenais la fin de votre histoire, là encore, sans scandale. Elle t’avait laissé pour un autre, pour Hagane Kotetsu, devenu Anbu depuis mon départ, et intégré à ta garde depuis peu. Il me disait aussi, que tu avais semblé soulagé de cette rupture, et j’y voyais déjà la promesse de retrouvailles pleines d’émotions et de tendresse entre toi et moi.

Tous ces souvenirs desquels tu es physiquement absent, portent pourtant tous la marque du souvenir que je gardais de toi. Chaque jour, sans m’en rendre vraiment compte, je gardais en mémoire des choses que je te dirais à mon retour, je photographiais dans mon esprit des endroits qu’un jour je voulais voir avec toi et me trouvais des amis qui avaient tous un petit quelque chose de toi. Deux ans, à voir défiler d’abord vite et puis trop lentement les jours, à naviguer entre la certitude et la résolution de tenir, et le doute, la crainte que tu m’ais oublié. Deux ans à t’imaginer changé et à la fois semblable, deux ans dans tes bras alors qu’ils étaient bien loin, deux ans à attendre l’écho de ta voix entamer son chant dans les tréfonds de ma mémoire que je laissais m’inonder quand la lutte était impossible. Deux ans insupportable d’une vie qu’on sait durer encore et ne finir jamais si elle est vécue aux côtés de celui que l’on chérit, deux ans qui un jour seront des souvenirs lointain au cœur des moments parfaits de bonheur que nous aurons mis bout à bout pour former la trame de nos vies passées ensemble.

Voilà à quoi je pense, au milieu des ruades désordonnées qu’entame ma voiture alors que nous abordons un chemin chaotique qui doit nous faire gagner quelques heures. Je suis oppressé par les espoirs que je formule presque à voix haute et qui peut-être se faneront à peine mon pied posé sur les dalles de l’entrée du village. La route se poursuit et je pense encore et toujours à tout ce que j’ai traversé pour arriver à ce jour que depuis deux ans j’appelle de mes vœux. Le soir venu, je ne peux dormir, alors que les deux hommes se relaient pour que jamais l’on ne s’arrête. Je suis comme un enfant excité le soir du réveillon, qu’il attend depuis l’année entière et qu’il veut vivre jusqu’au matin en attendant la prochaine nuit où il pourra de nouveau trépigner d’impatience devant les cadeaux qui s’entassent au pied du sapin.

Je nous revois toi et moi, abrités dans une grotte durant un hiver froid pendant une mission de routine que nous vivions comme un jeu. Ce soir là, tu étais venu de toi-même me rejoindre dans mon lit de fortune, et nous avions regardé au matin, l’aurore pointé son nez sur une forêt qui la nuit semblait bien inhospitalière, mais qui se nimbait désormais de beauté et de poésie. Ce rituel était devenu notre coutume, un moment rien qu’à nous où, pendant quelques instants, nous laissions flotter autour de nous une sensation de béatitude qui nous faisait nous rapprocher l’un de l’autre sans que nous en ayons conscience. J’ai vécu depuis ce jour, chaque levé de soleil comme un miroir de cette nuit ou pour la première fois, ton corps avait vraiment voulu le mien, ou il s’était meut sans honte pour se l’approprier. Je te vois encore me regarder comme si ce fut la première fois que tu pouvais lire dans mes yeux tout l’amour qu’ils renfermaient pour toi, je te vois encore, presque pétrifié par leur lueur de joie et de plaisir mêlé, sans pourtant reculer ou me fuir. C’est surement ce jour là que tu as compris que quoi que tu fasses et où que tu ailles, je serais toujours la seule personne à te suivre jusqu’au bout. C’est ce jour là aussi, que tu as arrêter d’agir le jour comme si rien ne s’était passé la nuit, et que tu as commencé à te livrer à moi sans te cacher derrière des sourires faussement assurés et faussement heureux.

Je me réveille lorsque ma tête vient heurter la paroi en bois de ma prison roulante qui vient de passer sur une pierre sans doute plus imposantes que toutes celles que nous écrasons depuis notre départ de Suna. J’inspire longuement, laissant mes narines apprécier les nuances subtiles des senteurs qui forment une forêt d’arbres imposants juchés sur un sol humide et vert. Ca y est, nous approchons, cette forêt est la mienne, c’est celle qui borde Konoha et dans laquelle je me perdais enfant. Je passe ma tête par la fenêtre, moins pour laisser le vent caresser mon visage encore endormie, que pour admirer ce paysage familier dont chaque variation m’est un souvenir. Après encore une dizaine de minutes, nous voilà sur la route principale, avançant maintenant sans encombre vers les portes du village qui se dresse comme deux bras qui viendraient m’étreindre pour me souhaiter la bienvenue. Je crois ne l’avoir jamais trouvé aussi beau, ce village, baigné par un halo de lumière rasante en cet été qui s’entame dans le vert éclatant des arbres et la palette sans fin des fleurs et des baies. Je sais bien que je souris, bêtement sans doute, submergé par une vague de sentiment que je ne peux d’écrire et qui me glacent comme ils me réchauffent.

Cette image parfaite et presque statique, incarne une fin que j’attendais depuis bientôt trois ans, mais aussi le début de quelque chose de nouveau. Une nouvelle ère pour moi, bonne ou mauvaise soit-elle, mais en tout cas, la certitude de ma vie qui recommence à nouveau. Je réalise enfin, je crois, qu’il y a plus que ta présence qui me rapproche de ce village. Je comprends en le voyant s’approcher, que ce sera toujours ici qu’est ma place, qu’en ayant perdue une famille que le destin m’avait octroyé, j’en ai choisi une autre plus diversifiée, plus vraie, et presque plus cher à mes yeux pour tout cela.

Enfin, je vois ton visage apparaître, gigantesque et statique, dont la sculpture est encore inachevée dans la roche, mais dont la fidélité encore sommaire, me renvoi l’image de tes traits comme rarement depuis bien trop longtemps. Je me laisse submerger par ce que ce ciselage délicat réanime dans mon être sans même essayer d’en réprimer le flot puissant. Je laisse mon cœur battre de plus en plus vite, laisse mes yeux s’accrocher à chaque détail que cette esquisse me projette et c’est au bord des larmes que je passe les portes du village dans mon cloaque étouffant dont j’aimerais m’extirper pour courir à ta rencontre. Enfin le cortège qui m’accompagne s’arrête, et d’une main tremblante, je pousse la porte qui me retient encore prisonnier, pour m’engouffrer au dehors et tirer un long trait d’air d’une étonnante pureté. Je regarde les rues qui partent dans des directions opposées, toutes remplies de trésors que ce village abrite. Le chariot qui contient mes affaires s’éloigne pour se rendre au quartier que mes ancêtres ont bâti, et je le regarde partir sans savoir si je dois le suivre et si tu seras chez nous. Et puis, j’entends derrière moi une voix familière et chaleureuse, et sans même m’être retourné, je souris déjà à mon sensei qui s’approche, mimant gauchement l’indifférence mais dont les yeux scintillent de joie lorsque nous nous trouvons face à face. Avec lui, quelques pas derrière, je vois venir vers moi des visages dont le manque ne m’avait pas paru si grand avant de les revoir. Shikamaru marche vite, un sourire plaqué sur le visage, aux côtés de Temari, aussi belle que dans ma mémoire et plus encore avec son ventre arrondie par le présage d’un bonheur futur.

Je dois sûrement avoir prit une mine surprise car c’est en riant que le Nara me prend dans ses bras en me lançant un « eh oui ! » à l’oreille. Temari m’embrasse comme le ferait une sœur, Kiba me serre la main avec force et chaleur, Ino et Sai me saluent avec plus de discrétion, et s’éloignent ensuite de quelques pas l’un à côté de l’autre. Le printemps cette année en a donc rapproché plus d’un.

Nous parlons tous de tout et de rien sur le chemin qui nous conduit chez l’Hokage. Je ne sais pas s’ils savent tous ce qui un jour nous a uni toi et moi, mais ton nom est au centre de nos conversations. Ils me disent combien tu es fort, juste, et grand dans ton rôle. Ils me font part de leur fierté de t’avoir pour Hokage, de leur admiration, et de celle des nouvelles recrues de l’académie pour qui tu es à présent une sorte d’objectif à atteindre. J’apprends par eux, que Konoha recueille désormais les orphelins des pays voisins, victimes des guerres qui font encore rage, et qu’aujourd’hui ton histoire est apprise par les étudiants. Ton père incarne pour eux le dévouement à son village, et son fils, la volonté du feu qui réside chez tous les shinobis de Konoha comme nous le disait souvent le troisième avant de s’éteindre en voulant tous nous protéger.

Enfin nous arrivons devant la porte de ton bureau, mon cœur bat la chamade, mes entrailles sont serrés, et j’ai presque envie de fuir tant cette rencontre me fait peur. Mais devant moi, les portes s’ouvrent, et Shika me devancent en entrant en riant alors que Kakashi le suit, et que les autres me saluent en s’éloignant. Je suis mes deux amis, dans ce bureau semblable à ce qu’il a toujours été, et pourtant bien différent que dans mes souvenirs.

-Hokage-sama, déclare Kakashi, avec fierté et une pointe d’ironie, en fermant derrière lui la porte, nous t’avons ramené un ambassadeur perdu.

Je ne te vois pas, ton fauteuil est tourné vers la baie vitrée derrière toi, et tu contemples sûrement ton village et veille ses habitants comme un père. Lentement, je vois le dossier se tourner, et ton profil m’apparaître, puis, il se dessine entièrement jusqu’à ce que tu me fasses pleinement face. C’est un choc qui naît dans mes yeux et dont les répliques parcourent mon corps, je mets du temps avant de te retrouver dans cet être qui me fait face. Tes sourcils sont froncés, faisant de tes yeux bleus, des billes magnifiques qui illuminent ce visage soucieux, tes cheveux sont un peu plus long, des mèches dorées retombant mollement autour de ton visage alors qu’ils se livrent une bataille désorganisée sur le dessus de ton crâne. Nos yeux se fixent et nous ne disons rien, peut-être doutes-tu autant que moi, peut-être, es-tu plus sûr de ce que tu vas m’infliger. Je vois un sourire apparaître sur ta bouche pleine et rosée, faire de ton visage, une œuvre d’art dont le dessin parfait est un chef d’œuvre et animer en moi cette envie que j’ai depuis trop longtemps de la caresser de la mienne. Tu te lèves lentement de ton fauteuil et marche vers moi avec autant de langueur, alors que nos deux amis se tiennent immobiles et silencieux, spectateurs ébahis devant nos retrouvailles. Et puis tu accélères et vient me prendre dans tes bras.

Je perds pieds dans la chaleur de tes bras contre moi, je te serre à mon tour et plonge ma tête dans ton cou, alors que tes mains que caressent le dos dans des gestes plus amicaux qu’affectueux. Es-tu gêné, ou ne suis-je maintenant plus qu’un ami eu tu es heureux de retrouver après une longue séparation ?

-Ça fait du bien de te retrouver, me dis-tu en t’éloignant.

-Félicitations, Rokudaime hokage-sama, dis-je sur le même ton.

Nos poursuivons nos échanges devant le regard médusé et presque déçu de nos amis, qui nous contemplent sans comprendre. Ils prennent part à la conversation, et bientôt nous n’avons plus rien à dire. Ce moment que j’attendais depuis presque trois ans me semble ridicule, et je me sens pathétique d’y avoir attaché tant d’importance et d’y avoir accroché tant d’espoir.

-Tu dois être fatigué, me dis-tu après un silence. Tu devrais rentrer au clan pour te reposer et déballer tes affaires, je te rejoindrais plus tard, j’ai quelques petites chose à régler.

Je me lève et commence à m’éloigner vers la porte.

-Je vais venir accompagner, rajoutes-tu, avec un sourire que je ne comprends pas. Il y a quelqu’un que j’aimerais que tu rencontres.

Étrangement, Shikamaru et Kakashi paraissent soulagés en t’entendant me dire cela, alors que moi je me désintègre de l’intérieur. Shikamaru me propose de m’accompagner, mais je refuse poliment, en masquant avec talent la tristesse que j’éprouve en quittant la pièce. Elle me suit et grandit au fur et à mesure que mes pas m’éloignent de toi. J’erre dans les rues de Konoha sans arriver à me résoudre à aller t’attendre chez nous, pour rencontrer celle ou celui qui a pris ma place à tes côtés. Ainsi, je traîne pendant quelques heures, rencontrant à chaque pas un visage connu, qui me salut et me sourit comme si je n’étais jamais parti. Et puis, mes pas me guident sans que je ne réalise vers le quartier Uchiwa, partie invariable d’une ville qui évolue malgré son apparent statisme. Le dojo que nous occupions, n’a presque pas changé d’extérieur, sauf quelques fleurs qui grimpent sur les murs. J’entre, enfin. Tu es déjà là, assis sur le canapé qui est toujours le même qu’avant mon départ.

-Enfin ! dis-tu moins irrité qu’inquiet. Tu t’es perdu ? Bon restes là, je vais le chercher.

Je souris faiblement à cette remarque, voulant te hurler que je ne veux pas savoir qui m’a remplacé. En voulant éviter tes yeux, mon regard parcours la pièce, dans laquelle nous avons vécu tant de moments merveilleux. Soudain, quelques cadres attirent mon attention. J’y vois des photos de moi, de nous, un sanctuaire dédié à notre vie passé, et qui me rappelle celui que j’avais à Suna. Je parcours la pièce physiquement, alors que m’apparaissent des choses que je n’avais pas vu, comme cette couverture dont je m’entourais souvent le soir et que tu as gardé pliée sur une chaise sur laquelle trônent d’autres de mes affaires que j’avais oublié en partant. Et puis, des pas dans le couloir me ramènent à la réalité, alors que je suis encore dans l’incompréhension totale devant l’écart entre ta réaction, et la vérité sur tes sentiments dont toutes ces reliques témoignent.

-Sasuke ! J’aimerais que tu rencontres quelqu’un.

Je me tourne, fébrile.

-Sasuke, voici, Keisuke Mibu, Keisuke, voici Sasuke Uchiwa.

Devant mes yeux incrédules, se dresse, un garçon d’une dizaine d’années, blond aux yeux verts, affublé d’un sourire qui fait écho au tient à ses côtés.

-Tu es vraiment le dernier Uchiwa ? me demande le marmot aussi surpris que moi.

-Euh… Oui…

-C’est génial ! Alors tu disais la vérité Nii-san ? ajoute-t-il en se tournant vers toi.

-L’Hokage de Konoha ne ment jamais, réponds-tu en souriant, à moi plus qu’à lui.

Et puis, après quelques mots à son Nii-san, l’enfant nous quitte pour aller s’entraîner, et je reste sans comprendre ce qu’il vient de se passer sous mes yeux.

-Alors ? Demandes-tu devant mon silence, en sortant sur la terrasse sur laquelle tu t’assois.

-Euhh… Il est peut être un peu jeune pour toi, dis-je en m’asseyant à tes côtés. Pourquoi ne pas m’avoir dit tout de suite, que c’était un enfant que tu voulais me rencontrer ?

Sans en prendre conscience, je m’énerve sur cette question.

-J’ai cru que…

-Tu as cru que j’allais te présenter mon nouveau « grand amour » ? Ne me regarde pas comme ça ! Prends ça pour une petite vengeance… Et puis tu aurais du savoir que je ne pouvais pas te présenter une telle personne…. Et même si c’est très mielleux, c’est toi mon « grand amour »…. Je t’aime Sasuke.

Je reste coi, alors que tu regardes devant toi et que tu étouffes un fou rire, qui me prend à mon tour. Notre rire éclatant s’échappe dans un même son.

-Putain je n’arrive pas à croire que je viens de dire cela ! Dis-tu en pleurant de rire.

-Moi je crois que je préfère encore quand tu ne dis rien sur ce que tu ressens !

Nous rions ensemble, tu me serres dans tes bras et nous nous embrassons, comme si rien ne c’était passé, comme si nous ne nous étions jamais quitté.

(1)Extrait d’une lettre d’Alfred de Musset à Georges Sand.





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